E

Conseil Économique

et Social

 

Distr.

GÉNÉRALE

 

E/C.12/2002/SR.33

13 janvier 2003

 

Original: FRANÇAIS

 

 

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 33e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mercredi 13 novembre 2002, à 15 heures

Présidente: Mme BONOAN‑DANDAN

 

SOMMAIRE

 

 

 

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)       RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

                   Quatrième rapport périodique de la Pologne

 

______________

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

          Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)       RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Pologne [(E/C.12/4/Add.9); document de base (HRI/CORE/1/Add.25/Rev.1); observations finales du Comité sur le troisième rapport périodique (E/C.12/1/Add.26); liste des points à traiter (E/C.12/Q/POL/2); profil de pays (E/C.12/CA/POL/2); réponses écrites du Gouvernement polonais (HR/CESCR/NONE/2002/6)].

1.       Sur l'invitation de la Présidente, la délégation polonaise prend place à la table du Comité.

2.       La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation polonaise et l'invite à présenter le quatrième rapport périodique de l'État partie.

3.       M. JAKUBOWSKI (Pologne), dit que son gouvernement attache une grande importance à l'examen par le Comité du quatrième rapport périodique. Donnant un aperçu de la situation économique en Pologne, il note avec regret que, en dépit des efforts déployés par les gouvernements successifs, le taux de chômage dépasse encore 17 %. Trente pour cent des chômeurs sont des jeunes gens. Plus de 80 % des chômeurs ont épuisé leur droit aux allocations de chômage. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette situation: un ralentissement de la croissance économique, le nombre important de nouveaux diplômés et la fin des aides sociales globales. Parmi les mesures prises pour faire face à cette situation, le Gouvernement a mis en place, en 2000, la Stratégie nationale pour la croissance de l'emploi et le développement des ressources humaines pour les années 2000‑2006 et, en janvier 2002, a adopté un programme intitulé Entreprenariat‑Développement‑Travail. Le Gouvernement applique en outre un train de mesures anticrise dans le domaine du marché du travail et de la protection des emplois. Il prépare le pays à recevoir des fonds structurels de l'Union européenne (UE) pour lutter contre le chômage.

4.       Les modifications apportées au Code du travail en 1996 garantissent l'égalité des droits pour un travail égal et interdisent toute discrimination fondée sur le sexe, l'âge, le handicap, la race, la nationalité, les convictions ou l'appartenance syndicale. En novembre 2001 a été institué le Commissariat du Gouvernement chargé de l'égalité entre les hommes et les femmes, dont les compétences ont été étendues, depuis le 1er juillet 2002, à la lutte contre les discriminations fondées sur la race, l'origine ethnique, la religion et les convictions, l'âge et l'orientation sexuelle. Par ailleurs, le Gouvernement a établi une liste révisée des emplois considérés comme nuisibles à la santé des femmes. Le Parlement étudie actuellement un projet de loi sur l'égalité des hommes et des femmes (projet déjà approuvé en commission), qui prévoit entre autres la création d'un bureau de l'égalité entre les hommes et les femmes, une participation égale des hommes et des femmes aux organismes paritaires ainsi que la parité sur les listes de candidature aux fonctions électives. À la demande du Commissaire du Gouvernement, une procédure a été engagée en vue de la ratification du protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que la ratification du protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

5.       Depuis le 1er janvier 1999, suite à une réforme administrative, les activités liées à la réinsertion professionnelle et à l'emploi des personnes handicapées ont été décentralisées. Plusieurs nouveaux programmes sont mis en œuvre dans ce domaine. En 2002, le Commissaire du Gouvernement chargé des personnes handicapées a élaboré un projet de modification de la loi du 27 août 1997 relative à la réinsertion professionnelle et sociale et à l'emploi des personnes handicapées. Cet amendement, outre qu'il vise à harmoniser la législation avec les normes européennes, a pour but de modifier les modalités d'aide à l'emploi des personnes handicapées. Les préparatifs en vue de la ratification de la Convention n° 159 de l'OIT concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées touchent à leur fin. Dans le domaine syndical, il est à signaler qu'en 1998, l'application de la loi sur les syndicats a été étendue aux fonctionnaires des douanes.

