Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.247
15 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 247ème séance : Senegal. 15/11/95.
CRC/C/SR.247. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Dixième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 247ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 8 novembre 1995, à 10 heures.
Présidente : Mme BELEMBAOGO


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

- Rapport initial du Sénégal





*/ Il n'a pas été établi de compte rendu analytique pour la 246ème séance.
__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.


GE.95-19516 (F)
La séance est ouverte à 10 h 25.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

RAPPORT INITIAL DU SENEGAL (CRC/C/3/Add.31; HRI/CORE/1/Add.51; CRC/C/10/WP.1)

1. Sur l'invitation de la Présidente, Mme Mbengue Ndiaye, Mme Ngom, M. Ndiaye et M. Aziz (Sénégal) prennent place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation et l'invite à présenter le rapport initial du Sénégal (CRC/C/3/Add.31). Elle remercie le Gouvernement sénégalais, par l'intermédiaire de sa délégation, d'avoir adressé au Comité des réponses écrites aux questions figurant sur la liste, lesquelles sont toutefois parvenues trop tard pour pouvoir faire l'objet d'un document et être traduites dans les autres langues de travail. Aussi, afin d'organiser le débat, prie-t-elle la délégation de résumer, le moment venu et au fur et à mesure, l'action et les projets du gouvernement relatifs à chaque chapitre de la liste des points à traiter (CRC/C/10/Add.31).

3. Mme MBENGUE NDIAYE (Sénégal), Ministre de la femme, de l'enfant et de la famille, transmet au Comité les salutations de M. Abdou Diouf, chef de l'Etat et premier défenseur des droits de l'enfant au Sénégal. Elle souligne que dans son pays l'enfant est roi et le gouvernement et le peuple sénégalais se soucient tout particulièrement de défendre ses droits. Ainsi, la Convention relative aux droits de l'enfant a été ratifiée par le Sénégal le 31 juillet 1990, huit mois seulement après son adoption par l'Assemblée générale. L'Etat a ensuite consulté en permanence ses partenaires, afin de faire connaître la Convention à la population.

4. Chacun au Sénégal est convaincu qu'il n'y a pas de droits des enfants si ceux-ci n'ont pas accès aux soins de santé et à l'éducation, ou s'ils sont les premières victimes de l'exclusion née de la pauvreté. Le Gouvernement sénégalais a donc donné la priorité, dans le cadre de sa politique de développement économique et social, à plusieurs programmes en faveur de l'enfant. Actuellement, de grands efforts sont déployés pour mettre en oeuvre la Convention, comme l'indiquent les réponses écrites aux questions figurant dans la liste des points à traiter adressée par le Comité. Ces réponses s'articulent autour de deux grands thèmes : les mesures d'application générales et les principes généraux. En ce qui concerne les mesures d'application générales, un rapport préliminaire, élaboré en 1993, a été présenté au Comité, mais parce qu'il n'était pas rédigé selon les directives du Comité, il a été repris puis finalement envoyé en juin 1994. Il a suscité plusieurs questions, notamment sur la diffusion du rapport; l'harmonisation de la Convention avec la législation nationale; les difficultés rencontrées dans l'application de la Convention; les institutions en faveur des enfants; les indicateurs sur la situation de l'enfant; l'engagement pris par le Sénégal de mettre en oeuvre la Convention et la part de la coopération internationale. Il ressort des réponses à ces questions qu'en dépit des difficultés que connaît le pays, le rapport a été diffusé de manière satisfaisante, surtout lors de sa phase finale d'élaboration où l'ensemble des acteurs intéressés ont joué un rôle. La conformité de la législation nationale avec la Convention relative aux droits de l'enfant a été également mise en évidence.
5. Pour mettre en oeuvre la Convention, le Gouvernement sénégalais a mis en place des mécanismes et des programmes de promotion et de protection des droits de l'enfant. Il a notamment créé le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille, constitué un comité national de l'enfant qui a un rôle consultatif sur toutes les questions relatives aux droits de l'enfant et formé des groupes professionnels travaillant dans le domaine des droits de l'enfant.

6. Afin de favoriser l'expression et la participation des enfants, on a créé en 1993 le parlement national des enfants et dix parlements régionaux. L'action de l'Etat est soutenue par les organisations non gouvernementales qui se sont récemment regroupées en une Coalition nationale des organisations non gouvernementales et des associations pour la défense des droits de l'enfant. Le chef de l'Etat a instauré dans le cadre du Conseil des ministres, qui se réunit chaque semaine, un suivi systématique des objectifs intermédiaires fixés en faveur de l'enfant. Toutefois, les difficultés demeurent, liées essentiellement à l'insuffisance des ressources et des autres moyens nécessaires pour mieux répondre aux besoins fondamentaux des enfants.

7. A propos des principes généraux de la Convention, il faut rappeler qu'au Sénégal la majorité civile est atteinte à l'âge de 21 ans, la majorité pénale et électorale à l'âge de 18 ans, l'âge légal du mariage est fixé à 20 ans pour les garçons et à 16 ans pour les filles et l'âge minimum d'admission à l'emploi est établi à 14 ans.

8. Pour assurer la survie et le développement des enfants, le Sénégal s'efforce de leur garantir l'accès aux soins de santé primaires, notamment grâce à un programme élargi de vaccination et à des campagnes de mobilisation sociale en faveur de la thérapie par réhydratation orale et de l'à 4 mois, ainsi que par des campagnes de lutte contre l'avitaminose A et les maladies sexuellement transmissibles, en particulier le SIDA.

9. Pour ce qui est de l'éducation de base, des efforts importants ont été faits en particulier dans le sens de la scolarisation des filles. La protection de l'enfant commence à la naissance avec la déclaration obligatoire et le respect de son droit à un nom et à une nationalité. L'enfant est également protégé contre toutes les formes de discrimination, conformément aux articles 4 et 7 de la Convention, contre toute forme de violence, physique, morale et sexuelle, et contre l'abandon, notamment par l'application de règles régissant l'adoption, la tutelle et l'administration légale. L'enfant est protégé aussi contre l'exploitation économique, l'enlèvement, le déplacement et le trafic. Enfin, des mesures sont prises pour prévenir la délinquance et la consommation de drogues chez les jeunes.

