Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1080
8 mars 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1080ème seance : Sri Lanka. 08/03/95.
CERD/C/SR.1080. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Quarante-sixième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1080ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le 6 mars 1995, à 10 heures


Président : M. GARVALOV


SOMMAIRE

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention

Troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de Sri Lanka

Projet de recommandation générale concernant l'article 5 de la Convention


La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de Sri Lanka (CERD/C/234/Add.1)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation sri-lankaise reprend place à la table du Comité.

2. M. GOONETILLEKE (Sri Lanka) remercie tout d'abord le Comité de l'accueil qu'il a réservé au rapport périodique de Sri Lanka CERD/C/234/Add.1 et des encouragements qu'il a formulés à l'égard de son pays. Il constate avec satisfaction que le Comité, sous l'impulsion de Mme Sadiq Ali, rapporteur pour Sri Lanka, a déjà procédé à un échange de vues utile sur les questions qui lui ont été soumises. Dans le même état d'esprit de coopération, la délégation sri-lankaise s'efforcera de fournir au Comité toutes les informations qu'elle a pu réunir et compte, en cas de besoin, lui apporter un complément d'information dans son prochain rapport.

3. Cela dit, M. Goonetilleke commence de répondre aux questions et observations formulées par Mme Sadiq Ali. S'agissant de la question de savoir si un recensement a été effectué après 1981, M. Goonetilleke répond par la négative. Des recensements sont en principe effectués tous les dix ans, mais la situation à Sri Lanka n'a pas permis la réalisation du recensement prévu pour 1991. En ce qui concerne les changements constitutionnels envisagés, il indique qu'un avant-projet de réforme a été publié le 23 janvier 1995 pour être discuté par le public et qu'un comité spécial du Parlement (Parliamentary Select Committee) composé de représentants de tous les partis politiques a été créé pour procéder à des consultations en vue de parvenir à un consensus. Dans l'avant-projet, il est proposé de renforcer la disposition figurant dans le chapitre sur les droits fondamentaux en reconnaissant le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne; le droit de posséder des biens; les droits à la protection contre la privation arbitraire de biens et contre l'ingérence arbitraire dans la vie privée, celle de la famille et du foyer, la correspondance et les atteintes à l'honneur et à la réputation; le droit à une protection en faveur des personnes ou groupes défavorisés, notamment du fait de leur appartenance ethnique ou religieuse; le droit de tout individu faisant l'objet d'une mesure d'arrestation de communiquer avec une personne de son choix et de se faire assister par un avocat; le droit d'être inculpé et jugé dans des délais raisonnables; le droit de s'informer et de quitter librement Sri Lanka.

4. Les amendements proposés ont également pour but de limiter les restrictions actuellement applicables à l'exercice de certains droits fondamentaux - le droit à l'égalité, le droit à une protection contre la discrimination, l'arrestation et la détention arbitraires, le droit de constituer des syndicats et d'y adhérer, le droit de fréquenter des lieux publics et le droit de tenir des réunions pacifiques - qui peuvent être limités si la sécurité nationale, le maintien de l'ordre public ou la protection de la santé publique et des bonnes moeurs l'exigent. Il est proposé de décider que les droits en question ne pourront être limités que si la sécurité nationale ou l'ordre public sont menacés. La liberté de réunion et d'association ne pourra être limitée que si le maintien de l'harmonie ethnique ou religieuse l'exige.

5. En réponse à la question de Mme Sadiq Ali concernant l'appui politique dont bénéficient les propositions d'amendement à la Constitution, le représentant de Sri Lanka indique que la majorité des deux tiers est exigée pour l'adoption de tels amendements; le gouvernement a donc engagé le dialogue avec l'opposition parlementaire pour parvenir à un consensus national dans cette perspective.

6. S'agissant de la non-applicabilité de dispositions du droit international dans le droit interne, M. Goonetilleke déclare que, lorsqu'elles adoptent des textes de lois, les autorités sri-lankaises s'efforcent de prendre en considération les instruments internationaux auxquels Sri Lanka pourrait adhérer dans l'avenir. Ainsi, Sri Lanka a promulgué la législation nécessaire pour intégrer dans son système juridique la Convention contre la torture ratifiée en janvier 1994.

7. Notant que Mme Sadiq Ali a fait plusieurs fois allusion à la réglementation de l'état d'urgence et à la loi sur la prévention du terrorisme, le représentant de Sri Lanka informe le Comité que l'état d'urgence promulgué le 18 mai 1983 a été levé le 11 janvier 1989, puis déclaré de nouveau le 20 juin 1989, en raison de nombreux actes de sabotage et de perturbations volontaires des services essentiels. Le gouvernement a levé de nouveau l'état d'urgence le 4 septembre 1994, excepté dans les provinces du Nord et de l'Est et dans certaines zones contiguës. Malheureusement, il a dû de nouveau décréter l'état d'urgence sur tout le territoire le 24 octobre 1994, en raison du climat d'insécurité créé par l'explosion d'une bombe à Colombo, qui a tué un candidat de l'opposition à l'élection présidentielle et plus d'une cinquantaine de personnes. A l'heure actuelle, l'état d'urgence est de ce fait en vigueur dans les provinces du Nord et de l'Est, dans certaines zones voisines et dans certains quartiers de Colombo. Seules cinq mesures relatives à l'état d'urgence, indispensables au maintien de la sécurité nationale, sont actuellement en vigueur, les autres ayant été abrogées. M. Goonetilleke pense qu'il ne sera plus nécessaire d'appliquer la loi sur la prévention du terrorisme entrée en vigueur en 1979 dès que la souveraineté, l'intégrité territoriale et la démocratie ne seront plus menacées à Sri Lanka.

