Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1090
15 avril 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1090ème seance : Romania. 15/04/95.
CERD/C/SR.1090. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Quarante-sixième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1090ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 13 mars 1995, à 10 heures


Président : M. GARVALOV


SOMMAIRE

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention (suite)


La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Neuvième, dixième et onzième rapports périodiques de la Roumanie (CERD/C/210/Add.4)

1. A l'invitation du Président, la délégation roumaine prend place à la table du Comité; elle est composée de M. Lucian Stangu, secrétaire d'Etat au Ministère de la justice, chef de la délégation; M. Romulus Neagu, représentant permanent de la Roumanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève; M. Ivan Truter, secrétaire exécutif du Conseil des minorités nationales; M. Gheorghe Badica, directeur général au Ministère du travail et de la protection sociale; M. Petru Gavrilescu, premier secrétaire au Ministère des affaires étrangères; M. George Mircea Botescu, employé au Ministère de l'intérieur; M. Sergiu Margineanu, premier secrétaire à la Mission permanente de la Roumanie à Genève.

2. Le PRESIDENT présente la délégation roumaine et lui explique la procédure suivie par le Comité pour l'examen des rapports des Etats parties.

3. M. NEAGU (Représentant permanent de la Roumanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève) fait observer que la composition de la délégation roumaine, qui est dirigée par le Secrétaire d'Etat au Ministère de la justice et composée de spécialistes et de responsables de haut niveau, témoigne de l'importance que son pays attache à la présentation de son rapport au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Le chef de la délégation présentera le rapport de la Roumanie et, avec les autres membres de la délégation, s'efforcera dans la mesure du possible de répondre aux questions des membres du Comité, dont les observations et les recommandations seront les bienvenues.

4. M. STANGU (Secrétaire d'Etat au Ministère de la justice de Roumanie) complète le rapport publié sous la cote CERD/C/210/Add.4 par des informations portant sur les années 1993 et 1994. D'une façon générale, ces deux années ont été marquées par un renforcement notable des moyens législatifs et institutionnels en Roumanie. L'année 1994 s'est également caractérisée par l'arrêt de la chute de l'économie et un climat social plus calme. L'admission de la Roumanie au Conseil de l'Europe a été précédée par l'adoption d'une série de mesures législatives et autres, notamment dans le domaine de la lutte pour l'élimination de toute forme de discrimination entre les membres de la société roumaine. La Roumanie a en outre signé récemment la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et le Parlement roumain a ratifié, en mai 1994, la Convention européenne pour la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. La constitutionnalité des textes législatifs qui consacraient certaines inégalités a été mise en cause par la Cour constitutionnelle. Par une loi spéciale de novembre 1993 a été créé le Conseil législatif, dont le rôle est notamment d'examiner la conformité de la législation avec la constitution et de faire des propositions adéquates au Parlement ou, selon le cas, au gouvernement.

6. En ce qui concerne les articles 2 à 7 de la Convention, M. Stangu dit que si, au cours des deux dernières années, le nombre des partis politiques n'a guère varié, beaucoup d'organisations et d'associations sans caractère politique ni but lucratif ont vu le jour dans tous les domaines de la vie sociale, culturelle, sportive, professionnelle, religieuse, philanthropique et autre, y compris des organisations appartenant aux minorités nationales. Etant donné les insuffisances de la législation existante (notamment de la loi sur les partis politiques et de la loi sur les associations et les fondations), des projets de loi sont en cours d'élaboration en vue de mieux garantir la possibilité qu'ont des groupes de citoyens de participer à la vie publique. La création d'un parti politique ne pose en général pas de problème. Dans un cas seulement, l'enregistrement d'un parti politique a été refusé par la Cour suprême de justice : il s'agissait d'un parti se qualifiant de "communiste" dont le programme rappelait par trop la doctrine de l'ancien parti qui a gouverné le pays pendant plus de 45 ans par la dictature et la terreur.

7. La Constitution roumaine prévoit la création d'une institution qui devrait jouer un rôle particulièrement important dans la défense des droits et des libertés des citoyens : l'Avocat du peuple. Celui-ci sera nommé par le Sénat et devra exercer ses fonctions d'office ou sur la requête des personnes lésées dans leurs droits ou dans leurs libertés. Le retard enregistré dans l'adoption par le Parlement de la loi organique sur l'organisation et le fonctionnement de cette institution est dû dans une large mesure au fait qu'elle est tout à fait nouvelle pour la Roumanie, dont les particularités de la vie politique et sociale s'opposent à une simple transplantation de l'institution de l'ombudsman. Cette loi devrait cependant être adoptée dans les prochains mois. Un des trois avocats du peuple qui devraient être désignés sera chargé des droits et des libertés des personnes appartenant aux minorités nationales.

8. La réforme du système judiciaire commencée en juillet 1993 sur la base de la loi No 1992/92 est presque achevée. Quinze cours d'appel ont été créées ainsi que 81 nouveaux tribunaux de première instance. L'ancienne "procuratura" a été remplacée par le ministère public. Les procureurs sont des magistrats inamovibles. L'inamovibilité est accordée à la totalité des juges à mesure que ceux-ci sont nommés par le Président de la République. Un conseil supérieur de la magistrature a été mis en place.

9. D'importantes modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale ont été récemment soumises au Parlement. Face à l'augmentation inquiétante de la criminalité, le projet de loi destiné à modifier le Code pénal propose une réévaluation des sanctions pour les infractions qui portent atteinte aux droits et aux libertés fondamentales de l'homme. Suite aux amendements apportés par les commissions spécialisées de la Chambre des députés, les textes concernant la propagande à caractère fasciste ont été reformulés afin d'incriminer toutes les formes de la propagande à caractère totalitaire, y compris fasciste et communiste. On a conservé en même temps l'article 317 du Code pénal, qui punit la propagande nationaliste-chauvine et l'incitation à la haine de race ou de nationalité.

