Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.19
17 mai 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 19ème seance : Suriname. 17/05/95.
E/C.12/1995/SR.19. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Douzième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 19ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 12 mai 1995, à 10 heures.


Président : M. ALSTON


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Suriname

Le compte rendu est sujet à rectifications.


La séance est ouverte à 10 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 a) de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Suriname concernant les droits visés aux articles premier à 15 du Pacte (E/1990/5/Add.20; HRI/CORE/1/Add.39; E/C.12/1994/WP.14)

1. Sur l'invitation du Président, Mme Power-Staphorst et M. Vreedzaam (Suriname) prennent place à la table du Comité.

2. Le PRESIDENT rappelle que le Suriname a depuis longtemps ratifié le Pacte. En 1992, le Comité n'avait pas encore reçu de rapport de ce pays et lui avait donc demandé d'en établir un. Le Gouvernement surinamais avait rapidement donné suite à cette demande et adressé un rapport au Comité en 1993. En 1994, le Comité avait décidé de différer l'examen du rapport parce que le Gouvernement surinamais n'était pas alors en mesure d'envoyer un représentant à Genève. Le Comité se félicite de la présence d'une délégation de ce pays à sa douzième session.

3. M. VREEDZAAM (Suriname) dit que le Suriname regrette de n'avoir pas pu soumettre son rapport initial plus tôt, présenter des réponses écrites aux questions du Comité et envoyer un représentant à la session précédente, ce qui a été dû à la crise que connaît le pays. C'est cette même crise qui explique que la délégation surinamaise ne comprenne que deux membres.

4. Le Gouvernement surinamais espère que son rapport montre bien l'importance qu'il attache aux droits visés par le Pacte, droits qui sont tous inscrits dans la Constitution, la législation nationale ou les programmes gouvernementaux. Ce rapport ne vise pas à justifier les lacunes dans l'action que mène le Suriname pour assurer le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Il convient cependant de replacer l'exercice de ces droits dans le contexte des problèmes de développement que rencontre le Suriname depuis les années 80 par suite d'une grave crise financière et économique, et du programme d'ajustement structurel qu'il applique depuis 1993. Comme beaucoup de pays en développement, le Suriname a dû adopter des mesures macro-économiques, dont l'unification du taux de change, et l'augmentation des taxes à l'importation, ce qui a contribué à faire monter les prix et à réduire sensiblement le pouvoir d'achat de la population, et a aussi affecté le fonctionnement des services d'enseignement et de santé ainsi que des services sociaux. Le programme d'ajustement structurel comprend des mesures visant à protéger les groupes de population les plus vulnérables et des mesures de réorganisation du régime de sécurité sociale. L'une de ces mesures consistera à établir un "filet de sécurité" dans le domaine social.

5. La Constitution surinamaise est la loi fondamentale qui régit l'organisation politique, sociale et civile du peuple surinamais. Approuvée en novembre 1987 par référendum, elle a été modifiée par l'Assemblée nationale en 1992. Les premiers chapitres de la Constitution traitent du caractère démocratique de la République du Suriname et de ses objectifs économiques et sociaux. Le chapitre 5 consacre les droits fondamentaux et le chapitre 6 énonce implicitement et explicitement les droits économiques, sociaux et culturels des particuliers.

6. Le Suriname est partie à plusieurs instruments internationaux visant à promouvoir et garantir la protection des travailleurs, des familles, des femmes et des enfants, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention relative aux droits de l'enfant et, naturellement, le Pacte. Il est aussi partie à plusieurs instruments internationaux visant à garantir la protection des droits de l'homme en général, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention américaine relative aux droits de l'homme. Il reconnaît la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

7. Le paragraphe 2 de la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.14) porte notamment sur le mandat de l'Institution nationale pour les droits de l'homme. Ce mandat est le suivant : faire mieux connaître les droits fondamentaux aux membres de la société et promouvoir le respect de ces droits, étudier la législation et les procédures nationales et internationales en ce qui concerne les droits fondamentaux et faire des recommandations en vue de l'harmonisation de la législation nationale avec les normes énoncées dans les déclarations et instruments internationaux, coopérer avec les organismes spécialisés des Nations Unies, l'Organisation des Etats américains et d'autres organisations gouvernementales et non gouvernementales dans le but de renforcer l'application des règles internationales existantes en matière de droits de l'homme, fournir une assistance aux organes et personnes qui souhaitent mieux connaître la situation relative aux droits de l'homme au Suriname et examiner les plaintes pour violations des droits de l'homme. L'institution nationale pour les droits de l'homme est un organe quasi judiciaire parce qu'elle peut examiner des plaintes et y donner suite en entendant les plaignants, les défendeurs, les témoins et des experts. Après enquête, elle fait rapport au gouvernement. Quant à la Cour constitutionnelle, qui n'est pas encore mise en place, elle sera chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et des mesures législatives. Elle pourra être saisie de toute plainte formulée par un parti politique enregistré ou une organisation de défense des droits de l'homme, de plaintes éventuelles formulées par le Parlement pour non-conformité d'une loi avec la Constitution ou à des instruments internationaux et de toute plainte formulée par une partie pour non-conformité de décisions administratives avec le chapitre 5 de la Constitution.

