Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1336
26 novembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1336ème séance : Romania. 26/11/99.
CERD/C/SR.1336. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD


COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Cinquante-cinquième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1336ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 3 août 1999, à 15 heures

Président : M.ABOUL-NASR
puis : M. SHERIFIS


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

- Douzième, treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la Roumanie


La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Douzième, treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la Roumanie (CERD/C/363/Add.1; HRI/CORE/1/Add.13/Rev.1)

1. Sur l'invitation du Président, Mme Vranceanu, M. Moldovan, M. Oprescu, M. Gavrilescu et M. Farcas (Roumanie) prennent place à la table du Comité.

2. Mme VRANCEANU (Roumanie) dit que le document soumis a été établi avec le concours des Ministères de la justice, des affaires étrangères et de l'intérieur ainsi que de l'Avocat du peuple et que des renseignements émanant d'organisations non gouvernementales ont aussi été pris en compte. Il y est rendu compte des mesures prises par les autorités roumaines pour donner suite aux recommandations faites par le Comité lors de l'examen du onzième rapport périodique, en insistant sur l'évolution sur le plan législatif et dans la pratique institutionnelle depuis 1995.

3. La Roumanie a adhéré à tous les instruments internationaux importants et a ratifié la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et d'autres conventions du Conseil de l'Europe. En outre, elle a levé sa réserve concernant l'article 22 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Dans le domaine législatif, la Constitution prévoit que les dispositions des traités internationaux auxquels adhère la Roumanie font partie du droit interne et que les normes internationales en matière de droits de l'homme prévalent sur la loi interne. Ce principe vaut donc pour la Convention, qui peut être invoquée par tout citoyen se déclarant victime de discrimination raciale. Si personne à ce jour n'a exercé ce droit, c'est parce que la législation roumaine interdit toute discrimination raciale. Il est dit au paragraphe 2 de l'article 4 de la Constitution que "la Roumanie est la patrie commune et indivisible de tous ses citoyens, sans distinction de race, de nationalité, d'origine ethnique, de langue, de religion, de sexe, d'opinion, d'appartenance politique ou d'origine sociale". Il faut enfin signaler la mise en place de l'Avocat du peuple, dont le rôle s'apparente à celui d'un médiateur.

4. La Roumanie accorde également beaucoup d'attention aux droits des minorités nationales, conformément aux recommandations du Comité notamment. Un Département pour la protection des minorités nationales a été créé en 1997 et tant la Constitution que les décrets gouvernementaux prévoient diverses dispositions en faveur des minorités : enseignement dans la langue maternelle, création d'une université multiculturelle, restitution aux minorités nationales de biens qui leur avaient été confisqués, mise en place d'inscriptions bilingues dans les localités où vivent des minorités, participation à la vie publique et politique, représentation parlementaire, intégration dans l'administration, etc. S'agissant des Roms, en particulier, il a été institué un Office national relevant du Département pour la protection des minorités nationales ainsi qu'une sous-commission dépendant du Comité interministériel pour les minorités nationales. La participation des Roms à la prise des décisions les concernant est encouragée et des programmes culturels à leur intention sont mis en place avec le concours des ministères concernés et d'organisations non gouvernementales.

5. Comme le Comité s'était inquiété de l'accord conclu entre la Roumanie et l'Allemagne pour le rapatriement des Roumains de souche, il convient de préciser que les deux accords conclus en septembre 1992 et décembre 1998 entre les Ministères de l'intérieur des deux États prévoient le rapatriement des citoyens des deux pays se trouvant en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie et qu'il ne s'agit en rien d'une mesure discriminatoire à l'égard des Roms.

6. La Roumanie s'efforce également de lutter contre les manifestations racistes et xénophobes visant notamment les Roms en poursuivant en justice les auteurs de tels actes et en privilégiant la prévention à divers niveaux : sensibilisation aux problèmes tant des minorités ethniques que des forces de police, coopération entre différentes communautés et organisation de colloques sur le thème des rapports entre la police et les minorités ethniques. Il convient de mentionner à ce propos que le Code pénal punit tout abus commis par les responsables de l'application des lois et que des policiers ont été poursuivis à ce titre.

