Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1115
16 août 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1115ème seance : Madagascar, Sierra Leone. 16/08/95.
CERD/C/SR.1115. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Quarante-septième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1115ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 10 août 1995, à 15 heures


Président : M. LECHUGA HEVIA


SOMMAIRE

Présentation de rapports par les Etats parties conformément au paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention

Sierra Leone

Madagascar

Prévention de la discrimination raciale, alerte rapide et procédure d'urgence


La séance est ouverte à 15 h 15.

PRESENTATION DE RAPPORTS PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour)

1. Le PRESIDENT invite le Comité à examiner l'application de la Convention par les Etats parties dont les rapports périodiques sont très en retard et notamment de la Sierra Leone et de Madagascar.

Sierra Leone

2. M. BANTON (Rapporteur pour la Sierra Leone) dit qu'il a préparé une note concernant la Sierra Leone (CERD/C/47/Misc.3) qu'il propose au Comité d'inclure dans son rapport et qui se lit comme suit :

"A sa 1100ème réunion, qui s'est tenue le 1er août 1995 (voir

Les membres du Comité ont à nouveau rappelé que les rapports précédents avaient été jugés insuffisants, que le paragraphe 4 g) de l'article 13 de la Constitution alors en vigueur avait été jugé incompatible avec le paragraphe 3 de l'article premier de la Convention et que le Comité avait prié le gouvernement de lui soumettre un complément d'information sur l'application de la Convention.

Le Comité n'ignore pas qu'en vertu de l'article 27 de la Constitution de 1991, aucune loi ne peut prévoir de mesures qui soient discriminatoires en elles-mêmes ou par leurs effets, que cet article s'applique à tout traitement différent appliqué à certaines personnes uniquement ou principalement en raison de leur appartenance à une certaine catégorie du fait de leur race, de leur tribu, de leur sexe, de leur lieu d'origine, de leurs opinions politiques, de leur couleur ou de leurs croyances, mais ne s'applique pas aux lois limitant le droit de citoyenneté.

Les membres du Comité ont conclu qu'il ne servirait à rien de rouvrir la discussion sur la base des rapports antérieurs, mais qu'une communication devrait être adressée à l'Etat partie pour lui rappeler qu'une question importante est en suspens depuis 1974 et pour l'inviter à fournir des renseignements sur les faits nouveaux intervenus, en particulier sur le plan constitutionnel.

Conclusions

Le Comité a regretté que la Sierra Leone n'ait pas répondu à son invitation de participer à la séance et de fournir les renseignements voulus. Au terme de ce réexamen, le Comité a décidé d'adresser au gouvernement de l'Etat partie une communication pour lui rappeler les obligations imposées par la Convention en matière de présentation de rapports et pour le prier instamment de reprendre au plus tôt le dialogue avec le Comité."

3. Ce texte pourrait, si le Comité le veut bien, servir de modèle à l'élaboration de conclusions sur les pays qui devraient faire l'objet d'une deuxième série d'examens. A propos de la Sierra Leone, M. Banton souhaiterait en particulier connaître les vues du Comité sur la question restée en suspens des restrictions à la citoyenneté dans ce pays.

4. M. DIACONU demande des précisions sur la limitation du droit à la citoyenneté. S'agit-il de lois énonçant les conditions requises en Sierra Leone pour l'acquisition de la citoyenneté ou instituant une discrimination entre diverses personnes étrangères dans ce domaine ?

5. M. BANTON dit que la Constitution d'indépendance de la Sierra Leone contenait une disposition selon laquelle la citoyenneté ne pouvait être accordée qu'aux personnes de race noire. Dans les années 70, le Comité a demandé à la Sierra Leone si cette restriction n'était pas discriminatoire mais il n'a jamais obtenu de réponse puisque ce pays ne lui pas soumis de rapport depuis 1974. Une nouvelle Constitution a été adoptée en 1991 dont l'article 27 dispose qu'aucune loi ne peut prévoir de mesure discriminatoire mais cet article ne s'applique pas aux lois limitant le droit de citoyenneté. M. Banton espère que le prochain rapport de la Sierra Leone indiquera les intentions du gouvernement en la matière.

6. M. ABOUL NASR ne comprend pas ce que le Comité doit faire face à cette question. A son avis, le Comité ne doit pas examiner la mise en oeuvre des dispositions de la Convention par un Etat partie en l'absence d'un représentant de ce pays. Il serait opportun d'envisager une session du Comité à New York pour tous les Etats parties qui n'ont pas de représentation à Genève. Il est injuste que le Comité prenne des décisions sans disposer de tous les éléments nécessaires à cette fin. Qui sait, par exemple, si la Constitution de 1991 est encore en vigueur en Sierra Leone ?

