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Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

 

 

 

 

Comment                                                                                                          Distr.

                                                                                                         GENERALE

 

                                                                                                         CCPR/C/SR.1427

                                                                                                         24 juillet 1995

 

                                                                                                         Original : FRANCAIS

 

 

 

 

COMITE DES DROITS DE L'HOMME

 

Cinquante-quatrième session

 

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1427ème SEANCE

 

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le lundi 17 juillet 1995, à 15 heures.

 

Président : M. AGUILAR URBINA

 

 

SOMMAIRE

 

 

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

 

          Fédération de Russie (suite)

 

 

 

 

 

 

 

__________

 

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

 

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

 

          Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

 

 

GE.95-17667 (F)

La séance est ouverte à 15 h 10.

 

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

 

Quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie (CCPR/C/84/Add.2; HRI/CORE/1/Add.52; M/CCPR/C/54/LST/RUS/3) (suite)

 

1.       Sur l'invitation du Président, la délégation de la Fédération de Russie reprend place à la table du Comité.

 

2.       Le PRESIDENT invite les membres du Comité à poser leurs questions complémentaires sur la section I de la Liste des points à traiter (M/CCPR/C/54/LST/RUS/3).

 

3.       M. FRANCIS appelle l'attention de la délégation sur des informations émanant d'au moins deux ONG établies à Moscou, selon lesquelles les forces de police russes agiraient contrairement aux dispositions du paragraphe 2 du Pacte. Ainsi, les personnes dont l'apparence physique peut faire penser qu'elles sont originaires de la région du Caucase ou de l'Asie centrale seraient victimes de discrimination et de harcèlement et seraient sans raison interpellées par la police et victimes de mauvais traitements. Les mêmes ONG signalent que l'Etat empêche les personnes victimes de violations des droits énoncés à l'article 2 du Pacte d'exercer des recours en justice, la majorité des délits de cette nature n'étant pas enregistrés par les autorités de police et ne faisant en conséquence l'objet d'aucune enquête. En outre, une autre ONG, également établie à Moscou, a rapporté que le viol était fréquent dans les locaux de la police et qu'aucune procédure de dépôt de plaintes n'était prévue à cet égard. M. Francis demande s'il existe ou s'il est envisagé de créer une instance habilitée à recevoir des plaintes de ce type afin d'enquêter de façon impartiale et d'établir la responsabilité des coupables.

 

4.       A propos de l'égalité des citoyens, M. Francis constate, d'après le paragraphe 5 du document de base (HRI/CORE/1/Add.52), que plus de 53 % de la population de la Fédération de Russie sont des femmes. Or, d'après des sources non gouvernementales, les femmes représenteraient 70 % des chômeurs et les travailleuses seraient rémunérées, à qualification égale, à 75 % du salaire des hommes. M. Francis croit comprendre qu'il existe au sein des organes présidentiels un bureau chargé des affaires féminines, mais il se demande s'il ne serait pas approprié de créer une véritable agence nationale chargée des affaires concernant les femmes pour remédier à de telles inégalités.

 

5.       M. KLEIN, constatant que la délégation a appelé à plusieurs reprises l'attention du Comité sur le rôle du Président de la Fédération de Russie en tant que garant de la Constitution et des droits et libertés civils, conformément au paragraphe 2 de l'article 80 de la Constitution, demande des détails sur ce que signifie dans la pratique le titre de garant des droits et libertés. En effet, le Comité a été informé de ce que, en cette qualité, le Président de la Fédération de Russie nommait la Commission des droits de l'homme, mais il semble que cette Commission, présidée par M. Sergueï Kovalev, n'ait guère remporté de succès dans les propositions qu'elle a faites en ce qui concerne, notamment, la lutte contre le crime organisé et l'amélioration des conditions de détention. De fait, le Parlement de la Fédération de Russie a démis M. Sergueï Kovalev de ses fonctions et l'a remplacé par un commissaire temporaire aux droits de l'homme qui a lui-même contesté les résultats des enquêtes menées par l'ancien président de la Commission. Il semble en conséquence que les moyens conférés au Président de la Fédération de Russie pour garantir, par l'entremise des personnes qu'il désigne, le respect et l'exercice des droits fondamentaux des individus, ne soient guère efficaces. M. Klein demande à la délégation russe de l'éclairer sur les mesures qui pourraient être prises afin d'améliorer les mécanismes prévus dans la Constitution pour garantir le respect des droits de l'homme dans le pays, et il souhaiterait notamment savoir quelles sont actuellement les fonctions de M. Sergueï Kovalev au sein des organes chargés de la mise en oeuvre des droits de l'homme.

 

6.       Mme CHANET demande à la délégation russe, et en particulier à son chef, M. Valentin Kovalev, qui est non seulement Ministre de la justice, mais également Président de la Commission chargée de la surveillance des droits de l'homme, si la situation en Tchétchénie n'a véritablement pas exigé de déclaration d'état d'urgence conformément à l'article 4 du Pacte et, en l'absence d'une telle déclaration, quels sont les motifs qui, selon la loi, ont pu justifier l'intervention des forces armées russes dans ce territoire. En effet, M. Valentin Kovalev a reconnu lui-même que des violations des droits de l'homme avaient été commises en Tchétchénie et que les soldats de l'armée régulière s'étaient rendus coupables d'exactions et il a laissé entendre que les populations civiles avaient été victimes de bombardements arbitraires de la part d'un Etat qui est néanmoins partie au Pacte.

 

7.       Par ailleurs, Mme Chanet s'interroge sur la compatibilité entre les garanties énoncées à l'article 67 de la Constitution de la Fédération de Russie, au sujet du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et le principe affirmé par les autorités russes selon lequel aucun peuple ne peut proclamer son indépendance sans l'accord de l'entité à laquelle il appartient. En outre, elle souhaiterait obtenir des éclaircissements sur les conditions dans lesquelles le référendum qui a conduit à l'approbation de la Constitution du 12 décembre 1993 s'est déroulé en Tchétchénie, quelles étaient les autorités qui ont surveillé la tenue de ce référendum et si celui-ci a été soumis à un contrôle international.

 

8.       Pour ce qui est du droit de recours interne, Mme Chanet souhaiterait être informée des juridictions auxquelles un particulier peut s'adresser; en effet, à sa connaissance, il n'existe pas en Fédération de Russie de juridictions administratives : une personne peut-elle en conséquence déposer plainte contre l'Etat devant un tribunal ordinaire ? Mme Chanet demande également si un particulier peut saisir directement la Cour constitutionnelle au cas où il s'estimerait victime d'une violation des droits consacrés dans le Pacte. Enfin, elle souhaiterait savoir par quels moyens les autorités russes feront appliquer la décision prise en avril 1995 par la Cour constitutionnelle, selon laquelle désormais les conditions de résidence ne sont plus exigées pour l'obtention de certaines prestations sociales, ainsi que pour la délivrance de passeports.