10. Conformément à la loi No 41 du 17 juin 1994 sur l'organisation et le fonctionnement de la Société roumaine de radiodiffusion et de la Société roumaine de télévision, les programmes de ces deux sociétés ne doivent en aucun cas servir de moyens pour diffamer le pays ou la nation ou pour inciter à la guerre d'agression, à la haine raciale, de classe ou religieuse, ou à la discrimination, au séparatisme territorial ou à la violence publique. Selon l'article 20 de cette loi, les conseils d'administration de chacune des sociétés comprennent des représentants des groupes parlementaires des minorités nationales.

11. Suite à l'établissement du cadre juridique relatif à la restitution des biens nationalisés ou réquisitionnés par l'Etat, d'autres mesures de réparation ont été prises en faveur des personnes lésées. Le Sénat a adopté le projet de loi sur la restitution des logements nationalisés ou réquisitionnés, qui doit maintenant être examiné par la Chambre des députés. Il s'agit d'un problème extrêmement complexe et controversé du fait qu'il oppose les intérêts des anciens propriétaires à ceux des locataires actuels. A cet égard, une loi récente a prolongé de cinq ans les contrats de location. Une loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique a été adoptée en 1994, qui consacre le principe, énoncé à l'article 41 de la Constitution, selon lequel nul ne peut être exproprié sauf pour cause d'utilité publique et moyennant un juste dédommagement préalable.

12. Enfin, M. Stangu déplore le fait que, malgré les mesures prises par les autorités publiques, certains affrontements se sont produits entre Roms et Roumains, faisant des victimes et des dégâts matériels. Dans tous les cas des enquêtes ont été ordonnées, et dans quelques cas les affaires sont en jugement. Il faut souligner qu'il ne s'agit jamais de conflits ethniques mais de conflits intercommunautaires, dont le nombre a d'ailleurs nettement diminué au cours des deux dernières années. Il faut noter en outre que deux projets de lois sur les minorités sont actuellement examinés par le Parlement. Le projet de loi sur l'enseignement, d'autre part, sera probablement bientôt adopté par le Sénat.

13. M. VALENCIA RODRIGUEZ, rapporteur de pays, remercie le Secrétaire d'Etat au Ministère de la justice de la Roumanie et félicite la Roumanie pour le haut niveau de sa délégation. La Roumanie a suivi les directives du Comité pour la présentation de son rapport et il faut l'en féliciter. La Roumanie étant un pays multiracial comportant 28 nationalités différentes, son rapport revêt une importance particulière. Au chapitre des généralités, il convient de souligner que selon la nouvelle Constitution de 1991 la Roumanie est un Etat de droit démocratique, qui reconnaît et garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse. Il est indiqué au paragraphe 4 du rapport que la primauté est donnée aux réglementations internationales dans le domaine des droits de l'homme, y compris à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par rapport aux lois internes, en cas de non-concordance. Les traités ratifiés par le Parlement font partie du droit interne et les dispositions constitutionnelles relatives aux libertés sont interprétées et appliquées conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme, aux pactes et autres instruments internationaux. Il convient également de relever que dans sa déclaration du 20 novembre 1991, le Gouvernement roumain a réaffirmé que sa politique et ses actions concernant les minorités nationales seront guidées par les normes européennes et les normes inscrites dans la Constitution. Le gouvernement s'est proposé en outre de rejeter toute approche fondée sur des positions xénophobes, antisémites et racistes. Il convient cependant de signaler que des informations font toujours état du fait que les minorités rom et hongroise restent les plus opprimées à cause d'une discrimination de fait.

14. Le paragraphe 10 du rapport indique que la Cour constitutionnelle est compétente à se prononcer sur la constitutionnalité des lois. Il serait intéressant de savoir si la Cour a été saisie de cas de lois jugées inconstitutionnelles pour motif de discrimination raciale. Pour conclure sur la partie du rapport concernant les généralités, M. Valencia Rodriguez rappelle que la Commission des droits de l'homme, dans sa résolution 1993/72, s'est félicitée des mesures adoptées pour établir en Roumanie un système de gouvernement démocratique et pluraliste sur la base des droits de l'homme et de la primauté du droit.

15. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, le rapporteur de pays, se référant au paragraphe 24 du rapport, où il est dit que selon la Constitution aucune révision des dispositions constitutionnelles ne peut être faite si elle a pour résultat la suppression des droits et des libertés fondamentales des citoyens ou de leurs garanties, souhaiterait savoir si la Cour constitutionnelle interviendrait au cas où une telle révision se produisait.

16. Il est satisfaisant de noter que les autorités encouragent et favorisent les organisations et les initiatives visant à promouvoir la confiance et l'entente entre majorité et minorités (par. 27). Le Centre européen d'étude des problèmes ethniques, l'Institut roumain des droits de l'homme et le Conseil consultatif pour les minorités nationales sont appelés à jouer un rôle important en la matière. Il est affirmé à juste titre dans le document relatif à la situation des droits de l'homme en Roumanie (E/CN.4/1994/76, par. 60) que les axes majeurs de l'action gouvernementale concernant les minorités nationales se retrouvent dans l'accent placé sur l'observation et la supervision plus strictes de la manière dont la législation en vigueur est appliquée dans la pratique. La réunion des organisations représentatives des Roms a adopté en 1993 la "Déclaration de Snagov" qui propose des solutions pour accroître l'efficacité des activités ayant comme but l'intégration sociale des membres de la communauté des Roms. Il serait utile d'avoir des renseignements plus précis sur ce qui est prévu pour relever le niveau d'éducation, de formation professionnelle, de connaissance et d'exercice des droits de l'homme, et surtout le niveau économique et social de la minorité des Roms (par. 34 du rapport).

17. S'agissant de l'article 4 de la Convention, il est prévu d'incorporer dans le Code pénal les dispositions constitutionnelles interdisant l'incitation à la haine nationale, de classe ou religieuse, ainsi que l'incitation à la discrimination. Les partis ou les organisations qui militent contre le pluralisme politique sont inconstitutionnels. La formation des partis politiques en Roumanie est libre, à l'exception des partis fascistes ou qui propagent des conceptions contraires à l'ordre public (par. 39). Il serait intéressant de savoir à cet égard quels partis ont pu être interdits, outre celui dont le Secrétaire d'Etat a parlé dans son introduction. Il est reconnu au paragraphe 40 qu'il n'y a pas d'interdiction expresse des organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l'encouragent. Il est urgent que ce vide important soit comblé et il faut espérer qu'il le sera avec l'adoption du nouveau Code pénal.