7. Enfin, l'article 6 de la Constitution garantit aux minorités ethniques le respect de leur culture, de leur religion, de leur langue, conformément aux principes d'égalité et de non-discrimination entre citoyens roumains. Les réfugiés jouissent eux aussi de la liberté de culte et d'enseignement religieux.

8. Mme Vranceanu conclut en soulignant le rôle important que jouent les organisations non gouvernementales dans le domaine de la protection des droits de l'homme.

9. M. YUTZIS (Rapporteur pour la Roumanie) se félicite de la présence de la délégation roumaine et dit que son rapport est dans l'ensemble conforme aux directives du Comité et fournit beaucoup d'informations, notamment aux niveaux législatif et juridique et sur les pratiques suivies. Outre les renseignements fournis, en réponse aux questions posées par le Comité lors de la présentation du onzième rapport, dans les paragraphes 46, 48, 73, 77, 78 et 133 du document, celui-ci fait état de nombreux aspects positifs : dispositions de loi punissant la discrimination, mise en place de l'Avocat du peuple, réglementation relative au statut des réfugiés, diverses autres mesures contre la discrimination et l'intolérance raciale, lois interdisant l'incitation à la haine raciale, adhésion de la Roumanie au Conseil de l'Europe et à 47 de ses conventions, signature par la Roumanie de 24 autres instruments juridiques, participation à la campagne européenne de la jeunesse contre le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie et l'intolérance, création de la Fondation Raxi et mise en place d'un Département pour la protection des minorités nationales, qui veille, entre autres, à l'intégration sociale des Roms (par. 7, 8, 9, 10, 14, 15, 27 du rapport). Au sujet de l'appellation "Roms/Tsiganes" employée dans le rapport, M. Yutzis aimerait toutefois savoir s'il existe une ou plusieurs appellations officielles de la minorité en question et si des dénominations péjoratives comme "Gitanos" en espagnol continuent à être utilisées par l'administration roumaine. Autre aspect positif, la représentation des minorités et notamment des Hongrois dans l'appareil politique.

10. Passant aux sujets de préoccupation, M. Yutzis semble percevoir au paragraphe 100 du rapport comme une critique à l'égard du Comité, qui accorderait foi à des informations anonymes peu crédibles plutôt qu'aux déclarations officielles des représentants de la Roumanie. Il aimerait que la délégation apporte des éclaircissements sur ce point.

11. Il est préoccupant aussi que la Roumanie d'une part n'ait pas de définition officielle du terme "minorités" et d'autre part se définisse comme un État national, unitaire et indivisible. M. Yutzis voudrait montrer, en s'appuyant sur des faits réels, le danger que des positions nationalistes exacerbées peuvent représenter pour les minorités et comment le concept d'État-nation, par opposition à celui d'État multiculturel, peut affaiblir la politique de protection des minorités et provoquer une détérioration des relations intercommunautaires. Il cite d'abord le cas d'un des candidats à la présidence en 1995, G. Frunda, à propos duquel il a été dit que s'il n'avait pas appartenu à la minorité hongroise, il aurait fait un excellent président. Il faut préciser que la minorité hongroise représente 1,6 million d'habitants, qui ont par le passé souvent été l'objet de mauvais traitements. Dans une autre déclaration, attribuée à l'ancien Président Ion Iliescu, ce dernier aurait reproché à son adversaire aux élections de vouloir donner trop de pouvoir, de par son vote, à la minorité hongroise. Enfin l'ancien président du Sénat, Adrian Nastase, aurait dit qu'en admettant des représentants de la minorité hongroise au Gouvernement roumain, celui-ci courait le risque d'être espionné au profit de la Hongrie. M. Yutzis souhaiterait que la délégation donne des explications à ce sujet.