8. En ce qui concerne le maintien en détention de membres du JVP, le représentant de Sri Lanka déclare que les chiffres de 3 000 à 4 000 détenus avancés par Mme Sadiq Ali ne correspondent plus à la réalité, le nombre des détenus ayant considérablement diminué. En effet, dès son accession au pouvoir, le nouveau gouvernement a chargé un comité présidé par un ancien juge de la Cour suprême de faire une enquête sur la situation des personnes détenues en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme et des mesures relatives à l'état d'urgence. Ce comité a visité tous les lieux de détention et interrogé 632 détenus. A l'issue de cette visite, il a recommandé la remise en liberté de 181 détenus. En ce qui concerne les 451 détenus restants, il a recommandé d'accélérer la procédure d'enquête, de charger le Procureur de la République de vérifier que les dossiers des détenus sont traités en temps voulu, d'accélérer la procédure de saisine de la Haute Cour, de considérer que la décision du tribunal est sans appel et l'emporte sur la mesure de mise en détention, de donner aux juges des pouvoirs élargis en matière de mise en liberté sous caution, de respecter strictement l'accès prioritaire des tribunaux aux cas relevant de la loi sur la prévention du terrorisme et aux mesures relatives à l'état d'urgence et d'instituer des tribunaux supérieurs examinant exclusivement les cas de cette nature. Ce comité a en outre recommandé l'amélioration des conditions matérielles de détention des prisonniers (état des bâtiments, installations sanitaires, exercice en plein air, etc.). Il n'a reçu aucune plainte grave sur la qualité de la nourriture servie aux détenus.

9. Pour ce qui est de la question de l'impunité de ceux qui violent les droits de l'homme, soulevée également par Mme Sadiq Ali, à plusieurs reprises, le gouvernement a reconnu l'importance de ce problème et s'est engagé à prendre des mesures pour traduire les auteurs de violations des droits de l'homme devant les tribunaux. Le 10 février, le Ministère des affaires étrangères de Sri Lanka a déclaré devant la Commission des droits de l'homme que le Gouvernement sri-lankais était déterminé à ne tolérer aucune violation des droits de l'homme par qui que ce soit. Conformément à cet engagement, l'Etat a engagé des poursuites dans plusieurs cas importants.

10. En réponse à la question de Mme Sadiq Ali concernant le mandat de la Commission nationale des droits de l'homme, M. Goonetilleke déclare qu'elle sera composée de cinq membres choisis parmi des personnes compétentes et expérimentées dans le domaine des droits de l'homme. Ces cinq personnes seront nommées par le Président sur les recommandations du conseil constitutionnel qui doit être créé. En attendant la création de cet organe, ils seront nommés sur les recommandations du Premier Ministre en consultation avec le Président du Parlement. La Commission nationale des droits de l'homme aura des fonctions de surveillance consistant à suivre les pratiques et procédures des organes exécutifs et administratifs, des fonctions d'investigation au titre desquelles elle examinera les plaintes concernant les violations ou menaces de violation de droits fondamentaux, ainsi que des fonctions consultatives et d'autres fonctions en matière de formulation de textes de lois et de directives et procédures administratives. A cet égard, elle doit veiller à ce que les lois et pratiques administratives internes soient conformes aux normes internationales des droits de l'homme, et promouvoir l'information et l'éducation relatives aux libertés fondamentales. La Commission pourra prendre indépendamment l'initiative de procéder à des enquêtes. Lorsqu'une enquête indiquera que les tentatives de conciliation et de médiation seraient vouées à l'échec, la Commission pourra, soit recommander aux autorités compétentes d'engager une action à l'encontre de l'auteur d'une violation d'un droit fondamental, soit saisir une juridiction compétente, ou encore émettre une recommandation à l'intention de l'autorité ou de la personne concernée en vue d'empêcher la violation d'avoir lieu ou d'en annuler les effets. La Commission fera rapport au Président de la République au sujet des recommandations qu'elle aura émises et des mesures prises par les institutions en faute pour leur donner suite. Le Président communiquera au parlement le texte de ce rapport.