6.       Depuis le 1er janvier 1999, une nouvelle législation sur la sécurité sociale est en vigueur en Pologne. Le système par répartition qui existait précédemment était devenu ingérable; concrètement, la protection sociale n'a pas été réduite, mais de nouvelles sources de financement des prestations de sécurité sociale ont été recherchées. Ainsi, un système de «deuxième pilier» a été mis en place, qui est un système d'assurance sociale fondé sur la capitalisation. Afin de préserver les droits acquis, la nouvelle formule ne s'applique qu'aux personnes nées après 1948. Dans la perspective de l'adhésion à l'UE, la Pologne a accepté notamment le principe de la coordination des systèmes de sécurité sociale.

7.       Les services sociaux ont également été revus de fond en comble. En vertu de la loi sur les services sociaux, modifiée en 2000, un programme d'aide aux réfugiés a été mis en place. En application de la loi du 29 décembre 1998 qui porte sur la mise en œuvre de la réforme administrative de l'État, le placement des enfants dans les familles d'accueil a été transféré des services de l'éducation aux services sociaux. L'objectif est d'instituer un système de protection de l'enfance qui soutienne la famille naturelle, encourage le placement des enfants dans les familles d'accueil et réduise le rôle des foyers pour enfants. En 2001, le Ministère du travail et le Ministère de l'éducation et du sport ont créé un programme alimentaire pour les enfants des régions dans lesquelles le taux de chômage est élevé et des zones rurales. Le Gouvernement envisage une rationalisation du système des aides et des services sociaux.

8.       Dans les années 1995‑1998, plusieurs initiatives ont été lancées en vue d'améliorer le niveau de vie en Pologne. Depuis 1998, on constate une augmentation du nombre des logements construits. Les efforts déployés pour accroître l'offre de logements à loyer modéré ont porté leurs fruits. Une nouvelle législation sur la protection des locataires a été introduite en 1998, qui renforce la protection des locataires contre les expulsions forcées. M. Jakubowski rappelle que lors de l'examen du précédent rapport périodique, le Comité s'était enquis des mesures en vigueur pour protéger les locataires contre les expulsions forcées. On estime à environ 40 000 le nombre des sans‑abri en Pologne. Face à ce problème, le Gouvernement a mis en œuvre depuis 1994 divers programmes et mesures, aussi bien de caractère préventif qu'à des fins d'aide et de protection.

9.       En matière de démographie et de santé, il est à signaler que le taux de croissance démographique a augmenté de 0,3 ‰ en 2000 et que l'espérance de vie a augmenté aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Au cours des dernières années, la mortalité due aux maladies cardiovasculaires a diminué grâce aux efforts faits par les autorités polonaises pour améliorer les services de cardiologie et de cardiochirurgie. Les services de cardiochirurgie infantile qui existent en Pologne sont réputés dans toute l'Europe. Cependant, le taux de morbidité cardiovasculaire demeure inchangé, en raison notamment de mauvaises habitudes alimentaires, du manque d'activité physique et de la consommation de tabac.

10.     On constate depuis 2000 une diminution de la consommation d'alcool chez les jeunes. Une loi entrée en vigueur en 2001 criminalise la vente d'alcool aux mineurs. Différentes formes d'aide contre la dépendance ont été mises en place. Un programme interdisciplinaire de lutte contre le tabagisme a donné de bons résultats. Depuis la fin de l'année 2001, la promotion et la publicité du tabac ont été entièrement interdites.

11.     Depuis les quatre dernières années, la Pologne s'emploie à mettre en œuvre une politique de défense de l'environnement. Cette politique, fondée sur le principe du développement durable, vise à améliorer les lois polonaises en matière d'environnement et à harmoniser la législation nationale avec le droit européen. Concrètement, la qualité de l'air de certaines régions fortement polluées a été améliorée. En particulier, grâce à la coopération des autorités polonaises, allemandes et tchèques, les émissions de polluants dans ce que l'on appelait le «triangle noir» ont été considérablement réduites.

