Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.251
21 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 251ème séance : Portugal. 21/11/95.
CRC/C/SR.251. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 251ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 10 novembre 1995, à 10 heures.
Président : M. Hammarberg

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

Rapport initial du Portugal (suite)






__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Portugal (suite) (CRC/C/3/Add.30; CRC/C/10/WP.4; HRI/CORE/1/Add.20)

1. Sur l'invitation du Président, M. de Santa Clara Gomes, Mme Gersão, M. Abreu de Lemos, Mme Clemente, M. Gomes Pedro, Mme Lopes et Mme Bras Gomes (Portugal) reprennent place à la table du Comité.

2. Le PRESIDENT invite les membres du Comité à poursuivre l'examen des principes généraux (questions 8 à 10) puis à passer à l'étude des libertés et droits civils qui font l'objet des questions 11 et 12 et sont ainsi libellées :
"Libertés et droits civils
(Art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

3. Mme SARDENBERG, rappelant que la délégation portugaise a annoncé à la séance précédente la mise en place d'un nouveau projet dans le domaine de l'éducation, dit que la notion de pédagogie diversifiée, qui est au coeur de ce projet, risque de créer une certaine discrimination entre les élèves.

4. En outre, étant donné la tradition patriarcale du Portugal, Mme Sardenberg craint que les familles, notamment les plus pauvres de la société, n'accordent la préférence aux garçons par rapport aux filles en matière de financement de l'éducation. Par ailleurs, elle voudrait savoir dans quelle mesure l'enfant peut participer aux décisions qui le concernent au sein de la famille face à l'autorité parentale. Le pays ayant entrepris de moderniser ses structures, ne pourrait-il pas se servir de la Convention pour introduire des changements sur ce point ?

5. Le PRESIDENT dit qu'en ce qui concerne la non-discrimination à l'égard des filles, les mesures se prennent à deux niveaux : celui des autorités et celui de la population. Existe-t-il, au Portugal, une méthode systématique permettant d'évaluer les stéréotypes sexuels au niveau du choix des études, de l'orientation professionnelle ou de la présentation des différentes options de carrière ? Par ailleurs, en ce qui concerne la lutte contre la xénophobie, la participation du Portugal à la campagne européenne est bien connue, mais il serait utile de savoir si le pays prend d'autres mesures pour changer efficacement les comportements, à l'instar d'autres pays qui ont créé des commissions interdisciplinaires chargées spécialement d'examiner ce problème.

6. Passant à la dixième question de la liste (CRC/C/10/WP.4) consacrée à la nécessité d'encourager la participation des enfants à la prise des décisions les concernant, le Président demande comment les autorités portugaises sensibilisent l'opinion publique au droit qu'ont les enfants de prendre part à la vie sociale. Par ailleurs, quelle est la participation des enfants dans les conseils scolaires et dans quelle mesure peuvent-ils influer sur le type d'enseignement qui leur est dispensé ?

7. M. ABREU DE LEMOS (Portugal), répondant à la question posée au sujet du droit à l'éducation de chaque enfant, dit que la loi prévoit des mesures de traitement préférentiel afin de pallier les handicaps éducatifs de certains groupes défavorisés, notamment les enfants d'immigrants et ceux dont les familles sont dans une situation socio-économique difficile. Le débat est vif au Portugal sur le maintien de la qualité de l'enseignement pendant le processus de démocratisation du pays. En effet, l'ouverture des écoles à tous risque de porter atteinte à la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage. Cela dit, les autorités prennent des mesures pour concilier ces deux impératifs. On met aussi l'accent sur une plus grande scolarisation des filles de sorte qu'à présent celles-ci représentent 55 % des étudiants des universités et autres établissements d'enseignement supérieur. En outre, il est prévu de lancer prochainement un programme d'éducation sexuelle à l'école. En ce qui concerne la participation des enfants dans le système éducatif, les élèves sont habilités, dès l'âge de 15 ans, à se faire représenter dans les conseils d'administration des établissements scolaires.

8. Mme BRAS GOMES (Portugal) dit que, s'agissant de très jeunes enfants, le terme de participation est un bien grand mot, mais que l'on tient spécialement compte des besoins des enfants des femmes qui travaillent à plein temps dans l'organisation des services de crèche et de jardins d'enfants.

9. Mme GERSÃO (Portugal) dit que la situation des femmes, des jeunes et des enfants dans la famille et la société a beaucoup changé au cours des vingt dernières années, mais qu'il reste bien entendu un long chemin à parcourir. C'est ainsi que, depuis la révolution de 1974, les lois relatives à la famille ont été révisées dans le sens de l'égalité entre les femmes et les hommes et d'une plus grande participation de l'enfant au sein de la famille. On vise également à augmenter le taux de scolarisation des filles et à faire jouer aux femmes un plus grand rôle au niveau du pouvoir et de la prise de décisions. Enfin, il a été réalisé dernièrement une importante recherche sur les violences à l'égard des femmes et des enfants dont les conclusions ont eu beaucoup d'écho dans les médias.

10. M. de SANTA CLARA GOMES (Portugal) dit que les progrès réalisés par le Portugal en matière d'égalité des sexes, pour être symboliques, n'en sont pas moins significatifs et traduisent une évolution positive de la société. Ainsi, la perception du Portugal en tant que pays méridional traditionaliste appartient au passé. Cette remarque vaut aussi en ce qui concerne la participation des enfants à la prise de décisions les concernant au sein de la famille, l'image de la famille portugaise placée traditionnellement sous l'autorité du père n'ayant plus cours.