18. Il semble que les dispositions constitutionnelles et juridiques actuelles protègent les droits visés par l'article 5 de la Convention. On peut noter avec satisfaction que l'article 51 du Code de procédure pénale prévoit l'obligation de respecter la dignité de toute personne faisant l'objet d'une procédure judiciaire. Le Code pénal, par ailleurs, incrimine la privation illégale de liberté, le fait de soumettre une personne détenue à des mauvais traitements, et l'emploi de la violence contre une personne faisant l'objet d'une enquête dans le cadre d'une procédure pénale ou judiciaire. M. Valencia Rodriguez souhaiterait savoir à cet égard si de telles violations se sont déjà produites lors de procédures pénales ou judiciaires sur la base de la discrimination raciale.

19. Le paragraphe 52 du rapport fait état d'actes de violence collective qui ont eu lieu en mars 1990 à Tîrgu-Mures entre Roumains et Hongrois. Etant donné la gravité de ces actes, il serait bon de connaître les résultats des enquêtes qui ont été menées et qui n'étaient pas encore terminées au moment de l'établissement du rapport. Il faudrait aussi que le Gouvernement roumain fournisse toutes les informations dont il dispose au sujet des affrontements entre groupes de Roms, ou entre Roms d'un côté et Roumains ou Hongrois de l'autre, qui se sont produits dans certaines zones rurales (par. 53).

20. S'agissant des droits politiques, le Comité note avec satisfaction que des organisations des minorités nationales ainsi que des partis constitués par des groupes minoritaires, notamment hongrois, ont participé aux élections parlementaires de septembre 1992. Il souhaiterait savoir quelle proportion du Parlement représentent les 39 députés et sénateurs proposés par l'Organisation de la minorité hongroise qui ont été élus. La Roumanie reconnaît d'autre part, au paragraphe 61 de son rapport, qu'il y a des départements et des localités où la situation n'est pas satisfaisante, surtout en ce qui concerne les petites minorités. Le Comité devrait recommander au Gouvernement roumain de s'efforcer d'adopter des mesures propres à améliorer cette situation.

21. A propos des droits civils, il faut noter l'abrogation des dispositions restrictives concernant l'établissement du domicile, les dispositions garantissant le droit de quitter son pays et d'y revenir et le droit au passeport, ainsi que l'élimination des sanctions qui frappaient le citoyen roumain qui, se trouvant à l'étranger en mission d'Etat, refusait de rentrer dans le pays à la fin de sa mission. Les paragraphes 65 et 66 du rapport se réfèrent au droit au rapatriement et au droit de regagner la citoyenneté roumaine. Le Rapporteur se demande dans quelle mesure ces droits se sont exercés, notamment dans le cas des personnes appartenant à des groupes minoritaires, et combien il y a eu de cas de rapatriement et de rétablissement de la citoyenneté.

22. Les paragraphes 69 à 74 contiennent des renseignements sur les changements importants intervenus au niveau du droit à la propriété. A ce qu'il ressort du paragraphe 73, il semble qu'il y ait des différences, s'agissant de l'acquisition de terres, entre les citoyens roumains et les autres. Il serait bon d'avoir de plus amples informations sur cette question.

23. Bien que l'exercice de la liberté religieuse n'entre pas dans le champ de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les informations données au paragraphe 76 méritent d'être complétées. Il faudrait savoir notamment si les croyants de telle ou telle religion ont une origine ethnique ou nationale particulière. Si tel était le cas, on pourrait se demander si les incidents évoqués dans ce paragraphe n'ont pas aggravé les différences ethniques.

24. S'agissant de la liberté d'opinion et d'expression, le paragraphe 81 fait allusion à des crimes commis contre des milliers de personnes sous le régime précédent. Plusieurs questions se posent à cet égard : ces crimes ont-ils été commis particulièrement contre certains groupes ethniques ? Dans l'affirmative, quelle réparation y a-t-il eu ? Il convient en tout cas de se féliciter de la restauration de la liberté d'opinion et d'expression en Roumanie.

25. Il serait intéressant d'avoir des précisions sur les activités et le fonctionnement des unions et autres organisations politiques ou non politiques des personnes faisant partie des minorités nationales, qui sont mentionnées au paragraphe 85 du rapport.

26. S'agissant du droit au travail (voir par. 87 à 90 du rapport), il serait utile de savoir si des mesures sont prises pour favoriser l'accès à l'emploi des secteurs de la population les plus durement touchés par le chômage, notamment les Roms.

27. En ce qui concerne le droit au logement, M. Valencia Rodriguez souhaiterait savoir si les personnes appartenant à des groupes minoritaires ont davantage de difficultés que les autres citoyens à louer un logement ou à en acquérir un (voir par. 92 du rapport).

28. Pour ce qui est du droit à l'éducation (voir par. 97 et 98), il serait intéressant de savoir si des mesures sont prises pour garantir aux membres des minorités l'accès à l'éducation et à la formation professionnelle.

29. En ce qui concerne l'article 6, on peut lire dans le rapport CERD/C/210/Add.4 que des dispositions constitutionnelles et législatives garantissent la protection légale et effective de toute personne contre la violation de ses droits individuels et de ses libertés fondamentales (par. 105), et que l'accès à la justice est libre et illimité (par. 106). Par ailleurs, il est précisé au paragraphe 14 du rapport que s'il y a des non-concordances entre les pactes et les instruments relatifs aux droits fondamentaux de l'homme auxquels la Roumanie est partie et les lois internes, les réglementations internationales ont la primauté, et qu'en conséquence toute personne peut invoquer la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale devant les instances judiciaires. Il est en outre indiqué au paragraphe 110 qu'une personne a le droit de demander satisfaction, ou réparation juste et adéquate, pour tout dommage causé à la suite d'une discrimination raciale. Enfin, il est précisé au paragraphe 113 que ni avant 1990, ni dans la période 1990-1992, les instances judiciaires roumaines n'ont été saisies de cas de violations des droits de l'homme pour des motifs de race, de couleur, d'ascendance ou de régime national ou ethnique.