11. M. Goonetilleke explique, en ce qui concerne la circulation entre Sri Lanka et la péninsule de Jaffna, que les communications sont difficiles en raison de l'intransigeance du LTTE (Liberation Tiger of Tamil Eelam). En effet, la route et la voie ferrée reliant la péninsule au reste de l'île ont été détruites par le LTTE en 1990. Le gouvernement a été obligé de mettre en place un service coûteux de transbordeurs pour permettre le déplacement des personnes et le transport des articles essentiels (denrées alimentaires, médicaments, combustibles, etc.) sous le pavillon du CICR. A partir de 1992, le gouvernement a fait plusieurs tentatives pour parvenir à un accord avec le LTTE en vue de rouvrir la route dans l'intérêt de la population civile. Malheureusement, les tentatives faites pour rouvrir la route ou mettre en place un service de transport maritime ont échoué à cause de l'attitude intransigeante du LTTE, qui formulait des demandes inacceptables de contrepartie militaire. De même, le gouvernement a dû fermer le passage par le lagon de Jaffna pour freiner les agissements du LTTE qui s'en servait pour introduire ses cadres, des armes, des munitions et des explosifs à Sri Lanka, et pour attaquer les forces de sécurité et des civils musulmans et cinghalais vivant dans les provinces du Nord et de l'Est. Cependant, en dépit des manoeuvres du LTTE, le gouvernement est déterminé, dit M. Goonetilleke, à poursuivre ses efforts pour ouvrir des liaisons terrestres avec la péninsule de Jaffna, et il a l'intention de maintenir les liaisons maritimes sous le pavillon du CICR.

12. En ce qui concerne les observations de Mme Sadiq Ali concernant les relations entre les musulmans des provinces du Nord et de l'Est et leurs relations avec les Tamouls, M. Goonetilleke explique que ces deux communautés parlent la même langue mais constituent néanmoins deux groupes distincts. Il est faux de dire que les musulmans étaient travailleurs agricoles avant de posséder des terres, ce qui aurait causé des frictions entre les deux communautés. Il faut savoir, en revanche, que la communauté musulmane habite toutes les parties du territoire, y compris la province de l'Est, où sa principale activité est l'agriculture, et dans une moindre mesure le commerce. Les trois communautés - tamoule, musulmane et cinghalaise - de la province de l'Est vivaient en harmonie jusqu'au jour où le LTTE a commencé à mener des activités terroristes en vue de créer un Etat sécessionniste. Le refus des Musulmans de souscrire au séparatisme tamoul et les mesures qu'ils ont dû prendre pour se protéger contre les attaques lancées par le LTTE ont fini par dresser l'une contre l'autre les communautés tamoule et musulmane de la province de l'Est et, à un degré moindre, celles de la province du Nord. Les attaques violentes lancées contre la communauté musulmane par le LTTE ainsi que plusieurs massacres de musulmans en prière dans les mosquées de Meera Jumma et Hussanya n'ont fait qu'exacerber la crise entre les deux communautés. L'incident le plus grave qui se soit produit est lorsque, dans la seconde moitié de l'année 1990, le LTTE a intimé l'ordre à toute la communauté musulmane d'évacuer la province du Nord dans les 48 heures. Quelque 50 000 musulmans ont ainsi quitté la région, et le représentant spécial du Secrétaire général pour les personnes déplacées, qui s'est rendu à Sri Lanka en novembre 1993 à l'invitation du gouvernement, a qualifié les agissements du LTTE de "nettoyage ethnique". Le Gouvernement sri-lankais ne permettra pas que la communauté musulmane des provinces du Nord et de l'Est devienne une minorité dans une minorité. Lors du processus de consultation qui conduira à la délégation de pouvoirs en faveur des provinces du Nord et de l'Est, la communauté musulmane sera consultée comme les autres.

13. S'agissant des personnes disparues depuis 1988, le nombre de 60 000 donné par Mme Sadiq Ali est improbable. Selon le Groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires qui s'est rendu à Sri Lanka en 1991 et en 1992 à l'invitation du gouvernement, il y aurait à Sri Lanka 11 441 personnes disparues. Une commission présidentielle d'enquête a été créée le 11 janvier 1991 pour enquêter sur les disparitions survenues après cette date. Au 10 janvier 1995, cette commission n'avait reçu que 947 réclamations; dans 104 cas elle a demandé un complément d'enquête en vue de l'ouverture d'une procédure judiciaire. Comme l'a souligné le Département d'Etat des Etats-Unis, le nombre des réclamations a régulièrement et fortement diminué au cours des dernières années pour tomber à 10 en 1994. Les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le problème ont certainement contribué à cette réduction. Afin d'établir le nombre réel de personnes disparues depuis 1988, le gouvernement a également créé trois commissions présidentielles régionales qui sont chargées d'enquêter sur les éventuels cas de disparitions antérieurs à 1991.