8. Les questions posées au paragraphe 3 de la liste des points à traiter portent sur le statut du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le droit interne. Alors que, selon l'article 105 de la Constitution, les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sont directement applicables, il n'en va pas de même pour le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les particuliers ne peuvent donc pas s'adresser aux tribunaux pour exiger l'application de ce dernier instrument. Ainsi, bien que les droits énoncés dans le Pacte aient été consacrés dans la Constitution, on considère qu'il s'agit de droits dérivés que le gouvernement garantit dans toute la mesure possible dans le cadre de l'exécution de plusieurs programmes nationaux. Le fait que la Constitution reconnaît une vaste gamme de droits économiques et sociaux signifie que les particuliers et les groupes peuvent demander au gouvernement de s'acquitter des obligations que lui impose la Constitution.

9. En réponse à la question posée au paragraphe 4 de la liste des points à traiter il convient de souligner que les pouvoirs publics ont indirectement contribué à faire connaître le Pacte en préparant le référendum qui a conduit à l'adoption de la nouvelle Constitution en 1987. Ainsi, de nombreux groupes organisés, tels que syndicats, organisations sociales, groupes de femmes et partis politiques, connaissent bien ces droits et s'y réfèrent fréquemment. Dans certains domaines, en particulier celui du travail et celui des droits des femmes, le gouvernement et les ONG coopèrent pour s'acquitter conjointement des obligations découlant du Pacte.

10. En ce qui concerne la question posée au paragraphe 5 de la liste, M. Vreedzaam dit que toutes les mesures mentionnées dans le rapport initial qui visent à garantir l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit à l'éducation, à l'emploi, à la santé et à la protection sociale, s'appliquent à tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance ethnique et de leur lieu de résidence. Le gouvernement a créé un ministère spécial pour le développement régional et des programmes spéciaux de développement pour veiller à ce que tous les individus et toutes les communautés du pays, tant dans les zones côtières qu'à l'intérieur, profitent du développement.

11. Pour ce qui est des mesures et programmes adoptés par le gouvernement pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'exercice des droits visés par le Pacte (par. 6 de la liste), il y a lieu d'indiquer que le Suriname a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qu'un bureau national et une Commission interministérielle pour la femme ont été établis, qu'un conseiller spécial sur les questions féminines a été nommé au Ministère des affaires intérieures et qu'un programme national a été élaboré pour étudier les incidences du programme d'ajustement structurel sur la situation des femmes.

12. Le PRESIDENT, notant que la délégation surinamaise vient ainsi de donner des réponses aux questions posées aux paragraphes 1 à 6 (sections I et II) de la liste des points à traiter, invite les membres du Comité qui le souhaitent à demander des éclaircissements sur les thèmes qui viennent d'être abordés.

13. M. SIMMA note avec satisfaction que le Gouvernement surinamais a établi son rapport en suivant les directives formulées par le Comité. Le rapport fait notamment plusieurs fois référence à des documents présentés à d'autres organes des Nations Unies sans répéter les renseignements qui y étaient fournis, ce qui est tout à fait conforme aux directives. Il est par ailleurs très positif que le Gouvernement surinamais n'ait pas essayé de cacher les effets néfastes de la crise économique et sociale et d'autres facteurs sur l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels de la population, et ait clairement indiqué les difficultés rencontrées, notamment en ce qui concerne les groupes vulnérables. En revanche, le rapport manque parfois de données statistiques. M. Simma note par exemple avec étonnement qu'aucune donnée statistique n'est fournie sur le niveau de vie au Suriname.

14. La délégation surinamaise pourrait-elle en outre donner des éclaircissements sur l'affirmation figurant au paragraphe 68 du document de base (HRI/CORE/1/Add.39) selon laquelle une analyse des chapitres de la Constitution traitant des droits de l'homme montre que cette partie de la Constitution a la forme d'un programme. Ceci signifie-t-il qu'au Suriname les garanties en matière de droits de l'homme n'ont aucun effet direct ou seulement que les dispositions d'application directe relatives aux droits de l'homme contraignent en quelque sorte l'Etat à préciser et à concrétiser davantage les droits énoncés dans la Constitution ? Dans ce contexte, il convient de signaler que le Comité n'estime pas que les dispositions du Pacte considérées "en bloc" ne sont pas d'application directe.