30. Or, d'après Amnesty International, des membres de minorités ethniques auraient été victimes, à diverses reprises, de tortures et de mauvais traitements de la part des forces de l'ordre et des forces armées. C'est ainsi par exemple que le 3 juillet 1992, à Piata Rahova (Bucarest) une cinquantaine de soldats ont attaqué les Roms qui se trouvaient sur le marché. Le 25 août 1992, un policier a frappé, avec un autre agent, un citoyen d'ascendance hongroise domicilié à Sic dans le district de Cluj, avec qui il avait eu une altercation quelques jours auparavant. Souffrant de diverses blessures, ce citoyen a dû consulter un médecin. Le 20 septembre 1993, trois Roms sont décédés et 170 autres ont été contraints d'abandonner leur domicile, à Hadareni, après une nuit de violences raciales. Douze maisons ont été incendiées. D'après les associations de Roms et les organisations de défense des droits de l'homme, rien n'a été fait pour reconstruire ces maisons. Enfin, en juillet 1994, neuf autres maisons appartenant à des Roms ont été incendiées à Rasca, où la police n'aurait pris aucune mesure pour protéger la communauté rom. Le Comité souhaiterait donc avoir des informations sur tous ces événements.

31. S'agissant de l'application de l'article 7, on notera avec satisfaction que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ont été inclus dans les programmes des écoles secondaires (voir par. 115) et qu'il existe un programme visant à créer un dialogue entre les communautés des Roumains, Macédoniens-Roumains et Roms et à améliorer les relations ethniques (par. 117). Il convient également de souligner l'action menée par l'Institut roumain des droits de l'homme, le Centre européen d'étude des problèmes ethniques et divers ministères pour sensibiliser aux droits de l'homme divers milieux professionnels, notamment la police, et pour améliorer les relations interethniques. On rappellera enfin qu'en 1993 la Roumanie a renforcé sa participation à la coopération internationale dans le domaine des droits de l'homme (voir par. 38 du document E/CN.4/1994/76). A cet égard, la délégation roumaine pourrait donner au Comité de plus amples renseignements sur son action visant à donner effet aux dispositions de l'article 7 de la Convention.

32. M. SONG remercie la délégation roumaine pour la qualité du rapport de son gouvernement, qui a été établi conformément aux directives du Comité et qui reconnaît les problèmes avec franchise. Il remercie également Monsieur l'Ambassadeur pour sa présentation du rapport.

33. Il est dit dans le rapport que la formation des partis politiques en Roumanie est libre, à l'exception des partis fascistes, que les partis ou les organisations qui militent contre l'intégrité ou l'indépendance de la Roumanie sont inconstitutionnels et que les associations secrètes sont interdites (voir par. 13 et 39). La Constitution prévoit également que sont interdites par la loi l'incitation à la haine nationale, à la discrimination et au séparatisme territorial. M. Song aimerait savoir s'il existe des partis qui propagent de telles idées et ce qu'il faut entendre par "association secrète".

34. S'agissant des étrangers (voir par. 15), M. Song aimerait savoir s'ils ont le droit de fonder des syndicats et s'ils ont les mêmes droits que les citoyens roumains dans les domaines de la santé et de l'éducation. Il serait par ailleurs intéressant de savoir si les minorités sont représentées au sein du Centre européen d'étude des problèmes ethniques (par. 27) et de l'Institut roumain des droits de l'homme (par. 28). A propos de l'article 5, il serait intéressant d'avoir des précisions sur l'approfondissement de la décentralisation de l'autonomie locale, dont il est question au paragraphe 61.

35. Passant à l'article 6, M. Song souhaiterait avoir des précisions sur les allégations selon lesquelles les personnes arrêtées et poursuivies après les événements de mars 1990 à Tîrgu-Mures étaient surtout de nationalité hongroise ou rom (voir par. 113). S'agissant des Roms, de manière générale, il serait utile de connaître les mesures prises par le gouvernement pour favoriser leur accès à l'éducation et, partant, à l'emploi, pour lutter contre les préjugés dont ils sont victimes, et pour assurer leur sécurité physique.

36. M. WOLFRUM fait siennes les observations et les questions de M. Valencia Rodriguez et souligne l'évolution positive de la situation des droits de l'homme en Roumanie, comme en témoignent les informations figurant aux paragraphes 5, 8, 9, 16 et 20 du rapport périodique CERD/C/210/Add.4.

37. Dans son rapport, le Gouvernement roumain affirme à diverses reprises qu'il condamne les manifestations à caractère chauvin ou antisémite. Or récemment, le maire de Cluj-Napoca aurait tenu des propos racistes à l'encontre des minorités hongroise et rom, qui tombent manifestement sous le coup de l'article 4 de la Convention. Ce maire, M. Funar, aurait notamment demandé qu'il soit procédé à des transferts de population. M. Wolfrum aimerait savoir si des poursuites sont engagées contre les personnes qui se rendent coupables d'incitation à la discrimination raciale. Il convient à ce propos de préciser qu'un évêque appartenant à la minorité hongroise, Mgr Laslo Tukes, aurait lui aussi tenu des propos similaires à l'encontre de la communauté roumaine.

38. S'agissant des Roms, M. Wolfrum souhaiterait savoir si les personnes qui ont incendié des maisons appartenant à des membres de cette communauté ont été identifiées et jugées. D'après l'OIT, les Roms seraient aussi victimes de discrimination dans le domaine de l'emploi et de l'éducation. N'ayant pas reçu une formation suffisante, ils occupent en effet les postes de travail les moins qualifiés et les moins bien rémunérés.