14. Au sujet du rôle des forces armées, le représentant de Sri Lanka précise que la Présidente de Sri Lanka est commandant en chef des forces armées et exerce aussi actuellement les fonctions de ministre de la défense. A propos de l'interview qu'elle avait accordée à la BBC en octobre 1994 alors qu'elle n'était encore que premier ministre, il indique que Mme Bandaranike Kumaratunga avait immédiatement après cette interview affirmé la confiance totale qu'elle avait dans les forces de sécurité et dans leur soutien au processus de paix. En ce qui concerne la démobilisation, il déclare que toute décision à cet égard serait prématurée. Quant aux dépenses considérables actuellement consacrées aux forces armées, le gouvernement considère qu'une grande partie de ces sommes pourra être réorientée vers des activités de développement une fois que le conflit aura été réglé.

15. En ce qui concerne les personnes déplacées, leur nombre s'est accru au cours des années et est actuellement de 542 051 : 179 667 sont accueillies dans les 487 centres sociaux établis dans les 25 districts administratifs du pays, les autres sont hébergées par des amis ou des connaissances. Le coût mensuel moyen de l'aide alimentaire accordée à ces personnes s'élève à environ 200 millions de roupies; cela représente 50 millions de dollars par an. L'action multiforme menée par le gouvernement en faveur des personnes déplacées, sous la responsabilité du Ministère des transports, des ports et de la reconstruction, a été remarquée et citée en exemple par le représentant spécial du Secrétaire général pour les personnes déplacées dans son rapport en date du 25 janvier 1994 (E/CN.4/1994/44/Add.1). Le retour des quelque 140 000 personnes réfugiées dans le sud de l'Inde se poursuit, coordonné par le HCR. Environ 80 000 réfugiés sont déjà rentrés à Sri Lanka et bénéficieront des mêmes mesures d'assistance que les personnes déplacées.

16. A propos des possibilités d'emploi dans la province du Nord, le représentant de Sri Lanka indique que les quelque 800 millions de dollars que le gouvernement a affectés au programme de relèvement de cette province serviront à développer l'infrastructure et à rétablir les lignes électriques, ce qui devrait donner du travail à la population de la région pour un certain temps.

17. Au rapporteur de pays, qui avait demandé s'il n'était pas possible de simplifier les procédures pour permettre à toutes les femmes de remplir les formulaires administratifs et autres, le représentant de Sri Lanka répond que tous les formulaires sont disponibles en cinghalais, en tamoul et en anglais et peuvent être remplis dans l'une ou l'autre de ces langues, au choix. Il rappelle que Sri Lanka a l'un des taux d'alphabétisation les plus élevés d'Asie : 83,2 % pour les femmes et 91,1 % pour les hommes, et ajoute que le type de structure familiale existant dans le pays facilite les tâches de ce genre, chacun pouvant bénéficier d'une assistance au sein de sa famille.

18. Un autre sujet abordé par le rapporteur de pays est la corruption. Pour lutter efficacement contre ce phénomène, le nouveau gouvernement a créé une commission indépendante sur la corruption. La juridiction dans ce domaine a en outre été renforcée : création d'un "délit de corruption", renforcement des peines, définition plus précise des agents et représentants de la fonction publique, abolition de la mesure consistant à solliciter l'autorisation du Président de l'Assemblée pour enquêter sur des allégations de corruption concernant des parlementaires.

19. Le rapporteur de pays, de même que le Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats, ont fait état de brimades à l'encontre de certains magistrats ou avocats s'occupant entre autres d'affaires touchant des droits fondamentaux. Etant donné la période difficile que Sri Lanka a connue depuis 1987, il n'est pas surprenant que certains avocats aient pu faire l'objet de menaces. Mais chaque fois qu'un avocat a été menacé et en a informé les autorités, celles-ci ont offert d'assurer sa sécurité. Le représentant de Sri Lanka est heureux d'informer le Comité qu'au cours des deux dernières années, les défenseurs des droits de l'homme à Sri Lanka n'ont fait l'objet d'aucune menace de mort - le Département d'Etat l'a souligné.

20. Sri Lanka est partie à la Convention contre la torture depuis le 3 janvier 1994. Pour donner effet à la Convention, elle a adopté le 25 novembre 1994 une loi aux termes de laquelle la torture est considérée comme un acte délictueux punissable d'une peine de prison pouvant aller de sept à dix ans et d'une amende pouvant aller de 10 000 à 50 000 roupies. La loi sur l'extradition a en outre été modifiée, prévoyant désormais l'extradition en cas de torture. Le Rapporteur a dit que la torture était toujours pratiquée à Sri Lanka. Les cas de torture existant dans le pays ne sont pas le résultat de mesures délibérées de la part du gouvernement mais d'actes isolés perpétrés par certains individus, comme dans le cas évoqué par Mme Sadiq Ali. Dans ce cas précis, la victime a saisi la Cour suprême et a été indemnisée. Il a été démontré que les victimes de tortures à Sri Lanka ont des possibilités de recours et droit à réparation.

21. Le Groupe d'action pour les droits de l'homme ("Human Rights Task Force") a été mis en place en août 1991 afin de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes qui se trouvent en détention sur décision d'une autorité autre que judiciaire. Il comprend dix bureaux régionaux. Des contributions venant de l'Etat et de plusieurs sources étrangères lui ont permis de surmonter les difficultés financières qu'il a rencontrées à ses débuts. Tout en reconnaissant que l'engagement d'une procédure contre les responsables de la disparition de 32 écoliers survenue à Embilipitiya a été tardive, le représentant de Sri Lanka est heureux d'informer le Comité que les personnes visées dans le rapport du Groupe d'action ont été inculpées et que l'affaire est à présent devant un tribunal de première instance.