12.     La réforme du système éducatif est en cours depuis septembre 1999. Les changements visent à améliorer le niveau éducatif de la population en assurant l'accès de tous à l'enseignement secondaire et supérieur et en renforçant l'égalité des chances des enfants. Parmi les mesures mises en œuvre, on peut citer l'introduction d'un système de bourse et d'un programme d'aide aux parents, la promotion de l'intégration des enfants ayant des besoins particuliers et le développement de l'enseignement des langues étrangères et de l'accès à Internet au même titre dans les écoles urbaines et rurales. La réforme comporte cinq grands volets: décentralisation de la gestion des établissements scolaires; restructuration des établissements scolaires; refonte des programmes; modification du système des examens; et remaniement du système de promotion des enseignants. Le système de formation et d'évaluation des enseignants est également entièrement repensé et les modifications seront introduites par plusieurs lois actuellement à l'étude.

13.     Dans le domaine des droits culturels, le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication ainsi que des médias électroniques ont considérablement élargi l'accès de la population à la culture et à la science. Ces avancées ont suscité des problèmes en matière de droits de la propriété intellectuelle. À cet égard, la législation polonaise intégrera les normes européennes au plus tard à la date d'adhésion de la Pologne à l'UE. L'efficacité des services de l'État qui luttent contre les violations des droits de la propriété intellectuelle et autres droits associés a également été améliorée. Par suite d'un redécoupage administratif du pays, la compétence des collectivités locales dans le domaine culturel a été élargie et un nouveau mode de financement des activités culturelles a été mis en place.

14.     En conclusion, M. Jakubowski, rappelant la demande exprimée par le Comité dans ses observations finales adoptées à la suite de l'examen du troisième Rapport périodique (E/C.12/1/Add.26), fait part des mesures prises par le Gouvernement polonais en vue de ratifier plusieurs conventions de l'OIT. La ratification de la Convention no 159 est imminente et la Convention no 176 a été ratifiée le 18 mai 2001. La loi portant ratification de la Convention no 102, sera présentée d'ici la fin de l'année. Compte tenu de certaines modifications dans la législation polonaise, il est nécessaire d'harmoniser les dispositions nationales avec la Convention no 97 avant de ratifier celle‑ci. Le processus d'incorporation des dispositions des Conventions de l'OIT dans le système législatif polonais a été un élément important de l'activité normative nationale.

15.     La PRÉSIDENTE remercie le chef de la délégation polonaise pour sa déclaration liminaire qui contient de précieux renseignements et tient compte des suggestions et recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique de la Pologne.

Articles 1er à 5 du Pacte

16.     M. MALINVERNI, rappelant la question no 1 de la liste des points à traiter, demande si les dispositions du Pacte peuvent être invoquées par les citoyens polonais devant les instances judiciaires. Dans leurs réponses écrites, les autorités polonaises indiquent seulement que la pratique judiciaire ne révèle aucun cas de ce type. La Pologne étant partie au Pacte depuis 1977, cela pourrait signifier que les tribunaux polonais ne considèrent pas les dispositions de ce dernier comme directement applicables ou que les citoyens polonais ne sont pas suffisamment informés de leurs droits.

17.     M. Malinverni souhaite par ailleurs connaître la position du Gouvernement polonais à l'égard du projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte. En outre, constatant que les paragraphes 63 et suivants du document de base portent essentiellement sur les droits civils et politiques, il espère que les autorités polonaises accordent la même attention aux droits économiques, sociaux et culturels.

18.     Enfin, dans la perspective de l'article 2 du Pacte, M. Malinverni voudrait connaître le bilan, après deux années de mise en œuvre, du programme entrepris en vue de mieux intégrer les réfugiés à la société polonaise.

19.     M. MARCHAN ROMERO se demande si le fait qu'aucune affaire relative à la non‑exécution du Pacte n'ait été portée devant les tribunaux ne serait pas lié à l'insuffisance des crédits alloués au système judiciaire et au manque de confiance de la population à l'égard de la magistrature.

20.     M. SADI souhaiterait savoir dans quelle mesure les autorités polonaises tiennent compte des observations finales du Comité ainsi que des observations générales de ce dernier sur les droits fondamentaux énoncés dans le Pacte (droit à la santé, à l'éducation, au logement…). Il demande par ailleurs si les trois étapes délicates que la Pologne a franchies en quelques années, à savoir la fin du communisme, le début de la privatisation et les préparatifs en vue de l'adhésion à l'Union européenne, ont amoindri les capacités du pays de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

21.     M. RIEDEL rappelle que dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique de la Pologne (par. 10), le Comité s'était félicité que la Pologne ait conclu un traité avec l'Allemagne en vue de protéger les droits de la minorité allemande, mais avait noté qu'elle n'avait pas signé de traité analogue concernant les autres minorités et que cette situation risquait d'entraîner des inégalités. Il prie la délégation de préciser si les choses ont changé.

