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relatif aux droits civils

et politiques

 

 

 

 

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                                                                                                         Distr.

                                                                                                         GENERALE

 

                                                                                                         CCPR/C/SR.1437

                                                                                                         28 juillet 1995

 

                                                                                                         Original : FRANCAIS

 

 

 

COMITE DES DROITS DE L'HOMME

 

Cinquante-quatrième session

 

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1437ème SEANCE

 

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le lundi 24 juillet 1995, à 15 heures.

 

Président : M. AGUILAR URBINA

 

 

SOMMAIRE

 

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

 

          Sri Lanka (suite)

 

 

 

 

 

 

 

__________

 

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

 

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

 

          Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

 

 

GE.95-17712 (F)

La séance est ouverte à 15 h 15.

 

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

 

Troisième rapport périodique de Sri Lanka (CCPR/C/70/Add.6; HRI/CORE/1/Add.48; M/CCPR/C/54/LST/SRI/2) (suite)

 

1.       Sur l'invitation du Président, M. Goonetilleke, M. Perera, Mme Wijewardena et M. Abdul Azeez (Sri Lanka) reprennent place à la table du Comité.

 

2.       Le PRESIDENT invite la délégation sri-lankaise à répondre aux questions qui ont été posées oralement par les membres du Comité sur les points évoqués dans la section I de la liste des points à traiter (M/CCPR/C/54/LST/SRI/2).

 

3.       M. GOONETILLEKE (Sri Lanka) déclare que, compte tenu du décalage horaire entre Genève et Colombo, la délégation sri-lankaise n'a pas eu la possibilité de consulter les autorités compétentes à Sri Lanka sur un certain nombre de points évoqués par les membres du Comité. La délégation s'efforcera toutefois de répondre dans toute la mesure possible aux questions qui lui ont été posées, et un complément d'informations pourra être adressé ultérieurement au Comité.

 

4.       M. PERERA (Sri Lanka), répondant à une question concernant la composition du Comité consultatif chargé de recevoir des plaintes émanant de particuliers, précise tout d'abord que cet organe a pour mission de conseiller le Secrétaire d'Etat à la défense dans les questions relatives à l'action publique, à la réinsertion des détenus et à la remise en liberté des personnes soupçonnées d'un délit. Il est composé de plusieurs personnalités de haut rang, dont un ancien magistrat de la cour d'appel et le commissaire adjoint pour les prisons.

 

5.       En ce qui concerne le statut juridique de la déclaration de l'état d'urgence, M. Perera déclare que cette mesure a été prise en application de l'ordonnance sur la sécurité publique, qui fait obligation au chef de l'Etat de déterminer l'existence ou l'imminence d'une situation d'urgence publique. Le but de ces dispositions est d'assurer la sécurité de la population et de préserver l'ordre public. Le pouvoir judiciaire considère généralement que les mesures relatives à l'état d'urgence relèvent de considérations politiques incombant au pouvoir exécutif. Par conséquent, les magistrats sont peu enclins à se prononcer dans ce domaine.

 

6.       En réponse à une question sur la proportion de femmes dans les professions juridiques, M. Perera déclare que 60 % environ des juristes diplômés sont des femmes. Par ailleurs, ces dernières exercent de très hautes fonctions dans nombre d'institutions administratives, universitaires, judiciaires, etc.

 

7.       En réponse à une question sur les droits des femmes musulmanes en ce qui concerne la propriété et le consentement au mariage, M. Perera reconnaît que les lois applicables en la matière constituent une dérogation aux règles de common law et au principe de l'égalité entre hommes et femmes consacré dans la législation.

 

8.       Au sujet de la transmission de la nationalité sri-lankaise, M. Perera précise que cette dernière est transmise par le père, sauf dans le cas d'un enfant né hors mariage ou abandonné.

 

9.       Pour ce qui est des questions relatives au divorce et à la garde des enfants, M. Perera fait observer que les tribunaux exercent une fonction de tutelle à l'égard des mineurs. D'une façon générale, les droits de l'enfant sont souverains à Sri Lanka. Dans ce contexte, un père peut se voir refuser la garde de son ou ses enfants s'il est établi qu'elle mettrait en danger la santé, le bien-être ou la moralité des intéressés. En cas de divorce, les tribunaux fixent le montant de la somme que doit verser le père au titre de l'entretien de son ou ses enfants compte tenu de ses revenus.

 

10.     En réponse à une question concernant les limitations affectant les droits fondamentaux des citoyens à Sri Lanka, M. Perera reconnaît que certains droits protégés par les dispositions de l'article 14 du Pacte font l'objet de limitations. En particulier, certains droits relevant du monde du travail sont soumis à des restrictions qui ont des conséquences économiques pour les personnes auxquelles elles s'appliquent.

 

11.     En réponse à une autre question, M. Perera déclare que la réforme constitutionnelle devrait accorder l'égalité de droits aux citoyens sri-lankais et aux autres dans un certain nombre de domaines, en particulier pour ce qui est de la liberté de circulation, de la liberté d'expression et du droit de réunion pacifique.

 

12.     En ce qui concerne le réexamen judiciaire de la législation actuellement en vigueur, M. Perera déclare qu'il met en lumière une série de questions relatives aux pouvoirs du judiciaire. L'Association du barreau sri-lankais a d'ailleurs présenté au gouvernement un mémorandum sur ce point, et le Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles l'a invitée à collaborer avec ses services et avec la Commission parlementaire spéciale pour la Constitution, dans le but d'améliorer les structures existantes.

 

13.     En réponse à une question sur la composition de l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme, M. Perera précise que cet organe est présidé par un Commissaire pour les prisons à la retraite, et composé de cinq membres dont un juge de la cour d'appel à la retraite et le doyen d'une faculté de droit.

 

14.     Au sujet des contradictions entre d'une part certaines dispositions du règlement d'exception qui sont applicables aux forces armées et d'autre part les directives adressées aux chefs militaires par l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme, M. Perera indique que ces contradictions portent sur la question des "certificats" d'arrestation. Plusieurs organisations non gouvernementales sri-lankaises et Amnesty International ont appelé l'attention des autorités sur ce point, et le gouvernement a pris sans retard les mesures nécessaires pour harmoniser les textes pertinents. Aujourd'hui, toute arrestation ou détention doit faire l'objet d'un "certificat" qui est délivré automatiquement aux familles; en outre l'arrestation ou la détention doit être notifiée dans un délai de 48 heures au maximum. Cet exemple illustre bien la façon dont le gouvernement et les organisations non gouvernementales peuvent agir ensemble pour améliorer la situation au regard des droits de l'homme.

 

15.     Répondant à une autre question concernant la commission nationale des droits de l'homme, M. Perera indique que cette institution devrait avoir un caractère permanent et exercer plusieurs fonctions, en particulier de surveillance, d'enquête et de conseil en matière de droits de l'homme. L'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme, quant à elle, est une institution temporaire chargée d'examiner des situations particulières, et elle devrait cesser ses activités quand la commission nationale des droits de l'homme sera en place. Cette dernière pourrait également exercer des fonctions de coordination entre les différents organismes qui s'occupent des droits de l'homme. A la fois le projet de commission nationale des droits de l'homme et l'existence d'organismes ad hoc attestent la volonté qu'a le gouvernement de régler les multiples difficultés dont s'est émue la communauté internationale.

 

16.     En réponse à une question concernant les attributions respectives de la Cour suprême et de la future commission nationale des droits de l'homme, M. Perera déclare que la Cour suprême est habilitée à examiner toute question que lui soumet la cour d'appel au sujet de l'exercice des droits fondamentaux. Il rappelle à cet égard les dispositions de l'article 126 de la Constitution. Toutefois, les autorités ont estimé que la commission nationale des droits de l'homme serait, mieux que la Cour suprême, à même d'enquêter et de se prononcer dans certaines affaires factuelles. Si, au cours de son enquête, la commission des droits de l'homme parvient à la conclusion qu'une question relève de droits fondamentaux, elle peut renvoyer l'affaire devant la Cour suprême, qui est seule compétente pour interpréter les dispositions constitutionnelles. D'une façon générale, la Cour suprême est saisie de toute question relative à l'interprétation de la Constitution, qu'elle surgisse au cours d'une procédure d'enquête ou qu'elle émane d'une juridiction ou de toute autre institution habilitée à exercer des fonctions judiciaires. Dans les cas où la Cour suprême confie l'examen d'une question à la commission nationale des droits de l'homme, cette dernière doit alors lui faire rapport dans des délais fixés.