11. Pour ce qui est de la lutte contre la xénophobie, M. de Santa Clara Gomes est préoccupé par la situation dans tous les pays d'Europe et précise que le fait que ce problème soit reconnu au Portugal ne signifie pas qu'il ait atteint les proportions que l'on constate dans d'autres pays.

12. Mme KARP croit comprendre que la législation en vigueur au Portugal donne aux enfants d'immigrants illégaux un accès limité à l'éducation et aux soins de santé. Rappelant que les Etats parties se sont engagés à garantir les droits énoncés dans la Convention à tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune (art. 2), elle demande s'il est question de modifier la législation en vigueur.

13. En ce qui concerne l'éducation sexuelle, il semble qu'en vertu des dispositions relatives à l'éducation sexuelle et à la planification familiale, certains centres de santé dispensent une éducation sexuelle, ce dont on ne peut que se féliciter car même les enfants qui ne sont pas scolarisés pourront avoir accès à ce type d'éducation. Reste à savoir quelle est l'application concrète de ces dispositions et si ces centres de santé sont présents dans l'ensemble du pays et disposent d'un budget et d'effectifs suffisants. En ce qui concerne les consultations médicales auxquelles ont accès les enfants, comment s'assurer que les intéressés puissent consulter sans crainte un médecin au sujet de leurs problèmes personnels ? En outre, Mme Karp croit comprendre qu'au-delà de 16 ans, l'avortement peut être effectué sans autorisation préalable, et voudrait savoir quelle est la situation pour les jeunes filles de moins de 16 ans et dans quelles conditions les femmes peuvent obtenir une interruption volontaire de grossesse.

14. Enfin, Mme Karp relève que l'enseignement est obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans et que les enfants peuvent travailler dès l'âge de 16 ans, ce qui la conduit à demander ce qui se passe pendant la période intermédiaire. Le Portugal a-t-il l'intention de ratifier la Convention concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi ?

15. Mme BADRAN demande quel est le rôle des associations de parents d'élèves dans la prise de décisions et s'il existe une interaction quelconque entre celles-ci et les associations d'élèves. Le Portugal semble accorder une grande importance à l'accès à l'information. Il ressort pourtant des indicateurs de l'information que le Portugal est largement distancé par d'autres pays, puisqu'on y dénombre 5 quotidiens et 19 postes de télévision pour 100 habitants, chiffres comparativement très bas. De quels autres canaux, à l'exception des livres et des revues, les enfants disposent-ils pour s'informer et être en mesure de participer à la vie sociale ?

16. M. KOLOSOV a constaté que la délégation portugaise avait affirmé à plusieurs reprises que la législation nationale garantissait les libertés et droits civils de tous les citoyens, en ajoutant l'expression "y compris les enfants", alors qu'il lui semble que la législation nationale ne consacre que les "libertés et droits civils des citoyens". Il voudrait donc savoir s'il est prévu de reconnaître expressément, dans la législation, les libertés et droits civils des enfants.

17. Il semble ressortir de plusieurs sources que des centaines de cas de mauvais traitements d'enfants soient enregistrés chaque année au Portugal. Les principales causes de ce phénomène seraient l'abus d'alcool, le chômage, les conditions de logement, l'analphabétisme, le faible revenu et le statut social des parents, ce qui donne à penser que les mauvais traitements touchent surtout les enfants des groupes de population marginalisés. Si ce tableau reflète la situation réelle au Portugal, quelles mesures - travail social, éducation, information ou sensibilisation - le gouvernement prend-il pour remédier à cette situation ?

18. Mme SARDENBERG trouve fort encourageantes les informations fournies au sujet de la participation des jeunes enfants. Se référant au rapport de l'Etat partie, où sont mentionnés de nombreux organismes pour les jeunes, tels que l'Institut de la jeunesse, le Conseil consultatif de la jeunesse et le Conseil municipal de la jeunesse, ainsi qu'au programme du gouvernement, qui prévoit la création d'un nouvel organe doté de fonctions consultatives et chargé d'assurer le suivi de l'action des pouvoirs publics, en faveur des jeunes, elle voudrait savoir quelles seront les relations de ce nouvel organe avec ceux qui existent déjà. Sachant que le Parlement est saisi d'un projet de loi visant à réglementer la constitution d'associations par des jeunes de moins de 18 ans, elle demande à partir de quel âge les jeunes pourront-ils participer à ces associations. Elle voudrait aussi savoir quels sont les résultats concrets de l'action des groupements de jeunes et dans quelle mesure leurs revendications sont prises en compte par les autorités.

19. Il ressort des informations fournies par les représentants de l'Etat partie qu'en vertu de la législation portugaise, les autorités judiciaires et administratives sont tenues de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes leurs décisions mais que, dans la pratique, le principe n'est parfois pas respecté comme en témoignent le problème du travail des enfants et le fait que la plupart des hôpitaux ne sont pas équipés pour permettre aux parents de rester avec leurs enfants hospitalisés. Il serait intéressant de savoir, à ce propos, si le Gouvernement portugais envisage de prendre les mesures nécessaires pour que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit pris en compte dans tous les aspects de la vie de l'enfant.