12. M. Yutzis juge par ailleurs étonnantes les affirmations contenues aux paragraphes 17 et 30 du rapport, à savoir qu'il n'a pas été nécessaire de prendre des mesures supplémentaires d'ordre législatif ou administratif pour donner effet à la Convention et qu'il n'y a pas eu de cas de renvoi devant la justice de personnes ayant commis des infractions sanctionnées par le Code pénal. En effet, des associations de Roms se sont plaintes du comportement des forces de police à leur égard et ont dénoncé le fait que dans un manuel de formation utilisé dans les écoles de police figurent des propos discriminatoires à l'égard des Roms. Même si la police a apparemment revu ses méthodes de travail et nettement amélioré sa capacité d'intervention en cas de conflits impliquant des Roms (par. 49 à 52 du rapport), on peut lire, au paragraphe 54 du rapport, que l'analyse de ces conflits a permis de mettre en évidence la nature sociale des événements survenus, à savoir que "dans la plupart des cas, les actes criminels ou violents étaient commis par des individus appartenant à la minorité des Roms". Les considérations en cause ne seraient-elles pas plutôt d'ordre racial ?

13. Dans le même ordre d'idées, les raisons avancées au paragraphe 133 pour expliquer le pourcentage plus élevé de chômeurs parmi les Roms que dans le reste de la population roumaine, à savoir que les Roms ne manifesteraient pas d'intérêt pour l'école ou le travail et préféreraient occuper des emplois occasionnels, percevoir des allocations de l'État ou se livrer à des activités illégales, sont loin d'être convaincantes. Si telle est la vision qu'en ont les autorités roumaines, il n'y a rien d'étonnant à ce que l'ensemble de la société civile nourrisse des préjugés raciaux à l'encontre de ce groupe de population. M. Yutzis - qui aimerait avoir confirmation que les Roms ne sont plus en esclavage depuis 1850 - demande à la délégation roumaine si tous ces éléments ne confirment pas simplement la thèse que les Roms sont des citoyens de seconde classe en Roumanie. Un certain nombre d'extraits de journaux roumains, où les Roms sont qualifiés de manière très péjorative, et en particulier traités de mafieux, sans que soient mentionnées les difficultés économiques auxquelles ils font face et qui sont pour beaucoup dans les incidents rapportés, sembleraient étayer cette idée.

14. Attirant ensuite l'attention du Comité sur la résurgence de l'antisémitisme en Roumanie, M. Yutzis cite plusieurs déclarations antisémites émanant de personnalités publiques et rapportées dans la presse et précise que, depuis 1989, certains groupements en Roumanie ont ranimé l'idéologie antisémite nourrie par le Mouvement légionnaire ("Garde de fer"), actif dans le pays dans les années 30 et 40. Le 29 novembre 1998, l'agence de presse Mediafa a indiqué que ces groupements avaient l'intention de se constituer en parti politique à part entière, sous le nom d'"Union nationale pour la renaissance chrétienne".

15. En conclusion, M. Yutzis se dit très préoccupé par l'avenir de la population rom, groupe marginalisé pendant des siècles et enfermé dans le cercle vicieux de l'exclusion sociale. Il aimerait savoir, enfin, si les autorités roumaines envisagent de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention.

16. M. GARVALOV salue la qualité du rapport présenté par la Roumanie, où figurent de précieuses informations sur la mise en oeuvre des articles 2 à 7 de la Convention ainsi que sur les groupes ethniques existant dans le pays et se félicite de la création par l'État partie de la fonction d'Avocat du peuple. Il rappelle que la Constitution roumaine contient plusieurs dispositions liées à la question de la discrimination raciale, notamment l'article 4, paragraphe 2, sur l'égalité entre les citoyens, l'article 6 sur le droit des personnes appartenant à des minorités de préserver, de développer et d'exprimer leur appartenance ethnique, culturelle, linguistique et religieuse, l'article 16, paragraphe 1, proclamant l'égalité des citoyens devant la loi et les autorités ainsi que l'article 32, paragraphe 3, sur le droit des personnes appartenant à des minorités nationales de recevoir une éducation dans leur langue maternelle.