39. M. ABOUL-NASR souhaite la bienvenue à la délégation roumaine, qui est d'un haut niveau, et félicite le Gouvernement roumain pour la qualité de son rapport. Dans sa déclaration liminaire, le chef de la délégation a dit, à propos du conflit qui oppose deux groupes de la population, qu'il ne s'agit pas d'un conflit ethnique mais d'un conflit intercommunautaire; M. Aboul-Nasr souhaiterait que soit précisé le sens de ce distinguo.

40. Abordant la question de la communauté rom, qui est la plus vulnérable, M. Aboul-Nasr souhaiterait avoir des informations sur l'accord conclu entre l'Allemagne et la Roumanie, qui porte sur le transfert d'un groupe de Roms du premier pays vers le second, et dont le Comité n'a pas été officiellement informé. Il serait intéressant de savoir si le texte de cet accord a été publié, quelle est sa teneur, s'il a été enregistré par le Département des affaires juridiques de l'ONU, si ces Roms ont été consultés et rapatriés de leur plein gré, s'il y a eu une contrepartie financière à la signature de cet accord, quelle est la situation actuelle de ces Roms et si leurs droits sont pleinement respectés.

41. M. BANTON suggère que le treizième rapport périodique de la Roumanie, qui doit être présenté en octobre 1995, soit assez court et contienne les réponses aux questions qui resteront en suspens à l'issue de l'examen du présent rapport. Quant au quatorzième rapport périodique, qui sera présenté en 1997, il pourrait être plus détaillé.

42. S'agissant de l'application de l'article 2 de la Convention, M. Banton rappelle qu'aux termes de l'alinéa e) du paragraphe 1 de cet article chaque Etat partie s'engage à favoriser les organisations et mouvements intégrationnistes multiraciaux. Il relève à ce propos que le Conseil consultatif pour les minorités nationales a pour attribution d'établir et de maintenir des contacts avec les représentants des organisations légales des citoyens appartenant aux minorités nationales (voir par. 118 du rapport). Or, d'après l'une de ces organisations, la Ligue de défense des droits de l'homme en Roumanie, le gouvernement a tendance à considérer ces organisations davantage comme des adversaires que comme des partenaires, les consulte rarement et ne fait pas grand cas de leurs avis. Il conviendrait donc que, dans son prochain rapport, la Roumanie donne davantage d'informations sur le processus de consultation des minorités.

43. En ce qui concerne la lutte contre l'antisémitisme, le Comité a appris que le procureur de Sibiu avait interdit la publication d'une nouvelle édition de "Mein Kampf" et que cette décision avait été annulée par le procureur général. M. Banton ne pense pas, quant à lui, qu'il faille interdire systématiquement la publication de cet ouvrage, car il présente un intérêt historique; tout dépend en effet de la politique générale de l'éditeur visé et des lecteurs auxquels il s'adresse. Il convient notamment de se demander si cet éditeur publie d'autres ouvrages qui incitent à la haine raciale. En tout état de cause, M. Banton serait moins préoccupé par la décision de ne pas interdire la publication de "Mein Kampf" si des poursuites étaient engagées contre des revues qui publient régulièrement des articles racistes antisémites, notamment les revues "Europa" et "Romania Mare".

44. M. de GOUTTES remercie la délégation roumaine pour les informations qu'elle a communiquées au Comité et souligne que le onzième rapport périodique de la Roumanie (CERD/C/210/Add.4) est le premier à être présenté par ce pays depuis la révolution de 1990. M. de Gouttes remercie également M. Valencia Rodriguez pour son excellente analyse de ce rapport.

45. M. de Gouttes se dit profondément préoccupé par les idées racistes que propage une presse outrancière qui agite le spectre de l'irrédentisme hongrois. Il convient d'indiquer à ce propos que récemment des intellectuels réunis en colloque à Bucarest autour de M. Sami Damian, qui est professeur à l'Université de Heidelberg, se sont déclarés alarmés par cette montée du nationalisme xénophobe. Il serait intéressant de savoir d'une part quelles mesures a prises le Gouvernement roumain pour mettre un terme aux manifestations xénophobes, antisémites, chauvines et extrémistes, dont les autorités roumaines sous-estiment l'ampleur (voir par. 30), et d'autre part si les personnes qui ont agressé des Roms ou incendié leurs logements ont été identifiées et condamnées.

46. M. de Gouttes déplore que le rapport de la Roumanie ne contienne aucune information sur les plaintes et les poursuites pour des faits de racisme. Le paragraphe 53 du rapport mentionne uniquement les poursuites en cours contre les auteurs de violences visant les Roms. Il est impossible d'imaginer qu'il n'y ait pas eu de nombreuses plaintes ou poursuites et condamnations pour actes de racisme, compte tenu de la discrimination dont se plaignent les minorités hongroises et roms. Il serait donc bon que la délégation roumaine fournisse des renseignements complets à ce sujet dans sa réponse devant le Comité ou dans le cadre de son prochain rapport.

47. S'agissant de la reconnaissance des partis politiques représentant les minorités ethniques en Roumanie, M. de Gouttes demande si ces partis bénéficient tous des mêmes chances. Est-il exact que l'"Union démocratique des Magyars de Roumanie" rencontre des obstacles et qu'on la conteste ? Au sujet du nouveau Code pénal, M. de Gouttes souhaite savoir s'il a bien complété toutes les incriminations pénales en matière de racisme conformément à l'article 4 de la Convention. Les organisations à caractère raciste sont-elles désormais punissables ? Enfin, M. de Gouttes demande si le Gouvernement roumain n'envisage pas de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention concernant les communications individuelles. Il précise que ce geste significatif corroborerait la déclaration qu'a faite le Gouvernement roumain sur l'article 25 de la Convention européenne des droits de l'homme, concernant les requêtes individuelles. Il s'agit de mécanismes différents par leur nature et dont la portée elle-même est différente. Or, la délégation roumaine sait que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale couvre l'ensemble des droits civils, politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels, et va au-delà de la portée de la Convention européenne des droits de l'homme à cet égard.