 

9.       Mme MEDINA QUIROGA est surprise de constater, d'après le paragraphe 34 du document de base (HRI/CORE/1/Add.52), que les milices font partie des organes chargés de la protection des droits de l'homme, et elle souhaiterait obtenir certaines explications à ce sujet. Elle s'interroge également sur la façon dont l'indépendance des magistrats de la Cour constitutionnelle est garantie et sur la raison pour laquelle les citoyens ne peuvent apparemment pas s'adresser directement à la Cour constitutionnelle lorsqu'ils s'estiment victimes de violations de leurs droits. Elle demande également si la Commission des droits de l'homme nommée par le Président sera effectivement dissoute. En outre, elle souhaiterait savoir si les tribunaux militaires, qui sont également cités en tant qu'organes chargés de la protection des droits de l'homme, ont compétence dans les affaires civiles. Il est dit par ailleurs dans le paragraphe 137 du quatrième rapport périodique (CCPR/C/84/Add.2) que le rôle de supervision du Bureau du Procureur a été récemment renforcé; Mme Medina Quiroga demande des précisions à ce sujet.

 

10.     Pour ce qui est des pouvoirs du Président de la Fédération de Russie, Mme Medina Quiroga demande si ce dernier a effectivement suspendu ou annulé des ordonnances du pouvoir exécutif et quelle est la procédure appliquée dans ce cas. Dans quelle mesure également le Président peut-il influer sur les dispositions de la Constitution ? Enfin, la loi portant création de l'institution de l'ombudsman sera-t-elle adoptée prochainement et, lorsqu'il sera désigné, l'ombudsman sera-t-il placé sous le contrôle de la Commission des droits de l'homme ?

 

11.     M. BUERGENTHAL, se référant au paragraphe 21 du quatrième rapport périodique (CCPR/C/84/Add.2), demande si la loi sur les procédures juridiques contre les actions et les décisions portant atteinte aux droits et libertés civils prévoit des moyens de recours et devant quelles juridictions, si elle s'applique à tous les actes commis par les autorités administratives, militaires et policières - fédérales ou locales - qui constituent des violations des droits civils et si, en vertu de cette loi, des recours peuvent être exercés contre le Bureau du Procureur. En outre, les détenus et les condamnés peuvent-ils librement exercer des recours en application de cette loi, sans crainte de représailles, et la loi est-elle appliquée en Tchétchénie ?

 

12.     M. Buergenthal demande si, lorsque l'état d'urgence est proclamé dans la Fédération de Russie, des recours sont prévus contre les abus de pouvoir qui seraient commis par les responsables de l'application des mesures d'urgence et si les tribunaux ordinaires restent compétents pour traiter des délits commis, en particulier lorsqu'ils sont imputables aux forces militaires. Si les responsables des abus éventuellement commis ne sont pas jugés par des tribunaux civils, quels organes impartiaux existe-t-il pour veiller à ce que les forces de l'armée ou de la police respectent la loi dans les situations d'urgence et appliquent les dispositions énoncées à l'article 4 du Pacte ?

 

13.     M. Buergenthal regrette que les quelques informations fournies par la délégation sur la situation en Tchétchénie n'aient guère paru objectives. Il estime, pour sa part, que les dispositions de l'article 4 du Pacte s'appliquent pleinement à la Tchétchénie et il souhaiterait savoir quels sont les recours existants contre les abus commis sur ce territoire par l'armée et la police et en particulier par les soldats engagés par contrat qui, selon les nombreuses informations reçues, se rendraient coupables d'exactions. Il demande en outre qui contrôle les camps de prisonniers, qui veille au bon traitement des personnes détenues dans ces camps et dans quelle mesure les droits qui leur sont reconnus dans le Pacte sont garantis. Toutes ces questions lui paraissent d'une importance absolument critique et il estime que le Comité est en droit d'obtenir des réponses.

 

14.     M. EL SHAFEI, se référant au paragraphe 58 du quatrième rapport périodique, demande quelles sont les fonctions de l'organe provisoire mis en place au niveau fédéral, s'il s'agit d'un organe exécutif ou d'un simple organe administratif et quels sont les règles et les principes qu'il applique lorsqu'il prend ses décisions. Il demande en particulier si cet organe tient compte du fait que le Gouvernement de la Fédération de Russie est tenu par les obligations découlant de l'article 4 du Pacte, en particulier par l'obligation de ne pas déroger à certains droits, notamment le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture.

 

15.     A propos de la situation en Tchétchénie, M. El Shafei demande si l'état d'urgence a été proclamé avant ou pendant les hostilités : y a-t-il eu une proclamation ou un décret officiel avant l'attaque des forces russes contre la République tchétchène ? Se référant au paragraphe 55 du quatrième rapport périodique, M. El Shafei demande si les principes consacrés dans le Pacte ont été également respectés durant les hostilités et si des instructions ont été données de manière suffisamment claire pour ce qui était d'éviter de frapper la population civile. En effet, les informations reçues prouvent qu'un grand nombre de bâtiments civils (hôpitaux, lieux de culte et écoles) ont été détruits. A cet égard, considérant que la Constitution de la Fédération de Russie prévoit, dans ses articles 71 et 72, la protection des droits et des libertés des minorités nationales et ethniques, on souhaiterait savoir quelle protection a été accordée à la population de la République tchétchène lorsqu'elle a dû faire face à la puissante machine de guerre russe ? En outre, M. El Shafei voudrait savoir si, avant d'envoyer les forces armées russes en Tchétchénie, le Président de la Fédération de Russie a usé de la prérogative qui est la sienne conformément à l'article 85 de la Constitution, selon laquelle il peut engager une procédure de règlement des conflits entre les organes de la Fédération et les organes des Républiques. Il demande également si des poursuites pénales ont été engagées contre les responsables des actes qui ont fait de si nombreux tués parmi la population civile pacifique.

 

16.     Le représentant de l'Etat partie a souligné que le problème des nationalités dans la Fédération de Russie était extrêmement délicat, que les relations entre les divers groupes ethniques étaient devenues tendues en raison de la détérioration des conditions de vie et que les groupes nationaux, de plus en plus alarmés par la perte de leur identité culturelle, éprouvaient un sentiment de révolte devant les injustices dont ils avaient été victimes au cours de la période stalinienne. Il a ajouté que le débat se poursuivait sur le sens à donner au terme "Fédération" et qu'aucune règle juridique n'avait encore été adoptée pour définir la procédure selon laquelle les Républiques pourraient exercer leur droit de se séparer de la Fédération. M. El Shafei souhaiterait savoir si cette question est désormais réglée et de quelle façon. Si, conformément à l'article 66 de la Constitution, un sujet de la Fédération de Russie ne peut changer de statut que par consentement mutuel entre la Fédération et lui-même, il semble que, là encore, l'article 85 de la Constitution pourrait être appliqué et que le conflit puisse être réglé autrement que par le recours brutal à la force. Il est en effet difficile de comprendre la raison pour laquelle la Fédération de Russie ne s'est pas efforcée de résoudre le problème de la Tchétchénie par le moyen de négociations entre les parties concernées. On se demande pourquoi la Fédération de Russie semble estimer que la solution militaire est conforme à ses intérêts, et si en l'occurrence les opérations militaires sont compatibles avec les dispositions de la Constitution fédérale et celles des instruments internationaux auxquels la Fédération est partie, y compris notamment le Pacte.