22. S'agissant d'Amnesty International, il convient d'indiquer qu'à l'invitation du gouvernement cette organisation a effectué, en 1991, une visite à Sri Lanka, à l'issue de laquelle elle a formulé 32 recommandations, dont deux seulement n'ont pas été acceptées par le gouvernement. La première portait sur la prolongation du mandat de la Commission présidentielle d'enquête sur les disparitions involontaires de personnes; en fait, le nouveau gouvernement y a donné suite en créant trois commissions régionales chargées d'examiner les cas de disparitions. Dans la seconde, Amnesty International demandait que soit abrogée la loi de garantie (Indemnity Act); le gouvernement a estimé qu'elle était sans objet, dans la mesure où cette loi n'est plus appliquée depuis le 20 décembre 1988.

23. Il convient de préciser que le gouvernement a également appliqué les 18 recommandations qu'a formulées le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires à l'issue de la visite qu'il a effectuée à Sri Lanka en 1991. Par ailleurs, le Groupe de travail et Amnesty International ont de nouveau été invités à se rendre dans le pays en 1992, ce qui témoigne de l'importance que le gouvernement attache à la coopération avec l'Organisation des Nations Unies et d'autres organisations internationales.

24. Quant à la question de l'éventuelle ratification par Sri Lanka du deuxième Protocole additionnel aux Conventions de Genève, le gouvernement devra y réfléchir après avoir examiné la situation du pays en ce qui concerne les nombreux instruments internationaux auxquels il n'est pas partie.

25. Pour ce qui est des événements survenus dans le village de Kokkadicholai, la Commission présidentielle d'enquête sur les disparitions involontaires, chargée d'examiner cette affaire, a conclu que le massacre de plusieurs habitants de ce village avait été commis, de leur propre initiative, par des éléments incontrôlés d'une unité de l'armée, qui n'ont malheureusement pas pu être identifiés. Conformément aux recommandations de la Commission d'enquête, l'officier responsable de cette unité a été traduit en cour martiale; il a été cassé et les proches des victimes ont reçu une réparation pécuniaire.

26. S'agissant des membres de la petite communauté Veddah, qui vit dans la partie de la province de l'Est touchée par un grand projet d'irrigation, il convient de souligner que le gouvernement a laissé à ses membres le choix entre deux possibilités : soit déménager, et s'établir, avec l'aide du gouvernement, là où ils le souhaitaient, soit rester sur place. On ne saurait donc en l'occurrence parler de déplacement forcé de population.

27. S'agissant de la Convention No 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, le Gouvernement sri-lankais note que cet instrument ne définit pas qui est autochtone et que le Centre pour les droits de l'homme n'a toujours pas défini ce terme. Le Gouvernement sri-lankais devra examiner la question lorsqu'il prendra une décision concernant la ratification de cet instrument.

28. Quant aux arrêts de la Cour suprême, seuls sont publiés, dans le Recueil de jurisprudence de Sri Lanka, ceux qui font jurisprudence.

29. S'agissant des responsables de l'application des lois et des membres des forces armées, le gouvernement est parfaitement conscient de la nécessité de les sensibiliser aux questions relatives aux droits fondamentaux. C'est pourquoi il organise régulièrement à leur intention, notamment en collaboration avec le CICR, des ateliers et des séminaires sur cette question. Il offre également à ces personnes la possibilité de recevoir une formation à l'étranger.

30. Abordant à présent la question des apatrides, M. Goonetilleke précise que les accords conclus entre l'Inde et Sri Lanka prévoyaient que sur les 975 000 personnes apatrides qui se trouvaient à Ceylan en 1964, 375 000 obtiendraient la citoyenneté sri-lankaise et 600 000 pourraient demander la citoyenneté indienne et être rapatriées en Inde. Or sur ces 600 000 personnes, 506 000 seulement ont demandé la citoyenneté indienne; c'est pourquoi, en 1988, le Parlement a adopté une loi prévoyant l'octroi de la citoyenneté sri-lankaise aux 94 000 personnes qui souhaitaient rester dans le pays. Il n'y a donc plus d'apatrides à Sri Lanka. Il faut cependant préciser qu'un nombre non négligeable de personnes ayant opté pour la citoyenneté indienne n'ont pas encore été en mesure de retourner en Inde.

31. En ce qui concerne la liberté de religion, si la Constitution donne la prééminence au bouddhisme, compte tenu du fait que près de 70 % des Sri-Lankais sont bouddhistes, elle n'en fait pas moins obligation à l'Etat de veiller à ce que chaque personne puisse pratiquer la religion de son choix.