10. En ce qui concerne la participation, l'opinion des enfants est prise en considération dans les procédures qui les concernent mais ils n'ont pas la capacité d'ester en justice.

11. Il faut toutefois reconnaître que l'application des principes susmentionnés se heurte à des obstacles, d'ordre économique et socioculturel. Malgré l'action de l'Etat et des ONG, il subsiste des pratiques qui empêchent l'enfant de jouir pleinement et entièrement de ses droits. Ainsi, alors que le chef de l'Etat avait mobilisé la population en faveur de la scolarisation des enfants et qu'il en était résulté une inscription massive des filles à l'école, cette forte demande n'a pu être satisfaite qu'avec le recrutement d'urgence de 1 200 volontaires de l'enseignement élémentaire et la mise en place d'un dispositif pour veiller à ce qu'il y ait des salles de classe, les équipements et les fournitures scolaires en nombre suffisant. De même, l'Etat combat énergiquement les coutumes et pratiques traditionnelles néfastes pour la santé des filles, par le biais de campagnes d'information; mais il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

12. Mme Mbengue Ndiaye conclut en réaffirmant l'attachement de son pays au respect et à la promotion des droits de l'homme en général et des droits de l'enfant en particulier. L'Etat, garant des droits et des libertés, multiplie régulièrement les initiatives pour la promotion de ces droits et s'efforce de freiner les tendances qui pourraient entraver l'évolution positive amorcée en matière de droits de l'enfant.

13. La PRESIDENTE remercie Mme Mbengue Ndiaye de son introduction et salue l'intérêt que porte le Gouvernement sénégalais aux droits de l'enfant. Elle rappelle que le Sénégal a été l'hôte de la Conférence internationale sur l'assistance aux enfants africains, organisée en 1992 par l'UNICEF et l'Organisation de l'unité africaine et en 1993, de la Conférence des ministres francophones chargés des questions de l'enfant, qui a abouti à un plan d'action pour l'amélioration de la situation de l'enfant, inspiré par le Plan d'action pour l'application de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant. Elle invite les membres du Comité à poser des questions à la délégation en commençant par la section de la liste des points à traiter (CRC/C/10/WP.1) consacrée aux mesures d'application générales, qui se lit comme suit :
"Mesures d'application générales
(Articles 4, 42 et 44, (par. 6) de la Convention)

14. Mme BADRAN remercie la délégation de sa présentation. Elle rappelle qu'elle a participé à la Conférence de 1992 sur l'assistance aux enfants africains. Elle se félicite de ce que le Sénégal n'ait émis aucune réserve à la Convention, en particulier à l'égard des dispositions relatives à l'adoption d'enfants, ce qui vaut d'être souligné puisque le Sénégal est un pays musulman et que l'Islam ne reconnaît pas l'adoption. Elle note avec satisfaction qu'au Sénégal la Convention a été traduite en trois langues pour en améliorer la diffusion et que certains syndicats dispensent à leurs affiliés une formation dans le domaine des questions traitées par la Convention.

15. Mme Badran souhaiterait savoir si le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille dispose de ressources suffisantes pour assurer le suivi et la coordination des activités en faveur des droits de l'enfant et s'il se heurte à des difficultés pour coordonner l'action des différents ministères, ce qui est toujours une tâche difficile. Elle se demande en outre si la situation des enfants se ressent des programmes d'ajustement structurel et si des mesures ont été prises pour en pallier les effets. Elle souhaiterait aussi un complément d'information sur le plan d'action mis en oeuvre à la suite du Sommet mondial pour les enfants et demande s'il a fait l'objet d'une évaluation, comme dans d'autres pays. Elle souhaiterait également mieux connaître l'attitude traditionnelle de la population à l'égard des enfants, ne demandant qu'à être persuadée qu'au Sénégal l'enfant est roi, comme l'a indiqué la représentante de l'Etat partie. Enfin, elle se demande si les enfants et la population en général connaissent l'existence et la teneur de la Convention.

16. Mme SANTOS PAIS souligne l'engagement constant des autorités sénégalaises en faveur des droits de l'enfant, attesté par la participation active du Sénégal à l'élaboration de la Convention, par l'action personnelle du Président du Sénégal en tant qu'ardent promoteur du Sommet mondial pour les enfants et par l'organisation de la Conférence de Dakar de 1992. Au plan national, la création du parlement des enfants et des parlements régionaux sont d'excellentes initiatives qui permettent d'étendre le réseau des défenseurs des droits de l'enfant.

17. La Convention, comme tous les instruments internationaux ratifiés par un pays, doit primer le droit national et il est essentiel de pouvoir l'invoquer devant les tribunaux lorsque les droits de l'enfant sont négligés, voire violés. Mme Santos País se félicite de ce qu'au Sénégal les enfants de moins de 18 ans ne puissent pas être recrutés dans les forces armées, ainsi que de la franchise dont fait preuve le Gouvernement sénégalais dans ses réponses écrites en ce qui concerne la réalité du pays. En revanche, elle regrette que le rapport n'ait pas été établi en suivant les directives du Comité, qui sont conçues de façon à faciliter l'évaluation périodique de la réalité dans chaque pays et la définition de stratégies à l'échelle nationale, en vue d'atteindre des objectifs tout à la fois exigeants et réalistes.

18. Dans son intervention liminaire, Mme Mbengue Ndiaye a donné l'assurance que la législation nationale était généralement compatible avec la Convention. Or dans sa réponse écrite à la question 3 de la liste des points à traiter, le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille reconnaît que des insuffisances dans ce domaine ont été identifiées dans une étude réalisée par des juristes. Quelle suite a-t-elle été donnée aux recommandations contenues dans cette étude et le Gouvernement sénégalais a-t-il déjà entrepris de modifier les dispositions qui ne sont pas entièrement conformes ?