22.     M. KOLOSOV dit que quelques années auparavant, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a constaté en Pologne un vide juridique favorisant la propagation d'idées racistes et xénophobes et s'est inquiété de l'augmentation du nombre de cas de mauvais traitements infligés aux membres de minorités, y compris par des policiers. Il demande ce qui a été fait pour remédier à cette situation déplorable.

23.     M. ATANGANA, signalant que l'État partie n'a pas répondu à la question no 5 de la liste des points à traiter, demande si le projet de loi relatif à l'égalité entre les sexes a été adopté et, le cas échéant, s'il a déjà motivé des décisions de justice.

24.     M. THAPALIA dit que la Constitution polonaise interdit toutes les formes de discrimination, mais que dans les faits, plusieurs groupes de la société, en particulier les minorités juive et rom et les femmes, ne reçoivent pas un traitement équitable, par exemple sur le marché du travail. Les actes de violence racistes ou xénophobes sont également très préoccupants.

25.     M. WIMER ZAMBRANO souligne que la Pologne n'est pas le seul pays européen à connaître un courant de racisme et de xénophobie. Ce phénomène est exacerbé par les flux massifs de migrants qui séjournent plus ou moins longtemps sur le territoire polonais avant de se rendre en Allemagne, par exemple, pour y chercher un emploi. M. Wimer Zambrano souhaite savoir si le Gouvernement polonais a pris des mesures concrètes pour protéger les personnes exposées.

26.     M. HUNT demande si le Commissariat pour les droits de l'enfant, dont il était question au paragraphe 5 des observations finales du Comité, a finalement été institué. Il souhaiterait également savoir si l'État partie a élaboré un plan national pour la protection des droits de l'homme, conformément aux engagements énoncés au paragraphe 71 du Programme d'action de Vienne et, développant la question posée par M. Sadi, demande si des initiatives ont été prises pour prendre pleinement en compte les droits économiques, sociaux et culturels dans l'élaboration des politiques et programmes, notamment au Ministère du travail et de la protection sociale. Enfin, la Commission pour la protection des droits civils, dont le mandat, défini dans la Constitution, a été étendu aux droits économiques, sociaux et culturels, peut saisir indifféremment le Tribunal constitutionnel ou la Cour suprême. Cela ne risque-t-il pas d'aboutir à des divergences d'interprétation de ces droits?

27.     Mme BARAHONA RIERA souhaiterait savoir si les traditions religieuses constituent un obstacle à l'égalité entre les sexes, ou ont au contraire une influence positive.

28.     M. JAKUBOWSKY (Pologne) assure les membres du Comité que l'absence d'affaires dans lesquelles le Pacte a été invoqué ne signifie aucunement que la Pologne ne s'acquitte pas de ses obligations en vertu dudit instrument. Durant les 10 années qui ont précédé, l'État polonais a très souvent fait l'objet de plaintes invoquant l'essence, sinon la lettre, du Pacte. Il est à noter que les plaignants l'ont emporté à maintes reprises, ce qu'il faut considérer comme un signe positif.

29.     Mme GUZELF (Pologne) dit que le Pacte ne peut pas être utilisé directement comme fondement juridique devant les tribunaux, mais que la Constitution garantit les droits économiques, sociaux et culturels essentiels. Deux instances sont habilitées à veiller au respect de la Constitution: le Tribunal constitutionnel et le Commissaire du Gouvernement chargé des droits civils. Celui‑ci, les parlementaires et des groupes de citoyens peuvent, lorsqu'ils estiment qu'une disposition législative ou réglementaire est contraire aux droits énoncés dans la Constitution, saisir le Tribunal constitutionnel, lequel peut abroger cette disposition s'il la juge anticonstitutionnelle.

30.     La loi sur la sécurité sociale a notamment pour objet d'assurer l'égalité des hommes et des femmes. Toute personne qui estime que ses dispositions ont été violées peut saisir la justice.