7. M. AMADOU partage l'avis de M. Aboul Nasr même si, par souci de réalisme, il n'insiste pas sur la nécessité de tenir une session du Comité à New York. Il n'est pas favorable à l'examen de la situation d'un Etat partie en l'absence d'un représentant de ce dernier. L'attitude que le Comité adoptera à cet égard risque de mettre en jeu sa crédibilité.

8. M. BANTON approuve l'idée d'une session à New York suggérée par M. Aboul Nasr mais il estime que le Comité doit au préalable décider de la priorité qu'il veut accorder à l'examen de la situation des Etats parties dont les rapports sont en retard. Le Comité ne fait en réalité que donner suite à la décision qu'il a prise à sa session précédente d'entamer une deuxième série d'examens. Il ne peut certes pas faire grand-chose en l'absence de rapport de l'Etat partie mais le fait de consacrer peut-être une séance par session à l'examen de la situation de tous les Etats parties qui entrent dans cette catégorie est peut-être un moyen d'exercer une légère pression sur ces pays et de renouer le dialogue avec eux. Le Comité informe toujours les pays concernés de son intention d'examiner leur cas. En l'absence de réponse de l'Etat partie, le Comité est libre d'examiner la situation dans cet Etat partie quand il le juge opportun. C'est précisément le cas de la Sierra Leone qui n'a pas répondu aux demandes de renseignements du Comité, en particulier à la question relative aux restrictions au droit de citoyenneté. Il est fort possible que la Constitution de 1991 ne soit plus en vigueur, mais il serait préférable de l'apprendre de l'Etat partie lui-même plutôt que d'autres sources.

9. M. SHERIFIS n'a pas d'objection à ce que le Comité consacre une demi-séance ou une séance par session à l'examen de l'application de la Convention par les Etats parties dont les rapports sont en retard. Il tient toutefois à mettre l'accent sur l'importance des problèmes financiers auxquels sont confrontés les pays en développement. Le Comité doit veiller à ce que cet examen se fasse dans les mêmes conditions pour tous les Etats parties. M. Sherifis appuie donc la suggestion de M. Aboul Nasr. Peut-être serait-il utile d'organiser à titre exceptionnel une session du Comité à New York pour donner une chance à tous les pays qui n'ont pas de mission à Genève de renouer le dialogue avec le Comité.

10. M. de GOUTTES dit que le Comité doit trouver une méthode de travail qui permette de résoudre le problème posé par les pays pauvres qui n'ont pas de représentation permanente à Genève et il est donc favorable à l'organisation d'une réunion à New York. Il estime toutefois que le Comité ne doit pas remettre à plus tard l'examen de la situation en ce qui concerne l'application de la Convention dans les pays qui n'ont pas présenté de rapport depuis très longtemps.

11. M. FERRERO COSTA partage les préoccupations exprimées par les membres du Comité et il convient de la nécessité de trouver des solutions pratiques pour permettre aux pays sans moyens financiers de renouer le dialogue avec le Comité. Il n'a pas d'objection à ce que le Comité se réunisse à titre exceptionnel à New York mais il estime qu'il serait peut-être plus opportun dans un premier temps que le Centre pour les droits de l'homme prenne contact avec les pays concernés et leur propose un appui technique pour les aider à élaborer leur rapport.

12. Mme SADIQ ALI se demande si un financement ne pourrait pas être trouvé au titre du programme d'assistance technique, afin de permettre aux délégations qui ont de grosses difficultés de venir à Genève.

13. Le PRESIDENT croit que le mieux serait d'envoyer une communication à la Sierra Leone pour lui rappeler que le Comité souhaite recevoir un rapport le plus rapidement possible, ce qui n'exclut pas d'envisager que le Comité tienne ultérieurement une session à New York afin de tenir compte des difficultés de certains Etats dont la situation financière est particulièrement dramatique.

14. M. FERRERO COSTA rappelle sa proposition, tendant à ce que le Comité suggère au Gouvernement sierra-léonien de s'assurer le concours des services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme en vue d'établir et de mettre à jour son rapport.

15. Le PRESIDENT dit que c'est en effet là un autre point que le Comité devrait mentionner. S'il n'y a pas d'objection, il considérera que le Comité décide de procéder ainsi que lui-même et M. Ferrero Costa l'ont proposé.