48. M. van BOVEN remercie tout d'abord la délégation roumaine pour son rapport riche en informations sur la situation législative, administrative, politique et sociale du pays. Toutefois, comme d'autres membres du Comité, il aurait souhaité obtenir de plus amples renseignements sur la situation du pays dans le domaine judiciaire. Il fait observer que de nombreuses minorités existent en Roumanie et demande si le gouvernement envisage d'adopter une loi sur les minorités. Quels sont les faits nouveaux intervenus au sujet du Conseil consultatif pour les minorités nationales, dont la création a été décidée en avril 1993 (par. 29 du rapport) ? Ce conseil va dans le droit fil de la recommandation générale (XVII) (42) concernant la création d'organismes nationaux pour faciliter l'application de la Convention. Plusieurs membres du Comité ont déjà évoqué la question des minorités et les incidents regrettables dont sont victimes les Roms. Des enquêtes pénales sont menées à leur encontre, selon la délégation roumaine. Il serait utile d'avoir plus d'informations à ce sujet, d'autant plus que selon un rapport présenté par la "Fédération rom de Roumanie" l'administration de la justice et les enquêtes concernant ces questions seraient lentes et inefficaces.

49. A propos des obligations énoncées au paragraphe c) de l'article 5 de la Convention au sujet des droits politiques, notamment du droit de participer aux élections - de voter et d'être candidat - selon le système du suffrage universel et égal, du droit de prendre part au gouvernement ainsi qu'à la direction des affaires publiques à tous les échelons, et du droit d'accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques, M. van Boven demande si ces principes sont respectés à l'égard des minorités hongroises, puisque selon les documents émanant du Département d'Etat des Etats-Unis, des préfets hongrois des départements de Harghita et Covasna auraient été destitués de leurs fonctions.

50. Au sujet de l'article 6 de la Convention, M. van Boven aimerait savoir si les victimes d'actes de racisme et de xénophobie ont la possibilité de présenter un recours et d'obtenir satisfaction. Abordant l'article 7 de la Convention, M. van Boven dit que le Comité des droits de l'homme a fait une recommandation tendant à favoriser la compréhension et la tolérance entre divers groupes ethniques lors de l'examen du rapport de la Roumanie. Il serait bon que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale reçoive des informations sur les mesures prises par le Gouvernement roumain dans ce sens.

51. M. van Boven souhaite enfin faire trois remarques. Tout d'abord, il se demande, comme M. de Gouttes, si la Roumanie envisage de faire une déclaration sur l'article 14 de la Convention, dans la mesure où elle a déjà présenté une déclaration sur l'article 25 de la Convention européenne des droits de l'homme concernant les requêtes individuelles. Ensuite, il se félicite que la Roumanie ait adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il fait également observer que lors de la ratification de la Convention en 1970, la Roumanie avait émis des réserves sur les articles 17, 18 et 22. Le moment n'est-il pas venu de les retirer ? M. van Boven espère enfin que la délégation roumaine répondra aux questions posées par M. Aboul-Nasr.

52. Mme SADIQ ALI remercie M. Valencia Rodriguez de son analyse approfondie du rapport de la Roumanie et elle se rallie aux questions posées par les membres du Comité sur les minorités rom et hongroise en Roumanie. Comme M. Aboul-Nasr, elle souhaite connaître la différence entre les "tensions ethniques" et les "tensions intercommunautaires". La Constitution roumaine de 1991 contient des dispositions relatives au droit des minorités. Le gouvernement respecte-t-il les engagements législatifs pris à l'égard de ces minorités ? Quel est le fonctionnement du Conseil consultatif pour les minorités nationales créé en 1993 ? La loi sur les minorités a-t-elle été adoptée ? Mme Sadiq Ali aimerait également connaître les raisons pour lesquelles les représentants des minorités rom et hongroise se sont retirés de ce conseil. Enfin, elle demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement roumain pour sensibiliser la population à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

53. M. FERRERO COSTA dit que les membres du Comité ont déjà épuisé bon nombre de questions qui le préoccupent; il se limitera donc à cinq questions concrètes. Tout d'abord, il serait intéressant d'avoir des précisions sur le fonctionnement des organisations non gouvernementales mentionnées au paragraphe 4 du rapport CERD/C/210/Add.4. Deuxièmement, le paragraphe 5 mentionne la déclaration du Gouvernement roumain concernant les minorités nationales du 20 novembre 1991. Quelle est la force juridique de cette déclaration ? Prévoit-on d'adopter une loi sur les minorités ? Troisièmement, M. Ferrero Costa se dit préoccupé par les positions et manifestations à caractère chauvin ou antisémite mentionnées au paragraphe 6 du rapport et les organisations qui incitent à la discrimination raciale, mentionnées au paragraphe 40 du rapport. Il demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement roumain pour lutter contre ces phénomènes conformément à l'article 4 de la Convention. Quatrièmement, il serait utile de connaître la politique adoptée par le Gouvernement roumain pour appuyer les groupes ethniques dans leur action visant à préserver leur langue et leur culture, en particulier les minorités hongroises. Cinquièmement, il serait intéressant d'avoir des précisions sur les dispositions de la Constitution concernant les rapports entre les instruments internationaux et le droit interne mentionnés au paragraphe 14 du rapport, surtout en cas de non-concordance. Enfin, M. Ferrero Costa appuie les questions posées par les membres du Comité au sujet de l'organisation du Conseil consultatif pour les minorités nationales et de l'"Avocat du peuple", et il demande à la délégation roumaine de préciser dans son prochain rapport les procédures administratives et judiciaires pour l'application de la Convention.

54. M. RECHETOV se félicite du niveau professionnel de la délégation roumaine et de la qualité du rapport présenté, qui reflète les bases constitutionnelles et juridiques des garanties offertes par le Gouvernement roumain en matière de protection des droits de l'homme. Le rapport mentionne clairement les engagements internationaux pris par la Roumanie dans le domaine des droits de l'homme et M. Rechetov note avec satisfaction qu'en cas de non-concordance entre les instruments portant sur les droits fondamentaux de l'homme auxquels la Roumanie est partie et les lois internes, les textes internationaux ont la primauté.