20. Se référant à l'article 17 de la Convention et plus précisément à la problématique de la protection des enfants contre l'influence néfaste des médias, Mme Sardenberg note que le gouvernement a prévu de modifier la loi sur la presse. Les autorités envisagent-elles d'élaborer des directives qui permettent d'établir un juste équilibre entre la liberté des médias et les droits de l'enfant ?

21. En ce qui concerne Macao, territoire chinois qui demeure sous administration portugaise, Mme Sardenberg voudrait savoir comment est appliquée la Convention dans ce territoire et souhaiterait des informations sur des enfants qui y vivent.

22. Mme GERSÃO (Portugal), répondant à une question de Mme Karp, signale que la législation du travail a été modifiée et que les changements opérés sont mentionnés dans le rapport initial du Portugal. A présent l'âge minimum d'admission à l'emploi est de 15 ou 16 ans selon que l'enfant a achevé ou non la scolarité obligatoire. En d'autres termes, un enfant de 15 ans qui est arrivé au terme du cycle de l'enseignement obligatoire peut occuper un emploi. Les lois sont donc à présent compatibles avec la Convention. Les modifications apportées ont d'ailleurs réduit l'acuité du problème du travail des enfants.

23. M. de SANTA CLARA GOMES (Portugal) fait observer, au sujet des immigrants illégaux, que pour bénéficier de la protection d'un pays quel qu'il soit, un immigré doit informer les autorités de sa présence sur le territoire. Certains Etats vont même jusqu'à expulser ceux qui ne le font pas. Une fois qu'ils régularisent leur situation, les immigrés ont droit aux mêmes prestations que les citoyens. Cela dit, même lorsque, pour une raison ou pour une autre, ils préfèrent ne pas informer les autorités de leur présence, les soins ne leur sont jamais refusés quand ils en ont besoin.

24. M. de Santa Clara Gomes reconnaît qu'il est nécessaire de faire prendre conscience à la société de l'importance des droits de l'enfant. Il fait remarquer toutefois que les insuffisances dans ce domaine ne sont pas spécifiques au Portugal puisque d'autres pays ont le même problème. Cela dit, il partage entièrement les préoccupations du Comité. Il appelle, à cet égard, l'attention sur les nombreuses initiatives prises par les autorités portugaises pour faire en sorte que la Convention, et surtout, les droits de l'enfant soient mieux connus au Portugal et insiste sur l'importance que revêt l'éducation dans ce domaine. A ce propos, M. de Santa Clara Gomes s'accorde avec les membres du Comité pour dire que les droits de l'enfant ont leur spécificité et qu'il ne suffit pas de sensibiliser les gens aux droits de l'homme en général pour qu'ils prennent conscience des principes de la Convention.

25. Le PRESIDENT demande si, à son arrivée au Portugal, un enfant dont les parents sont demandeurs d'asile a droit à l'éducation et aux soins de santé avant même que la requête de ses parents soit acceptée. La délégation portugaise ayant souligné que les émigrants avaient l'obligation de prendre contact avec les autorités pour régulariser leur situation, il serait aussi intéressant de savoir si les services de l'émigration sont disposés à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les personnes qui se présentent aux postes frontière soient informées de tous leurs droits, dans leur propre langue.

26. Mme KARP note qu'il ressort du paragraphe 25 du rapport que la sécurité sociale ne couvre pas les étrangers sauf lorsque leur pays d'origine a conclu avec le Portugal un accord de réciprocité. Quel est dans ces conditions le régime applicable aux enfants venant de pays qui n'ont pas conclu de tels accords ?

27. M. de SANTA CLARA GOMES (Portugal) souligne qu'à l'instar de nombreux autres pays, le Portugal impose des restrictions à l'entrée des immigrants. Le Portugal étant un pays ouvert qui reçoit chaque année des millions de touristes, certains visiteurs s'installent sans demander l'autorisation aux autorités. Les services compétents essaient d'identifier de telles personnes pour leur donner la possibilité de régulariser leur situation et de jouir pleinement des prestations auxquelles elles ont droit. A cet égard, ne peuvent bénéficier de certains droits de réciprocité que les émigrants en situation régulière. Mme Gersão pourra donner aux membres du Comité de plus amples renseignements sur la question.

28. Mme GERSÃO (Portugal) fait observer que tous les pays n'accordent la protection juridique qu'aux immigrants déclarés car ils veulent réduire autant que faire se peut le nombre d'immigrants clandestins. Le Parlement a adopté en 1994 une loi visant à régulariser la situation du plus grand nombre possible d'étrangers, et il est possible que le nouveau gouvernement renouvelle le délai donné aux immigrants clandestins pour se mettre en règle avec l'administration. Cela dit, même lorsque, aucune protection n'est prévue par la loi, dans la pratique, les associations bénévoles portugaises veillent à ce que tous les enfants, même ceux dont les parents se sont vu refuser l'asile, reçoivent les soins dont ils ont besoin.