19. Mme Santos País a décelé dans le rapport une certaine préoccupation concernant les attitudes qui subsistent dans la société sénégalaise et qui peuvent entraver l'exercice des droits consacrés dans la Convention, par exemple le mariage précoce, le travail domestique et diverses pratiques néfastes. C'est pourquoi elle voudrait savoir en quoi la Convention peut contribuer à changer les attitudes préjudiciables aux enfants et à éliminer les préjugés qui subsistent dans certains secteurs de la société sénégalaise.
20. Mme Santos País se félicite de la création du Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille et souhaiterait des précisions sur le système de coordination, d'évaluation et de contrôle institué et sur les fonctions de ce ministère dans ce domaine. Dans d'autres pays, la création d'un ministère chargé de l'enfance a amené d'autres ministères à se désintéresser de questions qui relèvent pourtant de leur responsabilité. Elle accueille avec satisfaction la création du Comité de suivi de l'application des mesures prises en faveur de l'enfance qui dépend de la présidence de la République, mais elle souhaiterait un complément d'information sur sa composition, son rôle et ses fonctions en matière de coordination et d'évaluation de la situation générale. Cette question se rattache à la nécessité de disposer d'un réseau de collecte de données qui permette d'identifier les besoins des enfants, tant en milieu urbain que rural, et Mme Santo País demande si le Sénégal est doté d'un tel système.

21. Etant donné la situation économique difficile que connaît le pays et les conséquences des programmes d'ajustement structurel, des renseignements seraient utiles sur l'action engagée par le gouvernement pour protéger en particulier les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables de la population. Les mesures adoptées dans le cadre de ces programmes d'ajustement peuvent-elles être adaptées périodiquement afin de limiter leurs conséquences préjudiciables pour les enfants et d'assurer une certaine justice sociale ? Enfin, Mme Santos País souhaiterait savoir comment le gouvernement fait en sorte que toutes les ressources disponibles soient utilisées au mieux pour la protection des droits de l'enfant.

22. M. HAMMARBERG insiste sur l'utilité des directives pour l'élaboration des rapports, non seulement pour les gouvernements mais aussi pour leurs débats avec le Comité. Elles permettent aussi et surtout - ce qui n'est pas le cas de la structure retenue pour rédiger le rapport du Sénégal - de mettre l'accent sur certains principes généraux, sur les progrès accomplis et sur les difficultés rencontrées, et permettent de définir les mesures à prendre à l'avenir. Le dialogue avec le Comité comblera sans nul doute ces lacunes. Au sujet des difficultés économiques du Sénégal, M. Hammarberg note que les programmes d'austérité introduits à plusieurs reprises récemment ont retenu l'attention du Comité des droits économiques, sociaux et culturels lors de l'examen du rapport initial du Sénégal, en 1993. Dans ses observations finales (E/C.12/1993/18, par. 14), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels appelait l'attention du Sénégal sur le fait qu'il était indispensable de veiller à ce que les programmes d'ajustement structurel soient conçus et appliqués de manière à prévoir des filets de protection pour les secteurs sociaux les plus vulnérables. Le Comité des droits de l'enfant partage ce souci à l'égard plus précisément des enfants et exhorte les Etats à observer l'article 4 de la Convention. Il est conscient des problèmes économiques du Sénégal et de la nécessité de procéder à des réformes économiques pour diverses raisons, notamment à cause des pressions exercées de l'extérieur, mais il serait utile de connaître les moyens dont dispose le Sénégal pour protéger les intérêts de l'enfant. Par exemple la protection des groupes vulnérables est-elle évoquée au cours des réunions avec ses bailleurs de fonds, en particulier la Banque mondiale ? Il s'agit d'un aspect important de la coopération internationale et il est essentiel d'expliquer aux bailleurs de fonds que ces politiques parfois très générales ne vont pas sans conséquences sociales graves.
23. M. Hammarberg souhaiterait également savoir comment les autorités nationales pensent pouvoir changer les mentalités de la population vis-à-vis des enfants, en particulier à l'égard des filles. Il estime qu'une politique officielle, consciente et systématique dans ce domaine peut faire plus pour se rapprocher des objectifs de la Convention et des normes internationales que la législation nationale. En effet, adopter des lois ou diffuser la Convention dans les médias ne suffit pas à les traduire dans les faits. Il faut aussi assurer la formation de tous ceux qui travaillent avec les enfants ou qui sont en contact avec eux, à commencer évidemment par les enseignants, et veiller à ce que l'attitude de l'ensemble de la population change véritablement dans la vie quotidienne de tous les groupes sociaux.

24. Mlle MASON se félicite des initiatives prises par le chef de l'Etat sénégalais dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'enfant; la discussion avec la délégation sénégalaise donnera sans doute l'occasion de mettre en évidence l'application pratique de ces initiatives, eu égard aux obstacles majeurs évoqués par la délégation. Ainsi, Mlle Mason souhaite connaître la composition du parlement des enfants, la fréquence de ses réunions, les questions qu'il examine et son rôle dans la diffusion de la Convention et dans la compréhension des droits et des devoirs qu'elle comporte. Enfin, elle souhaiterait des précisions sur la faculté qu'a ce parlement de donner un avis consultatif sur toutes les questions intéressant les enfants (voir par. 59 du rapport).

25. Relevant dans le document de base constituant la première partie des rapports des Etats parties (HRI/CORE/1/Add.51), que le Médiateur de la République institué en 1991 a une mission de rappel à l'ordre de l'exécutif quant à son devoir de respecter sa propre législation et les droits fondamentaux de l'homme, Mlle Mason demande si les autorités sénégalaises envisagent la mise en place d'un système analogue spécifiquement destiné aux enfants. Par ailleurs, la lecture du rapport et des réponses écrites du Sénégal ne permet pas de savoir à quelle date les nouvelles législations annoncées sont entrées en vigueur ou vont entrer en vigueur, par rapport à la ratification de la Convention et en quoi ces nouvelles lois se rapportent aux dispositions générales de la Convention.

26. Il est intéressant de lire dans les réponses écrites que les ONG peuvent prendre connaissance des rapports périodiques, lesquels toutefois ne sont pas soumis à un débat public. Cette restriction ne semble guère conciliable avec le paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention. Les paragraphes 209 et 210 du rapport font état d'un programme de vulgarisation des droits contenus dans la Convention mis en place avec la participation des médias. Il serait intéressant d'avoir des informations plus précises sur le contenu de ce programme et l'incidence qu'il peut avoir sur la vie quotidienne des enfants.

27. Enfin, Mlle Mason constate que le rapport ne fait à aucun moment mention du conflit ethnique qui se déroule en Casamance et elle souhaiterait avoir des informations sur les conséquences de ce conflit sur la promotion et la protection des droits de l'enfant.