 

17.     Répondant à une question concernant la délivrance de visas aux conjoints étrangers de citoyens sri-lankais, M. Perera indique que cette mesure est actuellement examinée par la Commission du droit sri-lankais, qui devrait adresser des recommandations aux autorités compétentes.

 

18.     En réponse à une question concernant le contrôle parlementaire du règlement d'exception, M. Perera précise que, conformément à la Constitution, le Parlement doit réexaminer ces dispositions tous les 30 jours.

 

19.     Des membres du Comité se sont interrogés sur l'indépendance et l'efficacité des députés. M. Perera déclare que la question de savoir comment concilier l'autonomie dont jouissent les députés dans leurs prises de position et la discipline que leur imposent les partis politiques dont ils sont membres est actuellement examinée par une commission parlementaire ad hoc.

 

20.     En ce qui concerne le Groupe consultatif sur les droits de l'homme, M. Perera précise qu'il a été créé par le Ministre des affaires étrangères en novembre 1994, et qu'il est composé de six experts. Il s'est réuni deux fois, sous la présidence du ministre lui-même, et a formulé des recommandations, à la suite desquelles le ministre a pris sans retard des mesures de suivi. Le Groupe consultatif s'est également inquiété de la façon dont le public est informé du règlement d'exception. Il a saisi de la question le Ministre des affaires étrangères, qui a fait des recommandations visant à mieux informer le public de ces dispositions. En outre, le ministre a examiné la question du contrôle des organisations non gouvernementales dans le cadre de l'état d'urgence et M. Perera a le plaisir d'annoncer aux membres du Comité que ce contrôle a été supprimé. M. Perera conclut sur ce point en soulignant l'utilité du travail réalisé par le Groupe consultatif.

 

21.     A propos des mesures visant à sensibiliser les membres des forces de sécurité aux droits de l'homme, M. Perera rappelle la teneur du paragraphe 73 du document de base (HRI/CORE/1/Add.48).

 

22.     En réponse à une question concernant l'exécution d'employées de maison sri-lankaises dans les Emirats arabes unis, M. Perera indique que les autorités de son pays ont accordé la plus haute importance à cette affaire. En particulier, la représentation diplomatique de Sri Lanka dans les Emirats arabes unis a sollicité sans retard un entretien avec les autorités de cet Etat pour s'entretenir avec celles de ce problème. Diverses mesures ont été envisagées, en particulier le transfert à Sri Lanka de personnes qui sont détenues dans le cadre de cette affaire.

 

23.     M. GOONETILLEKE (Sri Lanka), en réponse à une question concernant les volontaires pour la défense du territoire ("homeguards"), précise tout d'abord que le gouvernement n'a nullement l'intention d'armer les civils. Toutefois, le Comité n'ignore pas les massacres qui ont été perpétrés au sein de la communauté musulmane cinghalaise par des militants des LTTE ("Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul"), dans des villages du nord et de l'est du pays. Ces massacres donnent à penser que les LTTE pratiquent une politique d'épuration ethnique. Pour assurer la sécurité des civils dans les régions concernées, le gouvernement a décidé d'autoriser le port d'armes à feu, et plus précisément de fusils de chasse. M. Goonetilleke fait observer toutefois que les LTTE ont des armes autrement plus puissantes et plus meurtrières que des fusils de chasse. Il ajoute que la décision des autorités annule une décision antérieure visant à interdire le port d'armes aux civils dans les régions du nord et de l'est. La police avait d'ailleurs retiré les armes à ceux qui en possédaient. Mais face à la difficulté d'assurer la sécurité de centaines de villages éparpillés sur un vaste territoire, le gouvernement a été amené à revoir sa décision et à autoriser le port d'armes à feu. En ce qui concerne plus précisément les volontaires pour la défense du territoire, M. Goonetilleke indique que la composition de leurs unités reflète la composition ethnique de la population locale sur laquelle elles sont chargées de veiller. Enfin, ces unités ont été placées sous la supervision des forces de police locales.

 

24.     En réponse à une question sur l'égalité de droits dont jouissent les travailleurs des zones franches, M. Goonetilleke déclare que cette égalité est pleinement assurée, et que les travailleurs des zones franches sont libres de s'affilier à un syndicat. Néanmoins, compte tenu de l'existence de certains arrangements portant sur des concessions douanières accordées aux sociétés et entreprises de ces zones, les activités syndicales des travailleurs de nature à compromettre lesdits arrangements sont interdites.

 

25.     Répondant à une question sur la vague d'arrestations de jeunes Tamouls de 1993, M. Goonetilleke fait observer que cette mesure doit être replacée dans le contexte de la situation que connaissait le pays à ce moment-là. Il rappelle que le 1er mai 1993, le chef de l'Etat a été assassiné, selon la même méthode que celle qui avait été employée pour assassiner l'ancien premier ministre indien Rajiv Gandhi. Les LTTE sont d'ailleurs soupçonnés d'être à l'origine de l'un et l'autre assassinat. D'autres meurtres et attentats ont été perpétrés à Colombo, faisant plusieurs victimes parmi de très hautes personnalités. Plus généralement, les LTTE prennent systématiquement pour cible, depuis cinq ans, diverses institutions civiles et militaires. A la suite de ces incidents, des milliers de jeunes Tamouls sont arrivés dans la capitale; la plupart ne possédaient aucun titre d'identité, et étaient incapables de justifier leur présence à Colombo. Un grand nombre de personnes ont été arrêtées dans les heures et les jours qui ont suivi l'assassinat du chef de l'Etat en mai 1993. Toutefois, ces arrestations ne visaient pas une communauté en particulier. M. Goonetilleke fait observer à ce propos qu'un grand nombre de Cinghalais musulmans ont été arrêtés dans le cadre de ces opérations, avant d'être relâchés. Diverses ONG ont d'ailleurs reconnu que la plupart des personnes ainsi arrêtées ont été relâchées dans les 48 heures. Le nombre des personnes placées en garde à vue ne s'élevait pas à plusieurs milliers, contrairement à ce que l'on a pu dire, mais à 234 (dont 7 personnes dans des camps de détention, 162 détenues par la police, 43 dans des maisons d'arrêt et 22 dans des centres de réinsertion). Toutes les autres personnes arrêtées ont été immédiatement relâchées.

 

26.     Répondant à une question sur les femmes migrantes, M. Goonetilleke fait observer que la question des migrations de la main-d'oeuvre préoccupe le gouvernement, et qu'elle ne concerne pas uniquement les femmes. Le gouvernement a eu plusieurs fois l'occasion d'examiner cette question avec les autorités de tel ou tel pays d'accueil, et le Ministre du travail et de la formation professionnelle de Sri Lanka a d'ailleurs rencontré récemment les représentants de plusieurs pays, pour rechercher avec eux des solutions aux problèmes qui se posent et la meilleure façon de sauvegarder les intérêts des travailleurs migrants.

 

27.     En ce qui concerne le processus électoral dans les provinces du nord et de l'est du pays, M. Goonetilleke déclare que le gouvernement a pris des mesures efficaces pour qu'il se déroule comme dans le reste du pays. Dans l'est notamment, toutes les élections - dont les récentes élections parlementaire et présidentielle - se sont déroulées avec succès. Des observateurs étrangers ont pu assister au scrutin, et ont conclu qu'il s'était déroulé de façon satisfaisante. Dans la province du nord du pays, la situation est toutefois différente. En effet, les LTTE ont empêché la tenue des élections en menant des actions subversives qui visaient à la fois le gouvernement et la population. Malgré la tension, le processus électoral a pu néanmoins se dérouler dans une partie de la province. La population est déterminée à faire échec aux menaces et aux manoeuvres d'intimidation des LTTE, et les autorités espèrent que les personnes qui n'ont pas pu exercer leur droit de vote dans le nord du pays pourront le faire à l'avenir.

