Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.3
4 mai 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 3ème seance : Republic of Korea. 04/05/95.
E/C.12/1995/SR.3. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Douzième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 3ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 2 mai 1995, à 10 h 30


Président : M. ALSTON

puis : M. ALVAREZ VITA



SOMMAIRE

Organisation des travaux (suite)

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte


La séance est ouverte à 10 h 40.

ORGANISATION DES TRAVAUX (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

1. Le PRESIDENT rappelle que la Commission des droits de l'homme a demandé au Comité, ainsi qu'à d'autres organes, de s'efforcer davantage de refléter les préoccupations liées aux femmes. Il suggère donc au Comité de rédiger puis d'adopter une déclaration qui sera présentée à la Conférence mondiale sur les femmes qui aura lieu à Beijing en septembre 1995 et lui demande de constituer un groupe qui rédigera cette déclaration avant de la soumettre à l'examen du Comité pendant la présente session.

2. Mmes DANDAN et JIMENEZ BUTRAGUEÑO et M. ALVAREZ VITA proposent de rédiger cette déclaration.

3. Le PRESIDENT demande à Mme DANDAN de coordonner le travail de ce groupe.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 a) de l'ordre du jour)

Rapport initial de la République de Corée concernant les droits visés aux articles 6 à 15 du Pacte (E/1990/5/Add.19; E/C.12/1994/WP.11)

4. Sur l'invitation du Président, la délégation de la République de Corée prend place à la table du Comité.

5. M. Seung HO (République de Corée) se dit honoré de soumettre le rapport initial de la République de Corée à l'examen du Comité. Ce rapport résulte de la coopération et de consultations étroites entre les divers ministères compétents et les organismes qui s'occupent de la protection des droits économiques, sociaux et culturels. L'examen de ce rapport est l'occasion de mettre en relief les efforts déployés par la République de Corée en faveur du respect universel des droits de l'homme. M. Seung Ho espère que le dialogue entre sa délégation et les membres du Comité permettra d'identifier les domaines dans lesquels des progrès peuvent être accomplis. Il sera tenu compte des commentaires et critiques du Comité dans l'élaboration des politiques destinées à renforcer la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels dans la République de Corée.

6. Le rapport initial présente en détail les actions menées par la République de Corée dans les domaines juridique, constitutionnel et institutionnel, en ce qui concerne l'application des différents articles du Pacte. Il contient des données statistiques qui illustrent l'efficacité des politiques mises en oeuvre. Le rapport décrit aussi la législation applicable et les programmes gouvernementaux destinés à traduire dans les faits les engagements pris par la République de Corée au titre du Pacte.

7. Ainsi, s'agissant de l'article 6 du Pacte, concernant le droit au travail, le rapport expose les dispositions de la Constitution nationale qui garantissent ce droit et les programmes gouvernementaux qui visent à faire respecter ces dispositions. Il est fait mention dans ce chapitre d'initiatives telles que la création de l'Agence coréenne de la main-d'oeuvre (Corean Labour Agency) qui contribue à faire bénéficier les travailleurs d'un haut niveau de qualifications leur permettant de s'adapter aux progrès industriels. On accorde plus d'attention à certain aspects de l'emploi, notamment au haut degré de compétitivité sur le marché du travail. On s'est également efforcé d'améliorer les normes de travail et de répondre aux besoins de certaines catégories de travailleurs, en particulier les femmes, les jeunes et les personnes âgées.

8. Quant à l'article 7 du Pacte concernant les normes de travail, l'article 30 de la Constitution nationale stipule que "les normes de travail doivent être définies par la loi pour assurer le respect de la dignité de l'homme". Le rapport montre comment cette disposition s'est traduite dans les mesures visant le bien-être des travailleurs, la sécurité au travail et la réduction du temps de travail. Le rapport fournit également des statistiques sur les niveaux moyens de salaire en République de Corée et rend compte des efforts déployés pour assurer une répartition équitable des revenus.

9. Pour ce qui est de l'application de l'article 8 du Pacte, le rapport fait mention du paragraphe 1 de l'article 33 de la Constitution de la République de Corée qui dispose que les travailleurs jouissent du droit d'association, de négociation collective et d'action collective afin d'améliorer leurs conditions de travail. Il décrit les lois sur les syndicats et le règlement des conflits qui visent à faire respecter ces dispositions de la Constitution, ainsi que les restrictions qui peuvent s'appliquer dans certains cas. Il montre également que, depuis 1987, les conflits du travail sont moins fréquents.