28. Mme EUFEMIO demande quel est le nombre de travailleurs sociaux par rapport à la population totale et de quelle formation ils bénéficient pour jouer leur rôle dans la mise en oeuvre de la Convention. Elle voudrait savoir aussi si des travailleurs sociaux opèrent également dans les zones rurales.

29. Mme MBENGUE (Sénégal) remercie les membres du Comité de leur intérêt attesté par la pertinence de leurs questions. Elle regrette vivement que les réponses écrites aient été adressées trop tard pour être traduites car les membres y auraient trouvé la réponse à bon nombre de leurs interrogations. En ce qui concerne le rôle de coordination et de surveillance du Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille, il existe un Comité national de l'enfant, organe pluridisciplinaire, composé de représentants de tous les départements ministériels, de membres des ONG actives dans le domaine de l'enfance, de personnalités de la société civile connues pour leur intérêt pour la cause des enfants et de représentants des organisations internationales. Ce Comité coordonne l'action des divers ministères et des ONG dans le domaine de l'enfance. Il élabore le programme de la semaine de l'enfance, organisée tous les ans pour mobiliser la société autour des problèmes de l'enfant. Il tient une réunion générale tous les trois mois. Certes toutes les parties concernées n'ont pas participé à l'élaboration du rapport mais toutes les ONG et tous les ministères intéressés ont reçu copie de la liste des points à traiter (CRC/C.10/WP.1) et un séminaire national a été organisé par le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille pour rassembler toutes les réponses que chacun souhaitait apporter. Le Comité dispose d'un certain nombre de moyens, notamment d'un fonds spécial pour les femmes et les enfants et d'une aide de l'UNICEF pour mener des campagnes de sensibilisation et d'information.

30. Pour ce qui est des données concernant la situation des enfants, elles sont rassemblées de différentes manières. Par exemple, des enquêtes sur les ménages sont réalisées et une enquête a été récemment menée pour connaître les produits consommés par les enfants et le nombre de repas qu'ils prennent par jour. Le Comité national de l'enfant a récemment encouragé tous les ministères à recueillir des données ventilées selon le sexe et l'âge, afin de pouvoir disposer d'informations précises sur la situation des enfants. Ces données figureront probablement dans le prochain rapport périodique du Sénégal.

31. Dans le domaine de l'utilisation des ressources en faveur des enfants, il convient de souligner que la population contribue considérablement à la mise en oeuvre de certains programmes. C'est ainsi que les groupements de femmes apportent régulièrement des contributions individuelles destinées à financer en partie des programmes sanitaires à l'intention des enfants. Dans tous les pays où les programmes d'ajustement structurel ont été appliqués, on a pu constater des répercussions négatives sur les couches les plus défavorisées des populations. Fort heureusement, le Président de la République est très sensible à la question du bien-être des enfants ainsi qu'à celle de la lutte contre la pauvreté et s'est toujours attaché à assortir les mesures d'ajustement structurel de programmes sociaux, s'assurant l'aide d'organisations internationales ou régionales - comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement - et d'organismes de coopération, comme le Fonds nordique de développement. On citera le "Projet de développement des ressources humaines", qui comporte des activités destinées aux femmes et aux enfants, ainsi que le "Programme national de nutrition communautaire", qui vient d'être lancé grâce à l'aide de la Banque mondiale, du Programme alimentaire mondial et de la coopération allemande et qui est destiné aux zones les plus démunies. En outre, après la dévaluation du franc CFA, on a créé un Comité de surveillance de situation après la dévaluation et un programme de lutte contre la pauvreté a été élaboré et financé par plusieurs gouvernements et organisations internationales.

32. En utilisant la formule "l'enfant est roi", Mme Mbengue a voulu refléter le comportement quotidien des adultes vis-à-vis des enfants, qui sont très bien considérés et participent à toutes les discussions de la famille. Jusqu'à récemment, les sujets relatifs aux relations sexuelles faisaient exception à cette règle, pour des raisons de pudeur, mais les ONG font actuellement un travail remarquable de sensibilisation des familles au problème du SIDA et des maladies sexuellement transmissibles et engagent les parents à donner à leurs enfants une éducation sexuelle. Le fait que les enfants soient obligés de travailler ne fait pas pièce à la considération dans laquelle on tient les enfants. Il s'agit en réalité d'une participation aux activités domestiques et économiques de la famille qui est demandée à l'enfant et qui relève de la socialisation et de la formation pratique des enfants.

33. Pour ce qui est de la diffusion de la Convention, il convient de souligner que les programmes scolaires sont actuellement en cours de réaménagement et que les questions relatives à la Convention seront intégrées dans les manuels scolaires. Le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille ainsi que le Comité de l'enfant ont par ailleurs demandé au Ministère de l'éducation nationale de faire en sorte que lors des cours de morale et d'instruction civique, la Convention soit évoquée, afin que les enfants puissent en prendre connaissance et en parler autour d'eux. Il est bon que l'écolier devienne à son tour enseignant. A l'intention du grand public, des rencontres et des causeries sont souvent organisées dans les quartiers à l'intention d'associations de jeunesse, d'associations féminines et d'associations sportives, par exemple. Ces rencontres publiques se déroulent souvent sur les places de marché ou dans les lieux de culte et peuvent avoir différents thèmes, dont celui de la promotion et de la protection des droits de l'enfant. Des chefs religieux ont été informés de l'existence de la Convention et de la teneur de ses dispositions au cours de séminaires organisés par les autorités sénégalaises et sont d'excellents vecteurs puisqu'ils sont entendus d'un très vaste public et ont l'habitude d'annoncer dans les prêches hebdomadaires les mesures sociales décidées par les autorités. Les chefs de quartiers jouent aussi ce rôle. En outre, la Convention a déjà été traduite dans trois des langues nationales et sera bientôt traduite dans les autres langues du pays.

34. La cause des enfants est également ardemment défendue par les maires des différentes municipalités du pays. Le Comité notera qu'il existe aussi de nombreux conseils municipaux d'enfants, créés à l'initiative des maires, qui se réunissent pour donner un avis sur toutes les questions qui intéressent les enfants. Cette expérience est très formatrice pour les futurs citoyens que sont les enfants.