29. Mme BRAS GOMES (Portugal) signale qu'il existe deux régimes de sécurité sociale. Le premier, soumis à cotisation, couvre les employés et les travailleurs indépendants. Toutes les personnes qui ont une activité professionnelle légale, aussi bien les étrangers que les citoyens portugais, bénéficient de ce régime. Le deuxième régime s'adresse aux personnes qui n'ont jamais travaillé ou qui n'ont pas travaillé pendant assez longtemps pour être affiliées au premier plan. Il couvre les ressortissants portugais, les citoyens des Etats membres de l'Union européenne et les personnes originaires de pays liés au Portugal par une convention de sécurité sociale. Il y a enfin l'action sociale qui prend en charge les personnes dans le besoin, indépendamment de leur situation professionnelle. Si certaines personnes ne sont pas desservies par les services sociaux c'est parce que la couverture n'est pas encore universelle.

30. M. ABREU DE LEMOS (Portugal) dit qu'en vertu des lois portugaises une école ne peut accepter un enfant que si les parents fournissent certains renseignements; mais dans la réalité la plupart des établissements scolaires dérogent à cette règle. Bien plus, ils font tout pour aider les élèves des familles nécessiteuses qui, souvent, sont nourris et reçoivent gratuitement livres et fournitures scolaires.

31. Mme SARDENBERG note que la campagne de régularisation de la situation des immigrés mentionnée par la délégation pourrait être la solution à de nombreux problèmes. Elle voudrait savoir à ce propos si cette campagne a réussi et si les autorités envisagent d'autres opérations de ce type.

32. Mme GERSAO (Portugal) signale que, en 1992, la loi visant à faciliter la régularisation de la situation des immigrants clandestins a permis à environ 40 000 étrangers de se mettre en règle avec les autorités. A ce propos, il y a des divergences entre les associations d'aide aux immigrés et le gouvernement sur la question de savoir si tous les immigrés clandestins ont légalisé leur situation, certaines associations faisant valoir que de nombreux immigrants ont perdu ou ont jeté leurs papiers et que d'autres n'osent pas se présenter aux services de l'immigration. Le nouveau gouvernement, qui accorde une grande attention à ce problème, a décidé de créer une haute commission de l'immigration, l'objectif étant d'appeler davantage l'attention sur la question, de faciliter la régularisation de la situation des immigrés clandestins et de les aider à s'intégrer dans la société portugaise.

33. Le PRESIDENT note que le dialogue avec la délégation portugaise a déjà permis de mettre en évidence au moins deux domaines où le Comité pourrait formuler des recommandations : d'une part l'élargissement du champ de la collecte des données de façon à disposer de statistiques désagrégées qui permettent de faire ressortir les situations où il y a une discrimination et d'autre part le renforcement des services visant à informer aux postes frontières les immigrés de leurs droits.

34. Avant de passer à l'examen des questions relatives à la participation des enfants, le Président propose une brève suspension de séance pendant 15 minutes pour donner à la délégation de l'Etat partie le temps de préparer ses réponses aux autres questions.
La séance est suspendue à 11 h 30; elle est reprise à 11 h 45.

35. Le PRESIDENT demande à la délégation quelles sont les mesures prises dans le système éducatif pour appliquer l'article 12 de la convention en ce qui concerne aussi bien le droit de l'enfant de participer à la prise des décisions qui le touchent personnellement, que son droit de participer à l'élaboration de la politique scolaire et à l'administration des établissements d'enseignement.

36. M. ABREU DE LEMOS (Portugal) indique, au sujet de la participation et des droits des associations de parents, qu'on a adopté en 1977 la loi sur le droit des associations de parents. Ces associations ont le droit de participer, à titre consultatif, à l'administration des établissements scolaires. En 1991, ce droit a été étendu aux parents; l'innovation est appliquée dans 53 établissements, à titre expérimental. Ce nouveau modèle pour l'administration des écoles a été évalué dans un rapport élaboré par un comité constitué à cet effet. Le nouveau gouvernement a déjà avancé l'idée d'élargir le droit de participation des familles et des parents. De plus, les associations de parents se sont organisées à l'échelle nationale et régionale, et il existe une confédération nationale d'associations de parents ainsi que plusieurs comités régionaux d'associations de parents. Le gouvernement considère ces associations nationales comme des partenaires sociaux. Elles ont donc leurs propres représentants au Conseil national pour l'éducation, organe de consultation du Ministère de l'éducation, et en général, elles peuvent donner leur avis sur la politique suivie en matière d'éducation nationale.

37. Les associations d'étudiants ont quant à elles le droit de participer aux organes d'administration, dont le Conseil national pour l'éducation. Les élèves du secondaire sont représentés aux conseils d'administration des établissements. Les élèves de l'enseignement primaire ont le droit de s'exprimer, de vive voix ou en soumettant des rapports écrits.

38. A propos de la proportion de postes de télévision parmi la population, M. Abreu de Lemos estime que les statistiques qui ont été citées datent. En fait, grâce à l'ouverture de la télévision à diverses initiatives privées, l'accès à l'information s'est accru et davantage de familles ont la télévision. M. Abreu de Lemos est en mesure de fournir des données récentes.

39. En ce qui concerne les structures de participation mises en place pour la jeunesse, M. Abreu de Lemos indique que sont représentées au Conseil national pour la jeunesse plusieurs organisations de jeunes, en particulier des organisations non gouvernementales, religieuses, estudiantines, écologiques et autres. Le Conseil a un rôle consultatif auprès des responsables gouvernementaux chargés des questions relatives à la jeunesse. Le nouveau gouvernement envisage de le renforcer et de l'habiliter à suggérer aux pouvoirs publics les mesures supplémentaires qu'il estime nécessaires mais aussi à évaluer la politique gouvernementale dans ce domaine.