16. Il en est ainsi décidé.

17. M. BANTON demande qu'il lui soit précisé si le Comité vient d'approuver les cinq paragraphes qu'il a proposé d'inclure dans le rapport annuel du Comité pour 1995, dont le dernier énonce les conclusions du Comité, auxquelles serait ajoutée la proposition de M. Ferrero Costa.

18. Le PRESIDENT dit qu'il n'avait proposé au Comité que l'adoption du paragraphe énonçant les conclusions, mais qu'il serait effectivement judicieux d'insérer aussi les quatre paragraphes qui précèdent dans le rapport.

19. Il en est ainsi décidé.

Madagascar

20. Le PRESIDENT souligne que tous les cas examinés à la présente séance sont analogues en ce sens qu'il s'agit de petits pays démunis et situés loin de Genève; ces cas doivent tout particulièrement retenir l'attention du Comité, qui devra creuser l'idée de tenir une session à New York à leur intention.

21. Pour ce qui est de Madagascar, dans une lettre datée du 7 août 1995, le représentant de ce pays à Genève a demandé le report de l'examen du rapport périodique de son pays, qui n'est pas prêt. Mais étant donné qu'il ne propose aucune autre date, le Comité pourrait malgré tout examiner le cas de ce pays.

22. M. de GOUTTES (Rapporteur pour Madagascar) signale que Madagascar n'a pas soumis de rapport périodique au Comité depuis 1986. Toutefois, à la différence de la Sierra Leone, il a établi en 1993 le document de base appelé à être la première partie des rapports que les Etats parties doivent présenter aux organes qui s'occupent des droits de l'homme. Madagascar a par ailleurs présenté son rapport devant le Comité des droits de l'homme en 1991. Par une lettre du 7 août 1995, le représentant de Madagascar a fait savoir que le rapport périodique de son pays n'était pas prêt, sollicitant un report d'examen à une "date ultérieure", sans autre précision. En l'absence d'une proposition spécifique à cet égard, M. de Gouttes estime difficile d'envisager un nouveau report de cet examen, après 9 ans de silence de la part de l'Etat partie. Certes, Madagascar traverse de sérieuses difficultés du fait des bouleversements politiques de ces dernières années, qui ont vu la fin du régime de l'amiral Ratsiraka, puis une période de transition suivie de l'avènement de la troisième République. Il n'en reste pas moins que le Gouvernement malgache aurait pu s'adresser aux services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme pour leur demander de l'aider à préparer son rapport périodique. Il paraît donc raisonnable que le Comité procède maintenant à un examen, si succinct soit-il, de la situation de Madagascar.

23. Le précédent rapport de ce pays, qui remonte à 1986, avait été rédigé à l'époque de la deuxième République socialiste de l'amiral Ratsiraka et est donc en grande partie périmé. Pourtant, il contenait quelques informations intéressantes sur certaines dispositions de la Constitution, du Code pénal et de la Charte de la presse, qui allaient dans le sens de la mise en oeuvre de la Convention. L'examen de ce rapport par le Comité avait été très rapide, bien qu'il ait eu lieu en présence d'un représentant de l'Etat partie. Les questions posées avaient porté essentiellement sur trois points : les heurts entre groupes ethniques et notamment les émeutes de 1986 dirigées contre les communautés indo-pakistanaise et chinoise; la mise en oeuvre insuffisante de l'article 4 de la Convention, puisque les activités et organisations de propagande raciste n'étaient pas expressément proscrites; enfin, l'évolution du droit social.

24. Le rapport le plus récent dont on dispose sur Madagascar est le document de base établi en 1993, qui présente d'utiles informations dans différents domaines, à savoir notamment : le cadre général, géographique, économique, religieux et historique du pays; les caractéristiques ethno-sociologiques de Madagascar, dont le peuple est composé de 18 groupes ethniques qui se sont mélangés, donnant lieu à la fois à une variété et à une unité ethnographiques; la détérioration du contexte socioculturel malgache, décrite avec beaucoup de franchise (paupérisation croissante affectant surtout les groupes vulnérables, accès de plus en plus difficile des populations rurales aux services de santé, baisse de la fréquentation scolaire); la structure des institutions depuis la promulgation de la nouvelle Constitution du 18 septembre 1992; à cet égard, on peut noter en particulier la création d'un poste de médiateur, dont il serait utile d'apprendre, dans le prochain rapport, les attributions et les activités. Le document de base fait enfin état de l'incorporation directe des traités internationaux dans le droit national dès leur ratification.