32. En ce qui concerne les évangélistes, il est incorrect de dire qu'ils sont victimes d'agressions physiques même s'il arrive parfois que leur prosélytisme suscite des réactions d'hostilité dans des régions à prédominance bouddhiste. D'une manière générale, les adeptes des différentes religions sont tolérants et vivent en harmonie. On rappellera à ce propos que les Sri-Lankais, quelle que soit leur religion, ont en janvier 1995 réservé un accueil chaleureux au pape Jean-Paul II.

33. En ce qui concerne la liberté des médias, il semble pour le moins excessif de qualifier de tendues les relations entre ceux-ci et le gouvernement. Profondément convaincu que la liberté des personnes ne saurait être garantie sans un système viable de freins et de contrepoids, le People's Alliance Party a déclaré dans son programme électoral qu'il attachait la plus grande importance au renforcement des médias et à la mise en place d'un cadre dans lequel ceux-ci puissent fonctionner de manière indépendante et sans entraves. C'est dans cet esprit qu'ont été créées cinq commissions qui ont pour tâche de formuler des recommandations visant à abroger ou à modifier les dispositions législatives entravant la liberté d'expression, à améliorer la situation économique et le statut des journalistes, à créer un institut des médias de Sri Lanka et à privatiser une partie des organes d'information à capitaux publics.

34. Il convient enfin de préciser que des journaux et revues à capitaux privés, dont certains se montrent très critiques à l'égard du gouvernement, sont publiés dans les trois langues du pays et de rappeler que lors de la campagne électorale, le People's Alliance Party s'est engagé à garantir la liberté totale de la presse.

35. En réponse à l'allégation du rapporteur de pays selon laquelle les personnes employées dans les zones de libre-échange, notamment les femmes, ne seraient pas autorisées à se syndiquer, M. Goonetilleke tient à citer un passage du rapport de 1994 sur les droits de l'homme publié par le Département d'Etat des Etats-Unis où il est dit que les personnes travaillant dans ces zones ont comme les autres travailleurs le droit de se syndiquer, mais que les salaires plus élevés et les meilleures conditions de travail qui y sont offertes ont pour effet de décourager les activités syndicales. Il convient d'ajouter que plusieurs grèves ont eu lieu dans ces zones et que les conflits ont été résolus par la négociation.

36. S'agissant de l'affaire "Ramupillai c. le Procureur général", il y a lieu de préciser que le litige portait sur une question de promotion et non pas sur une question de recrutement. La politique d'acte ou palliative en faveur des minorités dans l'embauche n'est donc pas remise en cause par cet arrêt de la Cour suprême, à laquelle il appartiendra, le cas échéant, de statuer sur la constitutionnalité d'une telle politique.

37. S'agissant de l'article 14 de la Convention, M. Goonetilleke reconnaît que Sri Lanka devra décider si elle doit ou non être liée par cet article.

38. Quant au processus de paix en huit points évoqué par Mme Sadiq Ali, il faut préciser qu'il a été remplacé par un processus de paix engagé par le nouveau gouvernement, qui a décrété un cessez-le-feu à compter du 8 janvier 1995 et qui a engagé des négociations avec le LTTE en vue d'instaurer un cessez-le-feu permanent et de déterminer les pouvoirs qui seraient dévolus aux provinces du Nord et de l'Est. En tout état de cause, comme l'a affirmé la Conférence de Vienne, s'il n'y a pas colonialisme et domination étrangère, autodétermination ne doit pas signifier sécession.

39. En réponse à une question de M. Song, M. Goonetilleke dit que les parties à un procès ont le droit de disposer des services d'un interprète et que l'accusé a le droit d'être jugé par un jury qui connaît ou comprend sa langue.

40. Répondant à une question de M. de Gouttes, M. Goonetilleke dit que la Commission nationale des droits de l'homme entrera en fonctions après que le Parlement aura adopté, dans le courant du premier semestre de 1995, une loi portant création de cet organe.

41. S'agissant de l'arrêt rendu par la Cour suprême à propos de la circulaire relative à l'emploi qu'a mentionné M. Chigovera, il y a lieu de noter qu'en l'occurrence cette juridiction a confirmé le droit que faisait valoir un membre d'une communauté minoritaire, conformément aux dispositions constitutionnelles relatives à l'égalité des chances.

42. Quant aux dispositions constitutionnelles concernant notamment le droit au libre choix de son travail et le droit de chacun à l'égalité devant la loi sans distinction de race ou de religion, elles ont une portée suffisante pour permettre au pays de satisfaire aux obligations découlant de l'article 5 de la Convention.

43. En ce qui concerne le droit à la santé, les citoyens de Sri Lanka bénéficient d'un service de santé public gratuit, auquel tous ont accès sans discrimination (voir par. 51 du rapport).

44. Quant à l'Ombudsman, les personnes qui estiment que leurs droits fondamentaux ont été violés par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles (voir par. 60 du rapport) peuvent, depuis 1994, lui adresser directement leurs plaintes, ce qui a permis de raccourcir la procédure. Si la personne ou l'autorité visée par une plainte ne fait pas rapport à l'Ombudsman dans un délai déterminé ou n'applique pas ses recommandations, l'Ombudsman en réfère au Président qui demande au Parlement de statuer.