17. Toutefois, M. Garvalov relève une contradiction entre le paragraphe 17 du rapport, où il est dit que pendant les années 1993-1998 on n'a pas ressenti le besoin de prendre des mesures supplémentaires de modification de la législation conformément aux exigences de la Convention et le paragraphe 6, où il est dit que l'article 317 du Code pénal établi par la loi No 140/1996 stipule que la propagande nationaliste ou chauvine et l'incitation à la haine raciale ou nationale sont punies d'une peine d'emprisonnement de 6 mois à 5 ans. D'autres mesures visant à modifier la législation sont également mentionnées au paragraphe 10 (éducation des jeunes et des fonctionnaires chargés de l'application des lois) et au paragraphe 40 (loi No 27 du 26 avril 1996 interdisant les partis politiques exhortant à la haine nationale, raciale, de classe ou religieuse). La délégation pourrait-elle expliciter, au vu de ces initiatives prises sur le plan législatif, l'affirmation faite au paragraphe 17 du rapport ? Pourquoi la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a-t-elle estimé de son côté qu'il n'existait pas en Roumanie de législation visant à lutter contre la discrimination raciale et d'autres formes d'intolérance ?

18. Par ailleurs, M. Garvalov aimerait savoir s'il est arrivé que l'État partie interdise un parti politique qui aurait violé les articles 30 et 37 de la Constitution. S'il fait sienne en effet l'opinion exprimée au paragraphe 23 du rapport, selon laquelle "l'existence d'une formation politique constituée sur des critères ethniques (coalition entre la Convention démocrate de Roumanie et l'Union démocrate magyare de Roumanie) n'est pas un obstacle dans l'activité du gouvernement, à condition que les principes de la démocratie et de l'État de droit soient respectés", il fait observer que, dans d'autres États parties, il existe une démocratie, un État de droit et des partis politiques constitués sur des critères ethniques sans que soit nécessairement porté au pouvoir un gouvernement de coalition ou de coalition ethnique.

19. L'ONG Groupement pour les droits des minorités affirme que les Roms en Roumanie continuent à être très défavorisés, la moitié de la population adulte étant au chômage, 27 % des enfants de moins de 14 ans étant analphabètes et 40 % des jeunes enfants n'étant pas scolarisés. Par ailleurs, des organisations roms dénoncent la poursuite d'actes de violence contre les Roms et leurs biens. M. Garvalov aimerait que la délégation roumaine fasse part de ses réactions quant à ces allégations.

20. Il existe en Roumanie d'autres minorités ethniques, par exemple les Arméniens et les Italiens, pour lesquelles l'enseignement en langue maternelle a été introduit dans les années 90. Qu'en est-il de l'enseignement dans leur langue maternelle pour les 40 % de Roms qui ne parlent pas roumain ?

21. En ce qui concerne les Hongrois en Roumanie, le Comité tient de source sûre que, bien que leur situation soit régie par un certain nombre de textes législatifs et administratifs, ceux-ci se disent victimes de harcèlement de la part des autorités judiciaires et des services de police. Des sources roumaines dénoncent au contraire la pratique du nettoyage ethnique de Roumains par des Hongrois. La délégation pourrait-elle fournir des explications à ce sujet ? Enfin, M. Garvalov aimerait savoir quelle définition les autorités roumaines, parmi les premières en Europe à ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, donnent à l'expression "minorité nationale".

22. M. van BOVEN dit que la simple affirmation selon laquelle la Roumanie n'a pas eu à interdire la discrimination raciale pratiquée par des personnes, groupes et organisations (par. 30 du rapport) ne satisfait pas aux prescriptions de l'article premier de la Convention et que la Roumanie doit donc modifier sa législation dans ce domaine.