15. Le Suriname a signé la Convention de Lomé, mais il n'est dans aucun passage du rapport fait mention des effets du mécanisme établi par cette Convention sur l'économie et sur l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Par ailleurs, l'accroissement démographique semble étonnamment faible au Suriname et il semblerait que ce phénomène soit dû à un fort mouvement d'émigration. La délégation surinamaise pourrait-elle donner davantage d'informations sur les effets de ce mouvement ? M. Simma aimerait aussi avoir des précisions sur la composante sociale, du programme d'ajustement structurel qui a été mis en place sur la base d'études réalisées par un bureau de consultants.

16. M. ADEKUOYE demande si, compte tenu de ses difficultés financières, le Gouvernement surinamais a demandé et obtenu par le biais de l'ONU ou du mécanisme créé par la Convention de Lomé une aide financière pour le déplacement de sa délégation à Genève.

17. L'économie surinamaise a beaucoup souffert au cours des dernières années des fortes baisses des exportations de bauxite et de la réduction de 60 % de l'aide bilatérale fournie par les Pays-Bas. Le Suriname a maintenant décidé avec le Gouvernement néerlandais de permettre au FMI d'exercer un contrôle sur son économie. Quelle est l'ampleur du contrôle que le Suriname a accepté et quelle aide a-t-il reçue du FMI au cours des dernières années ? Plus généralement, quel a été le niveau de l'assistance internationale reçue par le Suriname au cours des dernières années et comment cette assistance a-t-elle été répartie (aide multilatérale, aide bilatérale, aide de l'ONU) ? Quel est par ailleurs le montant total de la dette extérieure du Suriname ? M. Adekuoye aimerait savoir comment cette dette se ventile entre dette bilatérale (dette publique et dette commerciale) et dette multilatérale (vis-à-vis par exemple de la Banque mondiale et du FMI). Il demande aussi s'il existe dans l'économie surinamaise un marché parallèle et si certains produits font l'objet d'un commerce de contrebande.

18. M. TEXIER se félicite de ce que le rapport du Suriname ait été établi conformément aux directives du Comité. Cependant, le rapport décrit surtout le système législatif et les institutions et n'est peut-être pas assez précis sur l'application pratique de la législation et sur les difficultés rencontrées. Le dialogue entre le Comité et la délégation surinamaise devrait permettre de remédier à cette lacune.

19. Le document de base fait état d'un mouvement insurrectionnel qui a commencé en 1986 et s'est achevé avec la conclusion d'un accord de paix en 1992. Le problème est-il définitivement réglé et quelles ont été les conséquences du conflit sur le plan des droits économiques, sociaux et culturels ? Ce conflit a-t-il porté préjudice à l'économie en général et au système de protection sociale et quels effets a-t-il eus sur les mouvements d'émigration ? Ceux qui sont partis au plus fort du conflit sont-ils revenus ?

20. M. GRISSA note que la population du Suriname est très diversifiée sur le plan social, ethnique et religieux et pose en conséquence la question de savoir si les divers groupes de population vivent en bonne intelligence. En outre, selon le rapport, il y a au Suriname environ 50 000 travailleurs étrangers venus de pays voisins qui effectuent des travaux pénibles et dangereux. Dans quelle mesure les droits de ces travailleurs sont-ils respectés ? Le rapport fait aussi état d'importants mouvements d'émigration de Surinamais, vers l'Amérique du Nord et l'Europe notamment. Ces mouvements sont-ils dus au manque de travail dans le pays, à un climat social qui ne serait pas propice ou à d'autres raisons ? Enfin, M. Grissa s'étonne de la proportion très élevée de fonctionnaires de l'administration parmi la population active (plus de 25 %). Ce fait doit entraîner un lourd fardeau pour le reste de l'économie et un manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs puisque l'administration accapare ainsi une bonne part des personnes qui ont reçu une formation. Des critères particuliers sont-ils appliqués pour le recrutement des employés de l'Etat, y a-t-il discrimination dans ce domaine et, par ailleurs, dans quelle mesure y a-t-il une mobilité sociale au Suriname ?

21. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO, constatant que l'Institution nationale pour les droits de l'homme a des compétences quasi judiciaires, demande quel type de plaintes cet organe peut recevoir et si les femmes sont nombreuses à y avoir recours. Par ailleurs, elle souhaite savoir si la législation prévoit une différence de traitement pour les femmes et pour les hommes et s'il existe de nombreuses différences dans la réalité.

22. M. VREEDZAAM (Suriname) dit qu'il apportera des réponses précises aux questions des membres du Comité lors d'une séance ultérieure.

23. Le PRESIDENT invite la délégation surinamaise à répondre aux questions 7 à 15 de la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.14), relatives aux articles 6 à 9 du Pacte.