55. A propos des minorités culturelles en Roumanie, M. Rechetov estime que le gouvernement prend toutes les mesures voulues pour appuyer le développement de l'identité culturelle, linguistique et ethnique de la minorité hongroise par le système d'écoles de tous degrés, d'institutions culturelles et de moyens d'information dans les langues maternelles (par. 32 du rapport), et que la minorité hongroise dispose de droits suffisants pour assurer son autonomie dans ce domaine. Au sujet de l'absence de législation sur les minorités, il fait remarquer que de nombreux pays, dont la France et l'Espagne, ont déclaré lors de l'élaboration par l'ONU d'un rapport sur cette question qu'ils ne reconnaissent pas le droit des minorités, mais il note que ces mêmes pays figurent au nombre de ceux qui prennent le plus de mesures en faveur des minorités. Une protection réelle du droit des minorités peut donc être garantie en l'absence de législation en la matière.

56. M. Rechetov dit ensuite que tout phénomène de xénophobie doit être analysé en détail pour voir s'il ne s'apparente pas à une préoccupation légitime d'autonomie culturelle. L'intégrité territoriale et l'inviolabilité des frontières doivent toujours être respectées et M. Rechetov espère que la Roumanie respectera toujours ce principe à l'égard des pays voisins.

57. Enfin, M. Rechetov se dit très préoccupé par le sort des minorités roms, qui sont victimes de nombreux préjugés, surtout dans leurs rapports avec la police; il déplore ce phénomène qui sévit également en Russie et dans de nombreux autres pays. Enfin, il espère qu'il sera répondu à la question posée par M. Aboul-Nasr au sujet de l'accord conclu entre l'Allemagne et la Roumanie sur le transfert de groupes de Roms. Il est important que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale soit informé des modalités de cet accord.

58. M. CHIGOVERA s'associe aux remerciements adressés à la délégation roumaine de haut niveau par les autres membres du Comité. Il félicite M. Valencia Rodriguez de l'analyse détaillée qu'il a faite du rapport de l'Etat partie et déclare qu'il tient à faire trois observations ayant trait à la mise en oeuvre de l'article 4 b) de la Convention, qui a déjà fait l'objet de plusieurs observations d'autres membres du Comité.

59. M. Chigovera a noté, dans un rapport sur l'antisémitisme en Roumanie publié en 1994, que deux partis extrémistes fomentaient un climat de racisme et de xénophobie qui aurait causé les événements de septembre 1993, dont la cible principale a été les Roms, qui ont subi des pertes en vies humaines et des destructions matérielles. Ces deux partis auraient également lancé une campagne contre la population hongroise et son principal représentant au Parlement qu'ils auraient accusé d'oeuvrer pour le démembrement de la Roumanie. A cet égard, M. Chigovera est d'avis que la Roumanie aurait été en mesure de traiter efficacement cette question si l'article 4 b) de la Convention avait été appliqué. Il demande donc si le nouveau Code pénal, où il était envisagé d'incorporer les dispositions de l'article 4 b), a été mis en vigueur.

60. Dans un document reproduisant une déclaration de la Fédération des Roms relative à des discriminations persistantes, à des propos discriminatoires et à des mesures judiciaires sélectives concernant les violences exercées à l'encontre des Roms de Roumanie, M. Chigovera relève que les auteurs suggèrent que la lenteur des mesures prises pour lutter contre des violences commises contre des habitants d'un village rom de Transylvanie serait due à l'attitude discriminatoire des autorités à l'encontre de la minorité rom. Selon le document, la complaisance des autorités à l'égard des coupables aurait permis à ces derniers de rester impunis. A cet égard, M. Chigovera rappelle le paragraphe 2 de la recommandation No 18 adoptée par le Comité à sa quarante-deuxième session, en 1993, concernant la formation des fonctionnaires chargés de la protection des droits de l'homme, où il est dit que la mise en oeuvre des dispositions légales relatives à l'interdiction de la discrimination raciale incombe en grande partie aux responsables de l'application des lois exerçant des pouvoirs de police, spécialement en matière d'arrestation et de détention. Il serait utile de savoir si la Roumanie a mis en oeuvre un programme de formation des forces de l'ordre et veillé à informer ces fonctionnaires des obligations incombant à l'Etat partie en vertu de la Convention, à l'égard des droits des suspects ou pendant les enquêtes concernant les plaintes déposées par des groupes minoritaires ayant subi des pratiques racistes.

61. M. Chigovera estime qu'il serait utile en outre d'avoir des précisions sur le paragraphe 51 a) du rapport de l'Etat partie qui semble indiquer qu'une personne lésée a le droit d'insister pour que le coupable soit puni et reçoive le dédommagement approprié. Il s'explique mal cette disposition. Les poursuites ne sont-elles pas assurées par les autorités de l'Etat ? Le rôle de la victime n'est-il pas celui d'un témoin, conformément à la pratique judiciaire commune ?

62. M. AHMADU s'associe chaleureusement à l'accueil fait à la délégation roumaine qui est, précise-t-il, la première délégation de haut niveau à se présenter devant le Comité pendant la session en cours. Il s'associe également aux félicitations adressées à M. Valencia Rodriguez pour l'analyse du rapport de la Roumanie (CERD/C/210/Add.4), qui lui a semblé très claire et, pour l'essentiel, conforme aux principes directeurs définis par le Comité. Il déclare en outre que le rapport lui semble refléter les efforts faits par la Roumanie pour effacer les effets de 45 années de dictature.

63. M. Ahmadu aimerait toutefois comprendre pourquoi il existe dans le tableau démographique figurant au paragraphe 16 du rapport de la Roumanie deux rubriques intitulées "autres" et "origine ethnique non déclarée". Il croit comprendre néanmoins que ces chiffres couvrent les Noirs ressortissants de pays africains ou d'autres pays, lesquels se plaignent de la détérioration de leur situation depuis la chute du régime totalitaire : ils seraient constamment harcelés et empêchés de poursuivre leurs études dans la sérénité. La délégation roumaine peut-elle expliquer les raisons de cette situation ?