   

17.     M. KRETZMER pose des questions qui concernent le point h) de la section I de la Liste des points à traiter (M/CCPR/C/54/LST/RUS/3), à savoir la protection des droits de l'homme en Tchétchénie. Si l'état d'urgence n'a pas été proclamé, il est évident que les articles du Pacte s'appliquent à la Tchétchénie, qui fait partie du territoire de la Fédération de Russie et relève de sa juridiction. La délégation russe a longuement parlé de la violation des droits de l'homme par les partisans de Doudaïev, mais ce qui préoccupe le Comité, ce sont les violations des droits de l'homme commises par des éléments relevant de l'autorité de l'Etat partie, en l'occurrence le Gouvernement russe, et auxquelles celui-ci aurait pu ou dû mettre un terme. Les membres du Comité ont reçu de nombreuses informations, émanant notamment d'organisations non gouvernementales, mais aussi de la Commission des droits de l'homme de la Fédération de Russie, et ils n'ont malheureusement aucun moyen d'en vérifier l'authenticité.

 

18.     A ce propos, M. Kretzmer voudrait savoir ce qu'ont fait les autorités de la Fédération de Russie pour enquêter sur les allégations relatives à des violations des droits de l'homme en Tchétchénie. S'il existe des directives du Gouvernement russe touchant le bombardement des zones civiles, et il doit en exister, quel est le mécanisme mis en place par les autorités civiles de la Fédération de Russie pour s'assurer que les commandants de l'armée et de l'aviation ont bien respecté les directives du gouvernement ? Pour justifier les bombardements de bâtiments civils qui ont fait de nombreux morts à Samatchki, les généraux russes ont dit que les forces de Doudaïev prenaient les civils comme boucliers, ce qui est peut-être vrai. M. Kretzmer, pour sa part, voudrait savoir si les raisons données par les généraux russes ont été vérifiées, par quels mécanismes et de quelle manière, ou si le Gouvernement russe s'en est remis exclusivement aux explications données par ses propres militaires. La même question se pose à propos du pouvoir donné aux militaires de procéder à des arrestations, arrestations qui ont été très nombreuses en Tchétchénie. M. Kretzmer voudrait savoir quel est le nombre des personnes arrêtées et quel type de contrôle est exercé pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'arrestations abusives.

 

19.     Enfin, de nombreuses informations font état de disparition de civils. M. Kretzmer voudrait avoir des éclaircissements sur le cas de neuf bouddhistes qui auraient été enlevés le 10 juillet 1995 dans l'ouest de la Tchétchénie par des Russes, semble-t-il : y a-t-il un mécanisme chargé d'enquêter sur ces cas de disparition afin d'identifier les responsables et d'obtenir la libération des personnes enlevées ?

 

20.     Mme EVATT constate que le chemin qui mène la Fédération de Russie vers l'instauration d'un Etat de droit est semé d'embûches. La délégation russe a déclaré qu'il n'y avait pas de restriction aux droits des ressortissants étrangers, si ce n'est les exceptions indiquées au paragraphe 35 du rapport, et les intéressés pouvaient intenter une action pour défendre leurs droits. A ce sujet, Mme Evatt appelle l'attention sur les dispositions de l'article 24, paragraphe 2, de la Constitution, qui concerne l'accès aux documents relatifs aux droits et libertés des citoyens, et sur celles de l'article 46 (droit de présenter des recours), lesquelles ne sont pas mentionnées dans le paragraphe 35 du rapport.

 

21.     Par ailleurs, il est question, au paragraphe 36 du rapport, des restrictions imposées aux droits des ressortissants étrangers par la législation en vigueur. Or, le Pacte interdit toute distinction entre ressortissants et non-ressortissants dans l'exercice des droits, à l'exception des droits qui sont énoncés à l'article 25. Mme Evatt voudrait savoir si la nouvelle loi sur les ressortissants étrangers qui a été mentionnée par la délégation donne pleinement effet à l'article 62 de la Constitution et se conforme au Pacte en supprimant toutes les distinctions qui subsistaient entre ressortissants et non-ressortissants pour ce qui est de l'exercice des droits.

 

22.     Au sujet des minorités, Mme Evatt note avec satisfaction que les lois discriminatoires à leur encontre ont été déclarées inconstitutionnelles. La délégation a évoqué le problème des vieux stéréotypes qui persistent dans les mentalités. Quelles mesures sont prises pour combattre de telles attitudes et empêcher les vexations et les brimades à l'encontre des groupes minoritaires, dont certains ont été soumis à des mesures de déplacement forcé ? Quelle est l'ampleur du problème aujourd'hui ? Combien de personnes sont touchées ? Des mesures sont-elles prises en vue de rapatrier ces personnes, de les indemniser ou de leur offrir une autre forme de réparation ?

 

23.     La délégation a parlé de nouvelles lois sur les minorités nationales et de la difficulté qu'il y a à donner une définition unique du mot minorité. Mme Evatt tient à souligner que l'article 27 du Pacte protège les droits de toutes les minorités, qu'elles soient ethniques, religieuses ou linguistiques. A ce sujet, elle voudrait savoir quels sont les groupes de population qui, dans la Fédération de Russie, sont considérés comme des minorités au sens de l'article 27 du Pacte, et en particulier si les Tsiganes, les Juifs, les Coréens et les Allemands vivant en Russie en font partie, au même titre que les minorités nationales. Des mesures sont-elles prises pour que les minorités aient accès à l'enseignement et aux médias (presse, radio et télévision) dans leur propre langue, et pour assurer leur représentation dans les organes électifs au niveau fédéral, au niveau des républiques et au niveau local ? La restitution et la propriété des terres sont-elles considérées par les minorités comme un élément nécessaire de l'exercice de leurs droits culturels.

 

24.     En ce qui concerne la Tchétchénie, Mme Evatt s'étonne que la délégation n'ait rien dit des violations massives des droits de l'homme qui se sont produites dans cette République, où la Fédération de Russie aurait, semble-t-il, employé la force de manière disproportionnée et sans se préoccuper de la population civile, ce qui met en cause les droits énoncés à l'article 6 du Pacte. Des récits font état de violences perpétrées sur les civils par des éléments des forces armées, qui auraient commis notamment des viols et des meurtres. Une nation civilisée ne saurait fermer les yeux sur de telles brutalités, et Mme Evatt, comme M. Kretzmer, demande si le Président de la Fédération, en tant que garant des droits de l'homme selon la Constitution, a l'intention d'ordonner des enquêtes sur chaque mort causée par ce conflit et de faire poursuivre, quel que soit son rang dans la hiérarchie, toute personne ayant enfreint les lois de la Russie ainsi que le droit international.

 

25.     M. ANDO note avec satisfaction le rang élevé des personnes qui composent la délégation de la Fédération de Russie, ainsi que la franchise avec laquelle cette délégation a reconnu les difficultés qu'éprouvait l'Etat partie pour appliquer le Pacte. Les questions de M. Ando, au nombre de six, concernent les articles premier et 27 du Pacte. Premièrement, quelle est l'interprétation que donne la Fédération de Russie des rapports entre ces articles, à savoir le droit d'autodétermination d'une part et les droits des minorités d'autre part ? Après l'effondrement de l'Union soviétique, de nombreuses républiques autonomes sont devenues des Etats indépendants alors que, dans la région de l'Asie centrale en particulier, certaines républiques sont restées au sein de la Fédération. Y a-t-il des critères d'ordre juridique qui permettent de distinguer entre les Etats qui avaient la faculté de proclamer leur indépendance, ou de faire sécession, et ceux qui ne l'avaient pas, ou la situation est-elle seulement le résultat d'un état de fait ?