31.     Mme PINDOR (Pologne) dit que les ateliers protégés qui emploient des personnes handicapées sont une illustration concrète de la mise en œuvre des dispositions du Pacte. La loi sur l'insertion professionnelle des handicapés exempte ces ateliers d'un certain nombre d'impôts afin de favoriser leur développement.

32.     M. JAKUBOWSKI (Pologne) dit que l'apparente inégalité de traitement entre, d'une part, les droits économiques, sociaux et culturels et, d'autre part, les droits civils et politiques peut s'expliquer par des raisons historiques. En effet, sous le régime communiste, les forces démocratiques mettaient l'accent sur le respect des droits civils et politiques, qu'elles considéraient comme une condition sine qua none de la mise en œuvre des autres droits, notamment les droits économiques, sociaux et culturels. Cette apparente suprématie des droits civils et politiques devrait disparaître avec l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne.

33.     S'agissant de l'immigration, il convient d'indiquer que depuis quelques années, la Pologne, comme d'autres pays d'Europe orientale, n'est plus seulement un pays de transit, mais est devenu un pays où des immigrants s'établissent. Dans l'ensemble, cette expérience est positive et, malgré certaines difficultés, ces immigrants contribuent grandement au développement de la Pologne.

34.     Mme WYRWICKA (Pologne), abordant la question des réfugiés, dit que les demandeurs d'asile sont pris en charge au plan local par des équipes de travailleurs sociaux qui, en collaboration avec les municipalités, aident ces personnes à trouver du travail. Les demandeurs d'asile reçoivent également une aide financière, une aide au logement et peuvent suivre des cours de polonais. À ce jour, environ 1 100 personnes ont obtenu le statut de réfugié (le droit d'asile a été accordé à 78 personnes en 2000, à 296 en 2001 et à environ 300 en 2002). Des travailleurs sociaux sont actuellement formés pour répondre aux besoins spécifiques des réfugiés.

35.     Mme LOZINSKA (Pologne), abordant la question de l'égalité de traitement des hommes et des femmes, dit que le nouveau code du travail interdit toute discrimination fondée sur le sexe. En outre, en cas de plainte pour discrimination fondée sur le sexe, c'est à l'employeur qu'il incombe d'apporter la preuve qu'il n'a pas agi de manière discriminatoire. Le Code du travail contient également d'autres dispositions visant à combler le fossé entre la théorie et la pratique en matière d'égalité entre les sexes. Par ailleurs, le Parlement devrait adopter prochainement un projet de loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes, qui porte sur tous les secteurs de la vie sociale et qui devrait constituer un jalon capital sur la voie de l'égalité entre les sexes.

36.     En matière de rémunération, il est exact que pour le même travail, un homme peut gagner jusqu'à 20 ou 30 % de plus qu'une femme. Une enquête a été menée pour mieux cerner les causes de cet écart et aider à trouver les moyens de remédier à cette situation. Le nouveau code du travail impose désormais à l'employeur le respect du principe «à travail égal, salaire égal» et, en matière de rémunération, interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Il est également exact que les femmes sont les premières victimes des licenciements. Certaines dispositions du nouveau code du travail devraient permettre de lutter contre cette pratique.

37.     Le Commissaire du Gouvernement chargé de l'égalité entre les hommes et les femmes met en œuvre un programme national qui vise à assurer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui concerne l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Malheureusement, du fait des nombreux changements de gouvernement à la tête du pays, ce programme national n'a pas reçu toute l'attention voulue. L'élaboration de la seconde version de ce programme est sur le point d'être achevée et sera présentée au Conseil des ministres à la fin de l'année 2002 ou au début de l'année 2003. Cet organisme peut adresser au Gouvernement des recommandations concernant les dispositions réglementaires ou législatives qu'il conviendrait d'adopter et organise des séminaires et des conférences sur l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment dans le domaine de l'emploi, en collaboration avec des ONG. Celles‑ci sont appelées à jouer un rôle important dans la recherche des moyens à mettre en œuvre pour assurer le plein exercice des droits des femmes.