 

28.     Enfin, répondant à une question concernant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, M. Goonetilleke déclare que les autorités sri-lankaises organisent régulièrement des élections et des référendums, à l'échelle nationale et locale, pour donner aux populations la possibilité d'exercer leur droit de disposer d'elles-mêmes. Ce droit s'applique à tous, et chacun est libre de prendre toute mesure légitime, conformément à la Charte des Nations Unies, pour réaliser son droit inaliénable d'autodétermination. Ainsi, les autorités sri-lankaises souscrivent pleinement aux dispositions de l'article 2 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, dont l'application entrera dans le cadre général de la réponse politique apportée aux problèmes ethniques à Sri Lanka.

 

29.     Le PRESIDENT invite la délégation sri-lankaise à donner au Comité des renseignements sur les questions qui sont posées dans la section II de la Liste des points à traiter (M/CCPR/C/54/LST/SRI/2), qui se lisent comme suit :

 

          "II.      Droit à la vie, liberté et sécurité de la personne, traitement des prisonniers et autres détenus et droit à un procès équitable (art. 6, 7, 9, 10 et 14)

 

a)Comment l'application des articles 6 et 7, auxquels il ne peut être dérogé, a-t-elle été assurée pendant les états d'exception successifs ?

 

b)Dans quelle mesure ces circonstances ont-elles eu un effet négatif sur l'exercice des droits garantis aux articles 9, 10 et 14 ?

 

c)Veuillez donner des renseignements détaillés sur les mesures prises pour enquêter sur les allégations d'exécutions extrajudiciaires, de disparitions, de tortures ou d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants et de détentions arbitraires qui seraient imputables à des membres de l'armée ou de toute autre force de sécurité; pour traduire les personnes soupçonnées d'avoir commis ces crimes devant les tribunaux et pour empêcher que de tels crimes ne se reproduisent.

 

d)La peine de mort a-t-elle été prononcée et appliquée pendant la période à l'étude et pour quels crimes ? Dans quelle mesure les dispositions du paragraphe 4 de l'article 13 de la Constitution et celles du Règlement d'exception No 1 (Dispositions diverses et pouvoirs) de 1993, mentionnées aux paragraphes 34 et 35 du rapport, sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 4 (2) et de l'article 6 du Pacte, en vertu desquelles une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves ? Est-il envisagé de modifier la législation en vue de réduire le nombre des délits qui sont actuellement punis de la peine de mort (voir par. 35 du rapport) ?

 

e)Quels sont les règles et règlements régissant l'usage des armes par la police et les forces de sécurité ?

 

f)Quelles mesures concrètes les autorités ont-elles prises pour garantir l'application de l'article 7 du Pacte (voir par. 43 à 47 du rapport) ?

 

g)Les aveux ou les témoignages obtenus sous la contrainte peuvent-ils être utilisés lors de la procédure judiciaire ? En particulier, des éléments de preuve légalement inadmissibles dans des circonstances ordinaires peuvent-ils être pris en considération en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme ?

 

h)Veuillez fournir de plus amples informations sur les mécanismes de surveillance des lieux de détention et sur les activités menées par le Conseil des visiteurs de prison et la Commission locale de visiteurs de prison dans ce domaine. Ces organes ont-ils accès aux lieux de détention dans le nord et l'est du pays (voir par. 48 du rapport) ?

 

i)La loi No 48 de 1979 sur la prévention du terrorisme (dispositions provisoires) a-t-elle été modifiée afin de tenir compte des observations formulées à l'issue de l'examen du deuxième rapport périodique, en particulier en ce qui concerne l'interprétation large du terrorisme et l'absence de dispositions appropriées prévoyant le recours à un tribunal impartial et indépendant ?

 

j)Veuillez fournir des informations sur les possibilités de détention qui pourraient exister en vertu des règlements d'exception et de la loi sur la prévention du terrorisme en dehors de celles que prévoient les lois ordinaires.

 

k)Les mesures restrictives de liberté prises par le Secrétaire d'Etat à la défense sont-elles reconductibles (voir par. 28 du rapport) ?"

 

30.     M. PERERA (Sri Lanka) déclare que les droits fondamentaux consacrés dans les articles 6 et 7 du Pacte sont garantis par les nombreuses procédures qui sont mises à la disposition des personnes arrêtées et détenues. Récemment, la Cour suprême a mis en place une procédure spéciale pour traiter des plaintes émanant de personnes détenues; dès réception d'une lettre d'un détenu, l'action de la Cour suprême est mise en mouvement. Après avoir vérifié l'authenticité de la lettre du détenu, la Cour suprême demande que l'intéressé ait la possibilité d'établir tous les documents qui peuvent être nécessaires. Même si cette procédure ne repose pas sur des dispositions législatives spécifiques, elle fonctionne, et les affaires sont traitées avec diligence. La Cour suprême a également pris un arrêt, le 18 septembre 1990, pour instituer une procédure visant à informer les détenus de leurs droits. Il existe aussi le recours en habeas corpus, ouvert à tout détenu, qui s'estime victime d'une arrestation arbitraire ou de traitements iniques. Récemment, une loi relative à la Convention contre la torture a été promulguée pour donner effet expressément à la disposition de la Convention aux termes de laquelle aucune circonstance exceptionnelle ou état d'exception ne peuvent être invoqués pour justifier la torture. Les visites périodiques du Comité international de la Croix-Rouge dans toutes les prisons du pays constituent un mécanisme de surveillance de l'application des droits qui sont garantis dans les articles 6 et 7 du Pacte. Récemment, le Président de Sri Lanka a adressé aux chefs des forces armées et des forces de police une directive qui impose aux éléments de ces forces d'exercer leur rôle en respectant les droits fondamentaux des individus arrêtés ou détenus et en veillant à ce qu'ils soient traités avec humanité. Le Président a ajouté que nul ne pouvait être arrêté ou détenu en vertu des règlements d'exception ou des dispositions de la loi sur la prévention du terrorisme, sauf dans le respect de la loi et par un représentant de l'autorité.

 

31.     Pour ce qui est de la question des exécutions extrajudiciaires et des disparitions (alinéa c) de la section II de la Liste), le gouvernement a institué trois commissions régionales, dotées de pouvoirs importants, qui sont chargées d'enquêter sur les disparitions. Elles ont pour mission de faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues, d'établir le cas échéant les responsabilités, de demander que des poursuites soient engagées et d'assurer une réparation aux familles. Jusqu'à la création de ces commissions, seules les disparitions survenues pendant la période de troubles insurrectionnels, c'est-à-dire entre le 1er janvier 1988 et le 1er janvier 1990, faisaient l'objet de recherches; maintenant les commissions sont habilitées à enquêter sur les disparitions survenues depuis le 1er janvier 1990, et dans toutes les provinces. Tout est fait pour que les personnes intéressées, où qu'elles se trouvent, aient le moyen de s'adresser aux commissions. Dans différentes affaires, plusieurs personnes ont déjà été arrêtées et inculpées, et trois procès doivent s'ouvrir en septembre 1995.