25. Dès lors, le Comité devrait réfléchir aux informations qu'il souhaiterait demander au Gouvernement malgache d'inclure dans son prochain rapport périodique. Sur la base d'autres informations récentes (rapport de Madagascar au Comité des droits de l'homme en 1991, rapport du Département d'Etat américain sur les droits de l'homme de 1994, observations sur l'application de la Convention No 29 de l'OIT concernant le travail forcé, etc.), le Comité devrait prier fermement le Gouvernement malgache de lui remettre sans retard un rapport conforme aux principes directeurs qu'il a formulés et qui comprendrait deux parties. Tout d'abord, au titre de la partie générale, le Comité attend des informations sur l'évolution de la situation politique et les rapports entre le gouvernement et l'opposition, sur l'évolution de la situation sociale, marquée par des tensions entre certaines ethnies et la persistance de l'hostilité à l'égard de la communauté indo-pakistanaise, allant parfois jusqu'à des flambées de violence, et sur l'évolution de la situation économique toujours préoccupante, surtout pour les plus défavorisés. L'économie malgache, essentiellement agricole, a profondément souffert des changements de régime : les produits d'exportation traditionnelle sont en crise, l'élevage souffre du banditisme rural, le programme d'ajustements mis en place avec le FMI a été interrompu en 1992 et le nouveau programme, qui devait être mis en place en 1993, semble avoir été retardé, cependant que le flottement du franc malgache a entraîné une élévation sensible du coût de la vie. La pauvreté extrême reste le lot commun d'une grande partie de la population. Enfin, cette première partie du rapport devrait comporter des informations actualisées sur la composition de la population et ses caractéristiques ethniques.

26. La seconde partie du rapport périodique de Madagascar devrait apporter au Comité des renseignements sur les textes proscrivant les actes de racisme conformément à l'article 4 de la Convention; sur les voies de recours dont disposent les victimes du racisme pour obtenir condamnation et réparation (des statistiques sur les plaintes déposées et les condamnations prononcées seraient utiles à cet égard); sur le rôle du médiateur; sur les mesures sociales prises pour corriger les effets de la crise économique et aider les groupes vulnérables, ceux-ci étant identifiés au moyen d'indicateurs sociaux de marginalisation souvent évoqués par le Comité; enfin, sur les mesures prises dans le domaine de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information pour lutter contre la discrimination raciale ou ethnique : en particulier, il serait bon de savoir ce qui a été fait pour développer l'enseignement des droits de l'homme et pour faire connaître la Convention.

27. Enfin, le Comité pourrait suggérer aux autorités malgaches de faire appel aux services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme pour l'établissement du rapport.

28. M. ABOUL-NASR doute que compte tenu de la lettre reçue du représentant de Madagascar, le Comité puisse examiner la situation dans ce pays. Il est vrai que cette lettre ne propose aucune date précise pour l'examen du rapport périodique à venir, mais il ne semble pas que dans le passé, il y ait eu des cas où le Comité soit passé outre à une demande de report d'examen de la part d'un gouvernement. Au demeurant, comment le Comité rendrait-il compte d'une telle démarche dans son rapport à l'Assemblée générale pour 1995 ?

29. Le PRESIDENT rappelle qu'il a fait état de la lettre reçue des autorités malgaches avant que le rapporteur fasse son exposé.

30. M. CHIGOVERA appuie M. Aboul-Nasr, soulignant qu'à la présente session le Comité a accédé à des demandes similaires de report d'examen que lui avaient adressées plusieurs pays. Certes, dans leur lettre, ceux-ci proposaient d'autres dates, mais bien que le Gouvernement malgache ne l'ait pas fait, il semble difficile de ne pas accepter sa demande.

31. M. de GOUTTES convient qu'il s'agit là d'une question délicate que lui-même s'était posée avant de faire son exposé oral. Il lui est apparu à la réflexion qu'il ne fallait pas reporter cet examen, qui était susceptible de faire avancer les choses. Tout d'abord en effet, le Comité n'est pas sans information sur la situation à Madagascar, puisque l'on dispose notamment du document de base établi en 1993. Ensuite, Madagascar n'a communiqué aucun rapport périodique au Comité depuis 9 ans, ce qui est fort long. En troisième lieu, le secrétariat a formellement avisé cet Etat partie que son cas serait examiné, ainsi du reste qu'en témoigne sa lettre du 7 août 1995. Enfin, ladite lettre ne précise pas quand le rapport périodique sera prêt et ne propose aucune date pour l'examen de celui-ci. A la lumière de ces considérations, M. de Gouttes a pensé qu'il ne serait pas inutile de faire une brève présentation orale qui est en fait une demande de renseignements. Dans le passé, il est souvent arrivé au Comité d'adresser des questions supplémentaires aux Etats parties.