24. M. VREEDZAAM (Suriname), répondant aux questions relatives à l'article 6 du Pacte, dit que le Suriname est partie à la Convention No 122 de l'OIT sur la politique de l'emploi. Le droit au travail est par ailleurs consacré à l'article 26 de la Constitution et les éléments sur lesquels est axée la politique du Gouvernement surinamais en la matière sont énumérés au paragraphe 6 du rapport (E/1990/5/Add.20). Le gouvernement a également élaboré des programmes spéciaux destinés aux femmes au chômage. Par ailleurs, le Ministère du travail a créé un centre d'experts pour les femmes, qui offre des services consultatifs dans les domaines administratif et technique, des cours de formation et des aides diverses aux femmes désireuses de créer de petites entreprises. La Fondation pour la mobilisation et le développement de la main-d'oeuvre propose, en outre, divers programmes de formation professionnelle aux jeunes hommes et aux jeunes femmes. Le Ministère du travail a également créé récemment un fonds pour l'investissement social destiné à permettre l'accès des petits entrepreneurs individuels au crédit. Enfin, un programme destiné à examiner les conséquences de l'ajustement structurel pour les femmes devrait permettre d'identifier et de combler les lacunes que présentent les politiques de promotion de la femme.

25. S'agissant de l'article 7 du Pacte, M. Vreedzaam rappelle que le Suriname a ratifié la Convention No 14 sur le repos hebdomadaire (industrie), la Convention No 81 sur l'inspection du travail et la Convention No 106 sur le repos hebdomadaire (commerces et bureaux) de l'OIT. En outre, la Constitution, le Code du travail, la loi sur la sécurité et les conventions collectives garantissent aux citoyens le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables.

26. Passant à l'application de l'article 8 du Pacte, M. Vreedzaam rappelle que le Suriname est partie aux Conventions de l'OIT No 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et No 151 sur les relations de travail dans la fonction publique. Comme indiqué aux paragraphes 22 et 23 du rapport (E/1990/5/Add.20), les conditions à remplir pour créer un syndicat ou s'y affilier sont énoncées à l'article 30 de la Constitution et il n'existe pas de dispositions juridiques régissant la formation de syndicats par certaines catégories de travailleurs. En outre, aucune restriction n'est apportée à l'exercice du droit des travailleurs de former des syndicats et de s'y affilier et les syndicats sont libres de former des fédérations. Enfin, des mesures visant à garantir et à encourager les négociations collectives libres sont expressément prévues dans la Constitution. Par ailleurs, le droit de grève est énoncé à l'article 33 de la Constitution. En pratique, lorsqu'une grève perdure et qu'il n'est pas possible de trouver une solution, il est fait appel au Conseil national de médiation. Si une médiation n'est pas possible, l'employeur peut saisir les tribunaux qui peuvent statuer en référé. C'est ainsi qu'un tribunal a décidé récemment qu'une grève constituait une violation de la convention collective conclue entre le syndicat et l'employeur et devait par conséquent être interrompue.

27. S'agissant de la mise en oeuvre de l'article 9 du Pacte, le Suriname est partie à la Convention No 102 de l'OIT concernant la sécurité sociale (norme minimum). Par ailleurs, la part du PIB consacrée à la sécurité sociale est passée de 2 % en 1982 à 4 % en 1992. Les diverses catégories de protection sociale sont énumérées au paragraphe 33 du rapport (E/1990/5/Add.20). Les groupes qui bénéficient des programmes actuels en matière de sécurité sociale sont les groupes les plus vulnérables de la société, c'est-à-dire les femmes disposant d'un faible revenu - les chômeuses et les mères célibataires - les personnes âgées, les personnes souffrant d'un handicap et les jeunes chômeurs.

28. M. RATTRAY constate que, selon le paragraphe 27 du rapport, "les accords conclus par négociations collectives intéressent environ 50 % de la population active du pays". La délégation surinamaise a par ailleurs indiqué que les tribunaux pouvaient juger si une grève était conforme aux dispositions des accords de négociations collectives. Que se passe-t-il lorsqu'un tel accord n'existe pas ? Existe-t-il un mécanisme réglementant ou limitant le droit de grève ? Par ailleurs, M. Rattray souhaite savoir si le fait, pour un employé, de faire grève constitue une rupture de contrat d'emploi et, par conséquent, une cause éventuelle de licenciement. Enfin, il demande si des conventions collectives ont été conclues dans le secteur, très important pour le pays, de la bauxite et si des lois interdisant le droit de grève dans ce secteur ont été adoptées.