10. S'agissant de l'article 9 du Pacte, relatif à la sécurité sociale, le rapport décrit les dispositions constitutionnelles et les mesures existantes destinées à garantir le bien-être social. Il est fait mention de divers programmes, notamment en matière d'aide médicale, de régime national de retraite, de services de bien-être social et d'aide publique, ainsi que d'un plan de développement de la sécurité sociale.

11. Au sujet de l'article 10 du Pacte sur la protection des femmes, des enfants et de la famille, le rapport insiste sur le caractère unique de la famille traditionnelle dont les droits sont protégés par la Constitution et la législation nationale. Ainsi, la République de Corée a fixé un âge minimum pour la participation à la vie active, elle a pris des mesures pour protéger les droits des femmes au sein de la famille et elle a mis en oeuvre une politique de protection sociale de la famille en faveur des enfants, des femmes, des personnes âgées et des handicapés.

12. Quant au droit à un niveau de vie suffisant, consacré à l'article 11 du Pacte, les progrès réalisés par la République de Corée sur la voie du développement se sont accompagnés d'une amélioration des revenus des travailleurs et d'une répartition plus équitable des richesses. Les indicateurs en matière de revenus, de système sanitaire, de nutrition et de logements montrent que le niveau de vie n'a pas pâti de l'industrialisation rapide du pays mais, au contraire, en a bénéficié.

13. En outre, le rapport fait état de l'incorporation dans la Constitution et la législation nationales d'autres droits importants consacrés dans le Pacte, notamment le droit à la santé physique et mentale, le droit à l'éducation, le droit à l'enseignement obligatoire et gratuit et le droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique. M. Seung Ho espère que le rapport initial de la République de Corée aura contribué à éclairer la situation dans le pays et rendu rigoureusement compte des effets bénéfiques des mesures d'ordre constitutionnel et législatif et des politiques appliquées par le gouvernement pour s'acquitter de ses responsabilités à cet égard.

14. M. Seung Ho souhaite par ailleurs décrire brièvement la situation des droits économiques, sociaux et culturels tels qu'ils sont consacrés dans le cadre constitutionnel et juridique national. Il reconnaît, comme le Comité, qu'il incombe aux gouvernements des Etats parties de promouvoir et de protéger les droits de l'homme en établissant un cadre juridique, administratif et constitutionnel approprié. La Constitution nationale a été révisée dans ce sens. Ainsi, l'article 10 consacre la valeur et la dignité de tous les citoyens et stipule qu'il incombe à l'Etat de garantir les droits fondamentaux et inviolables de la personne et au gouvernement de faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels. La Constitution a été également modifiée pour rendre le pouvoir judiciaire plus indépendant. En outre, l'instauration de la Cour constitutionnelle permet désormais aux citoyens d'intenter une action en justice lorsqu'ils s'estiment victimes de violations des droits consacrés par le Pacte. Ainsi, la tendance est au renforcement des lois relatives à la protection des divers droits énoncés dans le Pacte. Par ailleurs, M. Seung Ho rappelle que la République de Corée est un pays "nouvellement industrialisé", qu'elle est devenue Membre de l'Organisation des Nations Unies il y a relativement peu, et qu'elle traverse une période de transition. Ces mutations ont entravé les mesures relatives aux droits économiques, sociaux et culturels qui ont été prises dans le pays. Par exemple, l'augmentation rapide de la population et la densité de population élevée ont, comme dans nombre de pays en développement, des effets adverses sur les conditions sociales. Des politiques ont donc été mises en oeuvre pour ralentir la croissance de la population et améliorer ses conditions de vie. Le programme de planification familiale a certes permis de réduire le taux de croissance, mais la surpopulation reste fort préoccupante. Par ailleurs, la planification du développement économique a été instituée en République de Corée en 1963. La très forte urbanisation qui est allée de pair avec l'augmentation de la population et l'expansion économique influe négativement sur les conditions sociales et économiques. Le gouvernement a donc mis en oeuvre des programmes pour rétablir l'équilibre entre les conditions de vie en milieu urbain et en milieu rural, en développant les ressources humaines et en restructurant les activités économiques. La croissance industrielle en République de Corée est largement due à une main-d'oeuvre nombreuse, jeune et bien formée. Toutefois, elle n'est pas allée sans retombées néfastes, dont l'inégalité des revenus. Le gouvernement est conscient de ce que le développement économique doit s'accompagner d'une répartition équitable des revenus et du respect des droits économiques et sociaux des travailleurs. L'instauration du système de salaire minimum, l'adoption de la loi sur l'égalité entre hommes et femmes dans l'emploi et la mise en place d'un système de sécurité sociale équilibré et bien financé sont toutes des mesures positives allant dans ce sens.