32. M. van BOVEN estime que l'on est en présence d'un problème difficile et grave, celui de la démarche à adopter face à des Etats qui ne font pas rapport au Comité. Celui-ci peut-il accepter qu'après qu'un rapporteur ait été désigné et ait fourni un travail considérable, une simple lettre de quelques lignes émanant de l'Etat partie rende ce travail inutile ? Préserver le dialogue est essentiel, mais le Comité doit se prendre lui-même au sérieux; s'il a confié à l'un de ses membres le soin de faire rapport sur un pays, il doit l'entendre et à tout le moins reprendre à son compte les questions que celui-ci a posées. Le Comité peut fort bien, à cet effet, faire savoir à l'Etat partie qu'il a procédé à un examen préliminaire de la situation et en porter le contenu à son attention en vue de l'établissement du prochain rapport. C'est là un excellent moyen de relancer le dialogue. Pour sa part, M. van Boven ne serait plus disposé à être rapporteur pour un pays dans le cas où son travail risquerait de se révéler inutile.

33. M. DIACONU dit que dans cette situation difficile, le Comité doit avant tout se demander quel résultat il recherche. La présentation de M. de Gouttes peut fort bien déboucher non sur la rédaction de conclusions, mais sur une lettre où l'on demanderait à l'Etat partie de présenter de toute urgence son rapport; dans cette lettre, le Comité pourrait indiquer qu'il a commencé à examiner la situation en l'absence d'informations émanant du gouvernement, et énumérer les questions sur lesquelles il aimerait des précisions. A cet égard, M. Diaconu estime que certains points soulevés par M. de Gouttes ne sont pas pertinents : c'est ainsi que les rapports du gouvernement et de l'opposition n'intéressent pas le Comité, sauf s'il s'agit d'une opposition ethnique, et que la situation économique en tant que telle ne le concerne pas, sauf s'agissant de la protection de groupes ethniques particulièrement vulnérables.

34. M. WOLFRUM fait observer que le Comité a déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question. Il propose d'envoyer à Madagascar une lettre dans laquelle seraient précisées les questions que le Comité juge importantes. Cela permettrait à l'Etat partie d'améliorer la qualité de son rapport et faciliterait l'examen de ce dernier par le Comité. M. Wolfrum suggère au Comité de demander à M. de Gouttes de rédiger un projet de lettre.

35. M. de GOUTTES (Rapporteur pour Madagascar) est disposé à accepter la solution proposée par M. Wolfrum. En ce qui concerne les réserves exprimées par M. Diaconu sur l'inclusion dans le rapport d'éléments concernant le contexte général du pays, il rappelle qu'il est demandé expressément aux Etats parties, dans les principes directeurs relatifs à la présentation des rapports, de faire figurer dans leurs rapports périodiques des renseignements de nature générale sur le contexte économique, politique, social et démographique dans le cadre duquel la Convention est appliquée.

36. M. CHIGOVERA précise qu'il entendait simplement rappeler que le Comité a accepté, au début de sa session, de reporter l'examen du rapport de quatre Etats parties à leur demande. Il fait observer que dans deux cas, le Panama et le Cambodge, le Comité n'a fixé aucune date pour la présentation des rapports des pays concernés. Les circonstances étant analogues, il ne comprend pas pourquoi le Comité prendrait une décision différente en ce qui concerne Madagascar.

37. M. BANTON précise que, dans le cas des quatre pays en question, les lettres du Comité avaient été envoyées tardivement aux Etats parties, ce qui ne leur avait pas permis de présenter leurs rapports en temps opportun. Quoi qu'il en soit, l'important est surtout de signaler aux Etats parties les points qui intéressent le Comité, de telle sorte qu'ils puissent en tenir compte pour établir leurs rapports. M. Banton souscrit donc à la proposition tendant à envoyer à Madagascar une lettre dans laquelle figuraient des indications de nature à aider ce pays à établir son rapport.