29. M. SIMMA estime que le paragraphe 10 du rapport, selon lequel la réalisation de l'objectif du plein emploi, productif et librement choisi, pose des difficultés particulières, est extrêmement laconique. En outre, selon le rapport de l'Institut néerlandais pour les droits de l'homme, qui reprend des informations d'une ONG nationale dénommée Moiwana'86, le gouvernement ne mettrait en oeuvre aucune méthode ni programme spécial pour lutter contre le chômage. Les affirmations de cette ONG sont-elles exactes ? Dans l'affirmative, le Gouvernement surinamais estime-t-il agir en conformité avec ses obligations en vertu du Pacte ?

30. S'agissant de la mise en oeuvre de l'article 7 du Pacte, M. Simma attire l'attention de la délégation surinamaise sur la question 10 de la liste des points à traiter. Les autorités surinamaises ont-elles l'intention d'adopter une législation sur le salaire minimum et d'établir un mécanisme de fixation des salaires ? Par ailleurs, M. Simma souhaite savoir si les dispositions relatives à l'âge minimum d'accès à l'emploi et les prescriptions en matière de sécurité et d'hygiène du travail sont respectées dans la pratique. Si tel n'est pas le cas, quelles mesures le gouvernement prend-il pour veiller à une meilleure application de ces dispositions ?

31. En ce qui concerne l'article 8 du Pacte, l'ONG nationale déjà citée prétend que les droits des travailleurs à former des syndicats ne seraient pas entièrement respectés dans le pays. Il semblerait également qu'il soit fait obstacle à la volonté des travailleurs de la santé de former des syndicats.

32. Enfin, s'agissant de l'article 9 du Pacte, M. Simma constate que le Suriname a ratifié les conventions les plus importantes de l'OIT en la matière et qu'il dispose d'une législation conséquente dans le domaine de la sécurité sociale. Cela étant, il souhaite savoir quel est le pourcentage de la population couvert par la sécurité sociale, et quelle est la situation de la population autochtone dans ce domaine. En outre, selon l'ONG nationale déjà citée, une partie non négligeable de la population surinamaise n'aurait d'autre recours que de souscrire des assurances maladie privées, qui s'avèrent très chères. Cette information est-elle exacte ?

33. M. THAPALIA souhaite savoir s'il existe des dispositions législatives relatives aux droits syndicaux et se demande, si tel n'est pas le cas, s'il est néanmoins possible d'exercer ces droits. Par ailleurs, selon les informations émanant d'une ONG nationale, les droits syndicaux ne seraient pas respectés dans les régions rurales. Ces informations sont-elles exactes ?

34. M. TEXIER demande à être informé de l'évolution du taux de chômage et des mesures prises par les autorités pour lutter contre le problème du chômage. En outre, il souhaiterait obtenir des informations détaillées sur le projet de planification de l'emploi soutenu par l'OIT, mentionné au paragraphe 13 du rapport.

35. En ce qui concerne l'application de l'article 8 du Pacte, M. Texier estime qu'il y a une contradiction entre les paragraphes 24 et 30 du rapport. Il souhaite savoir à cet égard si, en définitive, les membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique jouissent du droit de grève sans restriction. S'agissant de l'article 9 du Pacte, il demande des éclaircissements sur le sens du paragraphe 43 du rapport, selon lequel les employées du secteur privé couvertes par des conventions collectives bénéficient "grosso modo" des mêmes prestations de maternité que les femmes fonctionnaires et, pour les autres, "les prestations de maternité sont faibles ou inexistantes". Par ailleurs, les prestations de vieillesse dont il est fait mention au paragraphe 46 du rapport sont-elles suffisantes pour vivre dans des conditions décentes ? En outre, les paragraphes 53 et 54 du rapport font état d'une aide financière apportée aux personnes démunies et défavorisées. Selon le paragraphe 54, "le système est pour l'instant discrétionnaire mais on espère qu'un projet de loi sera promulgué en temps voulu". M. Texier souhaite savoir ce que signifie exactement le terme "discrétionnaire" et si le projet de loi mentionné est en cours d'élaboration. Enfin, selon le paragraphe 61 du rapport, le gouvernement se propose de mettre en place un système de sécurité sociale général, ce qui revient à reconnaître implicitement qu'un tel système n'existe pas. M. Texier souhaite savoir où en est ce projet et être informé de l'évolution de la situation dans ce domaine.

36. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO rappelle que le Comité d'experts de l'OIT a estimé qu'il était nécessaire d'élargir les fonctions des inspecteurs du travail. Elle souhaite savoir quelle est la situation actuelle au Suriname. S'agissant de l'article 9 du Pacte, elle demande qui bénéficie exactement du système de sécurité sociale actuel, et si les travailleurs étrangers sont couverts par ce système. Enfin, elle estime que les pensions versées en cas d'accidents du travail devraient être accordées sans restrictions aux personnes qui résident à l'étranger.