35. Les membres ont été nombreux à évoquer la question des traditions comme le mariage précoce des enfants et les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants. Ces questions font l'objet d'une très forte mobilisation. C'est surtout dans la région du sud et la région du nord du pays que les pratiques néfastes sont toujours très fréquentes, encore que la fréquence diminue fortement dans le nord étant donné que les populations qui y vivent se déplacent beaucoup et sont souvent amenées à séjourner dans des pays où de telles pratiques sont interdites. Ces pratiques relèvent de traditions culturelles fortement ancrées dans la population et il est nécessaire de faire preuve de tact pour s'y attaquer; l'Etat a donc confié le travail d'information à une ONG très compétente en la matière.

36. Des précisions ont été demandées sur le contenu des programmes sectoriels mis en oeuvre. Dans le domaine scolaire, le Forum sur la scolarisation des filles, qui a eu lieu récemment, a abouti à une inscription massive des filles dans les différentes écoles du pays. Ce résultat est dû certes à l'engagement du chef de l'Etat mais aussi à la mobilisation des groupements féminins, des ONG et des médias qui ont fait un grand travail d'information, à l'intention surtout des femmes rurales, et aussi des hommes.

37. En ce qui concerne la participation des donateurs, Mme Mbengue indique que ceux-ci sont très sensibles à l'attachement de la population et du Gouvernement sénégalais à promouvoir la situation des enfants et qu'à l'heure actuelle les programmes de santé, d'éducation, d'alphabétisation fonctionnelle et de nutrition communautaire sont pour l'essentiel pris en charge par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

38. Pour ce qui est du changement d'attitude et de comportement à l'égard des filles, les activités de sensibilisation dans ce domaine sont menées par des femmes qui ont l'habitude de communiquer avec les différents milieux et qui reçoivent une formation à cet effet.

39. En réponse à la question relative aux stratégies adoptées pour lancer un véritable débat sur les droits de l'enfant, Mme Mbengue indique qu'à l'occasion de la semaine de l'enfant, on retient chaque année un thème lié à un événement spécial de l'actualité nationale ou internationale touchant les enfants. A cet égard, il est dispensé à l'intention des responsables traditionnels de la communication et des journalistes professionnels de la presse écrite ou de la radio une formation spécialisée afin qu'ils puissent diffuser des messages de vulgarisation et d'information sur la question des droits de l'enfant. A l'occasion de la conférence régionale africaine de préparation de la Conférence internationale sur les femmes, il a été organisé à Dakar un Forum des jeunes africains dont les conclusions ont retenti jusqu'à Beijing. Lors du Forum des ONG organisé parallèlement à la Conférence internationale sur les femmes, plusieurs jeunes Sénégalais de moins de 18 ans ont animé des rencontres ayant notamment pour thèmes les filles et la sexualité et les filles et la lutte contre le SIDA. A ce propos, Mme Mbengue précise que la porte-parole des jeunes du monde entier lors de la Conférence mondiale était sénégalaise.

40. En ce qui concerne l'influence de la culture sur l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant, Mme Mbengue signale que le Gouvernement sénégalais a élaboré un document intitulé "Approche culturelle pour la protection des droits de l'enfant" dans lequel il établissait une relation entre la Convention et la tradition et la culture sénégalaises. En outre, il a été établi une synthèse de la Convention en wolof, le contenu de cet instrument ayant été résumé en sept termes : "yor" (obligation morale et sociale des adultes vis-à-vis des enfants), "yar" (éclairer, guider l'enfant), "yee" (éveiller l'enfant), "yedd" (conseiller l'enfant, le persuader et lui montrer la voie afin d'assurer sa bonne adaptation sociale), "yür" (protéger l'enfant des dangers qui menacent son intégrité physique et psychique), "yemale" (égalité de traitement entre garçons et filles), et "yëg" (respect que l'on doit aux enfants). On parle aussi dans ce document - qui sera mis à la disposition du Comité - du rôle de l'islam et du christianisme dans la promotion des droits de l'enfant.

41. Pour ce qui est du fonctionnement du parlement national des enfants, cette instance s'est réunie cette année au siège de l'Assemblée nationale (Parlement) du Sénégal, sous la présidence conjointe d'une fillette de 14 ans qui avait été élue par ses pairs et du Président de l'Assemblée nationale. A cette occasion, de jeunes parlementaires venus des différentes régions du Sénégal ont pu interpeller, spontanément et en toute liberté, l'ensemble des ministres au sujet des objectifs intermédiaires en matière de protection de l'enfance qui doivent être atteints pour la fin de 1995. En collaboration avec l'UNICEF, il a été réalisé sur ce sujet un film qui peut être mis à la disposition du Comité. Le Parlement se réunit une fois l'an à l'occasion de la Journée de l'enfant africain, célébrée le 18 juin. Pour soutenir les activités des différents parlements au niveau régional, le gouvernement a créé des fonds spéciaux afin de permettre à ces instances de tenir des réunions périodiques au niveau rural. Ces parlements ont un droit de regard et donnent leur point de vue sur les initiatives en cours qui intéressent les enfants. Quant à la possibilité de créer une structure chargée des problèmes des enfants calquée sur la médiature, il s'agit là d'une suggestion intéressante qui pourra être étudiée sur place à Dakar.

42. En ce qui concerne les programmes destinés aux médias, il existe, dans le cadre de la campagne de médiatisation des droits de l'enfant, un programme intitulé "Plaidoyer pour l'enfant", ainsi que des visites de proximité dans les quartiers, des débats et des causeries destinés à vulgariser les dispositions et les principes de la Convention.

43. S'agissant de la situation des enfants en Casamance, cette région du Sénégal qui est actuellement le théâtre de conflits est elle aussi dotée d'un parlement des enfants ainsi que d'un Comité régional de l'enfant présidé par le Gouverneur de la région et dans lequel sont représentées des ONG ainsi que des associations de femmes, de jeunes et de la société civile. Cependant, Mme Mbengue reconnaît qu'aucune action spécifique en faveur des enfants n'est menée en Casamance.