38.     S'agissant du rôle joué par la religion, le fait que le catholicisme soit la religion dominante en Pologne ne peut qu'avoir une incidence sur les dispositions législatives relatives aux droits de l'homme. Ces lois doivent naturellement être mises en œuvre d'une manière qui soit conforme aux croyances de la communauté polonaise. Cela dit, celle‑ci comprend de mieux en mieux la nécessité d'assurer un meilleur partenariat entre l'homme et la femme. L'accent est mis sur la persuasion. On essaie de convaincre les deux parents qu'ils doivent assumer sur un pied d'égalité leurs responsabilités au sein de la famille. C'est dans cet esprit que le nouveau code du travail autorise les pères à demander un congé parental pour s'occuper de leurs enfants.

39.     M. SZCZERBAN (Pologne), abordant la question de l'avortement, dit que l'influence considérable exercée par les partisans de la protection de l'embryon a conduit à une limitation de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. C'est ainsi que la loi du 7 janvier 1993 n'autorise l'avortement que dans trois cas: si la grossesse met la vie de la mère en danger; si le fœtus risque de ne pas survivre; et si la grossesse est due à un viol. L'application de cette loi a entraîné une chute du nombre des avortements officiels. On peut toutefois supposer que le nombre d'avortements clandestins a considérablement augmenté.

40.     La PRÉSIDENTE rappelle à ce propos que dans ses observations finales concernant le troisième rapport périodique de la Pologne, le Comité avait déclaré craindre que du fait des restrictions imposées en matière d'avortement, les femmes polonaises ne recourent à des avorteurs sans scrupule au détriment de leur santé.

41.     M. SZCZERBAN (Pologne) dit que l'avortement et les moyens contraceptifs sont des questions non seulement médicales, mais aussi éthiques dont le Parlement sera prochainement saisi.

42.     M. GRISSA demande si les femmes polonaises qui le souhaitent peuvent aller pratiquer une interruption volontaire de grossesse dans un autre pays européen et quelle sera l'attitude de la Pologne en la matière lorsque le pays aura rejoint l'Union européenne.

43.     Mme SZEMPLINSKA (Pologne), au sujet de l'accès au marché du travail dans des conditions d'égalité, explique qu'au début de 2002, une réglementation a été adoptée pour habiliter les employés à intenter une action en justice contre leur employeur pour discrimination, sans risquer de perdre leur travail. Par ailleurs, le Code du travail comporte une disposition interdisant expressément toute forme de discrimination en matière de formation professionnelle. Enfin, depuis 1996, la législation prévoit que tous les employés, hommes ou femmes, ayant à charge des enfants en bas âge, bénéficient d'avantages identiques leur permettant de concilier leurs obligations professionnelles et leurs obligations familiales.

44.     M. JAKUBOWSKI (Pologne) dit que les modalités de ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte sont encore matière à discussion en Pologne, mais que le pays est fermement résolu à tout mettre en œuvre pour respecter l'ensemble des dispositions prévues dans la Déclaration des droits de l'homme et les instruments y relatifs.

45.     M. STRUMINSKI (Pologne) ajoute que la Pologne a communiqué son point de vue en la matière lors de la cinquante‑huitième session de la Commission des droits de l'homme. D'une manière générale, la Pologne estime que le Protocole facultatif, qui autorise les individus à porter plainte contre des États pour violation du Pacte, est une question sujette à controverse. Il est clair que tous les pays démocratiques devraient tendre à la mise en œuvre de l'ensemble des droits de l'homme visés dans les deux Pactes, quelles que soient les conditions sociales ou économiques qu'ils connaissent. S'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, les États parties au Pacte doivent tout faire pour en appliquer les dispositions en utilisant les instruments démocratiques dont ils disposent. Cependant, il est important de comprendre la différence qui existe entre les deux catégories de droits visées par les deux Pactes, dans la mesure où les droits économiques, sociaux et culturels sont plus difficiles à mettre en œuvre que les droits civils et politiques.

46.     M. JAKUBOWSKI (Pologne) signale qu'il n'existe pas encore en Pologne de plan d'action national en faveur des droits de l'homme, même si un certain nombre de dispositions garantissent le respect des droits de l'homme dans le pays.