 

26.     La deuxième question concerne le statut des "Coréens de Russie" dont il est question au paragraphe 13 du quatrième rapport périodique (CCPR/C/84/Add.2), c'est-à-dire sous la rubrique de l'article premier du Pacte (droit d'autodétermination). Pourquoi le cas des Coréens de Russie n'a-t-il pas été évoqué au titre de l'article 27 du Pacte, qui concerne le droit des minorités ? Des mesures concrètes sont-elles prises - et lesquelles - afin de donner aujourd'hui réparation à ces personnes pour le préjudice qu'elles ont subi lorsqu'elles ont été transférées de force d'une région à une autre ?

 

27.     La troisième question concerne les minorités nationales et le point de savoir s'il existe des critères ou des procédures énoncés par la loi pour définir la nationalité à laquelle appartient tel ou tel citoyen russe. Selon le paragraphe 296 du rapport, il semblerait que la spécificité ethnique soit prise en considération; qu'en est-il alors des personnes dont les deux parents sont d'origine ethnique différente ?

 

28.     La quatrième question a déjà été posée par Mme Evatt : quels sont les recours disponibles contre les violations de l'article 27 du Pacte, qui protège des droits individuels et non des droits collectifs. Il semblerait y avoir deux niveaux de protection, le niveau fédéral et le niveau local. Mais M. Ando ne voit pas clairement comment fonctionne le système de protection, et il souhaiterait des précisions.

 

29.     La cinquième question porte sur les difficultés que peut rencontrer la Fédération de Russie lorsqu'elle s'efforce de protéger les coutumes ancestrales des peuples autochtones, et notamment les droits évoqués dans le paragraphe 290 du rapport. Le Comité a déjà eu l'occasion de constater qu'il est parfois difficile de concilier la défense des coutumes ancestrales et certaines dispositions du Pacte, notamment celles qui concernent l'égalité entre hommes et femmes. La délégation russe peut-elle apporter des précisions à ce sujet ? Enfin, la sixième question reprend une interrogation de M. Kretzmer : la délégation peut-elle donner des informations sur les neuf moines bouddhistes qui auraient été arrêtés dans la partie occidentale de la Tchétchénie ?

 

30.     M. BRUNI CELLI a relevé, au paragraphe 26 du document de base (HRI/CORE/1/Add.52), qu'environ 400 000 recours, notamment des plaintes faisant état de violation des droits de l'homme, sont reçus chaque année par le service de la Présidence chargé de la correspondance et de l'accueil des citoyens. Ce fait lui paraît très important, car il montre que de nombreux problèmes se posent en matière de droits de l'homme, que les citoyens ont conscience de leurs droits et n'hésitent pas à dénoncer leur violation, et qu'ils espèrent qu'une suite sera donnée à leurs plaintes. A ce sujet, M. Bruni Celli voudrait savoir ce qu'il advient des plaintes en question, si dans chaque cas il y est donné réponse, quelqu'un enquêtant au préalable sur la véracité des faits allégués; ce qui se passe si la responsabilité d'un fonctionnaire de l'Etat est engagée et sur la base de quels critères les plaintes sont examinées. Enfin, il demande quel est le lien entre cette procédure et les autres procédures existantes, à savoir celles qui se déroulent devant le Commissaire aux droits de l'homme, devant la Commission présidentielle des droits de l'homme, créée par le décret présidentiel 1798 de novembre 1993, et devant la Commission des droits de l'homme de la Communauté d'Etats indépendants, tous organes mentionnés dans la question d), section I de la Liste des points à traiter.

 

31.     Deuxièmement, M. Bruni Celli s'interroge sur la structure et le fonctionnement de l'administration de la justice; faisant référence en particulier aux paragraphes 157 et 158 du rapport périodique (CCPR/C/84/Add.2), qui concernent les établissements pénitentiaires, il s'étonne que ceux-ci relèvent du Ministère de l'intérieur, et non du Ministère de la justice. Il voudrait aussi des précisions sur la compétence des tribunaux militaires, d'autant plus qu'on apprend, dans le paragraphe 34 du document de base (HRI/CORE/1/Add.52), que ces tribunaux connaissent d'affaires civiles, sans aucune autre précision sur les affaires en question. La délégation pourrait-elle en apporter ?

 

32.     La troisième question porte sur les événements en Tchétchénie, qui soulèvent de graves questions liées à la violation des droits de l'homme ainsi que des normes du droit international humanitaire, à tel point que l'on peut parler de violations au regard des articles premier, 4, 6, 7, 9, 10, 20 et 27 du Pacte.

 

33.     Enfin, M. Bruni Celli s'inquiète de lire, au paragraphe 96 du rapport périodique, qu'en raison de la persistance des pratiques et de l'idéologie soviétiques et d'autres facteurs extérieurs au droit et déterminés par la situation économique, "la réalité des conditions de détention des prisonniers confine à la torture et à diverses formes de traitements dégradants". La même remarque vaut pour la dernière phrase du paragraphe 97 du rapport, où l'on peut lire que "le dispositif juridique et son application dans les prisons et autres établissements de rééducation pénale ne suffisent pas encore à éliminer la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants". S'il n'est pas question de nier le poids des traditions, de la culture et du passé sur les comportements, le rôle de l'Etat est précisément de prévenir les violations et, lorsqu'elles se produisent, de faire la lumière à leur sujet et de châtier les coupables. Il ne suffit pas de promulguer des lois, encore faut-il les faire respecter, et c'est un rôle qui incombe à l'Etat.

 

34.     M. MAVROMMATIS apprécie lui aussi la qualité de la délégation de la Fédération de Russie, dirigée par le Ministre de la justice, ainsi que l'abondance des renseignements figurant dans les deux rapports, mais il regrette d'être finalement peu renseigné sur la manière dont les lois et autres dispositions sont appliquées. Par exemple, lorsque des exceptions à la loi sont signalées, il n'y a pas de liste ni d'indication des motifs les justifiant. En outre, la Russie étant une fédération, on aurait souhaité une explication claire des domaines de compétence respectifs de la Fédération et de chacune des républiques. Etant donné la diversité des populations qui composent les nombreuses républiques, on peut aisément imaginer que les systèmes mis en place pour la protection des droits sont eux-mêmes très divers, mais précisément, on s'étonne de ne pas trouver d'explications sur la manière dont s'effectuent la promotion et l'exercice des droits de l'homme dans les différentes régions.

 

35.     Le rapport fait en tout cas apparaître des contradictions entre les textes et la réalité, entre les dispositions et leur application, dans un système de protection des droits de l'homme qui est complexe. Il existe une Constitution, qui s'inspire du Pacte, ce qui est une bonne chose. Mais, faute de textes de mise en application ou par manque de moyens économiques, ou en raison de la persistance des habitudes d'autrefois, l'action menée pour améliorer la jouissance des droits de l'homme est souvent vouée à l'échec, ce qu'a reconnu la délégation de la Fédération de Russie.