38. M. RECHETOV dit que les situations évoquées par ses collègues sont effectivement très irritantes et qu'il y a lieu de prendre une décision qui engagerait le Comité et les Etats parties. Il faudrait aussi trouver un moyen de faire prendre conscience aux Etats parties de l'importance que le Comité attache à l'examen de leurs rapports périodiques et à la présentation de ces derniers dans les délais prescrits. A ce sujet, s'il est indéniable que certains Etats parties n'ont pas les ressources nécessaires pour envoyer des représentants devant le Comité, il n'est pas acceptable, en revanche, que certains puissent utiliser faussement ce prétexte pour s'abstenir, parfois pendant des périodes pouvant atteindre une douzaine d'années, de présenter leurs rapports périodiques.

39. M. Rechetov propose donc au Comité de confier à un petit groupe de travail le soin d'élaborer des recommandations en vue de la création d'un mécanisme qui permettrait au Comité d'exercer une influence sur les Etats parties en ce qui concerne la présentation de leurs rapports périodiques.

40. M. YUTZIS pense que le Comité doit s'attacher à dissiper toute ambiguïté quant à son fonctionnement. Il souscrit donc à la proposition de M. Rechetov qui consisterait à définir les critères permettant de traiter les différents cas de façon équitable. De plus, M. Yutzis voit d'un oeil favorable la proposition formulée par M. Diaconu, et appuyée par MM. Wolfrum et Banton, étant entendu que cette mesure ne pourrait être prise qu'à titre exceptionnel.

41. M. AHMADU estime qu'il s'agit d'un problème purement administratif. Deux questions se posent en fait : d'une part, la soumission des rapports périodiques, d'une importance cruciale pour les fonctions du Comité, qui est prévue dans la Convention; d'autre part, la présence d'un représentant de l'Etat partie concerné pendant l'examen de son rapport, qui n'est pas une obligation figurant dans la Convention. En tout état de cause, l'essentiel est, à son avis, d'encourager les pays à présenter leur rapports dans les délais et de les y aider en leur donnant des directives appropriées à cette fin. Lorsqu'un pays fait part au Comité de son intention de lui envoyer ultérieurement un rapport, le Comité devrait lui indiquer les points qu'il aimerait voir traités dans ce rapport. M. Ahmadu pense que le Comité pourrait aussi retenir la proposition tendant à écrire aux Etats parties concernés une lettre dans laquelle seraient indiqués la date à laquelle ils doivent présenter leur rapport ainsi que les points qui devraient y être traités.

42. M. de GOUTTES (Rapporteur pour Madagascar) dit que le Comité a le choix entre envoyer une lettre à l'Etat partie, comme l'a proposé M. Diaconu et lui adresser des recommandations comme l'a suggéré M. Ahmadu. Dans un cas comme dans l'autre, le Comité pourrait préciser à l'intention de Madagascar les principaux renseignements qu'il souhaiterait voir figurer dans son rapport. M. de Gouttes est prêts à rédiger un projet de texte en ce sens.

43. M. CHIGOVERA fait observer que tous les pays dont la demande de report d'examen de leur rapport périodique a été acceptée figuraient eux aussi parmi les pays dont le rapport devait être examiné au cours de la session. Il faudrait donc veiller à ce que les demandes de tous les pays sans exception soient traitées de la même manière selon une procédure uniforme et cohérente.

44. M. van BOVEN partage le désir exprimé par plusieurs experts de voir adopter une procédure uniforme à l'égard des pays dont les rapports sont très en retard. Il approuve de même l'idée de charger un petit groupe d'étudier la question en vue de définir des règles en la matière. Il note que le Rapporteur pour Madagascar a commencé d'examiner la situation dans ce pays sur la base des informations de sources diverses à sa disposition et que le Comité a considéré qu'un début de dialogue avait été engagé avec l'Etat partie concerné. Par contre, dans d'autres cas, le Comité a décidé de ne pas examiner la situation des pays concernés.

45. S'agissant de la question de savoir ce qu'il conviendra de faire à l'avenir lorsqu'un rapport très en retard n'aura pas été présenté, M. van Boven souscrit à l'idée tendant à ce que le Rapporteur pour l'Etat partie concerné fasse une première analyse de la situation dans ce pays, qui ne donnerait pas lieu à l'adoption de conclusions, lesquelles devraient attendre que le Comité ait examiné le rapport périodique propre dit de l'Etat partie et d'autres renseignements pertinents. Dans son rapport à l'Assemblée générale, le Comité pourrait indiquer succinctement qu'il a engagé un dialogue avec l'Etat partie concerné et qu'il lui a envoyé une lettre indiquant les points soulevés par le Rapporteur, sans formuler de conclusions. De la sorte, le travail accompli par le Rapporteur n'aurait pas été inutile, l'Etat partie concerné serait encouragé à fournir les renseignements demandés au Comité et celui-ci ne préjugerait donc pas de la situation dans ce pays.