15. Le développement économique a été à l'origine de la transformation des valeurs traditionnelles et de la structure de la société. On privilégie désormais la famille biologique plutôt que la famille élargie et de nouvelles valeurs plus démocratiques ont fait leur apparition. La République de Corée est par conséquent confrontée en permanence à la nécessité de concilier ses traditions et l'influence internationale croissante. Le développement économique s'est également accompagné d'une amélioration de la situation des droits de l'homme et d'une décentralisation politique.

16. L'application du Pacte en République de Corée est affectée par la partition de la péninsule coréenne. La République de Corée a en effet dû faire face à une confrontation militaire et idéologique au cours des 45 dernières années. Il a fallu attendre la fin de la guerre froide pour entrevoir quelques signes prometteurs de réconciliation entre le Sud et le Nord. Cela étant, la République de Corée reste prudente dans ses rapports avec le Nord. Même si elle se félicite de l'ouverture d'un dialogue équilibré entre les deux parties, elle n'oublie pas pour autant sa sécurité. C'est pourquoi la loi sur la sûreté de l'Etat est toujours en vigueur.

17. Des changements importants sont intervenus dans le domaine des droits de l'homme depuis la présentation du rapport initial. Le gouvernement issu d'élections démocratiques en février 1993 a en effet pris des mesures importantes dans ce domaine. C'est ainsi, par exemple, qu'il a décidé d'accorder une amnistie à 40 000 détenus. Il s'est également efforcé de mettre les instruments juridiques et institutionnels du pays en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l'homme. En outre, la République de Corée a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a ratifié la Convention No 142 de l'OIT sur la mise en valeur des ressources humaines. Le gouvernement a adopté une approche à long terme, fondée sur le principe selon lequel la croissance économique, associée à un développement social équilibré, peut donner naissance à une société basée sur les normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme.

18. La croissance économique de la République de Corée s'est accompagnée de mesures visant à assurer une répartition équitable des fruits du progrès et a permis d'élargir le droit à l'éducation. En effet, l'enseignement est désormais obligatoire jusqu'à la fin du premier cycle de l'enseignement secondaire.

19. Les droits fondamentaux des travailleurs ont également bénéficié du changement des conditions économiques. L'augmentation rapide des salaires a permis de diminuer la disparité entre les revenus des différentes classes sociales. De plus, les critères applicables pour l'indemnisation en cas d'accident du travail ont été élargis. Le gouvernement a en outre pris des mesures institutionnelles visant à accroître les droits des travailleurs étrangers. La situation des personnes souffrant de handicaps physiques s'est également améliorée et la loi sur la promotion de l'éducation spéciale a été modifiée afin de permettre aux enfants souffrant de handicaps physiques de bénéficier de l'enseignement gratuit et obligatoire. Cette politique permet également aux étudiants souffrant de handicaps de fréquenter les universités dans des conditions privilégiés. En outre le gouvernement a mis sur pied un fonds pour la promotion de l'emploi des personnes souffrant d'un handicap et s'efforce de créer des centres de réadaptation.

20. Par ailleurs, le gouvernement a mis en place un "système de juristes publics" destiné à permettre aux citoyens de bénéficier de consultations juridiques. Une centaine de juristes peuvent ainsi conseiller les personnes qui se trouvent en situation économique ou sociale difficile.

21. Comme on peut le constater, le Gouvernement de la République de Corée a pris des mesures qui démontrent sa volonté de privilégier une société dans laquelle la dignité humaine et la valeur de chaque individu seront respectées. Il ne faut cependant pas perdre de vue que la République de Corée est un pays en pleine transition économique, politique et sociale. Certains problèmes peuvent être expliqués par des facteurs économiques, sociaux et culturels défavorables. Il est néanmoins clair que des améliorations peuvent encore être apportées à la situation des droits de l'homme dans le pays et il faut espérer que le dialogue qui aura lieu avec le Comité permettra à la République de Corée d'améliorer son action en la matière.