 

36.     La Fédération de Russie souffre en particulier des tensions et des divergences qui existent entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et même parfois aussi le pouvoir judiciaire. Ces tensions sont source de difficultés et peuvent aboutir à une véritable paralysie du système de protection des droits civils et politiques. Les événements de Tchétchénie ont été beaucoup cités à ce propos. Quelles que soient les raisons invoquées pour justifier l'intervention des forces armées dans cette République, le plus important, maintenant, est de prendre des mesures pour éviter que de tels troubles ne se reproduisent dans d'autres républiques, pour enquêter sur les allégations relatives à des violations des droits énoncés dans le Pacte, et pour accorder une réparation aux victimes.

 

37.     Il semble évident que la plupart des lois du pays ont été élaborées et adoptées sans que l'on ait procédé parallèlement à une analyse des obligations contractées par l'Etat au titre des instruments internationaux, notamment du Pacte. Il est vrai que passer en revue toute la législation ancienne pour la mettre en conformité avec les normes énoncées dans les instruments internationaux est une tâche gigantesque. Pour sa part, M. Mavrommatis n'est toujours pas certain de la primauté du droit international dans l'ordre juridique de la Fédération de Russie, même s'il a été rassuré par certains exemples qu'a donnés la délégation. Il s'étonne en outre de la terminologie utilisée dans le rapport et la Constitution, où il est question de droits de l'homme et de droits civils, mais pas de droits politiques.

 

38.     M. Mavrommatis a également des inquiétudes au sujet de la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire, et il rappelle en particulier les événements d'octobre 1993, époque où le Président non seulement a dissous le Parlement, mais, ce qui paraît très grave, suspendu les activités de la Cour constitutionnelle, ultime garant de la protection des droits de l'homme en tant qu'organe judiciaire suprême.

 

39.     Les réponses données par la délégation sur les moyens qui existent en Russie pour donner suite aux constatations formulées par le Comité au titre du Protocole facultatif montrent que la Fédération de Russie est en avance sur beaucoup d'autres Etats parties, qui n'ont encore rien fait à ce sujet. Mais M. Mavrommatis n'est pas sûr qu'en vertu du droit commun, il soit facile d'obtenir réparation pour une victime, ou la libération d'une personne en détention, ou toute autre mesure de suivi des constatations du Comité. Il n'en demeure pas moins que la Fédération de Russie est dans la bonne voie à cet égard.

 

40.     Compte tenu de tout ce qui précède, il paraît nécessaire à M. Mavrommatis que l'Etat partie examine de près sa législation et les mesures d'application, et qu'il se penche en particulier sur le problème des prisons, dont l'état est déplorable. Il faut prévoir des crédits budgétaires pour améliorer non seulement l'infrastructure pénitentiaire, mais aussi les services d'inspection. Il faut également créer des mécanismes chargés d'enquêter de manière indépendante, rapide et efficace sur les plaintes pour violation des droits de l'homme, et élucider la question de la suprématie des normes internationales telles que celles énoncées dans le Pacte.

 

41.     M. LALLAH, notant que beaucoup des questions qu'il souhaitait poser l'ont déjà été, se borne à en formuler quelques-unes. Depuis la présentation du troisième rapport périodique, le pays a connu un certain nombre d'événements qui ont été qualifiés de transition, mais que l'on pourrait appeler révolution, vu les violences qui les ont accompagnés. M. Lallah, pour sa part, a été particulièrement frappé par le bombardement du Parlement, la révocation brutale du Président de la Cour constitutionnelle et les événements de Tchétchénie. De longues explications sont fournies entre les paragraphes 52 et 58 du rapport (CCPR/C/84/Add.2) pour donner les raisons du recours à la force contre le Parlement en octobre 1993. Il reste que cette mesure soulève des problèmes au regard du Pacte, et en particulier au regard des articles premier et 25, ce qui autorise les membres du Comité à demander à l'Etat partie ce qu'il a fait pour s'acquitter des obligations que lui impose le Pacte dans les deux articles en question.

 

42.     Le document de base et le quatrième rapport périodique donnent une description assez vague de la manière dont s'applique la Constitution; il y est question du principe de la séparation des pouvoirs et aussi du pouvoir du peuple, mais M. Lallah ne comprend pas vraiment ce que recouvrent concrètement ces termes. Au sujet du paragraphe 52 du rapport (CCPR/C/84/Add.2) et des événements d'octobre 1993, on se demande comment le Président de la Fédération peut se débarrasser si facilement du pouvoir des députés, qui représentent le peuple et à travers lesquels celui-ci exerce ses volontés ? M. Lallah voudrait savoir en vertu de quel article de la Constitution le Président peut mettre un terme à une législature, ce qui est un pouvoir énorme : est-ce en vertu de son rôle de garant de la Constitution ? L'Etat partie reconnaît certes (par. 52) que "l'action présidentielle était contraire à l'article 121-6 de la Constitution (les pouvoirs du Président ne peuvent être utilisés pour suspendre les pouvoirs des organes d'Etat légalement élus)". Est-ce qu'en vertu de la nouvelle Constitution, adoptée après ces événements, et dans l'hypothèse où la même situation se reproduirait, le Président pourrait de nouveau envoyer l'armée pour se débarrasser d'un parlement qui s'opposerait à sa politique, et organiser des élections anticipées ? Quels sont les principes consacrés par la Constitution qui permettent au Parlement de remplir son rôle ?

 

43.     La Constitution de la Fédération de Russie semble comporter de nombreuses dispositions qui donnent effet aux droits énoncés dans le Pacte. L'article 20, par exemple, dit que toute personne a droit à la vie. M. Lallah pose alors la question suivante : de quels recours dispose une mère dont le fils a été tué par l'armée en Tchétchénie pour obtenir réparation, que doit-elle faire, où et à qui doit-elle s'adresser et qui peut agir ? En d'autres termes, quelles sont les mesures de protection et de réparation prévues par la loi ?

 

44.     D'une manière générale, il semble y avoir des règles détaillées sur l'organisation du système judiciaire au niveau fédéral et au niveau des différentes républiques, et il existe une organisation de l'Etat chargée de protéger les droits des citoyens. M. Lallah voudrait savoir si les magistrats, avocats et autres hommes de loi sont indépendants, et quels sont les moyens dont dispose le justiciable lorsque les autorités officielles se refusent à prendre des mesures pour traduire en justice les responsables d'une violation des droits de l'homme ou à prendre des mesures disciplinaires. D'une manière générale, il reprend à son compte les questions posées notamment par MM. Buergenthal, Mavrommatis et Kretzmer en ce qui concerne l'état d'urgence et les divers événements qui ont été à l'origine d'énormes violations des droits de l'homme en Russie.

 

45.     M. BHAGWATI remercie la délégation d'avoir exposé en détail la situation des droits de l'homme dans la Fédération de Russie. Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles se heurte l'Etat partie pour passer d'un régime totalitaire à un régime démocratique, il ne peut pas se déclarer pleinement satisfait par l'application du Pacte. Les violations des droits de l'homme demeurent nombreuses et il convient d'y remédier d'urgence.