23. Par ailleurs, s'il y a lieu de se féliciter de l'amélioration de la formation et des moyens d'intervention de la police (par. 50), il faudrait également s'attaquer à la racine du mal, à savoir les raisons pour lesquelles naissent le racisme et la xénophobie, en mettant l'accent sur l'aspect social de l'éducation. En outre, il n'est guère convaincant d'affirmer qu'une discrimination positive au bénéfice des Roms ou des Tsiganes serait inéquitable par rapport à d'autres groupes de population vivant dans la pauvreté (par. 59) ou que l'introduction d'une réglementation de discrimination positive en matière d'emploi n'est pas possible avant que les personnes en cause n'acquièrent un niveau minimal de connaissances professionnelles et de culture générale (par. 133). En leur temps, des puissances coloniales ont elles aussi prétendu que leurs colonies n'étaient pas prêtes à être décolonisées ! La référence, aussi, à un prétendu manque d'intérêt des Tsiganes pour l'école et pour l'apprentissage d'un métier (par. 133) est spécieuse et reflète une image stéréotypée courante, qui voudrait que les personnes désavantagées n'aient qu'à s'en prendre qu'à elles-mêmes. La solution des problèmes de la minorité rom en Roumanie passe au contraire par des actions de formation financées par les secteurs public et privé et portant notamment sur le droit du travail et les droits des travailleurs. De telles mesures permettraient sans nul doute de réduire le taux extrêmement élevé de chômage parmi cette population.

24. S'agissant de l'application de l'article 6 de la Convention qui traite des droits des personnes victimes d'actes de discrimination raciale, M. van Boven note d'une part que pendant la période couverte par le rapport les instances judiciaires roumaines n'ont reçu aucune demande de dédommagement ou de réparation de cet ordre (par. 163) et d'autre part que les tribunaux ont prononcé des décisions de condamnation dans 12 cas impliquant 142 inculpés, les personnes jugées coupables étant obligées de dédommager les victimes (par. 55). La délégation peut-elle expliquer cette contradiction apparente ?

25. M. van Boven aimerait savoir enfin si la Roumanie entend ratifier l'amendement au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention relatif à la prise en charge par les États des dépenses des membres du Comité décidé par les États parties et faire la déclaration prévue à l'article 14 ?

26. M. WOLFRUM se félicite du haut niveau de la délégation roumaine et des informations détaillées qui ont été notamment fournies sur la composition démographique du pays. Il regrette, en revanche, que le rapport à l'examen ne contienne pas davantage d'informations concrètes récentes sur des points précis.

27. Comme l'ont fait remarquer MM. Yutsis et van Boven, l'État partie doit bien entendu s'attacher à interdire et réprimer toute discrimination raciale. Mais M. Wolfrum tient aussi à souligner l'importance de la prévention de la discrimination, par exemple dans le domaine du travail, de la sécurité sociale et du logement et il lui semble que l'État partie devrait faire davantage pour respecter notamment les prescriptions de l'article 2 de la Convention. Les nombreuses dispositions de la Constitution roumaine traitant de la non-discrimination et de l'égalité de traitement peuvent-elles, par ailleurs, être invoquées directement devant les tribunaux par des particuliers ?

28. En ce qui concerne le traitement des minorités, M. Wolfrum aimerait savoir quels sont les liens entre le Conseil pour les minorités nationales et le Département pour la protection des minorités nationales créé en 1997 et pourquoi la Roumanie a décidé de se doter de cette structure supplémentaire, dont très peu d'autres pays disposent. Quels sont aussi les fonctions et les pouvoirs de l'Office national pour les Roms ? Comment a-t-il été créé et qui en désigne le directeur ou le président ? Existe-t-il des procédures de consultation entre l'Office et ses différents services et les minorités ?