46. Dans le cas des Etats parties auxquels le Comité demande de présenter des rapports spéciaux et de ceux à propos desquels le Comité a exprimé des inquiétudes sérieuses dans le cadre des procédures d'alerte rapide et d'urgence, il faurait prévoir une autre procédure. Ainsi serait instituée une procédure uniforme, qui permettrait de traiter tous les Etats parties de façon équitable.

47. M. ABOUL NASR suggère, pour concilier les différentes propositions, que le Président envoie à tous les Etats qui ont demandé un report de l'examen de leur rapport périodique, une lettre dans laquelle il pourrait indiquer que le Comité regrette de ne pas avoir reçu le rapport de l'Etat partie concerné et espère que celui-ci le lui fera parvenir dans les meilleurs délais. Cette formule permettrait de traiter tous les Etats de façon uniforme, équitable et adaptée à leur situation.

48. M. BANTON appuie la proposition de M. Aboul Nasr concernant les Etats parties dont les rapports périodiques sont en retard. Dans le cas des Etats auxquels un rapport est demandé en vertu de la procédure d'urgence, il serait peut-être judicieux que le Comité attende d'avoir acquis une expérience suffisante en la matière pour prendre une décision.

49. Le PRESIDENT propose que le Comité envoie à Madagascar, conformément à la proposition de M. Diaconu et de M. Banton, une lettre qui serait rédigée par M. de Gouttes, et que par ailleurs, il crée un petit groupe chargé de définir la procédure à suivre à l'égard des Etats parties dont les rapports sont très en retard. S'il n'y a pas d'objection, il considérera que le Comité accepte cette proposition.

50. Il en est ainsi décidé.

PREVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, ALERTE RAPIDE ET PROCEDURE D'URGENCE (point 3 de l'ordre du jour) (suite)

Papouasie-Nouvelle-Guinée

51. M. WOLFRUM (Rapporteur pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée) signale que le rapport urgent demandé en vertu du paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention n'a pas été envoyé au Comité. Il appelle l'attention de celui-ci sur deux documents qui auraient pu lui être utiles : un rapport du Secrétaire général publié sous la cote E/CN.4/1995/60 et un rapport sur les services consultatifs et l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme soumis par le Centre pour les droits de l'homme qui rend compte d'une mission d'évaluation des besoins en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Malheureusement, ces documents n'apportent guère de renseignements nouveaux sur la situation à Bougainville, ce qui montre que non seulement les médias, mais l'ONU elle-même ont oublié cette île. La situation y a pourtant évolué depuis la dernière session du Comité. Le 10 avril 1995, un gouvernement de transition est entré en fonctions à Bougainville, sous la direction d'un ancien juge du Tribunal national. Il a remplacé le gouvernement intérimaire, lequel a déclaré que ce gouvernement de transition était une marionnette non démocratique aux mains de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui ne se proposait nullement de faciliter à la population de Bougainville l'exercice de son droit à l'autodétermination. La raison en est que ce gouvernement de transition n'est pas l'émanation d'un vote populaire mais est composé de personnes appartenant aux organes de décision de l'Etat. Le peuple n'a pas eu voix au chapitre, c'est là l'une des causes de la crise, et il est douteux que celle-ci se règle tant que durera cette situation. L'amnistie est l'un des moyens de réconcilier victimes et bourreaux, encore faut-il que les victimes consentent à cette mesure, et pour cela, qu'elles soient consultées. L'organisation actuelle de l'administration de Bougainville ne permet guère d'envisager que cela soit possible.

52. Le conflit à régler a aussi pour origine le fait que la situation à Bougainville continue à se dégrader de façon catastrophique, et que les déplacements de population et le bouleversement de toute l'infrastructure de l'île se poursuivent. On peut craindre que, vu l'intervention de l'Australie et les tentatives pour résoudre le problème en le mettant sous le tapis et en revenant au statu quo, rien ne s'arrange à Bougainville. Si rien n'est fait, l'incendie risque de reprendre, or l'ONU ne semble guère s'occuper de trouver une solution, bien que le Secrétaire général recommande dans son Agenda pour la paix qu'un suivi soit assuré après la fin des conflits.

53. M. Wolfrum propose que le Comité fasse trois recommandations : que l'administration de Bougainville soumette la solution proposée au vote populaire, que seuls des organes démocratiquement élus soient habilités à examiner des mesures d'amnistie et que l'on veille à ce qu'une activité minière excessive ne fasse pas perdre son identité à la population de Bougainville.