22. Le PRESIDENT remercie la délégation de la République de Corée de son introduction et l'invite à répondre aux questions relatives au cadre juridique général garantissant la protection des droits de l'homme posées aux paragraphes 1 et 2 de la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.11).

23. M. Seung HO (République de Corée), répondant à la première question, dit que le premier paragraphe de l'article 6 de la Constitution prévoit que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est sur le même pied que la loi interne. Il n'est donc pas nécessaire d'incorporer le Pacte dans l'ordre juridique interne par le biais de mesures législatives ou de procédures spéciales, étant donné qu'il a été ratifié et promulgué par le gouvernement avec l'accord du Parlement. Dans les cas où des dispositions du droit interne sont en contradiction avec celles du Pacte, les principes généraux du droit, y compris la règle de la lex posteriori, s'appliquent.

24. La Constitution interdit l'adoption de lois qui seraient en contradiction avec le Pacte. L'article 10 de la Constitution prévoit en effet que l'Etat garantit les droits fondamentaux et inviolables de chaque individu. Même si les droits de l'homme peuvent faire l'objet de certaines limitations en République de Corée, en cas d'absolue nécessité, en vertu de la loi et afin de protéger la sûreté nationale ou l'ordre public, les principes fondamentaux concernant la garantie des droits et des libertés ne peuvent être violés. Par conséquent, aucune loi nationale ne peut être en contradiction avec le Pacte.

Par ailleurs, un individu dont les droits auraient été violés dispose de nombreux recours, sauf si certaines libertés ont été expressément limitées en application de la loi.

25. Abordant le point 2, M. Seung Ho dit que les droits économiques et sociaux énoncés dans la Constitution ont le rang de norme juridique suprême et que les droits spécifiques qui en découlent sont dûment garantis par la législation. A cet égard, tout citoyen peut demander à l'Etat le respect de ses droits économiques et sociaux garantis par la Constitution. Lorsque ses droits constitutionnels sont violés tout individu peut faire appel et demander réparation devant la Cour constitutionnelle. En avril 1995, le droit à l'éducation dans un environnement sain et agréable a été reconnu par le tribunal de Pusan qui a décidé d'interrompre la construction d'un gratte-ciel dans les environs immédiats de l'université de cette même ville.

26. M. GRISSA constate, après avoir examiné attentivement les réponses écrites fournies par la délégation de la République de Corée, que les recours dont dispose une personne qui se prétend victime d'une violation de ses droits par une administration sont uniquement de caractère administratif. Existe-t-il également des recours judiciaires en la matière ?

27. M. Seung HO (République de Corée) précise que le système juridique national prévoit différents types de recours et permet notamment à des individus de saisir les tribunaux lorsque leurs droits sont violés par des administrations.

28. M. TEXIER se félicite de la qualité du rapport et des réponses écrites présentées par les autorités de la République de Corée. Par ailleurs, la présence d'ONG nationales permet au Comité de disposer de nombreuses informations.

29. M. Texier constate que la République de Corée a ratifié le Pacte récemment et souhaite savoir si des efforts ont été accomplis pour mettre la législation existante en conformité avec ce dernier. Des mesures ont-elles été prises pour modifier certaines lois susceptibles d'aller à l'encontre des dispositions du Pacte ?

30. M. Seung HO dit que le gouvernement de son pays déploie tous ses efforts pour appliquer au niveau national les principes consacrés dans le Pacte. C'est pourquoi les dispositions du Pacte, comme celles des autres instruments internationaux ratifiés par la République de Corée, ne sont jamais négligées dans les lois ou réglementations nationales.

31. M. ALVAREZ VITA souhaite savoir quelle est la portée pratique du Pacte et quelle est sa place dans l'ordre juridique interne. En outre, le pouvoir législatif tient-il compte du Pacte lorsqu'il adopte une loi et ce dernier est-il suffisamment connu et diffusé pour permettre au législateur d'être conscient de la nécessité d'en respecter les dispositions ? Il semble en effet qu'une loi adoptée postérieurement soit en contradiction avec le Pacte. Si cette information est exacte, quelles mesures ont été prises afin de résoudre le problème ?