37. M. ADEKUOYE croit comprendre que d'après les chiffres fournis par une ONG, le minimum vital pour une famille de quatre adultes était en 1994 de 25 000 florins du Suriname par mois. Or les chiffres qui sont indiqués dans le rapport initial du Suriname sont très largement inférieurs à ce montant. Qu'entend faire le gouvernement pour réduire cet écart ? Par ailleurs, M. Adekuoye relève que les classes moyennes semblent très touchées par le programme d'ajustement structurel, et qu'une importante population surinamaise vit désormais à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, d'où elle expédie quantité de biens à destination du Suriname. Or la fiscalité nouvelle sur les importations frappe d'une taxe tous les colis d'une valeur supérieure à 200 florins. Une telle mesure ne risque-t-elle pas d'accentuer encore la pauvreté des communautés concernées ? Enfin, il semble que le gouvernement ait créé une commission chargée de veiller à l'indemnisation de ceux qui ont subi des préjudices matériels lors du conflit interne, mais qu'aucune somme n'ait été à ce jour versée aux victimes. Quelle en est la raison ?

38. Le PRESIDENT invite la délégation surinamaise à répondre aux questions 21 à 26 de la liste portant sur les articles 10, 11 et 12 du Pacte.

39. M. VREEDZAAM (Suriname) dit qu'en ce qui concerne l'article 10 du Pacte, le Suriname a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant de 1993 et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination àl'égard des femmes. S'agissant de la législation nationale, le Code civil contient des articles concernant, notamment, les mesures de soutien aux familles et les soins et l'éducation des enfants à charge. L'article 35.6 de la Constitution garantit le droit des femmes occupant un emploi rémunéré à un congé de maternité. La loi de 1973 (qui a été modifiée et améliorée en 1990) porte à 12 semaines la durée de ce congé pour les femmes fonctionnaires. En vertu des conventions collectives, la majorité des femmes travaillant dans le secteur privé bénéficient d'un congé de maternité de 8 à 12 semaines. Le Ministère du travail a créé dernièrement un comité consultatif chargé de faire des recommandations tendant à élargir le bénéfice du congé de maternité à toutes les femmes occupant un emploi rémunéré.

40. Quant à la violence à l'égard des femmes, ce sujet suscitait très peu d'intérêt auprès du public avant 1985. Une première étude a été publiée sur cette question en 1993 et plusieurs ONG surinamaises donnent désormais des conseils aux femmes, gèrent l'accueil des femmes en situation de crise et fournissent des services de formation et d'information. Le Ministère de la justice et de la police a pris dernièrement des mesures en vue de dresser un inventaire des lois en vigueur dans ce domaine et d'encourager l'élaboration de dispositions juridiques efficaces.

41. S'agissant des mesures de protection des enfants en matière d'emploi, le travail des enfants âgés de moins de 14 ans est interdit par la législation du travail depuis 1963. L'emploi des femmes et des jeunes de moins de 18 ans à des travaux dangereux ou nocturnes est lui aussi interdit. Des inspecteurs du travail veillent à la bonne application de ces dispositions de la loi par les employeurs du secteur formel. L'emploi des enfants est beaucoup plus important dans le secteur informel, notamment dans les zones rurales, et ce problème prend de l'ampleur du fait de la crise économique et sociale qui frappe le pays. Cependant, on ne dispose pas encore de données sur ce point.

42. En ce qui concerne l'article 11 du Pacte, le seuil de pauvreté a été évalué en 1989 à 800 florins par mois. Selon une enquête officielle, 25 % des ménages touchaient un revenu mensuel inférieur à 420 florins, 39 % d'entre eux un revenu inférieur à 725 florins et 53 % un revenu inférieur à 1 000 florins. Il s'est avéré en outre que 55 % des ménages dont le revenu était inférieur à 725 florins avaient à leur tête des femmes. Parmi les mesures prises par l'Etat pour atténuer les difficultés économiques des couches les plus pauvres de la population du pays, M. Vreedzaam mentionne la mise en place du système de sécurité sociale et l'application de programmes de formation professionnelle et de soutien aux petites entreprises.

43. Quant au droit à une alimentation suffisante, le gouvernement s'efforce d'atténuer les pénuries par un système de cartes d'alimentation, par un programme d'alimentation pour les enfants des crèches ainsi que des écoles primaires et secondaires, par des mesures destinées à stimuler la production agricole, par un soutien aux petites exploitations grâce à un projet du FIDA et par une campagne d'information sur l'alimentation et la nutrition.

44. Pour ce qui est du droit au logement, le nombre de personnes ne disposant pas d'un logement convenable, qui se chiffrait en 1989 à 15 000, est passé à 20 000 en 1994 sous l'effet, notamment, de la migration rurale. Pour tenter de remédier à cette crise, le gouvernement exécute des programmes d'aide à l'accès au logement, des projets de logements sociaux, des projets d'autoconstruction et des projets d'accès à la propriété.