 

32.     Pour empêcher de telles violations de se produire à l'avenir, les autorités ont établi plusieurs mécanismes, au premier chef l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme, dotée de pouvoirs étendus. Quiconque procède à une arrestation est désormais tenu d'établir un certificat d'arrestation et d'aviser dans les 48 heures l'Equipe spéciale ou toute autre autorité. Les membres de l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme ou toute personne autorisée par elle doivent pouvoir sans restriction rendre visite à toute personne arrêtée ou détenue en vertu des règlements d'exception ou de la loi sur la prévention du terrorisme. L'accès doit être garanti également à tout lieu de détention, poste de police ou autre. Le règlement d'exception No 19 prévoit la visite mensuelle d'un magistrat dans les centres de détention. Toute personne détenue doit être déférée devant un magistrat, lequel détermine également si le lieu où elle se trouve incarcérée est un centre de détention légal. Le responsable du lieu de détention est tenu de transmettre tous les 15 jours les noms des personnes arrêtées et placées sous sa garde au magistrat, qui doit afficher la liste au tableau d'affichage du tribunal. En vertu du règlement d'exception No 19, nul ne peut être placé en détention dans un lieu non autorisé et, si le cas se produit, le responsable du lieu non autorisé se rend coupable d'une infraction à la réglementation d'exception et est passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins six mois et d'au plus cinq ans, ainsi que d'une amende. L'accord passé avec le Comité international de la Croix-Rouge garantit aux délégués du CICR l'accès à tous les détenus.

 

33.     La peine de mort est maintenue dans la loi, mais elle n'est pas appliquée. La dernière exécution remonte à 1976 et, si 423 condamnations à mort ont été prononcées entre 1989 et 1993, aucun condamné n'a cependant été exécuté. La peine capitale reste en vigueur pour les crimes les plus graves, énoncés au paragraphe 34 du rapport. Il est vrai qu'elle est également prévue pour des crimes moins graves dans le règlement d'exception No 1, mais le gouvernement a entrepris de faire réviser ce règlement en vue de l'adoucir. A la suite de l'adoption d'une motion présentée par un membre du Parlement, qui proposait que lorsqu'un meurtre avait été commis dans des circonstances particulièrement odieuses, par exemple avec une extrême cruauté, la commutation de la peine capitale ne soit possible que si le Président de Sri Lanka en décidait ainsi, l'opinion publique s'est émue, et des organisations non gouvernementales comme Amnesty International ont lancé un appel au Président et au Ministre de la justice. Le gouvernement a clairement fait savoir que même dans le cas d'actes particulièrement cruels, il ne prendrait pas la décision de faire exécuter le condamné.

 

34.     Pour ce qui est de l'utilisation des armes à feu par la police et les forces de sécurité (question e) de la section II de la Liste), il y a lieu de préciser qu'un règlement vise à donner effet aux dispositions générales du Code pénal qui interdisent l'utilisation d'armes à feu sauf en cas de danger imminent pour la vie ou les biens du policier lui-même ou d'autrui. Les policiers ne sont pas tenus d'exécuter l'ordre donné par un supérieur de faire usage d'une arme à feu si les circonstances ne sont pas celles qui sont prévues par la loi. Les règlements d'exception n'annulent aucune des obligations qui incombent à ce sujet aux membres des forces de police et des forces de sécurité. Tout récemment, un policier a été arrêté pour avoir fait illégalement usage de son arme lors d'un contrôle routier. Pour renforcer ces garanties, des exemplaires des Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois ont été distribués à tous les responsables des forces de sécurité et de police.

 

35.     La question des mesures prises pour garantir la protection des citoyens contre la torture (question f)) a été traitée dans le cadre de la réponse à la question c).

 

36.     Pour ce qui est des aveux obtenus sous la torture (question g)), il faut préciser que les aveux ou témoignages obtenus sous la contrainte ne peuvent pas être utilisés comme preuves dans un procès. La loi sur la prévention du terrorisme et les règlements d'exception disposent que les aveux sont recevables à la condition qu'ils n'aient pas été obtenus à la suite d'une incitation, de menaces ou d'une promesse et que le fonctionnaire de police qui les a recueillis ait un rang relativement élevé. Ces garanties sont renforcées par la pratique des tribunaux, qui recherchent toujours des témoignages indépendants confirmant les aveux. Les juges appliquent des critères très stricts, selon le modèle suivi par les tribunaux du Royaume-Uni, avant d'admettre une déclaration à titre de preuve. Les statistiques judiciaires montrent que, dans 90 % des affaires où des aveux constituaient la pièce maîtresse de l'accusation, les juges ont prononcé l'acquittement pur et simple ou le sursis. Bien qu'il appartienne à l'accusé de prouver que ses aveux n'étaient pas spontanés, le tribunal examinera de très près les allégations relatives à une contrainte. En cas de doute, les aveux sont rejetés.

 

37.     En ce qui concerne les dispositions qui sont prises pour assurer la supervision des prisons et autres centres de détention (question h)), il y a lieu de préciser que toutes les personnes placées en détention sont incarcérées dans des prisons, à l'exception de celles qui viennent d'être arrêtées. Il existe un mécanisme de supervision interne, mis en place en vertu des règlements d'exception, qui prévoit que les magistrats sont tenus de se rendre dans les lieux de détention au moins une fois par mois. Le Conseil des visiteurs de prison est compétent pour toutes les prisons du pays. Composé de sept membres indépendants à l'égard du gouvernement, il aide de ses avis le Commissaire aux prisons, qu'il rencontre au moins une fois tous les deux mois. Les commissions pénitentiaires s'occupent de tous les aspects sociaux et apportent une aide dans le cas où le prisonnier est soutien de famille.

 

38.     Les règlements pénitentiaires sont applicables quelles que soient les lois en vertu desquelles le prisonnier a été placé en détention; la seule exception - qui s'explique par des considérations de sécurité - est que les détenus incarcérés en vertu des règlements d'exception ou de la loi sur la prévention du terrorisme ne peuvent recevoir de visites que de leurs proches parents et de leurs avocats. Tous les détenus ont la possibilité de lire des journaux et tous principes et règles de l'ONU sont dûment respectés. L'action de l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme constitue une autre garantie. Il existe ensuite une supervision extérieure puisque le CICR visite régulièrement toutes les prisons de Sri Lanka et rédige des rapports, qui sont globalement positifs. Toutes les lacunes et insuffisances que les délégués du CICR remarquent sont dûment prises en considération, et des mesures palliatives sont adoptées dans les limites des ressources disponibles. Les délégués du CICR ont constaté, par exemple, que les détenus ne faisaient pas l'objet de mauvais traitements et faisaient suffisamment d'exercice. En revanche, dans le cas de certaines prisons, ils ont relevé des insuffisances dans l'infrastructure matérielle et un certain surpeuplement.

 

39.     Les délégués du CICR peuvent rendre visite aux membres des forces armées qui sont prisonniers des LTTE ("Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul") dans le nord, mais ils n'ont pas accès à d'autres prisonniers, qui seraient plusieurs milliers, se trouvant également dans le nord.

 

40.     Pour ce qui est de l'interprétation du terrorisme (question i)), il y a lieu de préciser que les activités illégales relevant expressément de la répression du terrorisme se limitent aux actes - énoncés dans les paragraphes 1 de l'article 2 et au paragraphe 1 de l'article 31 de la loi sur la prévention du terrorisme - qui seraient commis à l'encontre de personnes spécifiquement désignées : le Président de la République, les juges, les représentants d'un Etat étranger, les membres du Parlement, les représentants d'une organisation intergouvernementale, les membres des autorités locales, les jurés, les avocats ou auxiliaires de justice et les membres des forces armées ou des forces chargées du maintien de l'ordre. Les personnes soupçonnées de terrorisme sont déférées devant la Haute Cour (High Court), qui observe toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance. Ses juges sont désignés par le Président de Sri Lanka; ils peuvent être soumis à contrôle disciplinaire et destitués par le Président sur recommandation d'une commission indépendante, créée en vertu de la Constitution et composée du président de la Cour suprême, qui siège en tant que président de la Commission, et de deux autres magistrats de la Cour suprême.

 

41.     Pour ce qui est de la détention en vertu des règlements d'exception et de la loi sur la prévention du terrorisme, il faut savoir qu'elle est actuellement limitée à sept jours, et ceci partout dans le pays sauf dans le nord et dans l'est, où elle peut aller jusqu'à 60 jours, du fait des troubles. Les précédents règlements d'exception prévoyaient une limite uniforme de 90 jours.