44. La PRESIDENTE remercie Mme Mbengue de son exposé détaillé sur les programmes du gouvernement en faveur de l'enfant et sur les mesures prises pour que certaines traditions culturelles n'aient pas un effet négatif sur l'application de la Convention.

45. Elle demande cependant à la délégation sénégalaise de bien vouloir donner des précisions sur trois points, à savoir si les juges peuvent se prévaloir de la Convention pour trancher en faveur des enfants dès lors qu'ils constatent une incompatibilité entre la législation nationale et cet instrument ou une éventuelle insuffisance de la législation nationale en attendant une révision complète de cette dernière, s'il sera donné suite aux suggestions et recommandations faites à l'intention des autorités dans l'étude qui a été réalisée en 1994 et quel est le nombre de travailleurs sociaux par rapport à la population du pays.

46. Mme NGOM (Sénégal), répondant à la question relative à la place de la Convention dans le système juridique du Sénégal, rappelle que l'article 79 de la Constitution stipule que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l'autre partie". Au niveau des juridictions, le magistrat est habilité, compte tenu de l'autorité supérieure de la Convention par rapport aux lois et règlements du Sénégal, de se prévaloir de la Convention en l'absence de textes de loi conformes aux dispositions de la Convention ou lorsque les dispositions de la loi ne sont pas applicables.

47. En ce qui concerne l'étude comparée des dispositions de la Convention et de l'ensemble des textes et lois en vigueur au Sénégal qui a été faite par des magistrats sénégalais, l'Etat a souscrit à l'ensemble de ses recommandations et le gouvernement met en place des structures pour les faire appliquer, le but étant de mettre en conformité la législation nationale avec les dispositions de la Convention. Par ailleurs, le gouvernement a fait siennes les conclusions des services techniques compétents au sujet de la position du Sénégal à l'égard de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

48. S'agissant des violences exercées contre les enfants, Mme Ngom précise qu'il existe, au niveau pénal comme au niveau civil, un ensemble de mesures destinées à protéger l'enfant, dont l'une est le retrait du milieu familial. Des problèmes familiaux se posent au Sénégal comme dans tout pays.

49. Les travailleurs sociaux se répartissent en deux catégories : les éducateurs spécialisés, au nombre de 200 environ, qui s'occupent généralement des enfants en conflit avec la loi ou en danger moral, et les assistants sociaux, qui jouent le rôle de médiateur en cas de conflit familial.

50. Mme MBENGUE (Sénégal) précise qu'il existe d'autres travailleurs sociaux, les monitrices rurales - au nombre de plus de 350 - qui sont chargées de l'encadrement des enfants et des femmes dans les villages et sont rémunérées par l'Etat. En outre, on fait de plus en plus appel, au niveau des villages, à des auxiliaires qui reçoivent une formation spécialisée dans les domaines de la santé, de la nutrition, de l'agriculture et du maraîchage afin de pallier les insuffisances liées au nombre limité de personnel social. C'est ainsi qu'il existe dans plus de 300 villages des garderies d'enfants, représentant pour la plupart des initiatives communautaires, qui sont gérées par des auxiliaires formées par le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille. Le Ministère organise aussi, en coopération avec l'Université de Dakar, un programme d'affectation d'étudiants en dernière année de médecine chargés d'assurer la surveillance médicale des enfants dans ces garderies deux mois par an. Ce programme est financé avec la participation de l'UNICEF et de diverses ONG. Il existe aussi, dans une quarantaine de villes, des centres sociaux où des assistants sociaux et des éducateurs spécialisés mènent des activités à l'intention des jeunes et des enfants, dont un Centre de prévention de la toxicomanie financé au titre de la coopération française.
51. M. MOMBESHORA, évoquant les traditions qui risquent d'entrer en conflit avec les dispositions de la Convention, dit que la délégation sénégalaise a mentionné l'organisation d'ateliers et de séminaires visant à essayer de changer les mentalités. Cependant, les mouvements de femmes ne sont pas souvent représentés dans les zones rurales, où ces croyances ont le plus de prise. Si le gouvernement ne prévoit pas d'organiser de programmes particuliers, comment compte-t-il affronter ce problème ? Par ailleurs, la pratique de l'excision perdure. Est-il question de prendre des mesures d'ordre législatif pour lutter contre ce fait de société ? Enfin, il est dit au paragraphe 7 du document de base présenté par le Sénégal (HRI/CORE/1/Add.51) que six langues nationales autres que le français sont parlées et reconnues par la Constitution. Comment expliquer que le toucouleur, qui est parlé par 9,3 % de la population, ne soit pas reconnu comme langue officielle ?

52. Mme SANTOS PAIS remercie la délégation sénégalaise des réponses détaillées qu'elle a données aux questions posées par les membres du Comité. Elle note notamment, s'agissant de la place de la Convention dans le droit interne, que les juges peuvent appliquer les dispositions de la Convention pour combler toute lacune qui pourrait exister dans la législation nationale. Cependant, elle voit là un risque de différenciation dangereuse dans la mesure où, selon le degré de formation des magistrats dans ce domaine, les décisions de justice peuvent refléter ou non les principes et dispositions de la Convention. Il importe donc d'encourager l'application rapide des recommandations formulées dans l'étude qui a été réalisée en 1994.