64. Comme d'autres membres du Comité, M. Ahmadu déclare qu'il a été frappé par le fait que la population d'origine hongroise, qui représentait 7,7 % de la population selon le huitième rapport de la Roumanie, n'en représente plus que 7,1 % quelques années plus tard. Il serait utile d'avoir des éclaircissements sur cette évolution quelque peu surprenante.

65. M. Ahmadu a en outre noté l'absence de renseignements sur la presse et les autres médias, qui sont pourtant d'une importance cruciale pour la diffusion de l'information relative aux droits de l'homme. Il serait à son avis intéressant de connaître la situation et le statut de la presse, savoir à qui appartiennent les organes de presse, en particulier les journaux qui s'adressent aux minorités.

66. M. Ahmadu aimerait enfin avoir des renseignements sur le sort qui a été réservé à l'ex-roi de Roumanie, qui avait tenté de se rendre dans l'Etat partie avec sa famille, et savoir si ses droits ont été dûment respectés.

67. M. SHAHI félicite la délégation roumaine de haut niveau et loue la qualité du rapport CERD/C/210/Add.4, qui est très informatif et atteste de l'importance accordée par l'Etat partie aux travaux du Comité et à l'application de la Convention. Il ressort de ce rapport que la Roumanie est un pays en transition vers le pluralisme politique. M. Shahi a d'ailleurs noté avec satisfaction que les réunions politiques pour la propagation d'idées communistes, racistes et fascistes sont interdites mais regrette que l'appel lancé par le président Iliescu pour poursuivre les extrémistes de droite et les médias diffusant des idées racistes n'ait pas été suivi d'effet de la part du procureur de l'Etat. Il espère que le gouvernement prendra sérieusement en considération les recommandations futures du Conseil consultatif pour les minorités, pour que cet organe ne devienne pas un "club stérile".

68. M. Shahi constate ensuite que les Roms constituent la minorité la plus défavorisée de Roumanie, bien qu'il soit dit que ce groupe ethnique est considéré comme un groupe minoritaire à part entière ayant des représentants au sein du gouvernement. Il serait utile d'avoir des éclaircissements sur la représentation des Roms au Parlement, au gouvernement et dans les organes locaux, car les paragraphes 57 et 58 du onzième rapport périodique ne contiennent que peu de renseignements sur cette question. A la décharge du gouvernement, l'OIT a déclaré dans un rapport de 1993 que les possibilités offertes aux nomades dans le domaine de l'emploi et dans le système éducatif s'amélioraient et que l'action menée par le gouvernement en faveur des Roms méritait d'être saluée. Cependant, il déplore la persistance de comportements racistes et xénophobes qui entraînent des attitudes fondées sur des préjugés ainsi que des violences à l'encontre des Roms. Les enquêtes menées sur les préjudices subis par cette minorité, en particulier lors d'émeutes, sont trop lentes, et des mesures d'urgence sont nécessaires pour garantir la sécurité des personnes, le respect des droits de l'homme et des droits civils et politiques ainsi que l'application des autres droits mentionnés à l'article 5 de la Convention.

69. M. SHERIFIS salue la délégation roumaine et s'associe aux éloges formulés par les autres membres du Comité eu égard à la qualité remarquable du rapport de l'Etat partie, qui porte témoignage de la volonté qu'a la Roumanie d'engager avec le Comité un dialogue constructif.

70. M. Sherifis relève tout d'abord que la Roumanie est partie à un nombre impressionnant d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris aux protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il aimerait savoir, lui aussi, si l'Etat partie a l'intention de faire la déclaration prévue à l'article 14, en espérant que telle est bien son intention. M. Sherifis dit que cette question lui tient particulièrement à coeur.

71. En ce qui concerne l'accord passé avec l'Allemagne concernant le déplacement et la réinstallation de Roms, question à laquelle il est très attaché de par ses origines, M. Sherifis fait siennes les demandes d'éclaircissements formulées par ses collègues et demande à la délégation roumaine d'expliquer les raisons de cet accord.

72. S'agissant du respect des droits politiques dans un pays où cohabitent un grand nombre de groupes ethniques, M. Sherifis dit qu'il serait utile de savoir si le droit d'accès à des fonctions publiques et à la direction des affaires publiques, y compris au gouvernement, sans distinction de race, de nationalité ou d'origine ethnique (par. 58) est respecté en vertu de quotas éventuels ou sur la base de la qualification et des compétences des membres des minorités ethniques. De même, M. Sherifis ne saisit pas bien la réalité que recouvre la formulation du paragraphe 59, où il est indiqué qu'il n'a pas été jugé souhaitable de nommer des préfets d'origine hongroise parce que l'organisation représentant la minorité hongroise fait partie de l'opposition. Ce passage donne matière à inquiétude car il semble indiquer qu'une minorité qui représente quelque 7 % de la population est privée de représentation. La délégation roumaine peut-elle apporter des éclaircissements sur cette question ? Il serait en outre utile de savoir combien de membres de minorités ethniques occupent des postes importants au sein de l'administration ou du gouvernement.

73. Comme M. Ahmadu l'a fait avant lui, M. Sherifis demande des renseignements sur la situation de la presse eu égard à l'application de l'article 7 concernant le rôle des médias dans la diffusion d'informations relatives aux droits de l'homme. A cet égard, il serait particulièrement utile de savoir si le rapport à l'examen a été publié en Roumanie et si les conclusions finales du Comité seront diffusées dans l'Etat partie par les grands médias d'information.

74. Le PRESIDENT annonce que la délégation roumaine répondra aux questions du Comité à la séance suivante.

75. La délégation roumaine se retire.

Rapports dont l'examen est reporté à la prochaine session

76. Le PRESIDENT propose aux autres membres du Comité de renvoyer à la session suivante, en août 1995, l'examen des rapports du Nigéria, du Cambodge, de la Bolivie, du Nicaragua et de la Tanzanie.

77. Il en est ainsi décidé.


La séance est levée à 13 h 5.

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