29. Pour ce qui est de la condamnation des actes de racisme (article 4 de la Convention), M. Wolfrum note qu'entre autres actes punissables selon le Code pénal roumain figurent la "propagande nationale-chauvine" et la "propagande à caractère fasciste en public" (par. 69). Outre le fait que ces deux interdictions se recoupent, que signifie une propagande "en public" ? Cela veut-il dire qu'un individu pourrait tenir des propos racistes dans un club, par exemple, ou chez lui et devant un large auditoire, mais non à la radio ? Le cas échéant, il conviendrait de revoir ces dispositions pour les mettre en parfaite conformité avec les prescriptions de la Convention.

30. Notant aussi dans le rapport (par. 70) que certains propos offensants à l'égard des Roms et des Tsiganes auraient été diffusés dans les médias, M. Wolfrum se demande pourquoi aucune mesure n'a été prise pour sanctionner les auteurs. Il semble utile de rappeler à ce propos à l'État partie que le Comité a déjà eu l'occasion de faire valoir que les autorités judiciaires ont l'obligation formelle de poursuivre et de sanctionner toute violation de l'article 4 de la Convention, même si une plainte formelle n'a pas été déposée.

31. S'agissant de la minorité rom, M. Wolfrum note que les Roms sont effectivement considérés comme un groupe socialement marginalisé en Roumanie — comme cela est du reste le cas dans de nombreux pays européens — mais qu'en même temps la situation économique précaire et les ressources extrêmement réduites de l'État partie ne permettraient pas encore de prendre des mesures spéciales en leur faveur (par. 59). Voilà la quadrature du cercle : l'État partie sait qu'il a un problème, il connaît la solution, mais il ne fait rien pour remédier à la situation ! En outre, il est dit au paragraphe 62 que les autorités roumaines ont établi un "cadre adéquat" visant à permettre aux membres de la minorité, mais aussi à d'autres "citoyens roumains intéressés", de mieux connaître les traditions et la langue rom/tsigane. Que signifie un "cadre adéquat" ? Pourquoi n'est-il fait référence qu'aux "citoyens roumains intéressés" ? Qu'en est-il des droits des autres citoyens ?

32. Evoquant la question de la représentation politique en Roumanie, M. Wolfrum demande à la délégation de préciser quelles sont les modalités d'affiliation à une organisation ou à un parti politique représentant les minorités roumaines et qui décide si une personne peut en devenir membre ou non. Il rappelle à cet égard que par le passé, le Comité a déjà considéré que la notion d'appartenance d'une personne à une minorité et d'identification à celle-ci, quelle qu'elle soit, devait être du seul ressort de la personne elle-même.

33. Pour ce qui est de l'application de l'article 3 de la Convention, relatif à la condamnation de la ségrégation raciale et de l'apartheid, M. Wolfrum note dans le rapport (par. 65) que la Roumanie n'est pas confrontée à de telles pratiques et qu'elle n'a donc pas pris de mesures de prévention ou d'élimination de telles activités. Mais comme la Roumanie a reconnu l'existence de communautés roms, avec le niveau de ségrégation que cela peut impliquer, il serait souhaitable qu'elle revoie la question de plus près.

34. M. de GOUTTES félicite la délégation roumaine de la présentation du rapport périodique de son pays, riche en informations utiles et instructives. Il relève cependant des lacunes dans certains domaines, notamment en relation avec l'application effective des dispositions de la Convention, lacunes attestées par des informations émanant de plusieurs sources indépendantes fiables. Ainsi, les renseignements positifs fournis aux paragraphes 6 et 7 sur les dispositions du Code pénal punissant l'incitation à la haine raciale et la propagande raciste conformément aux prescriptions de l'article 4 de la Convention ne sont assortis d'aucun exemple de cas pratique pour la période couverte par le rapport.