53. En ce qui concerne les structures de coordination, d'évaluation et de suivi, Mme Santos País constate l'existence de plusieurs institutions compétentes, dont le Comité de suivi présidentiel, le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille et le Conseil national. Comment assurer la coordination des activités de ces différentes instances afin d'éviter les chevauchements d'activités ? Pour ce qui est de la collecte des données, il y a lieu de se féliciter des efforts déployés par les différents ministères et autorités du Sénégal. On peut se demander toutefois si des mesures sont prises pour assurer une approche globale et systématique de cette collecte afin que soient pris en compte tous les domaines de la Convention, tous les groupes d'enfants, toutes les régions et tous les quartiers. S'agissant de la situation économique et sociale, la délégation sénégalaise a mentionné plusieurs mesures, dont le Programme de lutte contre la pauvreté. Comment envisage-t-on d'évaluer les effets de toutes ces dispositions sur l'exercice, par tous les enfants, de leurs droits fondamentaux ? Comment s'assurer que le gouvernement accorde la priorité à l'"intérêt supérieur de l'enfant", comme prévu à l'article 3 de la Convention ? Pour ce qui est du changement des comportements, Mme Santos País a noté que les autorités sénégalaises associaient les chefs religieux aux efforts déployés pour assurer la promotion des droits de l'enfant. Elle aimerait toutefois en savoir davantage sur le rôle qui serait dévolu à ces chefs et sur les mesures qui pourraient être prises pour les amener à participer systématiquement aux mécanismes de coordination qui ont été mentionnés, de façon que leur influence soit perçue par l'ensemble de la population, notamment en milieu rural. Enfin, elle se félicite de l'existence d'un parlement des enfants, initiative très intéressante car elle interpelle non seulement le public, mais aussi les hommes politiques. Elle s'inquiète cependant de ce que, dans de nombreux pays, ce type de mécanisme permette surtout aux enfants appartenant aux couches les plus favorisées de la société de faire entendre leur voix tandis que les autres groupes ont peu de chances de siéger dans cette instance, faute le plus souvent d'en connaître l'existence. Comment les autorités encouragent-elles les enfants des couches défavorisées de la population, notamment en zone rurale, à participer à ce parlement afin que celui-ci soit réellement représentatif de l'ensemble de la population enfantine du Sénégal ? Procure-t-il aux intéressés un appui logistique ou financier ?

54. M. HAMMARBERG reconnaît que le concours des chefs religieux peut être extrêmement précieux lorsqu'il s'agit de mobiliser la population, par exemple, dans le cadre d'une campagne de vaccination mais se demande dans quelle mesure ils peuvent contribuer à changer des attitudes profondément ancrées dans la société.

55. Tout ce qui a été dit à propos des incidences des programmes d'ajustement structurel semble trop beau pour être vrai. Il ressort des documents dont le Comité dispose que les coûts sociaux de l'opération sont extrêmement lourds. Quelle est par exemple la situation dans l'enseignement, domaine qui revêt une importance capitale pour l'avenir du pays et où les effets des réductions budgétaires ne se font peut-être sentir qu'au bout d'un certain temps ?

56. Mme KARP remercie la délégation sénégalaise de tous les renseignements qu'elle a fournis mais craint que dans la masse des détails, il ne soit difficile de voir exactement comment la Convention est concrètement appliquée. Il ressort du rapport de l'Etat partie et des déclarations de la délégation que le cadre pour l'application de la Convention a été déjà mis en place et que les modifications requises ont été apportées à la législation nationale. Or, dans les réponses écrites aux questions posées dans la liste des points à traiter, il est signalé que la coordination des différents efforts visant à assurer la protection de l'enfant laisse à désirer. Cette coordination étant l'une des principales tâches du Comité national de l'enfant, Mme Karp voudrait savoir quel est le bilan de l'action de cet organe depuis sa création, notamment au niveau des régions et en outre de quelles ressources humaines dispose le Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille.

57. Se référant aux efforts faits pour rendre la législation nationale conforme avec les dispositions de la Convention, Mme Karp demande si les mesures prises dans ce domaine ont fait l'objet d'une évaluation et, le cas échéant, quelles sont les conclusions qui ont été tirées. Quelle suite a été donnée par le gouvernement aux résultats de l'étude comparée consacrée par l'UNICEF à la Convention et à la législation nationale et quelle place les droits de l'enfant occupent-ils dans les lois en vigueur par rapport à ceux des parents ? Enfin, Mme Karp voudrait savoir si l'attitude traditionnelle à l'égard de l'enfant a des répercussions au niveau de la législation.

58. La PRESIDENTE rappelle que la délégation sénégalaise a déjà répondu à certaines des questions posées par Mme Karp lorsqu'elle a évoqué l'étude effectuée par l'UNICEF. Pour ce qui est de l'harmonisation des différentes activités, la représentante de l'Etat partie a déjà signalé que les autorités sénégalaises s'employaient à mettre en place un mécanisme de coordination. Toutes ces questions seront du reste abordées de nouveau lorsqu'il sera question des mesures spéciales.

59. Mme KARP dit que l'objet de sa question était d'obtenir des précisions sur les changements spécifiques opérés dans les lois.

60. Mme EUFEMIO fait observer que ce n'est pas seulement au niveau de la population adulte qu'il faut changer les mentalités. Il est tout aussi important de susciter dès le plus jeune âge une attitude positive chez l'enfant. Ce travail doit se faire avant l'école parce que c'est durant cette période que les enfants sont le plus réceptifs. Il ne s'agit pas de leur inculquer les dispositions de la Convention, mais de les amener, au moyen d'activités ludiques, de comptines, etc., à avoir une conception différente de celle que véhiculent certaines croyances traditionnelles.

61. Mme MBENGUE (Sénégal), répondant à une question posée par M. Mombeshora, signale que, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, au Sénégal les mouvements de femmes sont plus actifs dans les zones rurales qu'en milieu urbain. Il y a actuellement au niveau des villages 4 500 groupements féminins. Ce ne sont pas des organisations politiques mais des associations à caractère économique issues de la société civile qui opèrent en étroite interaction avec les différents comités déjà évoqués. Elles constituent en quelque sorte un contre-pouvoir, n'hésitant pas, au besoin, à envoyer un mémorandum aux autorités centrales pour donner leur avis sur certaines politiques nationales. Ce qui fait leur force, c'est leur indépendance financière. Elles mobilisent elles-mêmes les fonds nécessaires pour faire démarrer leurs projets, les apports de l'Etat et d'autres bailleurs de fonds leur servant uniquement de ressources d'appoint.

62. La mutilation sexuelle est une pratique en régression au Sénégal. C'est le cas par exemple dans la vallée du fleuve Sénégal où vit l'ethnie Toucouleur. Les membres de cette ethnie qui ont émigré vers les villes et à l'étranger ont d'ailleurs abandonné cette pratique et de nombreux universitaires originaires de la région mettent souvent à profit leur retour dans leur village d'origine pour sensibiliser leurs proches au caractère inhumain et dégradant de ces coutumes. Qui plus est, ces pratiques sont assimilées par le législateur à des sévices et sont, en tant que tels, punies par le Code pénal. Malheureusement, la population dénonce rarement les cas de mutilation sexuelle aux autorités. La démarche suivie actuellement consiste à utiliser les programmes scolaires pour faire prendre aux enfants eux-mêmes conscience du caractère nocif de certaines pratiques traditionnelles pour qu'ils influent à leur tour sur leurs parents. Il faut dire que certains comportements culturels sont très tenaces et le recours à des méthodes répressives donne rarement des résultats. Seul un travail en profondeur et de longue haleine permettra de les éliminer.