47.     Mme KAPILEWICZ (Pologne) explique, au chapitre de la discrimination raciale et en particulier du traitement réservé aux Roms, que le Commissaire du Gouvernement chargé de l'égalité entre les hommes et les femmes s'est penché sur la question. Avant d'élaborer une politique concrète en faveur des minorités, la priorité immédiate consiste à recueillir des données détaillées sur les Roms. Dès 1997, le Gouvernement a adopté un programme pilote pour recenser les Roms dans la région de Cracovie, puis dans la région de Malopolska, où la population de Roms est la plus nombreuse et où les besoins de formation et de logements sont les plus importants. Les unités de police qui ont été implantées dans ces régions coopèrent avec les Roms pour les inciter à scolariser leurs enfants. Un Inspectorat général de la lutte contre la discrimination a été créé, dans le but d'améliorer la formation des travailleurs sociaux. Une collaboration avec les ONG qui s'occupent des minorités a été instaurée.

48.     M. JAKUBOWSKI (Pologne) ajoute qu'il est essentiel d'assurer le respect des droits de l'homme erga omnes et que, de ce fait, il n'existe pas de législation spécifiquement applicable aux Roms.

49.     M. MALINVERNI déplore que le Pacte ne soit pas pris au sérieux dans l'ordre juridique interne, ce dont atteste le fait que M. Jakubowski ait reconnu la primauté des droits civils et politiques sur les droits économiques, sociaux et culturels. Selon le Département d'État des États-Unis d'Amérique, la Pologne semble être une plaque tournante de la traite des femmes, en ce sens qu'il s'agirait d'un pays d'origine, de destination et de transit de la prostitution féminine. Ce trafic s'appuie sur la falsification de documents et la mise aux enchères des femmes. Aucune politique concertée n'existe pour lutter contre ce phénomène et peu est fait pour la réinsertion sociale des femmes qui quittent le milieu de la prostitution. M. Malinverni souhaiterait connaître les mesures qui sont prises sur ces deux fronts.

50.     M. KOLOSOV attire l'attention sur le fait que le Pacte s'adresse à toutes les personnes qui se trouvent sous la juridiction d'un État, et donc aussi aux réfugiés et aux travailleurs migrants. Selon les statistiques disponibles, l'on compterait de 250 000 à 1 million, voire 1,5 million, de travailleurs migrants en Pologne, ce qui constitue un grave problème pour le Gouvernement polonais. L'afflux de travailleurs migrants aggrave le problème du chômage ainsi que les sentiments xénophobes et les troubles sociaux. Qu'en est-il enfin du recours judiciaire des travailleurs migrants en Pologne?

Articles 6 à 9 du Pacte

51.     M. TEXIER constate que le chômage − et en particulier le chômage de longue durée −, qui est évalué à plus de 17 % et qui touche essentiellement les jeunes, est un des principaux problèmes de la Pologne, ainsi que l'existence de fortes disparités entre les régions. Il demande quels sont les premiers résultats de la stratégie mise en place dans ce domaine et quelle en est l'incidence sur la protection des travailleurs. En particulier, il voudrait savoir si la stratégie n'est pas mise en œuvre au détriment de la stabilité de l'emploi. Au sujet du droit au travail des femmes, il constate que la législation a progressé puisque ce droit est désormais consacré par une loi. L'employeur ne pouvant licencier une femme qui porterait plainte pour discrimination, existe‑t‑il une jurisprudence en la matière? Que font la justice et l'État face à des pratiques condamnables en matière d'emploi? La situation concernant l'âge légal de la retraite mérite également d'être modifiée dans le sens d'une égalité de traitement des hommes et des femmes. Quant au salaire minimum, permet-il à un travailleur de vivre décemment? Au chapitre des maladies et des accidents du travail, encore nombreux en Pologne, M. Texier déplore la pénurie d'inspecteurs du travail et l'insuffisance de moyens mis en œuvre pour remédier au problème. Le travail des enfants de 13 à 15 ans semble être encore une pratique courante, alors que l'âge minimum pour commencer à travailler a été augmenté à 16 ans: il serait bon de savoir dans quelles conditions ces jeunes travaillent. S'agissant des droits syndicaux et du droit de grève, les organisations syndicales se plaignent de ce que la loi impose une procédure trop longue avant de pouvoir recourir à la grève. Les tribunaux seraient lents à prendre des décisions et les sanctions prises seraient faibles. L'article 69 de la loi sur la fonction publique impose d'importantes restrictions au droit de grève des fonctionnaires. Enfin, M. Texier appelle l'attention de la délégation sur les licenciements de syndicalistes survenus lors de restructurations d'entreprises.

La séance est levée à 18 heures.

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