54. M. DIACONU pense que le Comité doit exiger que la solution proposée tende à préserver l'identité de la population de Bougainville et soit le résultat d'une approche démocratique.

55. Quant à la question de l'amnistie, elle n'est pas simple, car normalement une loi d'amnistie est promulguée par l'autorité souveraine. En l'occurrence, elle le serait par Port-Moresby. Le Comité ne peut guère dire au Gouvernement papouan-néo-guinéen qu'il ne lui appartient pas de promulguer une loi d'amnistie. Il peut en revanche lui recommander de tenir compte de la nécessité de réparer les dommages infligés avant d'envisager d'adopter une telle loi. Dans ces conditions, l'amnistie pourrait effectivement favoriser la réconciliation au lieu de perpétuer les souffrances, les frustrations et les antagonismes.

56. M. van BOVEN fait observer que, n'ayant pas reçu de la Papouasie-Nouvelle-Guinée les informations spécifiques sur Bougainville qu'il avait demandées, le Comité est fondé à faire connaître sa réprobation à ce pays.

57. Il met par ailleurs le Comité en garde contre une nouvelle décision qui reprendrait celle du 16 mars 1995. Certes, la situation à Bougainville est inquiétante, mais si l'on pense à celle qui règne, par exemple, au Rwanda ou en Bosnie, il est clair qu'on ne peut les mettre sur le même plan. Il n'est pas sûr qu'une nouvelle décision s'impose dans le cas de Bougainville.

58. S'agissant de l'amnistie éventuelle, M. van Boven partage les réserves de M. Diaconu. Il n'est pas convaincu qu'il appartienne au Comité de se mêler de cette question très complexe.

59. M. ABOUL-NASR se déclare fermement opposé à toute prise de position catégorique du Comité quant à la meilleure solution; il manque par trop d'informations pour se prononcer. Il serait malvenu aussi de porter des jugements sur le caractère plus ou moins démocratique de la vie du pays. Il lui faudrait alors le faire pour tous les Etats et il s'engagerait là sur une voie très périlleuse.

60. Le Comité devrait se contenter de constater la gravité de la situation, d'exprimer son inquiétude et de demander à recevoir des renseignements complémentaires le plus tôt possible.

61. M. RECHETOV se range à l'avis de MM. van Boven et Aboul-Nasr selon lesquels il vaut mieux demander un complément d'information plutôt que faire une recommandation dans laquelle il serait question du caractère démocratique ou non démocratique de l'organisation politique du pays. Le Comité n'aurait là rien à gagner.

62. M. WOLFRUM est surpris par l'attitude de ses collègues. Ils semblent avoir oublié que, même si en chiffres absolus le nombre de tués à Bougainville ne paraît pas important, il n'en représente pas moins un tiers de la population de l'île. Il déplore que les médias ne s'y intéressent pas et que l'Australie ne cherche une solution que pour pouvoir rouvrir les mines.

63. Il admet qu'il vaut peut-être mieux que le Comité s'exprime en termes généraux tout en disant clairement que ni la Papouasie-Nouvelle-Guinée ni l'ONU ne donnent d'informations satisfaisantes et, comme l'a suggéré M. Diaconu, que toute mesure d'apaisement doit viser à aboutir à une solution durable du conflit. Le Comité ne doit pas se désintéresser de la Papouasie-Nouvelle-Guinée sous prétexte que c'est un Etat éloigné et petit. Il est tout à fait en mesure de s'en préoccuper, tout comme il le fait pour la Bosnie ou le Rwanda.

64. M. CHIGOVERA appelle l'attention du Comité sur le rapport de la mission envoyée par le Centre pour les droits de l'homme pour évaluer les besoins de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ce rapport fait état des grandes difficultés que la Papouasie-Nouvelle-Guinée rencontre pour établir ses rapports, faute de bien connaître la procédure. Il conviendrait de proposer une assistance technique et une formation aux agents de l'Etat chargés de rédiger les rapports.

65. Le PRESIDENT propose que dans la lettre qui sera envoyée à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, il soit recommandé, comme le suggère M. Chigovera, que le pays fasse appel aux services du Centre pour les droits de l'homme.

M. Wolfrum pourrait rédiger un projet de message. S'il n'y a pas d'objection, il considérera que le Comité accepte cette proposition.

66. Il en est ainsi décidé.


La séance est levée à 17 h 35.

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