40. Toujours à propos de la participation des élèves, on s'est demandé si un élève de moins de 16 ans pouvait être responsable d'une association. La loi a prévu une solution équilibrée qui donne la possibilité aux enfants dès l'âge de 14 ans, d'être responsables d'une association, à condition qu'un adulte engage sa responsabilité civile en cas de problèmes d'ordre financier comme l'exigent les dispositions du Code civil portugais.

41. Le PRESIDENT propose à la délégation d'aborder les questions de la Liste des points (CRC/C/10/WP.4) consacrées au milieu familial et à la protection de remplacement, qui sont en effet étroitement liées à l'intérêt supérieur de l'enfant. La délégation pourra, ce faisant, revenir sur d'autres points relevant du domaine des libertés et droits civils si elle le souhaite. Les questions sont libellées comme suit :
"Milieu familial et protection de remplacement
(Art. 5, 18, par.1 et 2, 9, 10, 27, par.4,
20, 21, 11, 19, 39 et 25 de la Convention)

42. Mme LOPES (Portugal) indique, à propos de l'opinion de l'enfant en cas de placement familial, de placement en foyer et dans les situations où l'autorité parentale doit être réglementée - par exemple après le divorce ou la séparation des parents - que l'on tient compte du point de vue de l'enfant s'il a 12 ans révolus. Les enfants de moins de 12 ans peuvent être entendus aussi si leur maturité est jugée suffisante. En cas de placement en foyer, un projet de loi prévoit que l'enfant pourra être entendu, dans des conditions comparables à celles du placement familial. Pour ce qui est de la responsabilité parentale, on s'efforce de privilégier les décisions prises d'un commun accord entre les parents. Cet accord doit être entériné par le tribunal, qui doit déterminer s'il correspond le mieux à l'intérêt supérieur de l'enfant. Si les parents ne parviennent pas à un accord, ou si leur accord n'est pas accepté par le tribunal, celui-ci est tenu d'entendre les enfants âgés de plus de 14 ans mais rien ne l'empêche d'entendre les enfants de moins de 14 ans s'il estime que leur degré de maturité est suffisant. Il convient d'ajouter que la pratique va, ici, plus loin que la loi. Dans le cadre des enquêtes menées par le Service d'action sociale, il est tout à fait habituel d'entendre les enfants.

43. En matière d'adoption, la collaboration est très étroite entre les services d'action sociale et les tribunaux. L'adoption doit faire l'objet d'une procédure judiciaire ou administrative. La famille qui a déjà accueilli un enfant adoptable, et qui souhaite l'adopter, doit le signaler aux organismes de sécurité sociale qui doivent alors confirmer le placement en demandant une décision administrative ou judiciaire; il s'ensuit alors une période de préadoption qui ne peut excéder un an et au cours de laquelle les services d'action sociale et des équipes interdisciplinaires jouent un rôle fondamental. En effet ils mènent les enquêtes requises, dont les résultats doivent être présentés au tribunal, et ils s'assurent que les enfants s'entendent avec leurs futurs parents adoptifs. De plus, les parents naturels, si on les connaît, sont entendus. Leur consentement peut être préalable à l'adoption et en ce cas ils peuvent le révoquer dans un délai de deux mois. Quoi qu'il en soit, ils doivent consentir à l'adoption devant le juge, qui leur explique toutes les conséquences de leur décision. Il revient au juge de dédramatiser la situation en expliquant qu'une adoption peut être un acte d'amour si elle constitue la meilleure solution pour les enfants. Il lui revient aussi de bien faire comprendre aux parents naturels les conséquences juridiques de leur rupture avec leur enfant. En effet l'adoption n'est pas révocable. En revanche, la décision peut être révisée, en cas notamment d'absence de consentement ou de vice constaté dans la production du consentement. Enfin, on tient dûment compte de l'opinion de l'enfant pendant la phase de préadoption. Son consentement formel est obligatoire à partir de l'âge de 14 ans.
44. Mme SARDENBERG souhaiterait savoir comment le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant est respecté dans la pratique. Par exemple, savoir si les parents peuvent rester à l'hôpital avec leur enfant hospitalisé donnerait une indication de l'attitude générale concernant la place de l'enfant.

45. M. GOMES PEDRO (Portugal) signale que si, dans quelques hôpitaux, les parents ont le droit de rester avec leur enfant, ce n'est pas le cas dans la plupart des hôpitaux, pour des motifs administratifs et par manque de place. Chacun est conscient de la nécessité de créer en milieu hospitalier des conditions qui permettent d'appliquer pleinement et partout la loi mais des difficultés matérielles freinent l'évolution.

46. Un membre du Comité s'est inquiété des conditions de confidentialité assurées pour permettre aux adolescents de consulter sans crainte un médecin. Le secret médical est vigoureusement défendu au Portugal, et est respecté à l'égard de tous, y compris des mineurs. Actuellement, au moins six hôpitaux disposent de services de consultations pour adolescents où, à certains horaires, en général après les heures de consultation ordinaires, des professionnels spécialement formés aux problèmes de santé qui touchent l'adolescence reçoivent les mineurs.

47. Le PRESIDENT invite les membres du Comité et la délégation à passer aux questions relatives aux mauvais traitements, qui relèvent des droits civils (question 11) et du milieu familial (question 13).