 

46.     Outre les préoccupations exprimées par les autres membres du Comité, M. Bhagwati s'inquiète de ce que la Constitution elle-même soit enfreinte de façon assez régulière par l'adoption de décrets présidentiels. Ainsi, le décret présidentiel No 1226 permet de prolonger la durée de la garde à vue pour la porter de 10 à 30 jours, ce qui est contraire au paragraphe 2 de l'article 22 de la Constitution, qui dispose que nul ne peut être placé en détention plus de 48 heures sans décision d'un tribunal. Ce décret présidentiel est d'autant plus injustifiable que le paragraphe 3 de l'article 90 de la Constitution dispose que les décrets du Président de la Fédération de Russie ne doivent pas être contraires à la Constitution ou à la législation. De même, la décision prise en octobre 1993 de dissoudre le Parlement et de suspendre l'activité de la Cour suprême est totalement incompatible avec l'article 84 de la Constitution, qui habilite certes le Président de la Fédération de Russie à dissoudre la Douma mais "dans les cas et selon les procédures prévus par la Constitution"; or la situation, en 1993, n'entrait en aucune manière dans le cadre d'une quelconque disposition de la Constitution. Cette utilisation - que l'on peut qualifier d'arbitraire - des pouvoirs conférés au Président, lequel semble décider de façon discrétionnaire si la situation exige qu'il contrevienne à la Constitution, appelle la question de savoir de quels recours les citoyens peuvent disposer en pareil cas.

 

47.     L'indépendance du pouvoir judiciaire donne également matière à préoccupation, compte tenu des conditions dans lesquelles il peut être mis fin aux fonctions d'un magistrat. Le paragraphe 2 de l'article 121 de la Constitution dispose en effet qu'un juge peut être relevé de ses fonctions, de façon définitive ou provisoire, en vertu "de procédures et pour des motifs établis par une loi fédérale", ce qui signifie que la décision peut être prise à la majorité simple des voix émises au Parlement. Le paragraphe 2 de l'article 122 de la Constitution renferme une disposition qui va dans le même sens, puisqu'elle permet d'engager des poursuites pénales à l'encontre d'un juge selon les dispositions d'une loi fédérale. Les modalités de la nomination des magistrats ne sont pas non plus de nature à garantir l'indépendance de la magistrature puisque, en vertu de l'article 128 de la Constitution, les juges de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême ou de la Cour suprême d'arbitrage sont désignés par le Conseil de la Fédération sur nomination du Président de la Fédération de Russie et les juges des autres tribunaux fédéraux sont désignés par le Président de la Fédération de Russie. Enfin, il est difficile de concilier d'une part le paragraphe 6 de l'article 125, selon lequel les traités internationaux peuvent ne pas être appliqués s'ils sont contraires à la Constitution, et d'autre part le paragraphe 4 de l'article 15, renforcé par le paragraphe 1 de l'article 17 de la Constitution, qui garantit la reconnaissance des droits et libertés fondamentaux couramment reconnus comme des principes et des règles de droit international dans la Fédération de Russie.

 

48.     En outre, la question se pose de savoir si le bien-fondé de la proclamation de l'état d'urgence peut être contesté devant un tribunal et si la décision de celui-ci serait obligatoire pour le Président. Par ailleurs, puisque le Président est habilité à prendre des décrets de caractère législatif, que se passe-t-il en cas de conflit entre un tel décret et une loi adoptée par la Douma ? La Constitution ne traite pas de la question d'un conflit de cette nature et on peut se demander quels seraient les effets d'une loi adoptée par la Douma qui n'irait pas dans le sens souhaité par le Président.

 

49.     M. POCAR fait siennes les observations formulées par les autres membres du Comité. Il revient pour sa part à la situation en Tchétchénie. S'étant rendu sur place à l'invitation du Gouvernement russe, en tant que représentant du Haut Commissaire aux droits de l'homme, M. Pocar a l'impression que la situation dans cette région est trop complexe pour pouvoir être débattue en peu de temps. Il souligne avant toutes choses qu'il ne conteste en aucune manière le droit de tout Etat à préserver son intégrité territoriale, et qu'il n'est pas dans son intention d'entrer dans un débat au titre de l'article premier du Pacte. A son sens le problème de la Tchétchénie ne se pose pas en termes de droit à l'autodétermination au titre de l'article premier, mais soulève un certain nombre de questions en vertu d'autres dispositions du Pacte.

 

50.     M. Pocar a eu l'impression, lors de sa visite - et il ne demande qu'à être démenti - que le gouvernement cherchait à justifier non seulement les exactions commises lors de l'action militaire ou des opérations de police proprement dites, mais aussi celles qui sont reprochées aux forces du Ministère de l'intérieur, en invoquant pour cela des violations des droits de l'homme perpétrées sous le Gouvernement Doudaïev entre 1991 et 1994. Une séance de la Commission pour les droits de l'homme consacrée à la situation en Tchétchénie, ainsi que l'entretien qu'a eu avec le Président de cette Commission M. Pocar ont confirmé cette impression. S'il est incontestable qu'entre 1991 et 1994 un certain nombre de violations des droits de l'homme ont été commises au nom du Gouvernement Doudaïev, il faudrait cependant remonter jusqu'à des temps plus anciens. Le problème n'est certainement pas nouveau puisque déjà en 1944, environ 400 000 Tchétchènes, dont la moitié étaient des enfants, avaient été déportés par Staline. Certes, entre 200 000 et 300 000 Russes ont dû fuir la Tchétchénie entre 1991 et 1994, mais les exactions commises sous le Gouvernement Doudaïev ne peuvent en aucune manière servir de justification aux excès qui sont reprochés aux forces russes pendant l'opération militaire; ceci d'autant plus que ces actes ne sont pas le fait d'individus isolés mais le résultat des conditions dans lesquelles les opérations ont été menées, ce qui est attesté par les destructions considérables (villes et villages, hôpitaux, écoles) constatées dans cette région et par les milliers de morts parmi la population civile.

 

51.     Au demeurant, il est difficile de comprendre pourquoi les exactions commises entre 1991 et 1994 n'avaient pas fait l'objet d'enquêtes de la part des autorités centrales. Interrogé sur ce point par M. Pocar, le Vice-Ministre de la justice a éludé la question, évoquant simplement des motifs politiques. La délégation russe aura peut-être une réponse à apporter et, pour dissiper tout malentendu, le gouvernement devrait ouvrir des enquêtes sur toutes les exactions commises. Il faudrait pour ce faire renforcer les diverses commissions qui ont été instituées. Par exemple, M. Pocar sait que la Commission présidentielle a déjà rendu certains rapports, mais ils ne sont pas publiés. Il serait également bon de connaître les résultats des activités du Bureau du Procureur et de la Commission provisoire de surveillance du respect des droits et libertés constitutionnels des citoyens, qui a une antenne à Grozny. Il faudrait enquêter sur les nombreuses violations commises dans cette région, en particulier dans les camps, où la situation semble très mauvaise comme en ont témoigné plusieurs personnes détenues dans ces camps, que M. Pocar a rencontrées.