35. Pour ce qui est de l'application de l'article 5 de la Convention, les renseignements intéressants fournis dans le rapport sur les mesures visant à assurer la promotion des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ne sauraient faire oublier les informations préoccupantes communiquées par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur les attitudes négatives reflétées dans les médias à l'encontre des Roms/Tsiganes, souvent présentés comme des criminels, et sur l'antisémitisme notoire de certains médias. De même, les renseignements positifs concernant la modernisation des moyens d'intervention de la police pour mieux faire face aux problèmes de discrimination raciale (par. 49 et 50) n'occultent pas les informations négatives publiées dans le rapport de 1999 d'Amnesty International sur les violences commises par la police à l'encontre de membres de la communauté rom. Le Centre européen pour les droits des Roms a lui aussi fait état d'abus. L'ECRI, enfin, a souligné la nécessité d'améliorer la formation des membres de la police roumaine afin d'éviter les violations des droits des mesmbres des groupes minoritaires.

36. M. de Gouttes croit comprendre, à la lecture du paragraphe 54 du rapport, que les services de police roumains durcissent la répression contre les éléments criminels parmi les Roms tout en renforçant la protection des membres de la communauté rom, ce qui peut être considéré comme défendable, mais il aimerait que cette interprétation du texte soit confirmée. Par ailleurs, il relève que les autorités roumaines rejettent les mesures de discrimination positive en faveur des Roms afin d'éviter de léser les autres Roumains vivant dans la pauvreté. Si cette approche vaut en matière économique, elle n'est pas défendable pour ce qui est des droits des Roms sur le plan privé, familial ou culturel.

37. M. de Gouttes note en outre (par. 17 et 70) qu'il n'a pas été déposé de plaintes pour discrimination au sens de la Convention. Il fait observer que l'absence de plaintes n'est pas forcément positive car elle peut être due à ce que les Roms/Tsiganes ne sont pas pleinement informés de leurs droits en la matière, ou à ce qu'ils ne font pas entièrement confiance aux autorités de police et de justice.

38. M. de Gouttes aimerait, pour conclure, que la délégation explique la distinction entre les notions de "citoyenneté" et de "nationalité" (par. 78).

39. M. Sherifis prend la présidence.

40. M. VALENCIA RODRIGUEZ dit que vu le caractère fortement multiethnique de la société roumaine, l'application de la Convention en Roumanie revêt une importance particulière.

41. En ce qui concerne l'application de l'article 2 de la Convention, il est dit au paragraphe 33 du rapport, en relation avec l'article 4 de la loi du 15 juillet 1992, que les organisations minoritaires participant à des élections législatives ou sénatoriales ont droit "toutes ensemble" à un siège si elles ont obtenu dans le pays entier un nombre de suffrages au moins égal à 5% du nombre moyen de suffrages exprimés dans tout le pays pour l'élection d'un député. Faut-il en déduire qu'une consultation électorale particulière doit être organisée pour les organisations minoritaires participantes ? Cette disposition a-t-elle été effectivement appliquée et, dans l'affirmative, quelle minorité a obtenu le siège prévu ?

42. M. Valencia Rodriguez aimerait en outre savoir s'il a été rendu compte des campagnes électorales auxquelles les représentants de minorités ont participé dans les médias de portée nationale ou locale. Il aimerait également savoir comment le Département pour la protection des minorités nationales mentionné aux paragraphes 44 et 45 contribue à la mise en oeuvre des dispositions de la Convention et s'il participe à l'élaboration des rapports périodiques que la Roumanie établit à l'intention du Comité.

43. La Roumanie satisfait semble-t-il aux exigences de l'article 4 de la Convention, notamment grâce à la loi No 27 du 26 avril 1996 (voir par. 40) interdisant les partis politiques qui incitent à la haine nationale, raciale ou religieuse. Mais cette loi a-t-elle été appliquée et de quels partis politiques a-t-elle entraîné l'interdiction ? De même, l'Avocat du peuple (par. 71) a-t-il été saisi de cas de discrimination raciale ?