32. M. Seung HO (République de Corée) rappelle que les lois internes et les instruments internationaux auxquels la République de Corée est partie ont, en vertu de la Constitution et dans la pratique, le même effet et la même validité. Les premières et les seconds se situent donc sur un même plan dans l'ordre juridique interne. La règle de la lex posteriori s'applique en l'occurrence, à ceci près qu'une loi nouvelle ne saurait aller à l'encontre des obligations contractées par l'Etat au titre d'instruments internationaux, car si tel était le cas, il faudrait interpréter à nouveau les instruments visés, voire envisager d'apporter des modifications à ceux-ci quant au fond par la voie de négociations internationales, ce qui poserait manifestement des problèmes très ardus.

33. M. RATTRAY ne voit pas encore très bien quelle est l'incidence réelle du Pacte sur l'ordre juridique et judiciaire de la République de Corée. Par exemple, un juge peut-il choisir de ne pas appliquer une loi interne s'il estime que les dispositions en sont contraires à celles du Pacte et donc inconstitutionnelles ? Par ailleurs, l'Etat accorde-t-il une aide pécuniaire à quiconque se prétend victime d'une violation de ses droits tels que garantis par le Pacte et la Constitution et n'a pas de moyens suffisants pour exercer les recours prévus, de telle sorte que ces recours soient utiles ?

34. M. Seung HO (République de Corée) fait observer que, les dispositions du Pacte et les principes qui y sont consacrés n'ayant été introduits que récemment dans le droit national, il n'existe guère en la matière de jurisprudence sur laquelle il soit possible de s'appuyer pour apporter une réponse précise à la première question de M. Rattray. Quant aux possibilités d'assistance judiciaire, il existe une centrale réunissant une centaine d'avocats qui peuvent être commis d'office en cas de besoin.

35. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait avoir de plus amples renseignements sur les modifications apportées aux lois internes de la République de Corée depuis l'adhésion de celle-ci au Pacte, en 1990, et en particulier aux dispositions juridiques qui autorisaient une discrimination à l'encontre des femmes, que ce soit au sein de la famille ou en matière d'emploi. Elle aimerait aussi savoir quelle est la ventilation de la population par sexe.

36. M. Seung HO (République de Corée) demande qu'il lui soit accordé le temps nécessaire pour faire les recherches qu'exige une information sur le premier point soulevé par Mme Jimenez Butragueño. Il traitera le second point lorsqu'il abordera l'application des dispositions générales du Pacte.

37. M. THAPALIA ne voit pas comment le Gouvernement de la République de Corée peut raisonnablement dénier aux enseignants le droit d'association, ce dont fait état le rapport à l'examen, alors que le Pacte, auquel le pays a adhéré, reconnaît à toute personne le droit de former des syndicats et de s'y affilier.

38. M. Seung HO (République de Corée) préfère traiter la question soulevée par M. Thapalia lorsque seront abordés les points de la liste qui concernent l'application de l'article 8 du Pacte.

39. Mme VYSOKAJOVA appelle l'attention sur le paragraphe 61 du rapport, où il est question d'une loi de 1987 sur l'égalité des sexes en matière d'emploi, qui garantit aux femmes un salaire égal pour un travail égal. Il semblerait que le salaire moyen d'une travailleuse en République de Corée ne représente qu'un peu plus de la moitié de celui de son homologue masculin. Quelles mesures le gouvernement prend-il pour combler cet écart ?

40. Le PRESIDENT pense qu'il serait plus judicieux d'évoquer ce problème dans le cadre des points relatifs à l'article 7. Il invite la délégation de la République de Corée à répondre aux questions posées au paragraphe 3 de la liste des points à traiter.

41. M. Seung HO (République de Corée), abordant le point 3 de la liste, indique qu'il est donné dans la République de Corée une large publicité aux droits reconnus par le Pacte. Tout d'abord, les débats consacrés par l'Assemblée nationale à la question de l'adhésion du pays au Pacte ont été évoqués dans les rapports officiels et dans la presse. Par la suite, des colloques et des séminaires ont été organisés qui avaient le Pacte pour thème et auxquels ont participé des avocats, des enseignants et des fonctionnaires, de même que le grand public. La récente amélioration générale des conditions de vie dans le pays a fait que l'ensemble de la population s'intéresse aujourd'hui à la protection des droits de l'homme, aussi les médias font-ils une large place à cette question. En outre, il est de coutume dans tout le pays que les membres des collectivités se réunissent une fois par mois pour discuter de leurs droits et des possibilités concrètes qui s'offrent à eux de les exercer ou pour échanger des informations à ce sujet.