 

42.     Enfin, les mesures restrictives de liberté prises par le secrétariat d'Etat à la défense (question k) de la section II de la Liste) sont renouvelables pour des périodes de trois mois, jusqu'à une durée maximale d'un an. Avant le 16 août 1994, non seulement aucune révision judiciaire des ordres de détention n'était prévue mais encore le Secrétaire d'Etat à la défense pouvait maintenir un individu en détention pour un temps indéterminé. Les nouvelles réglementations imposent donc une période maximale d'un an qui ne peut être prorogée que sur décision judiciaire. En outre, en vertu des nouvelles dispositions, l'ordre de détention n'est émis qu'après présentation d'un rapport du fonctionnaire de police qui a procédé à l'arrestation. Le Secrétaire d'Etat ne donne pas automatiquement l'ordre de détention mais s'assure que les motifs sont suffisants. Pour proroger la détention au-delà d'un an, il faut présenter le détenu devant un magistrat avant l'expiration de la première période de détention, et le Secrétariat d'Etat à la défense doit produire un rapport exposant non seulement les faits ayant justifié l'arrestation mais aussi les motifs de la demande de prolongation. Bien que la loi n'impose aucune limite au nombre de prolongations qui peuvent être décidées, les magistrats font preuve de la plus grande circonspection et ne prennent la décision de reconduire une période de détention qu'après s'être assurés que les motifs sont suffisants.

 

43.     M. Perera reste à la disposition du Comité pour donner de plus amples renseignements si nécessaire.

 

44.     M. MAVROMMATIS remercie la délégation sri-lankaise, et lui demande de bien vouloir transmettre son souvenir à M. Cooray, ancien membre du Comité.

 

45.     Le troisième rapport périodique de Sri Lanka (CCPR/C/70/Add.6) n'est malheureusement pas satisfaisant, et le Comité pouvait s'attendre à mieux, étant donné que ce n'est pas la première fois que cette remarque est formulée, et compte tenu de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement. M. Mavrommatis tient à souligner que les renseignements supplémentaires reçus (document sans cote remis par la délégation) ne sauraient être considérés comme un rapport complémentaire, car ils ne sont pas rédigés selon les directives du Comité et ont été soumis trop tard pour avoir pu faire l'objet de la procédure normale applicable à un document officiel. En tout état de cause, ils ne comblent pas les lacunes du rapport, particulièrement insuffisant en ce qui concerne les articles 19, 20 et 26 du Pacte.

 

46.     M. Mavrommatis accueille avec satisfaction le fait que les exécutions capitales n'ont pas repris à Sri Lanka. L'Etat partie est certes libre de maintenir en vigueur la peine capitale mais il doit impérativement réexaminer les crimes qui emportent cette peine, car le Pacte prévoit la possibilité d'imposer la peine de mort seulement pour "les crimes les plus graves", qualificatif qui ne peut pas être appliqué à "l'encouragement au suicide" ni aux "infractions à la législation sur les stupéfiants". De plus, quand la peine capitale est prévue, existe-t-il des cas où elle doit être obligatoirement imposée, ou le juge a-t-il la faculté de prononcer une autre peine ? D'autre part, les cas dans lesquels la peine capitale est prévue en vertu du règlement d'exception No 1 sont incompatibles avec l'article 6.

 

47.     En ce qui concerne l'article 7 du Pacte, il ne fait aucun doute que Sri Lanka s'efforce d'améliorer son image, mais il n'en reste pas moins que d'après quasiment toutes les sources d'information, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et les cas de torture continuent d'être trop fréquents. Selon une organisation non gouvernementale sri-lankaise de défense des droits de l'homme, la Cour suprême elle-même, dans un arrêt de février 1995, a souligné que les cas de torture n'avaient pas diminué. Les mécanismes de défense des droits de l'homme mis en place à Sri Lanka sont bienvenus, mais il est impératif qu'ils soient indépendants et efficaces si l'on veut mettre un terme à toutes les violations de l'article 7 qui sont commises dans le pays.

 

48.     M. Mavrommatis a entendu avec satisfaction la délégation dire qu'un dialogue avait été engagé avec les éléments sécessionnistes, et il espère que cette démarche s'inscrira dans le cadre du Pacte et de la législation nationale.

 

49.     M. KLEIN a trois questions à poser. La première concerne les paragraphes 41 à 43 du rapport périodique (CCPR/C/70/Add.6) d'où il ressort que la Cour suprême joue un rôle important dans l'examen des plaintes pour tortures et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Mais la lecture du rapport donne l'impression qu'il faut une décision de la Cour suprême pour que des mesures soient prises à l'encontre des membres de la police qui, par exemple, seraient mis en cause dans des allégations de violation des droits de l'homme. Si c'est bien le cas, M. Klein juge la procédure pour le moins curieuse.

 

50.     La deuxième question, déjà évoquée par M. Mavrommatis, concerne les crimes qui emportent la peine de mort. Dans certains cas, la peine capitale semble effectivement excessive, par exemple pour l'encouragement au suicide ou des infractions à la législation sur les stupéfiants. A ce sujet, M. Klein appelle l'attention de la délégation sri-lankaise sur le fait que certains pays envisagent sérieusement de dépénaliser l'encouragement au suicide. Enfin, la troisième question porte sur les châtiments "corporels" : sont-ils autorisés à titre de mesures disciplinaires à l'encontre des prisonniers et des détenus ?

 

51.     Mme EVATT ne pense pas avoir reçu de réponse à la question dans laquelle elle demandait si l'âge du mariage avait été relevé pour toutes les femmes à Sri Lanka. Il semble en effet qu'en vertu de la législation actuelle découlant de certains codes relatifs au statut personnel, le mariage soit autorisé dès l'âge de 12 ans pour les femmes, alors que l'âge du consentement aux relations sexuelles a été porté à 16 ans.

 

52.     Mme Evatt voudrait savoir quelles mesures sont appliquées en vue d'assurer la protection des civils lorsque l'état d'urgence est proclamé en période de conflit armé : y a-t-il des règlements ou des lois spécifiques qui visent à éviter que des civils ne soient blessés ou tués par erreur, et se sont-ils révélés efficaces lors du récent conflit ? Par ailleurs, au cours de l'examen du deuxième rapport périodique de Sri Lanka, le Comité s'était montré très préoccupé au sujet de l'article 9 et des pouvoirs très étendus en matière de détention, qui peuvent donner lieu à diverses violations ne relevant pas seulement de l'article 9. En vertu des dispositions applicables en régime d'exception, les magistrats peuvent prolonger la détention (au-delà de la période normale de 12 mois) de trois mois en trois mois. Mme Evatt voudrait savoir s'il est vrai que lorsque le magistrat envisage de prolonger la détention, il se fonde essentiellement sur le rapport du Secrétaire d'Etat à la défense, dont le contenu n'est pas communiqué à l'inculpé et qu'il n'est pas possible de procéder à un examen contradictoire des motifs de la prolongation. Si tel est le cas, elle voit mal où est le pouvoir d'appréciation du magistrat en l'occurrence.

 

53.     Mme Evatt croit comprendre qu'au nombre des infractions à la loi sur la prévention du terrorisme figurent les dommages causés aux biens publics et le fait d'effacer ou de raturer les affiches d'avis officiels, et que ces infractions sont passibles de l'emprisonnement à vie. Il est possible aussi qu'à Sri Lanka, la garde à vue dure 72 heures et que l'internement administratif atteigne une durée de 18 mois avec prorogation tous les trois mois. Est-il vrai que, dans ce cas, le tribunal n'a aucune possibilité d'accorder la mise en liberté ou la libération sous caution ? Un ministre a-t-il le pouvoir d'ordonner des conditions de détention excluant toute visite de la famille ou de l'avocat ?