63. Pour expliquer que la langue des Toucouleurs semble ne pas figurer parmi les langues dans lesquelles la Convention est traduite, Mme Mbengue indique que l'idiome des Toucouleurs est le pulaar et qu'il est compris dans la liste des principales langues parlées au Sénégal.

64. A propos de la place de l'enfant dans la politique sociale du gouvernement, Mme Mbengue souligne qu'il est la raison d'être de tous les programmes mentionnés plus haut. Bien que certains de ces programmes tels que les programmes de réhydradation par voie orale et de vaccination s'adressent aux femmes, le bien-être de l'enfant en est la finalité.
65. La stratégie utilisée pour propager les principes de la Convention et d'autres instruments dans les zones rurales consiste à former des personnes choisies au sein de la population afin qu'elles sensibilisent leur entourage. Cette formation est dispensée dans des parlers locaux et les matériels didactiques sont traduits pour que la langue ne soit pas un obstacle.

66. Mme Mbengue reconnaît qu'à première vue les mécanismes qui s'occupent de la protection de l'enfance peuvent sembler trop nombreux. A ce propos, elle tient à préciser que le Comité créé par le chef de l'Etat, qu'elle a décrit plus haut, n'est pas un organe permanent. Il a été mis en place pour faciliter l'exécution des programmes, suivre la réalisation des objectifs intermédiaires de 1995 et en informer directement le Président. D'ailleurs, la plupart de ses membres siègent aussi au Comité national de l'enfant.

67. La collecte de l'information est une responsabilité conjointe de tous les ministères. Malheureusement il n'y a pas de données par âge. Pour remédier à cette situation, des dispositions ont été prises dans le cadre du dernier recensement général de la population pour que des statistiques détaillées sur la situation des enfants soient recueillies. Cela dit, grâce aux enquêtes auprès des ménages, le pays dispose de statistiques très précises sur l'alimentation et la nutrition de l'enfant. Les efforts pour promouvoir les droits de l'enfant ne se limitent pas à l'action menée par le Comité national de l'enfant. Un énorme travail de sensibilisation est fait dans les quartiers, dans les villages et lors des marchés hebdomadaires. Des cinébus sillonnent le pays en permanence pour présenter des films et diffuser des informations sur la Convention et d'autres thèmes. Les effets des programmes en faveur de l'enfance sont mesurés au moyen d'opérations d'évaluation en fonction des objectifs fixés. Comme un carnet de santé est établi pour chaque enfant, les services compétents disposent de toutes les données dont ils ont besoin pour suivre sa croissance et d'autres aspects de sa santé. Pour ce qui est de la participation des chefs religieux à la lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à l'enfant, Mme Mbengue signale que les mouvements féminins organisent régulièrement des conférences qui sont diffusées à la radio et à la télévision durant lesquelles des personnalités religieuses viennent s'attaquer à certaines idées reçues. Il faut dire que les pratiques incriminées ne sont pas prescrites par la religion musulmane, étant pour la plupart antérieures à l'islam.

68. La plupart des membres des parlements d'enfants ne viennent pas de familles nanties. Les enfants qui y siègent sont originaires de toutes les régions du pays et bon nombre sont issus de communautés rurales. L'Etat n'épargne aucun effort pour faciliter la participation d'enfants de tous les milieux sociaux. C'est ainsi que, lorsque certains parents ont refusé d'envoyer leurs enfants à ce parlement parce qu'ils pensaient qu'ils ne seraient pas aussi bien habillés que ceux de Dakar, les autorités ont décidé que tous les enfants seraient vêtus de la même manière et ont distribué un tee-shirt à chacun. Le transport est aussi assuré gratuitement. Pour qu'il n'y ait aucun problème logistique, le gouvernement a mis à la disposition du Ministère un fonds spécial pour le soutien aux parlements tant au niveau national qu'au niveau régional.

69. Se référant aux préoccupations exprimées par un membre du Comité au sujet des effets des mesures d'ajustement structurel sur l'enseignement, Mme Mbengue signale que le budget de l'éducation nationale a été revu à la hausse, passant de 27,4 % en 1992 à 32,8 % en 1993. Les ressources allouées pour 1994 sont aussi en augmentation. En outre, à la suite du forum consacré à la scolarisation des filles, les demandes d'inscription ont tellement augmenté qu'il a fallu recruter 1 200 enseignants et construire de nouvelles salles de classe. Des organisations non gouvenementales et des donateurs bilatéraux et multilatéraux ont contribué au financement de l'opération.

70. En ce qui concerne les modifications à apporter à la législation pour la rendre conforme à la Convention relative aux droits de l'enfant, le Gouvernement sénégalais a fait siennes les recommandations de l'étude comparative effectuée par l'UNICEF.

71. A propos des capacités du Ministère de la femme, de l'enfant et de la famille, Mme Mbengue rappelle que, dans le cadre des mesures prises par le Président de la République au lendemain de la Conférence de Beijing, des dispositions ont été prises pour restructurer le Ministère afin de le doter des moyens nécessaires pour exécuter convenablement les différents programmes qu'il gère et assurer la coordination et l'évaluation des activités en faveur de l'enfant. Une direction de la promotion de la famille et de l'enfant a ainsi été créée. Auparavant, les multiples tâches en rapport avec la protection de l'enfant incombaient à un conseiller technique et à une cellule spéciale.

72. Mme Mbengue juge fort judicieuse l'idée tendant à oeuvrer pour développer chez l'enfant une attitude positive vis-à-vis de certaines questions sociales dès le plus jeune âge. Dans les programmes des établissements préscolaires figurent déjà des modules visant à mettre l'enfant à l'abri de certains préjugés courants dans la société.

73. La PRESIDENTE remercie la délégation sénégalaise des précieuses informations qu'elle a fournies, et l'invite à répondre aux questions restantes à la séance suivante.
La séance est levée à 13 heures.

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