42. Les candidats à la fonction publique, quant à eux, doivent bien connaître le droit constitutionnel, administratif et public, car ce sont là les sujets des principales épreuves de l'examen écrit sur la base duquel la plupart d'entre eux sont recrutés.

43. En ce qui concerne les publications, il y a lieu de signaler que le Ministère de la justice diffuse chaque année, depuis 1992, 110 000 exemplaires d'un ouvrage de vulgarisation où sont examinés les lois en vigueur, les obligations internationales du pays, les droits reconnus aux citoyens et les recours disponibles. Il existe aussi différents recueils de documents sur le Pacte et de décisions prises par les juridictions dans des affaires ayant trait aux droits reconnus par le Pacte, qui sont destinés aux spécialistes.

44. Enfin, la Journée des droits de l'homme est largement célébrée dans la République de Corée, et la population, les organismes publics et les organisations intéressées participent aux multiples manifestations organisées à cette occasion.

45. M. RATTRAY comprend bien qu'il soit un peu tôt pour mesurer l'impact de la publicité donnée au Pacte en République de Corée. La même observation vaut d'ailleurs pour d'autres pays dont les rapports ont été examinés par le Comité. Toutefois, il serait intéressant de savoir comment sont perçus en général les droits fondamentaux et ceux qui les défendent, en particulier les ONG. Le Gouvernement de la République de Corée considère-t-il par exemple les défenseurs des droits de l'homme comme exerçant des activités légitimes ou comme des terroristes ?

46. M. Seung HO (République de Corée) dit que les concepts en matière de droits de l'homme ont été incorporés sans difficulté dans la législation interne et qu'ils sont désormais reconnus comme des valeurs universelles. Ces concepts inspirent également la politique extérieure de la République de Corée, au nom du même principe d'universalité. Depuis l'instauration d'un gouvernement civil et l'organisation des premières élections générales depuis 37 ans, les notions de droits de l'homme ont été progressivement acceptées par tous et intégrées à la philosophie du pays. Il n'est certes pas exclu que dans un petit nombre de cas particuliers, un représentant de l'autorité ou une entité économique puisse enfreindre tel ou tel droit des individus par simple ignorance, par omission ou par négligence, mais il s'agit seulement de cas exceptionnels et certainement pas d'une politique officielle ou d'une philosophie.

47. M. TEXIER dit qu'en ce qui concerne la publicité donnée au Pacte, selon l'expérience du Comité, la préparation des rapports est un processus important pour les Etats parties et l'examen de ces rapports par le Comité suscite souvent un débat dans le pays, au sein du gouvernement comme dans la société civile. M. Texier se demande donc si en République de Corée les composantes de la société civile et, en particulier, les ONG ont été associées - comme il souhaiterait d'ailleurs que ce soit plus souvent le cas dans les pays - à la préparation du rapport. L'examen du rapport a-t-il suscité un débat, notamment dans la presse ?

48. M. Seung HO (République de Corée) dit que bien entendu les autorités ont besoin d'un certain délai pour communiquer à la population des informations sur les projets de lois qui sont envisagés par le gouvernement ou par l'Assemblée nationale. Mais tout au long du processus d'élaboration des lois, les vues de tous, et notamment des spécialistes, des intellectuels, des enseignants, etc., peuvent être prises en compte. Le dimanche matin ou en d'autres occasions, la télévision diffuse un programme où des représentants des ONG, des juristes, des enseignants ou d'autres personnes débattent de toutes sortes de questions d'intérêt général. Les médias rendent compte de toutes les opinions quelles qu'elles soient et ce processus fait de transparence et d'ouverture est encouragé par les autorités, en particulier depuis l'instauration du nouveau gouvernement civil en 1993. Il est vrai qu'il y a eu des problèmes du temps du régime militaire, mais la situation a beaucoup évolué.

49. Mme DANDAN dit que comme le Comité a toujours insisté sur le caractère universel et indivisible des droits de l'homme, la question posée par M. Rattray quant à la perception de ces droits en République de Corée mérite une réponse plus claire. Si l'on demandait par exemple dans la rue à dix habitants de Séoul s'ils ont entendu parler du Pacte, combien de réponses affirmatives recevrait-on ?