45. La Commission pour l'élimination de la discrimination et la surveillance du respect des droits fondamentaux, dont les attributions sont définies au paragraphe 61 du rapport, a été créée en 1986. Les plaintes dont elle est actuellement saisie, et dont le nombre sera précisé dans le prochain rapport, portent surtout sur des questions concernant la promotion et la réintégration dans la fonction publique.

46. M. Goonetilleke précise à l'intention de M. Banton que les institutions chargées d'examiner les plaintes faisant état de violations des droits fondamentaux sont les suivantes : la Cour suprême, l'Ombudsman, la Commission pour l'élimination de la discrimination et de la surveillance du respect des droits fondamentaux, le Groupe d'action pour les droits de l'homme, la Commission officielle des langues et, dans un avenir proche, la Commission nationale des droits de l'homme.

47. En ce qui concerne la Cour suprême, l'article 126 de la Constitution dispose que cette juridiction est seule compétente pour connaître des questions relatives aux actes du pouvoir exécutif ou des autorités administratives qui portent atteinte à l'un quelconque des droits fondamentaux. Quiconque estime qu'il a été porté atteinte à ses droits fondamentaux peut saisir la Cour suprême qui statuera au vu des circonstances de l'espèce. Les modifications qu'il est proposé d'apporter à la Constitution visent à habiliter une tierce partie à saisir la Cour suprême au nom d'une personne lésée à la condition que celle-ci y consente.

48. En réponse à la question de M. Shahi relative à la répartition de la population selon la religion, M. Goonetilleke (Sri Lanka) dit que 74 % de la population appartiennent à la communauté cinghalaise; 69,3 % des membres de cette communauté sont bouddhistes. Tous les Cinghalais ne sont donc pas bouddhistes, ils peuvent appartenir à d'autres religions. De même, les Tamouls sri-lankais et indiens constituent, respectivement, 13 et 6 % de la population, mais seulement 15,5 % d'entre eux sont hindous. Les autres Tamouls appartiennent à d'autres religions.

49. Répondant à M. Ahmadu sur la politique suivie par le Sri Lanka en matière de langues, M. Goonetilleke dit que la Constitution sri-lankaise reconnaît le cinghalais et le tamoul comme langues officielles du pays alors que l'anglais est désigné comme langue de communication à la fois entre les communautés et entre le gouvernement et les particuliers. La langue d'enseignement peut être choisie parmi les deux langues officielles. L'anglais est obligatoire jusqu'au niveau du "General certificate of Education" (niveau ordinaire). Toujours en réponse à M. Ahmadu, M. Goonetilleke dit que les nominations et les promotions ne tiennent pas uniquement compte de l'origine ethnique des personnes mais sont fonction de leurs qualifications. Par ailleurs, il signale que les Musulmans ne sont pas classés selon des catégories linguistiques. A propos de la création d'institutions religieuses, il précise que les bouddhistes, hindous et musulmans souhaitent disposer de telles institutions alors qu'aucune demande n'a été faite de la part des chrétiens. Il n'existe donc pas d'institution séparée chargée de veiller aux intérêts de la communauté chrétienne. Toutefois, le gouvernement actuel a mis en place un Ministère des affaires ethniques et de l'intégration nationale sous l'égide de la Présidente ainsi qu'un Ministère des affaires culturelles et religieuses subdivisé en un département de la religion et de la culture hindoues et un département de la religion et de la culture musulmanes.

50. M. Goonetilleke dit qu'il s'est efforcé de répondre à toutes les questions posées par les membres du Comité et assure le Comité qu'il sera répondu dans le prochain rapport aux questions restées sans réponse.

51. Le PRESIDENT demande aux membres du Comité s'ils ont des commentaires à formuler sur les réponses données par la délégation sri-lankaise.

52. Mme SADIQ ALI, Rapporteur de pays pour Sri Lanka, remercie la délégation sri-lankaise du caractère exhaustif des réponses données et de l'esprit de coopération dont elle a fait preuve.

53. M. ABOUL-NASR souhaite avoir des précisions sur les compétences spécifiques des divers organes chargés des droits de l'homme au Sri Lanka et sur les liens existant entre ces divers organes. Il se demande sur quels critères doit se fonder une personne qui croit que ses droits sont violés pour choisir l'organe auquel elle doit recourir.

54. M. BANTON dit qu'il serait bon que le Gouvernement sri-lankais envisage dans son prochain rapport d'examiner article par article comment chaque organe des droits de l'homme permet au Sri Lanka de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

55. M. SHAHI dit que plus encore que la compétence des organes chargés des droits de l'homme au Sri Lanka, il importe de savoir si ces organes confèrent une protection réelle en matière de droits de l'homme et si les violations de ces droits sont sanctionnées. Il s'interroge sur la nécessité de créer une commission nationale des droits de l'homme en sus des instances existantes.