 

52.     L'état d'urgence a été proclamé un certain nombre de fois dans plusieurs parties du territoire, en particulier dans le nord du Caucase. Dans cette zone très agitée, le retour dans leurs foyers de réfugiés ingouches s'est accompagné d'un certain nombre d'incidents violents. Certes, le Secrétaire général a été dûment informé par une notification, mais M. Pocar voudrait savoir quelles mesures concrètes le gouvernement a prises pour mettre un terme à tous ces troubles et rechercher une solution.

 

53.     M. Valentin KOVALEV (Fédération de Russie) remercie les membres du Comité de leurs nombreuses observations qui dénotent une bonne connaissance de la situation dans la Fédération de Russie. Il s'efforcera de répondre avec un professionnalisme équivalent à celui dont fait preuve le Comité.

 

54.     Les membres se sont beaucoup interrogés sur la question de la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui est en fait le principe sur lequel repose la Constitution de la Fédération de Russie. Après l'effondrement de l'URSS, l'exercice du droit d'autodétermination a permis aux citoyens de se doter d'un Etat fédéral dont ils ont déterminé le statut en toute liberté, sans aucune ingérence extérieure. Le détenteur de la souveraineté est le peuple, qui, il importe de le noter, est pluriethnique; il exprime sa volonté par la voie électorale et la voie référendaire. L'interprétation que donne la Fédération de Russie du droit d'autodétermination repose sur les instruments internationaux et en particulier sur la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, dont les dispositions empêchent d'interpréter les principes du droit d'autodétermination au détriment de l'intégrité territoriale et de l'unité politique d'un Etat doté d'un gouvernement représentant la totalité du peuple.

 

55.     Le droit d'autodétermination et l'interprétation qu'il convient d'en donner diffèrent selon les Etats, et il a suscité un vif débat dans la Fédération de Russie. Toutes les observations faites par les membres du Comité seront prises en considération lorsqu'il s'agira de déterminer les mécanismes constitutionnels à mettre en place pour assurer l'exercice de ce droit.

 

56.     La structure fédérale de l'Etat a conduit à procéder à une répartition des pouvoirs et des responsabilités entre l'Etat central et les autorités des entités fédérées, et cette entreprise n'est pas encore terminée. La forme et le statut des autres entités qui constituent la Fédération sont déterminés compte dûment tenu de la souveraineté de l'Etat, qui ne peut exister sans stabilité. L'exercice du pouvoir de l'Etat doit viser à l'application et au respect de la loi et, comme l'a souligné le Président de la Fédération, il est inacceptable qu'un groupe quelconque s'empare du pouvoir au détriment de l'unité de l'Etat dans son ensemble. La Fédération est également attachée à un autre principe fondamental : l'égalité de droit des éléments qui la composent. Ce principe signifie qu'il faut créer toutes les conditions de développement sociales et économiques dans chaque entité, de façon à assurer de façon durable le respect des droits fondamentaux.

 

57.     Il est vrai que la Constitution ne prévoit pas la possibilité, pour un des Etats qui la constituent de faire sécession. Elle renferme toutefois une disposition spéciale prévoyant une modification du statut d'un membre quelconque de la Fédération, en vertu d'accord réciproque des deux parties. La Constitution de la Fédération de Russie n'est pas figée, elle peut être appelée à évoluer et il existe au demeurant une commission spéciale, représentant le gouvernement et les deux chambres du Parlement, qui a pour fonction d'élaborer la législation voulue s'il était un jour nécessaire de modifier la Constitution.

 

58.     En réponse à la question de M. Bán concernant le statut du Pacte dans le système juridique russe, M. Valentin Kovalev indique que, conformément à la Constitution, les instruments internationaux auxquels est partie la Fédération de Russie ainsi que les normes universellement reconnues du droit international font partie intégrante du système juridique russe. La Constitution prévoit également que les instruments internationaux auxquels a adhéré la Fédération de Russie priment le droit interne. M. Bán s'est interrogé sur la compatibilité de deux dispositions de la Constitution, à savoir le paragraphe 4 de l'article 15 et le paragraphe 6 de l'article 125. M. Kovalev fait observer que les instruments internationaux auxquels est partie la Fédération de Russie priment la législation nationale mais pas la Constitution, qui est la loi suprême. En mettant en doute la Constitution, on mettrait en doute l'ensemble du système juridique et, partant, l'Etat lui-même, et il va sans dire que les autorités n'ont aucunement l'intention de s'engager dans cette voie. Cette position de la Fédération de Russie est d'ailleurs certainement partagée par d'autres Etats dans le monde.

 

59.     Pour ce qui est de savoir si le Pacte peut être invoqué devant les tribunaux, M. Kovalev précise que l'invocation d'une quelconque disposition du Pacte constitue un fondement juridique suffisant pour saisir la justice. Dans la pratique, il n'a pas connaissance d'un seul cas de refus des tribunaux. M. Kovalev précise en outre que le Pacte peut être invoqué dans le cadre des procédures judiciaires évoquées au paragraphe 21 du rapport (CCPR/C/84/Add.2), dont il rappelle la teneur. Il admet toutefois que cette pratique est encore peu développée. Cela s'explique par le fait qu'il n'y a pas de tradition judiciaire dans ce domaine, et qu'il s'agit d'une procédure tout à fait nouvelle. Nul doute, cependant, que les dispositions du Pacte seront invoquées de plus en plus souvent devant les tribunaux, grâce d'une part au perfectionnement de l'appareil judiciaire, et d'autre part à une meilleure information de la population quant aux droits énoncés dans le Pacte. A l'heure actuelle, la population russe est encore insuffisamment informée de ses droits, ce qui a d'ailleurs conduit le Président Eltsine à adopter un décret concernant l'instruction civique des citoyens et la vulgarisation des notions juridiques. M. Kovalev donne l'assurance aux membres du Comité que lui-même, en tant que Ministre de la justice, prendra toutes les mesures qui s'imposent dans ce sens, et qu'il envisage de soumettre la question au plenum du Soviet suprême de la Fédération de Russie. Il conclut sur ce point en insistant sur la nécessité de perfectionner la législation interne et de la rendre conforme aux instruments internationaux auxquels est partie la Russie. Toutefois, cette entreprise requiert beaucoup de temps et d'énergie. Il va de soi que l'ensemble des problèmes ne sera pas résolu du jour au lendemain, mais M. Kovalev tient à donner aux membres du Comité l'assurance que les autorités russes accorderont à cela toute l'attention voulue et tiendront dûment compte des observations du Comité.

 

60.     En réponse à une autre question, M. Kovalev indique que la procédure d'entrée en vigueur des instruments internationaux auxquels la Russie est partie vise à s'assurer de la compatibilité desdits instruments avec la Constitution et les lois nationales. Cette procédure prévoit la consultation préalable de tous les organes ministériels concernés. L'instrument international est ensuite soumis au Parlement. M. Kovalev a eu lui-même l'occasion de présenter à plusieurs reprises au Parlement des instruments internationaux pour ratification. Il ne nie pas que cette procédure soit longue et complexe, mais il a toutefois le sentiment qu'elle a permis jusqu'ici de prendre des décisions acceptables par tous.