45. En ce qui concerne l'application de l'article 12 du Pacte, M. Vreedzaam fait observer qu'avant la crise économique, 80 % de la population surinamaise avaient accès à des soins de santé minimum dispensés par un personnel médical qualifié, dans le cadre du Programme national d'assurance maladie (à l'intention des fonctionnaires) et au Plan social de soins médicaux du Ministère des affaires sociales. En outre, des soins de santé primaires étaient fournis par les services régionaux de santé publique et par la Mission médicale de l'Eglise moravienne. Par ailleurs, le Ministère de la santé appliquait un programme spécial de soins de santé maternelle et infantile et le dépistage du cancer du col de l'utérus était assuré par le Ministère de la santé, la Mission médicale et l'Association de planning familial. Toutefois, du fait de la crise économique, la part du PNB consacrée aux dépenses de santé est passée de 7,3 % en 1985 à 4,1 % en 1992. Pour assurer un accès suffisant aux soins de santé primaires, le gouvernement tente de renforcer les services de prévention en appuyant les programmes de vaccination, de soins de santé maternelle et infantile, de promotion de l'allaitement maternel, d'amélioration de la nutrition de l'enfant et de planification familiale, en accordant la priorité aux programmes en faveur des pauvres. Il améliore la formation des agents de santé et encourage les ONG à participer activement aux activités menées dans le domaine de la santé aux niveaux local et national. Dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour informer et éduquer la population en matière d'hygiène et de santé, plusieurs organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux, tels que le Groupe de l'éducation en matière de santé du Bureau de la santé publique et le Programme national de lutte contre le sida, mènent des campagnes de promotion de la santé, notamment des campagnes antitabac, des campagnes de lutte contre l'alcoolisme et des campagnes de vaccination. Des émissions télévisées sur les origines de différentes maladies, leur prévention et leur traitement, sont diffusées chaque semaine et la presse écrite informe sur les programmes de vaccination et de prévention de maladie comme le paludisme, le choléra et la dengue.

46. Mme AHODIKPE demande à la délégation surinamaise d'indiquer comment l'Etat essaie d'endiguer concrètement la violence à l'encontre des femmes. En effet, il semble que les chambres offertes par la Fondation pour les femmes en situation de crise de la capitale soient occupées en permanence et que l'Etat refuse d'aider cette fondation. D'autre part, le conflit armé a poussé des familles à fuir l'intérieur du pays pour s'installer dans la capitale. Cet exode signifie, pour les enfants, de mauvaises conditions de logement, la malnutrition, des résultats scolaires médiocres et la délinquance. Qu'en est-il du sort des enfants livrés à eux-mêmes dans les rues et exposés aux risques d'exploitation à des fins économiques ou pornographiques ?

47. Mme TAYA aimerait être fixée sur l'utilisation des prêts de la Banque mondiale, du FMI ou de pays tiers, car elle craint que la majeure partie de ces fonds ne soit consacrée à l'achat de matériel militaire ou au financement de l'industrie d'exportation. Or, selon une étude concernant le Suriname, la population du pays est employée en majorité dans l'agriculture. Si le pays dépense l'essentiel des prêts qui lui sont accordés dans des domaines dont ne bénéficie pas la majorité de sa population, comment peut-il espérer consolider son économie ? Les dépenses militaires ne sont pas productives et le financement de l'industrie d'exportation ne profite qu'à une très faible minorité. Par ailleurs, le cours des matières premières à l'exportation, notamment de la bauxite, est en baisse et, en privilégiant ce secteur, le pays rend son économie tributaire du marché international. Si ces hypothèses ne sont pas fondées, comment expliquer que la pauvreté s'accentue en dépit des prêts et subventions qui sont accordés depuis des années ?

48. Il semblerait aussi que la moitié de la population active soit employée dans la fonction publique. Cette proportion est manifestement excessive et une compression des effectifs de ce secteur s'impose. Cela étant, l'acceptation des conditions d'octroi de prêts à l'ajustement structurel a probablement des effets préjudiciables sur la majeure partie de la population, par le biais d'une réduction des dépenses d'éducation ou de santé. Que pense le Gouvernement surinamais de ces conditions ? Enfin, Mme Taya demande des précisions au sujet des activités économiques occultes.