 

54.     A propos de l'impunité, les membres du Comité ont reçu des informations selon lesquelles des agents de la sécurité auraient été reconnus coupables, par la Cour suprême, d'actes de torture et d'autres violations mais n'auraient fait l'objet d'aucune révocation ni d'aucune poursuite. Mme Evatt voudrait savoir dans quelle mesure les cas où la Cour suprême a constaté des violations de ce type ont donné lieu à des poursuites, et elle demande si les autorités envisagent de créer un poste de procureur indépendant chargé d'examiner les allégations relatives à des violations des droits de l'homme commises par la police ou d'autres forces de sécurité, étant entendu que ce procureur indépendant aurait la faculté d'enquêter sans faire appel à la police.

 

55.     M. LALLAH a deux questions à poser, dont la première concerne l'indépendance des juges. Il ressort des réponses données par la délégation, qu'à Sri Lanka, les juges ne peuvent être révoqués que par le Président de l'Etat sur avis de la Commission du service judiciaire (Judicial Service Commission) (art. 112 et suiv. de la Constitution). Or M. Lallah avait compris qu'en vertu de la Constitution (art. 107), les juges de la Cour suprême ou de la cour d'appel ne pouvaient être révoqués que pour des raisons bien précises, à savoir pour faute grave et incompétence notoire (misbehaviour and incapacity). Il ressortait des mêmes informations que les allégations de violation, par un juge, des devoirs de sa charge faisaient l'objet d'une enquête de la part d'une commission parlementaire spéciale (select committee of Parliament) et que, dans les trois affaires où une telle enquête avait eu lieu, les conclusions de la commission parlementaire étaient manifestement liées à l'appartenance politique des parlementaires qui en faisaient partie. M. Lallah souhaiterait que ses informations soient infirmées, car elles dénotent une sérieuse menace pour l'indépendance des juges.

 

56.     La deuxième question, déjà évoquée par M. Mavrommatis, concerne l'interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément aux articles 7 et 10 du Pacte. Notant qu'il existe des dispositions détaillées régissant les conditions dans les prisons à Sri Lanka, M. Lallah se demande s'il existe aussi une réglementation applicable aux lieux de détention autres que les prisons. Les directives présidentielles ne sont pas la loi; or ces questions doivent être régies par la loi si l'on veut que les abus éventuels commis par la police puissent être contrôlés de manière efficace par des institutions appropriées, c'est-à-dire un mécanisme indépendant de la police.

 

57.     Mme MEDINA QUIROGA déclare que les réponses de la délégation aux questions écrites figurant dans la Liste (M/CCPR/C/54/LST/SRI/2) n'ont pas dissipé toutes ses inquiétudes. Elle voudrait savoir tout d'abord si les trois commissions créées pour enquêter sur les cas de disparition (voir les renseignements présentés par la délégation sri-lankaise (Additional Information) pour compléter son troisième rapport périodique) auront également pour mandat d'enquêter sur les exécutions sommaires ou extrajudiciaires. En effet, il arrive souvent que les personnes portées disparues soient ensuite retrouvées mortes, parfois même dans des fosses communes ou des charniers. Si cela ne relève pas de leur mandat, qui enquêtera sur les exécutions ? Les trois commissions en question sont-elles habilitées à enquêter sur les exécutions récentes, notamment sur le cas des 25 corps de jeunes gens non identifiés qui ont été trouvés dernièrement ? Des zones de peuplement civil telles que des hôpitaux, des églises ou des camps de réfugiés ont-elles, comme on l'a dit, subi des bombardements ? Comment est assurée, d'une manière générale, la protection des civils dans le conflit qui sévit dans le nord du pays ? Enfin, Mme Medina Quiroga fait siennes les questions qui ont été posées au sujet de l'impunité dont bénéficieraient les membres des services de sécurité auxquels sont reprochés des actes de torture.

 

58.     La deuxième série de questions porte sur l'article 9, et plus particulièrement les enfants. Les mineurs sont-ils séparés des adultes dans les prisons ? Que deviennent les enfants qui combattent aux côtés des "Liberation Tigers of Tamil Eelam" (LTTE) quand ils sont fait prisonniers par les forces gouvernementales ? Le rapport du comité technique créé par le gouvernement pour étudier les problèmes de la délinquance juvénile a-t-il été suivi d'effet ? Les tribunaux pour enfants ont-ils commencé à fonctionner ?

 

59.     Mme Medina Quiroga s'associe également aux questions posées par M. Lallah sur les conditions de détention dans les lieux autres que les prisons et sur la révocation des juges au titre de l'article 107 de la Constitution. Elle reprend aussi à son compte les questions de M. Bhagwati sur le fonctionnement de la commission présidentielle spéciale d'enquête, créée en vertu d'une loi stipulant que les conclusions de cette commission sont définitives et sans appel. Mme Medina Quiroga voudrait savoir ce que cela signifie concrètement. Enfin, elle relève que l'article 13.5 de la Constitution de Sri Lanka énonce le principe de la présomption d'innocence, mais assorti d'une disposition selon laquelle la charge de la preuve concernant certains faits particuliers peut incomber à l'accusé, ce qui affaiblit considérablement le principe initial.

 

60.     M. KRETZMER déclare que la description du système pénitentiaire et des conditions régnant dans les prisons qui est donnée dans les paragraphes 59 à 71 du troisième rapport périodique (CCPR/C/70/Add.6) semble tout à fait idyllique, et ferait envie à bien des pays. Malheureusement, elle ne correspond pas aux informations émanant d'autres sources qui concernent non seulement les conditions dans les prisons, mais aussi celles qui règnent dans les autres lieux de détention, et dont ont déjà parlé M. Lallah et Mme Medina Quiroga. La délégation sri-lankaise a parlé d'une disposition selon laquelle les magistrats sont tenus de visiter les prisons situées dans leur ressort territorial mais, selon les informations dont dispose M. Kretzmer, cette disposition serait très rarement appliquée. La délégation peut-elle préciser si les magistrats effectuent vraiment des visites dans les prisons, et avec quelle fréquence ? M. Kretzmer s'interroge aussi sur les soins et traitements médicaux qui, d'après le rapport, seraient assurés systématiquement à tous les détenus dès leur arrivée dans les établissements pénitentiaires. Là encore, les renseignements dont il dispose font plutôt état d'une grave pénurie de personnel et d'équipements médicaux, qui est compréhensible, mais au sujet de laquelle M. Kretzmer voudrait des précisions.

 

61.     M. Kretzmer s'associe aux questions qui ont été posées au sujet de la procédure spéciale d'enquête concernant les plaintes pour mauvais traitements ou actes de torture commis par la police, ainsi qu'au sujet de la commission présidentielle spéciale d'enquête. Il voudrait savoir si les procédures en question sont compatibles avec le paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. Par ailleurs, sachant que Sri Lanka a adopté une législation incorporant les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Kretzmer demande s'il est exact que la définition retenue dans la législation sri-lankaise n'est pas tout à fait conforme à celle de la Convention, qui définit la torture comme "tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées ...", alors que la législation de Sri Lanka omet de mentionner les "souffrances". Cette omission peut avoir des conséquences très importantes.

 

62.     Par ailleurs, la délégation a indiqué que dans la majorité des cas, les condamnations ne sont pas prononcées sur la seule base des aveux de l'accusé, mais que les tribunaux exigent des preuves à l'appui des déclarations de celui-ci. Or les informations communiquées par des organisations non gouvernementales, informations non vérifiées, indiquent que les personnes poursuivies pour infraction à la loi sur la prévention du terrorisme ou en vertu des règlements d'exception sont déclarées coupables sur la seule base de leurs aveux, et que tout aveu passé devant un fonctionnaire de police d'un certain grade est considéré comme preuve recevable. M. Kretzmer voudrait savoir si cela est exact.

 

63.     M. BRUNI CELLI note avec satisfaction que Sri Lanka a ratifié la Convention contre la torture et que la torture est un délit puni par la loi pénale. En revanche, l'Etat partie n'a, semble-t-il, pas créé de mécanisme efficace pour sanctionner le personnel de la police ou des forces armées qui se rend coupable d'un tel délit, et les informations dont disposent les membres du Comité font état d'une impunité à cet égard. Le gouvernement aurait tenté de résoudre le problème en imposant des amendes aux policiers auteurs d'actes de torture afin de procurer une réparation financière aux victimes. Mais tel n'est pas exactement le but de la Convention, ni d'ailleurs celui de l'article 7 du Pacte.