 

61.     En réponse à une question concernant la Cour constitutionnelle, M. Kovalev indique que cet organe est chargé de vérifier la constitutionnalité des lois qui ont été adoptées par le Parlement. En vertu de la nouvelle Constitution, tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle, et cela s'est d'ailleurs déjà produit. A noter que ce droit peut être exercé individuellement ou collectivement. Cette nouvelle disposition de la Constitution traduit la démocratisation du système judiciaire et renforce la protection des droits des citoyens.

 

62.     Répondant à une question concernant le droit à réparation des personnes victimes de mesures de répression politique, M. Kovalev indique que ce droit est expressément prévu dans la loi. Des mesures de réparation sont indispensables, et elles sont appliquées dans les faits. En outre, si un citoyen n'est pas satisfait de la réparation qui lui est proposée, il peut s'adresser à un tribunal. On estime cependant généralement que c'est à l'exécutif qu'il incombe de traiter ces questions. Ceci dit, à ce jour, les autorités compétentes n'ont reçu qu'un très petit nombre de demandes de réparation.

 

63.     En ce qui concerne la responsabilité des auteurs d'actes de répression politique, M. Kovalev fait observer que cette question appelle une réponse concrète adaptée à chaque cas particulier. D'une façon générale, les autorités se heurtent à deux obstacles dans ce domaine : premièrement, les auteurs des mesures de répression ont souvent disparu et, deuxièmement, il y a fréquemment prescription. Cela étant dit, les mesures de répression politique ont été classées en plusieurs catégories, dont certaines sont passibles de peines d'emprisonnement. A l'évidence toutefois, les personnes responsables d'actes de cette nature n'ont pas toutes été traduites en justice. Mais la nouvelle législation de la Fédération de Russie est claire sur ce point : tous ceux qui violent les droits des citoyens doivent être poursuivis et sanctionnés.

 

64.     En réponse à une question de M. Francis concernant les mesures de harcèlement et d'intimidation dont seraient victimes des personnes originaires de la région du Caucase, M. Kovalev indique que le droit pénal réprime le délit d'injure, qui est passible de sanctions non seulement civiles, mais aussi pénales. Cependant, M. Kovalev comprend la préoccupation de M. Francis, et il donne à l'ensemble du Comité l'assurance que les autorités sont résolument opposées à toute discrimination fondée sur la race ou l'origine nationale ou ethnique. La législation de la Fédération de Russie est d'ailleurs très stricte sur ce point, notamment en ce qui concerne l'incitation à la haine raciale.

 

65.     Cela étant, M. Kovalev rappelle les événements tragiques qui se sont déroulés récemment à Boudennovsk, au cours desquels des centaines de femmes, d'enfants, de personnes âgées et de malades ont été pris en otages par des terroristes. Ces derniers ont clairement indiqué qu'ils n'entendaient pas s'arrêter là et ont annoncé d'autres actions terroristes dans les grandes villes de la Russie. C'est la raison pour laquelle les autorités ont été obligées de prendre des mesures spéciales visant à assurer la sécurité de la population dans les agglomérations. Ces mesures se sont traduites concrètement par des contrôles d'identité et des fouilles, opérés par la police conformément aux dispositions de la loi sur la milice. M. Kovalev précise encore qu'aucune disposition légale ne prévoit de mesures spéciales applicables à telle ou telle nationalité ou ethnie. Il admet toutefois que, dans la pratique, la situation est différente.

 

66.     A propos de la question de la criminalité, M. Francis s'est inquiété du fait qu'un certain nombre de délits ne seraient pas enregistrés par les forces de police et ne donneraient pas lieu à une enquête. M. Kovalev lui assure que les autorités compétentes disposent de l'arsenal juridique nécessaire pour réagir promptement en cas de délit, et le Code de procédure pénale fait obligation aux organes de sécurité d'enregistrer les plaintes des victimes et d'ouvrir une enquête. S'ils ne le font pas, ils sont passibles de sanctions judiciaires. Pour garantir aux citoyens que leurs plaintes sont bien enregistrées et que des mesures concrètes sont prises, on a institué un système d'attestation de dépôt de plainte auprès de la police. Dans le cas où il estime que les mesures nécessaires n'ont pas été prises, le citoyen peut d'ailleurs s'adresser aux tribunaux, muni de ce document.

 

67.     En réponse à une question sur l'existence d'instances spécialement chargées de traiter les plaintes dirigées contre des membres de la police, M. Kovalev indique que les plaintes de ce type sont actuellement traitées par les tribunaux ordinaires. Toutefois, dans le cadre de la réforme judiciaire qui a été entérinée par le Parlement, il est prévu de créer des tribunaux spéciaux qui connaîtraient en particulier des affaires de mineurs, des différends familiaux et des conflits du travail. On envisage également la création d'un tribunal qui connaîtrait des plaintes dirigées contre des éléments de la police et des forces de sécurité. A cet égard, les autorités ont longuement étudié les procédures adoptées dans plusieurs pays du monde, en particulier la Grande-Bretagne.

 

68.     En ce qui concerne la question du chômage des femmes et de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes en Russie, M. Kovalev suggère de donner la parole ultérieurement sur ce point à Mme Zavadskaia, députée à la Douma d'Etat et présidente de la Sous-Commission chargée de la législation fédérale et des droits de l'homme, organe de la Commission de la Douma d'Etat chargée de la législation et de la réforme juridique et judiciaire.

 

69.     En réponse à une autre question, M. Valentin Kovalev indique que, conformément à la Constitution, le Président de la Fédération est le garant des droits et des libertés des citoyens. Dans la pratique, cela signifie qu'il est personnellement responsable du respect de ces droits et libertés sur tout le territoire de la Fédération. Pour se faire aider dans sa mission, le Président a créé une Commission des droits de l'homme, placée sous sa responsabilité directe. Il a nommé délégué aux droits de l'homme M. Sergueï Kovalev, personnalité bien connue en Russie. Le choix du président Eltsine semblait d'autant plus justifié que M. Sergueï Kovalev avait été lui-même victime de mesures de répression politique dans le passé. En le nommant, le président Eltsine était conscient que son délégué ne souscrirait pas systématiquement aux positions du gouvernement, tant s'en faut. M. Sergueï Kovalev a d'ailleurs formulé à maintes reprises de très vives critiques à l'encontre de telle ou telle attitude ou déclaration des autorités russes. Toutefois, les positions qu'il a adoptées au sujet de la Tchéchénie ont été désapprouvées à la fois par la Douma d'Etat et par le gouvernement, ce qui lui a valu d'être relevé de certaines de ses fonctions. D'une façon générale, le chef de la délégation russe considère que l'affrontement de points de vue différents en ce qui concerne l'exercice des droits de l'homme en Russie n'a rien de malsain, au contraire : chaque point de vue a droit de cité, et c'est de l'échange contradictoire que se dégagera une vérité.

 

70.     Le PRESIDENT remercie la délégation russe et invite les membres du Comité à poursuivre l'examen du quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie (CCPR/C/84/Add.2) lors d'une prochaine séance.

 

La séance est levée à 18 h 5.

 

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