48. Mme GERSÃO (Portugal) dit que depuis plus de dix ans, on accorde beaucoup d'attention à la question des mauvais traitements. Le rapport fait état de deux recherches publiées sur ce sujet. La première, d'ordre sociologique, effectuée il y a près de neuf ans, donne un premier aperçu de ce problème au Portugal et a permis d'identifier 62 cas de mauvais traitements dans 10 000 familles, chiffre en dessous de la réalité qui, comme dans tous les pays, est plus grave. En effet, l'expression mauvais traitements ne désigne pas exclusivement les violences physiques, elle vise aussi les négligences, les violences psychologiques et le manque de soins. Toutefois cette étude a eu le mérite d'attirer l'attention sur ce sujet. On a alors commencé à en débattre et plusieurs organisations non gouvernementales ont vu le jour; elles visaient à aider surtout les enfants victimes de mauvais traitements ou en danger. Des centres d'accueil spécialisés qui s'occupent surtout des cas d'urgence et essaient ensuite d'aider la famille ont été créés. Une ligne téléphonique a été ouverte par l'Institut d'aide à l'enfant, organisation non gouvernementale très connue au Portugal, et le gouvernement envisage d'en ouvrir une autre, avec la participation des Ministères de l'éducation, de la sécurité sociale et de la justice. En outre, le médiateur a créé un service spécial chargé de recevoir des dénonciations de cas de mauvais traitements. Des pédiatres ont publié une étude sur des cas qu'ils ont connus dans des hôpitaux, ce qui a permis en premier lieu d'identifier les différentes formes de mauvais traitements. Ceux-ci varient selon l'origine sociale des familles et se produisent dans tous les milieux défavorisés ou aisés. Mme Gersão est disposée à communiquer au Comité les résultats de cette recherche, publiés en portugais. Ils portent actuellement sur Lisbonne mais l'étude sera étendue au cours de cette année à tout le pays.

49. Mme BRAS GOMES (Portugal) ajoute que le gouvernement s'efforce aujourd'hui d'aider non seulement les enfants exposés à des mauvais traitements mais aussi les familles où le phénomène se produit. En effet, il ne suffit pas d'enlever l'enfant à sa famille, car cela ne résout pas la situation des autres enfants d'une famille. Il faut donc agir davantage auprès des familles. Le travail effectué dans les hôpitaux et sous l'égide des Ministères de la justice et de la sécurité sociale a au moins permis de sensibiliser la population à ce problème.

50. M. ABREU DE LEMOS (Portugal) se dit profondément convaincu qu'il faut élaborer une autre philosophie en matière de prévention et d'intervention rapide dans les cas de mauvais traitements, de façon à infléchir les politiques nationales mises en oeuvre dans ce domaine. Le monde vit une époque difficile et la famille doit être renforcée. La création de la Commission nationale pour la mère et le bébé vient à point nommé pour faire face à ce problème et elle pourrait être le point de départ de prochaines recherches sur cette question.

51. Mme KARP se félicite de la création de services de consultations pour adolescents dans certains hôpitaux, y voyant un très bon moyen de s'attaquer au problème des mauvais traitements; elle se félicite en outre de la volonté du gouvernement de créer de tels services dans tous les hôpitaux du pays. Elle souhaiterait des éclaircissements sur la question qui a été posée à propos de l'application dans la pratique de la loi sur l'éducation sexuelle. Elle revient à la question du respect du sentiment de la mineure en cas d'avortement, proposé ou demandé pour une grossesse survenue par exemple à la suite d'un viol. De même, dans le cas d'une hospitalisation en établissement psychiatrique, l'avis de l'enfant est-il pris et celui-ci peut-il s'opposer à cette mesure ? Il serait également utile de savoir ce qu'il advient lorsqu'il y a conflit d'intérêt entre parents et enfants. En effet, l'expérience montre que les parents comprennent souvent mal le comportement de leur enfant et qu'ils acceptent fréquemment la décision du praticien d'interner l'enfant, en particulier en l'absence d'autres institutions de placement ou d'autres solutions à la situation de l'enfant. Or interner un enfant peut avoir des conséquences très graves pour son avenir.

52. Mme Karp souhaiterait un complément d'information sur les procédures existantes qui permettent à l'enfant de faire entendre son avis devant un tribunal, se demandant si l'enfant est entendu personnellement, ou par l'intermédiaire de professionnels et si le juge a, à cet égard, un pouvoir discrétionnaire. Il serait utile de connaître les critères appliqués par le juge pour décider s'il est dans l'intérêt de l'enfant d'être entendu par l'intermédiaire d'un professionnel.

53. En ce qui concerne les mauvais traitements et les violences sexuelles commises contre les enfants, Mme Karp se demande s'il y a réellement une obligation, pour les personnels intéressés, de faire connaître les cas de violence dont ils auraient connaissance ou si cette démarche relève d'une initiative personnelle. Dans le même domaine, il serait intéressant de savoir si les personnels reçoivent une formation spécifique destinée à leur apprendre à déceler et à comprendre les signes de mauvais traitements et de violences sexuelles chez les enfants.
54. M. KOLOSOV dit que le Comité n'a pas pour habitude de faire des comparaisons mais a constaté que le phénomène des mauvais traitements infligés aux enfants était marginal dans certains pays et plus important dans d'autres. Il semblerait qu'au Portugal le problème soit bien réel; c'est pourquoi, M. Kolosov voudrait savoir s'il est vrai qu'aucune loi ne protège spécifiquement l'enfant des mauvais traitements.