 

64.     D'autre part, lorsqu'il a ratifié la Convention contre la torture, Sri Lanka n'a pas fait les déclarations (art. 21 et 22 de la Convention) visant à reconnaître la compétence du Comité contre la torture, ce qui prive les victimes éventuelles d'actes de torture de la protection internationale qu'elles pourraient obtenir en présentant des communications individuelles au comité compétent. La délégation sri-lankaise pourrait-elle dire pourquoi Sri Lanka n'a pas fait ces déclarations ?

 

65.     La question de la torture est d'autant plus préoccupante qu'il semblerait que les aveux obtenus sous la torture sont des preuves recevables devant les tribunaux, et que les personnes poursuivies pour infraction à la loi sur la prévention du terrorisme peuvent être condamnées sur la seule base de leurs aveux. Enfin, M. Bruni Celli rappelle que la pratique de la mise au secret des détenus facilite les actes de torture et l'impunité de leurs auteurs.

 

66.     M. ANDO pose une première question, qui a trait au paragraphe 67 du troisième rapport périodique (CCPR/C/70/Add.6), où il est dit que la réinsertion sociale des détenus incarcérés pour des activités terroristes ou subversives, ainsi que des personnes qui se sont livrées aux autorités dans le cadre de l'amnistie accordée par le gouvernement, est évaluée de manière individuelle. Les détenus incarcérés pour des activités terroristes ou subversives étant probablement les séparatistes tamouls, M. Ando se demande si les programmes de réinsertion prévus à leur intention sont différents de ceux que l'on destine aux autres détenus.

 

67.     La deuxième question de M. Ando concerne la majorité pénale. Il s'étonne de lire au paragraphe 86 du rapport qu'un enfant est présumé avoir la capacité de commettre une infraction à partir de l'âge de 8 ans, ce qui lui paraît un très jeune âge. Il voudrait surtout savoir qui décide si tel ou tel enfant "âgé de plus de 8 ans et de moins de 12 ans" a atteint ou non "un degré suffisant de maturité pour juger de la nature et des conséquences de sa conduite", et sur la base de quels critères (deuxième phrase du paragraphe 86 du document CCPR/C/70/Add.6).

 

68.     M. BHAGWATI fait siennes les questions posées par M. Lallah au sujet de l'indépendance des juges, et notamment au sujet de leur révocation par une commission parlementaire spéciale.

 

69.     M. Bhagwati appelle l'attention de la délégation sri-lankaise sur une déclaration du "Tamil United Liberation Front" (TULF), qui serait proche du gouvernement. Cette organisation s'est déclarée inquiète du nombre des personnes tuées, chez les civils non combattants, par suite de tirs d'artillerie dirigés contre des bâtiments civils tels que des écoles ou des hôpitaux, affirmant que ces attaques sont menées sans discernement et de manière arbitraire. M. Bhagwati appelle également l'attention sur le fait que l'Evêque de Jaffna, dans le nord de l'île, aurait déclaré que plus de 65 civils ont été tués et plus de 150 personnes ont été gravement blessées par des bombes-grappes tombées près d'une église. Il souhaiterait avoir des précisions sur ces incidents. Il s'associe également aux questions posées par Mme Medina Quiroga au sujet des disparitions et des exécutions extrajudiciaires.

 

70.     Au sujet de l'article 6 du Pacte, M. Bhagwati reconnaît qu'il n'y a pas eu d'exécutions capitales depuis 1977. Cependant, on se demande alors pourquoi la peine de mort a été instituée pour toute une série d'actes - énoncés dans le paragraphe 35 du rapport (CCPR/C/70/Add.6) - en vertu des dispositions du règlement d'exception No 1 (dispositions diverses et pouvoirs) de 1993. En ce qui concerne l'article 7 du Pacte, par ailleurs, M. Bhagwati estime que les allégations de mauvais traitements infligés par des membres de la police ou des forces armées devraient faire l'objet d'enquêtes menées par des organes indépendants de la police.

 

71.     Enfin, M. Bhagwati avait posé une question sur la Commission présidentielle spéciale d'enquête, dont les conclusions sont définitives et sans appel. Cette commission peut par exemple recommander la déchéance des droits civils d'une personne qui n'aura ensuite aucun recours. Cette disposition est contraire au droit à un procès équitable qui est énoncé dans l'article 14 du Pacte, et M. Bhagwati voudrait savoir si le gouvernement actuel la maintient en vigueur.

 

72.     M. FRANCIS se réfère aux observations que M. Klein a formulées au titre de l'article 7 du Pacte et de la responsabilité des agents de la force publique ayant commis des actes de torture. La pratique suivie à Sri Lanka ne garantit pas que la victime aura réparation puisque cette réparation dépend de la capacité qu'a l'auteur de payer l'amende qui lui sera imposée. Pour M. Francis, l'Etat partie doit assumer sa responsabilité pour les actes de torture commis par des agents de l'Etat, comme l'article 2 du Pacte lui en fait obligation, et il faudrait pour cela que les fonctionnaires de police en cause soient représentés par le Procureur général (voir CCPR/C/70/Add.6, par. 41).

 

73.     Se référant au paragraphe 86 du rapport, M. Francis estime que la responsabilité pénale ne devrait pas concerner les enfants de 12 ans, qui n'ont pas encore la maturité nécessaire pour avoir conscience des conséquences de leurs actes. Il partage les opinions de Mme Medina Quiroga et de M. Ando à ce sujet. A son avis, le régime pénal pour mineurs devrait être modifié de façon à éviter que les jeunes ne soient victimes d'un système censé précisément les protéger.

 

74.     M. EL SHAFEI est vivement préoccupé par le nombre des cas d'exécution extrajudiciaire et de disparition dont font état de nombreux rapports d'organisations non gouvernementales. Ainsi, plus de 500 civils auraient été tués alors qu'ils tentaient de se rendre de l'île de Jaffna sur le continent. M. El Shafei aimerait savoir si des enquêtes ont été menées sur ces incidents, qui a éventuellement la responsabilité des enquêtes et quels en ont été les résultats. Il demande si les familles des victimes ont été indemnisées et si des efforts sont également faits pour renseigner les familles des personnes disparues.

 

75.     M. El Shafei croit comprendre, de nouveau d'après certains rapports d'organisations non gouvernementales, que les recours en habeas corpus restent sans effet pour les personnes qui sont détenues en application des règlements d'exception et de la loi sur la prévention du terrorisme. Si tel est le cas, il souhaiterait connaître la raison pour laquelle la cour d'appel refuse d'examiner comme elle le devrait les recours présentés par ces personnes.

 

76.     M. PERERA (Sri Lanka) précise, pour ce qui est des délits entraînant la peine capitale en vertu d'un règlement d'exception, que les articles 25 et 26 du règlement pertinent sont en cours de révision, l'objectif étant de supprimer l'imposition de la peine capitale pour certains de ces délits, par exemple les dommages causés aux biens. Par ailleurs, le trafic de drogue entraîne la peine capitale si le coupable est trouvé en possession de plus de 2 kg de drogue.

 

77.     La loi sur les forces armées n'a pas été modifiée, mais elle n'a encore jamais été invoquée pour des délits commis par des membres des forces armées. Pour ce qui est de la révocation des magistrats des instances supérieures, la procédure est énoncée à l'article 107 de la Constitution, qui stipule que les magistrats ne peuvent être révoqués pour manquement à leurs obligations que par décision du Président de Sri Lanka, agissant sur recommandation du Parlement. Par ailleurs, il existe à Sri Lanka un système très complet de tribunaux et de juges pour mineurs et, dans les établissements pénitentiaires, les mineurs sont séparés des adultes.