44. S'agissant du droit à la propriété (par. 104), M. Valencia Rodriguez estime qu'il serait utile de savoir dans quelle mesure l'application de la loi No 112/1995 a influé sur la situation des minorités nationales, sachant que ces dernières ont particulièrement souffert du problème des confiscations auquel ce texte vise à remédier. Il insiste, enfin, sur la nécessité d'assurer une large diffusion de la Convention dans les langues des minorités afin d'informer celles-ci de leurs droits et de leurs voies de recours en cas de discrimination.

45. M. BANTON, particulièrement intéressé par les renseignements fournis dans le rapport sur l'exercice du droit au travail (article 5 de la Convention), aimerait savoir si la législation roumaine protège les employés contre un licenciement abusif fondé sur des considérations discriminatoires liées à l'origine ou à l'appartenance raciale ou ethnique. Les victimes d'une telle discrimination ont-elles des voies de recours valables au sens de la Convention et les Roms, notamment, bénéficient-ils de la protection voulue dans le domaine de l'emploi ?

46. M. FERRERO COSTA félicite la délégation roumaine de la qualité de son rapport, qui couvre une période de transition délicate d'un régime autoritaire à un régime démocratique, marquée par de vastes changements structurels et des problèmes économiques et sociaux difficiles.

47. En ce qui concerne l'obligation incombant aux États parties de lutter contre la propagande raciste (article 4 de la Convention), il faudrait avoir des précisions sur les dispositions de loi prises par le Gouvernement roumain à cet effet et indiquer si les prescriptions interdisant l'incitation à la haine raciale sont systématiquement appliquées par les pouvoirs publics. M. Ferrero Costa aimerait en particulier que la délégation fournisse des renseignements sur les dispositions interdisant les organisations incitant à la haine raciale, conformément à l'alinéa a) de l'article 4. Des précisions sur l'action concrète de l'institution de l'Avocat du peuple créée en 1997 (par. 71 à 76) seraient également utiles. Cet organe a-t-il eu à connaître de plaintes concernant des actes de discrimination raciale ?

48. M. Ferrero Costa estime par ailleurs que les affirmations faites dans le rapport (par. 10 et 30) au sujet de l'action menée par les autorités roumaines afin de prévenir et combattre toute forme de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance ne correspondent pas à la réalité compte tenu des informations émanant de sources indépendantes dignes de foi. Selon lesdites affirmations, en effet, les autorités auraient pris des mesures efficaces afin de favoriser la tolérance et la compréhension dans la société roumaine. Or vu l'insuffisance des résultats, il serait plus exact de parler de tentatives ou d'efforts des autorités. A preuve le rapport récent du Centre européen pour les droits des Roms indiquant que des violations systématiques des droits de l'homme auraient été commises en Roumanie récemment et que les agents de l'État auraient tendance à maltraiter systématiquement les Roms. On apprend en outre que les membres de la police responsables d'abus parfois très graves contre des personnes appartenant à des minorités ethniques ne sont ni poursuivis ni jugés. La délégation roumaine pourrait-elle faire des observations à ce sujet ?

49. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 6 de la Convention, M. Ferrero Costa rappelle que le Comité des droits de l'homme a exprimé sa préoccupation au sujet des menaces contre l'indépendance de la magistrature en Roumanie liées aux ingérences de l'exécutif et du Ministère de la justice dans les affaires judiciaires. Il souhaite, à cet égard, que la délégation fournisse au Comité des éclaircissements sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire en Roumanie. Il souhaite également qu'elle explique pourquoi la Convention ne figure pas parmi les instruments internationaux qui ont été publiés au Moniteur officiel de la Roumanie (HRI/CORE/1/Add.13/Rev.1, par. 94).

50. Le PRÉSIDENT dit que les membres du Comité pourront continuer de poser des questions à la délégation roumaine à la séance suivante.

51. La délégation roumaine se retire.

52. Le PRÉSIDENT informe par ailleurs les membres du Comité que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, s'adressera au Comité le jeudi 12 août dans l'après-midi.


La séance est levée à 18 heures.



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