55. Mme GERSÃO (Portugal) s'attachera tout d'abord à préciser les dispositions législatives puis parlera de leur application concrète. En vertu de la loi sur l'éducation sexuelle et la planification familiale, les mineurs peuvent consulter les centres de planification familiale pour obtenir une contraception sans le consentement de leurs parents. En outre, depuis peu, les moyens contraceptifs peuvent même leur être fournis gratuitement. La loi prévoit aussi que les mineures de plus de 16 ans peuvent subir une interruption volontaire de grossesse sans le consentement de leurs parents. Elle donne également la possibilité aux mineurs de moins de 16 ans de demander la protection du tribunal des mineurs en cas d'exercice abusif de l'autorité parentale, ce qui fait qu'une jeune fille de moins de 16 ans qui veut subir une interruption volontaire de grossesse alors que ses parents s'y opposent, peut saisir le tribunal des mineurs.

56. En vertu du Code pénal, les mauvais traitements commis sur des enfants par les parents ou par quiconque en a la responsabilité constituent une infraction passible d'une peine d'emprisonnement. La Constitution elle-même dispose que l'enfant a droit à une protection spéciale de la part de la société et de l'Etat. En outre, il existe des lois relatives à la protection de l'enfance qui régissent les interventions en faveur des enfants victimes de mauvais traitements. Comme on peut le constater, la protection juridique est suffisante et le problème résiderait plutôt dans l'identification des cas de mauvais traitements. A cet égard, les pouvoirs publics ont mis en place des programmes visant à encourager les personnels concernés à dénoncer les cas dont ils ont connaissance aux autorités responsables, le cas échéant, d'une manière anonyme.

57. M. GOMES PEDRO (Portugal) dit que les pédiatres suivent une formation de sept ans, éventuellement assortie d'une spécialisation de trois ans. Au cours de ces années d'études, ils sont formés à tous les aspects de la santé de l'enfant et apprennent notamment à reconnaître les cas de mauvais traitements. Les enfants victimes de mauvais traitements peuvent faire l'objet de soins ambulatoires, être admis dans les hôpitaux de jour ou, en dernier ressort, être hospitalisés. Le médecin qui constate qu'un enfant a été victime de sévices avise une unité spéciale existante dans chaque hôpital, qui est composée de pédiatres, de travailleurs sociaux et de psychologues; l'unité prend immédiatement l'enfant en charge puis informe les services du procureur. Des mesures sont ensuite prises pour évaluer la gravité du problème et la situation de la famille et l'enfant ne peut quitter l'hôpital avant qu'une décision ne soit prise par les services du procureur.

58. Le PRESIDENT fait remarquer qu'il s'agit d'un problème difficile à résoudre car, si la société se doit d'intervenir et de protéger éventuellement l'enfant contre certains membres de sa famille, il faut également éviter qu'il ne subisse un traumatisme supplémentaire si on le sépare de sa famille.

59. M. KOLOSOV se félicite de ce que la loi portugaise prévoie une protection contre les mauvais traitements mais voudrait connaître précisément les actes qui sont qualifiés par la loi de mauvais traitements à l'égard des enfants.

60. Mme SARDENBERG souhaiterait des informations concernant les mauvais traitements à l'école. Existe-t-il des dispositions législatives interdisant spécifiquement les châtiments corporels à l'école et des études ont-elles été menées en la matière ? Mme Sardenberg demande aussi si les enfants eux-mêmes sont informés et peuvent se plaindre d'éventuels mauvais traitements à l'école.

61. Mme EUFEMIO se demande si les autorités portugaises se sont posé la question du consentement de l'enfant à la séparation d'avec sa famille à la suite de mauvais traitements. Il s'agit d'une question complexe mais il arrive souvent que les victimes s'identifient à l'agresseur et préfèrent rester avec lui plutôt que d'en être séparés. Dans le cas où l'enfant est retiré à sa famille, Mme Eufemio souhaite savoir ce qu'il advient du parent coupable des sévices.

62. Mme KARP se demande si l'on applique une approche pluridisciplinaire au problème des enfants maltraités car il arrive que l'aspect répressif entre en conflit avec une réadaptation bien comprise. Elle souhaite savoir si des règles précises existent à l'intention des professionnels pour leur indiquer la marche à suivre ou si, au contraire, ils interviennent selon leur propre appréciation.

63. Mme GERSÃO (Portugal) dit que dans le Code pénal la notion de mauvais traitements est relativement large puisque se rend coupable du délit de mauvais traitements envers un enfant tout individu qui a un enfant à sa charge et qui lui inflige de mauvais traitements ou des traitements cruels, ne lui donne pas les soins ou l'assistance sanitaire que les devoirs découlant de sa responsabilité lui imposent, l'emploie à des activités dangereuses, interdites ou inhumaines ou le surcharge physiquement ou intellectuellement de travaux trop lourds, difficiles ou inadaptés à sa condition de mineur. En outre, le Code pénal prévoit des peines spécifiques pour les violences sexuelles, interdit tout rapport sexuel avec un enfant de moins de 14 ans, les rapports sexuels avec des enfants de 14 à 16 ans faisant l'objet de dispositions spéciales. En pratique, la jurisprudence tend à imposer une conception relativement large de ce qui peut être qualifié de mauvais traitements envers un enfant. A cet égard, il faut ajouter que les futurs magistrats du parquet reçoivent une formation spécifique sur cette question lors de leurs études à l'école de la magistrature.