56. M. GOONETILLEKE (Sri Lanka) reconnaît que le Sri Lanka a une prolifération d'institutions spécialisées dans le domaine des droits de l'homme mais fait observer que cette prolifération se comprend fort bien dans le contexte du pays. A des périodes difficiles et bien précises de son histoire, le Sri Lanka a jugé nécessaire de créer des institutions spécifiques chargées de veiller à des situations particulières, et ce notamment en l'absence d'une commission nationale chargée des droits de l'homme. La Cour suprême est l'instance supérieure à laquelle peut s'adresser un citoyen, mais le citoyen a également la possibilité de déposer une plainte à des instances inférieures du type de l'Ombudsman. Chaque organe a une compétence spécifique. Par exemple, le Groupe d'action pour les droits de l'homme est un organe indépendant chargé de veiller sur le sort des détenus et de compléter les activités du CICR en la matière. Il est clair que si le nombre de détenus vient à diminuer, ce groupe d'étude n'aura plus de raison d'être. La Commission nationale des droits de l'homme a été créée pour servir d'organe central chargé de veiller aux principales préoccupations de la population sri-lankaise dans le domaine des droits de l'homme. M. Goonetilleke assure les membres du Comité que le prochain rapport de son pays précisera les articles de la Convention dont s'occupe chaque organe spécifique des droits de l'homme.

57. Le PRESIDENT remercie la délégation sri-lankaise du dialogue très constructif qu'elle a eu avec le Comité et dit que le Comité examinera un projet d'observations finales sur les troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de Sri Lanka (CERD/C/234/Add.1) à une séance ultérieure.

58. La délégation sri-lankaise se retire.

PROJET DE RECOMMANDATION GENERALE CONCERNANT L'ARTICLE 5 DE LA CONVENTION (proposé par M. Wolfrum) (CERD/C/46/Misc.2)

59. M. WOLFRUM donne lecture de ce projet de recommandation générale :

M. Wolfrum dit que ce projet de recommandation se fonde sur l'expérience acquise par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale lors de l'examen des rapports des Etats parties. En effet, très souvent, le Comité sort du champ spécifique de son mandat pour aborder des considérations plus générales en matière de droits de l'homme. Le projet de recommandation devrait permettre d'éviter un tel écueil. Par ailleurs, M. Wolfrum précise que les droits mentionnés à l'article 5 ne sont pas tous de même nature; certains sont des droits universels et d'autres concernent les droits du citoyen. Les Etats peuvent imposer une restriction à l'exercice de l'un de ces droits; alors le Comité a pour seule tâche d'évaluer si ces restrictions occasionnent une discrimination.

60. Abordant les grandes lignes de ce projet de recommandation, M. Wolfrum dit que le premier paragraphe indique la portée générale de l'article 5 de la Convention et fait référence aux obligations des Etats découlant de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le deuxième paragraphe contient la phrase essentielle de ce projet de recommandation à savoir que "l'article 5 de la Convention ne crée par lui-même de droits, mais suppose que les droits visés sont garantis". Le paragraphe 3 développe cette idée et précise les fonctions du Comité. Le paragraphe 4 établit la distinction entre les divers droits (droits universels, droits du citoyen). Le paragraphe 5 indique que la liste des droits figurant à l'article 5 n'est pas exhaustive. Il importe de relever que l'exercice d'un droit n'est pas toujours limité par l'autorité de l'Etat mais par d'autres autorités. Enfin, M. Wolfrum assure les membres du Comité qu'il n'a nulle intention de modifier la Convention; il tient plutôt à aider le Comité lors de l'examen des rapports des Etats parties et à indiquer aux Etats ce qu'ils sont en mesure d'attendre du Comité.

61. M. ABOUL NASR s'interroge sur l'utilité d'une recommandation générale qui s'adresse principalement aux membres du Comité. Par ailleurs, il n'est pas favorable à ce que le Comité formule un grand nombre de recommandations qui perdent de leur valeur si elles ne sont pas présentées globalement.

62. M. RECHETOV estime au contraire que l'intention qui préside à ce projet de recommandation est capitale et ne s'adresse pas exclusivement aux membres du Comité. Que se passe-t-il par exemple si les droits d'une minorité sont violés ? Comment déterminer si une mesure discriminatoire vise réellement ce groupe spécifique ? Le Comité doit se fixer des critères sur certaines questions fondamentales sans contredire les dispositions de la Convention. M. Rechetov regrette toutefois que les propos de M. Wolfrum ne se traduisent pas assez clairement dans le projet de recommandation, qui devrait contenir des éléments complémentaires plus explicites.

63. M. SHAHI se félicite de l'initiative de M. Wolfrum et estime que ce projet de recommandation peut être considéré comme une déclaration interprétative de la portée de l'article 5 de la Convention et de la fonction de contrôle exercée par le Comité.

64. Le PRESIDENT annonce que le Comité poursuivra l'examen du projet de recommandation CERD/C/46/Misc.2 à la prochaine séance.


La séance est levée à 13 heures.

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