50. M. Seung HO (République de Corée) rappelle que les notions touchant aux droits de l'homme sont reconnues comme des valeurs universelles dans la législation interne. Les autorités sont tout à fait conscientes de la nécessité de mieux faire connaître ces droits à la population dans son ensemble, mais si l'on pose la question suggérée par Mme Dandan à une dizaine de personnes prises au hasard dans la rue, dans une aussi grande métropole que Séoul avec ses 12 millions d'habitants, il y aura forcément peu de réponses affirmatives. Si l'on demande en revanche à ces mêmes personnes "Vous sentez-vous victime de discrimination, ou avez-vous souffert de quelque abus que ce soit ?", les réponses parleront alors d'elles-mêmes. Le gouvernement s'attache donc à faire passer l'information par les voies officielles comme par l'intermédiaire des médias. Les principes fondamentaux en matière de droits de l'homme ont été introduits initialement en République de Corée en 1948 avec l'élaboration d'une constitution et la proclamation de la première République après une série d'occupations étrangères. Durant tous les événements qui se sont succédé depuis près de 50 ans - révolte des étudiants en 1961, coup d'Etat militaire en 1962, passage plus récemment d'un régime présidé par un militaire à un régime présidé par un civil - les problèmes des droits de l'homme et de la démocratie ont été au centre des débats.

51. M. Alvarez Vita prend la présidence.

52. M. ADEKUOYE, rappelant qu'il vient d'un pays en développement ayant lui aussi une population importante, mais en partie analphabète, dit que certaines personnes sont défavorisées à tous égards, y compris au regard des droits fondamentaux. Pour en revenir à la République de Corée, il a été dit la veille que dans ce pays le principe du travail égal à salaire égal n'était pas appliqué dans bien des cas et que les femmes percevaient en moyenne un salaire correspondant à 55 % de celui des hommes. Puisque selon le représentant de la République de Corée des personnes interrogées au hasard dans la rue pourraient dire si elles se sentent ou non victimes de discrimination, il serait intéressant de savoir si les femmes en question se savent victimes de discrimination et connaissent leurs droits à cet égard.

53. M. Seung HO (République de Corée) dit qu'il n'ignore pas les critiques adressées à son pays dans le domaine de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes ni les chiffres qui circulent à ce sujet. Même si certaines de ces critiques sont peut-être justifiées, la situation n'est pas si mauvaise dans l'ensemble. Dans l'administration publique et dans les entreprises privées, les femmes sont recrutées au même niveau que les hommes si elles présentent des qualifications identiques et exécutent un travail de même qualité. Il semble donc que les chiffres avancés soient des moyennes arithmétiques simples, qui ne présentent pas la rigueur scientifique voulue. On doit rappeler encore une fois que la loi interdit aux administrations publiques et aux entreprises privées d'appliquer des barèmes de salaires différents pour les femmes et les hommes. Il y a bien entendu des différences de revenu selon le travail effectué et il est évident que certaines tâches sont exécutées en majorité par les femmes. Celles-ci sont cependant traitées de façon équitable et bénéficient d'ailleurs, par exemple dans la fonction publique et dans les entreprises d'Etat, de certains avantages en matière de formation, d'éducation, etc. Plutôt que d'avancer des statistiques quelque peu douteuses ou déformées qui ne tiennent pas compte de la nature du travail effectué, il serait plus positif d'encourager le gouvernement à améliorer encore la condition des femmes qui travaillent.

54. M. GRISSA dit que selon des informations fournies par d'autres sources au Comité, le salaire moyen des femmes en République de Corée ne représentait en 1992 que 47 % de celui des hommes. Il semble donc y avoir une certaine contradiction entre ce chiffre et les déclarations de la délégation. A supposer que les femmes soient sous-payées en République de Corée, quels recours ont-elles pour obtenir réparation ? Peuvent-elles saisir les tribunaux ou se prévaloir d'autres moyens ?

55. M. Seung HO (République de Corée) ne nie nullement que dans certains cas isolés il puisse y avoir une différence de rémunération entre femmes et hommes. Il n'en reste pas moins que dans les grandes entreprises de plus de 100 salariés et dans le secteur public, l'égalité entre femmes et hommes est assurée et que les femmes ont même certains avantages. Encore une fois, la loi interdit toute discrimination dans ce domaine. Les femmes peuvent bien entendu saisir les tribunaux si nécessaire afin d'obtenir réparation, mais le Comité sait combien la procédure est longue. Il est donc prévu d'autres voies de recours sous forme de pétitions, consultations, plaintes, négociations collectives, etc. Quoi qu'il en soit, les femmes en République de Corée sont conscientes de l'importance du principe de l'égalité de traitement.


La séance est levée à 13 heures.

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