64. La délégation portugaise sait bien que l'intervention de la justice en cas de mauvais traitements n'est pas toujours la bienvenue. Cependant, au Portugal, le principe de la légalité prend le pas sur celui de l'opportunité des poursuites. En conséquence, la police et les magistrats ont l'obligation d'ouvrir une procédure s'il existe des raisons valables de formuler une accusation. Des propositions visant à prévoir des exceptions au principe de la légalité ont été formulées afin que le ministère public puisse classer une affaire s'il peut assurer une protection suffisante à l'enfant par la voie sociale. Enfin, Mme Gersão n'a pas connaissance de recherches systématiques menées sur les mauvais traitements à l'école.
65. Mme LOPES (Portugal) dit que les jeunes placés dans des établissements relevant du Ministère de la justice sont confiés à une équipe de réinsertion sociale qui élabore un plan individuel de traitement et d'intervention. Cette équipe est toujours composée de diplômés en sciences humaines de l'enseignement supérieur qui ont reçu une formation spécifique pour pouvoir aborder les questions liées aux mauvais traitements. En effet, les jeunes ainsi placés ont pour la plupart subi des mauvais traitements, même si certains d'entre eux ont ensuite commis des petits délits. Les personnels concernés font un important travail de sensibilisation pour informer les jeunes concernés de leurs droits et notamment de leur droit à faire état des mauvais traitements qui leur ont été infligés.

66. Mme BRAS GOMES (Portugal) rappelle qu'il existe un équilibre difficile à réaliser entre l'intérêt de l'enfant victime de mauvais traitements et l'intérêt de la famille. Si jusqu'à récemment, on pensait qu'il fallait avant tout s'occuper de l'enfant maltraité, à l'heure actuelle, on estime qu'il faut également tenir compte de la situation de la famille et voir si d'autres enfants vivent dans ce milieu. Il faut alors déterminer si la situation de la victime est plus importante que celle de la famille, choix qui dépend beaucoup de la manière dont les professionnels concernés sont sensibilisés au problème des mauvais traitements. Dans ce domaine, des progrès ont été réalisés grâce, notamment, aux formations complémentaires assurées à ces professionnels. De plus, selon la loi portant création du "Projet d'appui à la famille et à l'enfant", une évaluation de la situation doit être effectuée par une équipe pluridisciplinaire, composée d'un pédiatre, d'un psychologue, d'une infirmière, d'un travailleur social et d'un juriste et un rapport, assorti d'une proposition visant à aider et à accompagner l'enfant et la famille, doit être envoyé au tribunal compétent. Comme on peut le voir, la dénonciation des cas de mauvais traitements aux tribunaux compétents ne dépend pas de la seule volonté des professionnels mais est obligatoire.

67. De l'avis du PRESIDENT, il faut avant tout éviter que cette question ne reste taboue. Mieux vaut examiner le problème en détail et établir une bonne législation et des procédures efficaces pour s'y attaquer.

68. Le Président rappelle que des questions ont été posées au sujet des mesures prises pour mettre les enfants, et en particulier les enfants victimes de violences, à l'abri des effets néfastes que peut avoir la trop grande place faite par les médias aux faits divers impliquant des mineurs, ainsi qu'au sujet de l'action menée pour lutter contre la violence et la pornographie dans la presse et pour contrôler la distribution commerciale des cassettes vidéo.

69. Mme GERSÃO (Portugal) précise que la loi interdit la vente de cassettes vidéo pornographiques à des mineurs mais qu'il est évidemment impossible de contrôler l'application pratique de cette loi, étant donné le nombre très élevé de commerces de location de cassettes vidéo.

70. Pour ce qui est de la télévision, les chiffres relatifs au nombre de postes de télévision par habitant cités par Mme Badran semblent peu plausibles car à son avis, tous les foyers portugais, ou presque, possèdent une télévision. En ce qui concerne l'exploitation faite par les médias des cas d'enfants maltraités, la législation interdit la divulgation de toute information relative à la vie privée d'un individu sans le consentement de celui-ci; il arrive cependant, dans le cas d'enfants maltraités, que les parents eux-mêmes consentent à la divulgation de certaines informations. Il faut également se souvenir que le Portugal a connu la censure pendant environ 40 ans. A l'heure actuelle, les Portugais, très fiers de la liberté d'expression récemment acquise, sont farouchement opposés à la moindre restriction qui pourrait rappeler la censure. C'est pourquoi, on s'efforce de mettre sur pied un code de déontologie destiné, notamment, à protéger les enfants victimes de mauvais traitements, sans pour autant instaurer la censure. Les écoles de journalistes connaissent très bien le problème et essaient, elles aussi, de trouver un équilibre. Les journalistes qui travaillent dans les organes d'information de qualité font en général en sorte de donner des informations sans qu'il soit possible d'identifier les enfants concernés, mais malheureusement, la presse à sensation n'est pas animée des mêmes scrupules. Enfin, une association privée, présidée par la Première dame du Portugal, s'est fixé pour objectif de protéger les enfants contre la violence et notamment contre la violence à la télévision.
La séance est levée à 13 heures.

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