 

78.     En ce qui concerne les mesures qui ont été prises pour aligner la législation sri-lankaise sur les dispositions de la Convention contre la torture, M. Perera déclare qu'il est désormais stipulé dans la loi qu'on entend par torture tout acte qui entraîne de graves souffrances physiques ou mentales, le législateur s'étant fondé à cet égard sur des critères objectifs. Cette définition est dûment prise en considération, notamment lorsqu'il s'agit d'indemniser les personnes victimes d'actes de torture. Le gouvernement envisage à l'heure actuelle de faire la déclaration prévue dans les articles 21 et 22 de la Convention, mais il a d'ores et déjà accepté pleinement la compétence du Comité contre la torture pour ce qui est de vérifier sur place les allégations de torture systématique.

 

79.     Enfin, l'âge minimum du mariage doit être porté à 18 ans pour les hommes et pour les femmes, ce qui supposera une modification de la loi sur le mariage concernant les habitants des provinces centrales. Pour les musulmans, les dispositions de la loi restent inchangées et l'âge minimum du mariage reste fixé à 12 ans pour les filles, 16 ans pour les garçons.

 

80.     M. GOONETILEKE (Sri Lanka) déclare, à propos des questions posées au sujet des cas de disparition et d'exécution extrajudiciaire, que le gouvernement a mis en place trois commissions ayant pour mandat d'enquêter sur le cas de toute personne qui aurait été involontairement déplacée ou aurait disparu de son domicile habituel après le 1er janvier 1988, de rechercher les éventuels responsables, d'entamer des poursuites contre les responsables présumés et de recommander les mesures à prendre pour que de tels incidents ne se reproduisent pas à l'avenir. Ces trois commissions n'ont pas été chargées d'enquêter sur les incidents qui se sont produits dans la région de la lagune de Kokkilai, mais le gouvernement a examiné la question et a chargé l'Inspecteur général de la police d'entreprendre une enquête spéciale. Ainsi, des photographies des victimes présumées et des articles de journaux concernant ces incidents ont été diffusés et les autorités de police ainsi que les médecins légistes ont pris des dispositions pour pouvoir éventuellement identifier les victimes. Le problème est complexe car, en 1993, le gouvernement a bloqué l'accès à la zone de la lagune afin d'empêcher les éléments des "Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul" (LTTE) d'acheminer des troupes et des explosifs vers le sud du pays (depuis, les LTTE utilisent les transports de passagers, et il est difficile de les distinguer de la population civile ordinaire car ils ne portent pas d'uniformes).

 

81.     Le gouvernement s'efforce au maximum de protéger les civils, notamment en les avertissant, au moyens de tracts et d'annonces régulières à la radio, des offensives attendues de la part des LTTE, afin qu'ils puissent se réfugier dans les écoles et les lieux de culte, notamment. Néanmoins, les LTTE continuent à commettre toutes sortes d'exactions, y compris au cours des périodes de cessation des hostilités. Les forces de sécurité font tout leur possible pour s'opposer aux rebelles et c'est ainsi qu'elles ont pu intercepter des bateaux et des véhicules transportant un grand nombre d'enfants enlevés par les LTTE, et les rendre à leur famille.

 

82.     M. BHAGWATI souhaiterait savoir quelle est l'instance qui décide si un juge de la cour d'appel doit être sanctionné pour comportement répréhensible. Il demande également des précisions quant à l'application de la loi sur les commissions d'enquête, qui prévoit la mise en place de commissions présidentielles spéciales.

 

83.     Le PRESIDENT déclare que la délégation sri-lankaise pourra répondre au cours de la prochaine séance aux dernières questions posées par les membres du Comité. Il invite la délégation à répondre aux questions écrites qui sont posées dans la section III de la Liste des points à traiter (M/CCPR/C/54/LST/SRI/2).

 

84.     Le texte de la section III est le suivant :

 

"III. Liberté de circulation et expulsion des étrangers, libertés de

conscience, de religion, de réunion et d'association et protection de la famille et des enfants (art. 12, 13, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24)

 

a)Quelle a été l'incidence de la proclamation de plusieurs états d'exception successifs sur l'exercice des droits garantis aux articles 12, 18, 19, 21 et 22 du Pacte ?

 

b)Veuillez préciser quelles sont les principales différences de statut entre le bouddhisme et les autres confessions religieuses. Y a-t-il eu des cas de discrimination à l'égard de non-bouddhistes et de non-croyants ? Dans l'affirmative, quelles mesures ont été prises pour empêcher que de tels cas ne se reproduisent ?

 

c)Veuillez fournir des informations sur la législation et la pratique concernant les ingérences autorisées dans la vie privée.

 

d)Veuillez préciser quelles limites la loi impose à l'exercice de la liberté de pensée et d'expression, ainsi qu'à la liberté de réunion et d'association. Veuillez indiquer ce qu'il en est dans la pratique (voir par. 101, 106 et 107 du rapport).

 

e)Veuillez donner des précisions sur les dispositions de la loi sur les pouvoirs et les prérogatives parlementaires qui prévoient que quiconque critique un membre du Parlement est passible d'une amende d'un montant illimité ou d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à deux ans.

 

f)Veuillez fournir de plus amples informations sur les mesures prises pour appliquer le paragraphe 13 de l'article 27 de la Constitution relatif à la protection des droits de l'enfant. Veuillez préciser quelles mesures ont été prises pour prévenir les mauvais traitements infligés aux enfants, l'exploitation des enfants et la prostitution des enfants et, en particulier, pour protéger les enfants de sexe masculin contre les violences sexuelles."

 

85.     M. PERERA (Sri Lanka), répondant à la question posée dans le paragraphe a) de la section III, déclare que la proclamation de l'état d'exception n'a aucune incidence sur le droit à la liberté de pensée, de conscience ou de religion, ni sur le droit d'exprimer des opinions ou de constituer des syndicats. Les dispositions d'exception qui ont une incidence sur la liberté d'expression ont désormais été supprimées et les règlements ne contiennent plus de dispositions concernant le contrôle des publications.

 

86.     En ce qui concerne le paragraphe b), M. Perera indique que, selon l'article 9 de la Constitution, la République accorde une place prépondérante au bouddhisme, tout en garantissant à toutes les autres religions les droits énoncés à l'article 10 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et au paragraphe 1 e) de l'article 14 de la Constitution (liberté de manifester sa religion ou sa croyance par le culte, l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement). Les dispositions de l'article 9 de la Constitution s'expliquent par les anciennes traditions sri-lankaises, selon lesquelles les dirigeants du pays étaient considérés comme les gardiens de la religion bouddhiste. Toutefois, à l'heure actuelle, il n'existe aucune discrimination à l'égard des non-bouddhistes et des non-croyants et, afin de garantir le droit de tous les groupes ethniques à préserver leur culture et leur religion, le gouvernement a créé, au sein du Ministère de la culture, des départements chargés de renforcer et d'encourager le respect des valeurs des religions musulmane et hindoue.

 

87.     Le droit au respect de la vie privée (par. c)) relève de la common law. Toutefois, dans le cadre des réformes constitutionnelles, des dispositions seront adoptées pour garantir le droit des individus à être protégés contre toute ingérence dans leur vie privée, leur vie familiale ou leur correspondance et contre toute atteinte à leur honneur et à leur réputation.

 

88.     A propos du paragraphe d), M. Perera rappelle que certaines restrictions imposées à la liberté d'expression ont désormais été levées. Les dispositions toujours en vigueur à cet égard seront modifiées dans le cadre de la réforme constitutionnelle et le droit à la liberté d'expression sera garanti à tous et non plus, comme précédemment, aux seuls citoyens. Enfin, au sujet du paragraphe e), M. Perera souligne que la loi en question a fait l'objet de débats approfondis et qu'il est envisagé désormais de conférer les pouvoirs et les prérogatives dans ce domaine non plus au Parlement, mais aux tribunaux ordinaires.

 

89.     Le PRESIDENT déclare que la délégation sri-lankaise continuera à répondre aux questions posées dans la section III de la Liste à la prochaine séance du Comité.

 

La séance est levée à 18 heures.

 

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