49. M. TEXIER, se reportant à l'article 10 du Pacte, relève qu'au Suriname la notion de famille est assez large puisqu'elle recouvre les notions de familles nucléaire, nourricière, adoptive et élargie. En conséquence, quels types de famille la loi reconnaît-elle et existe-t-il, au niveau juridique, une différence de traitement entre ces différents types ? M. Texier constate en outre, d'après le paragraphe 69 du rapport (E/1990/5/Add.20) que le mariage des citoyens surinamais d'origine asiatique fait l'objet d'une loi spéciale : n'existe-t-il pas, en matière matrimoniale et familiale, une législation unifiée pour l'ensemble du territoire et de la population ? S'agissant du congé de maternité, le Suriname reconnaît avec franchise, dans son rapport, que toutes les femmes n'en bénéficient pas et que le personnel de maison, notamment, en est privé. Est-il envisagé de généraliser dans un proche avenir le régime du congé de maternité ?

50. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 11 du Pacte, M. Texier relève qu'"un système de carte de rationnement a été créé pour permettre à la population de se procurer des produits alimentaires de base" (par. 85). Ce système est-il toujours en vigueur et comment fonctionne-t-il ? S'agissant du droit à un logement suffisant, les données fournies par le Suriname dans son rapport semblent très anciennes. Ainsi, les chiffres du tableau concernant la qualité du logement (par. 90) se rapportent à l'année 1980. De façon générale, le rapport ne donne pas suffisamment d'éléments sur ce point, notamment sur les mesures prises pour améliorer la situation du logement au Suriname.

51. Quant à l'application de l'article 12 du Pacte, il est dit au paragraphe 110 du rapport que "le meilleur moyen d'aider [les groupes de réfugiés de l'intérieur] est de créer des conditions propres à leur permettre de retourner dans leur village d'origine". Qu'est-il fait pour permettre ce retour et est-il envisagé de prendre des mesures pour soutenir l'économie des régions de l'intérieur, qui semble être largement défavorisée par rapport à celles de la côte ?

52. Mme DANDAN, se référant à un document cité précédemment par M. Simma, à savoir le rapport annuel d'une ONG ayant son siège à Utrecht (Pays-Bas), Moiwana'86 intitulé Human Rights in Suriname - 1992-1994, dit que les problèmes que connaît actuellement le Suriname ont essentiellement pour origine la récession économique ainsi que l'insurrection qui a éclaté quelques années plus tôt, et qui a provoqué un conflit interne. D'après ce même document, le logement social est dans un état déplorable et des enfants meurent de sous-alimentation ou de malnutrition. Cette situation aurait atteint une gravité telle que, lors d'un débat à l'Assemblée nationale, on aurait réclamé la démission du Ministre de la santé publique. Qu'en est-il actuellement et que fait le gouvernement pour remédier à cet état de choses ? Il est dit aussi, dans ce rapport, que les enfants sont répartis en différents groupes selon le statut marital de leurs parents. Une telle pratique équivaut à une forme inacceptable de discrimination. Qu'en est-il exactement ? Enfin, il ressort de ce rapport que, comme conséquence de la récession économique et de l'insurrection, de plus en plus de femmes sont chefs de famille. Existe-t-il une législation spéciale protégeant ces femmes ? Il semblerait aussi que le nombre de grossesses précoces soit en augmentation et que la prostitution s'aggrave, notamment à la suite de la découverte d'or dans l'intérieur du pays. Quelles mesures le gouvernement prévoit-il de prendre à cet égard ?

53. M. GRISSA dit qu'il aimerait avoir des explications au sujet du tableau présenté au paragraphe 80 du rapport (seuil de pauvreté par ménage comprenant des adultes et des enfants) d'où il semble ressortir qu'au Suriname les familles comprennent plus d'adultes que d'enfants. Il ne voit pas trop non plus très bien l'intérêt qu'il y a à présenter, au paragraphe 83, un tableau sur les cas de malnutrition "enregistrés" dans les hôpitaux alors qu'il est précisé dans une note de bas de page que comme beaucoup d'enfants souffrant de malnutrition ne vont pas à l'hôpital, "le nombre réel de cas est sans doute plus élevé". Un peu plus loin, au paragraphe 87, il est dit que 15 000 personnes environ ne disposaient pas d'un logement suffisant et étaient inscrites à ce titre au Ministère des affaires sociales et du logement, mais il est ajouté, au paragraphe 88, que comme les sans-abri ne sont pas "enregistrés" il n'y a pas de renseignements chiffrés à leur sujet. Faut-il en déduire que ces personnes doivent se faire enregistrer pour que l'on considère qu'elles n'ont pas un logement suffisant ?

54. En ce qui concerne la qualité du logement, il ressort du paragraphe 89 qu'un peu plus de 55 % des logements n'ont pas l'eau courante. Comment se fait-il qu'un pays tropical comme le Suriname, où il y a des maladies hydriques, ne puisse pas faire mieux ? Certains pays dans une situation économique pourtant moins confortable font plus pour assurer à leur population un approvisionnement en eau salubre et en électricité. Le problème tient peut-être au fait que certains groupes de population vivent dans des régions reculées de l'intérieur où de tels aménagements seraient trop coûteux, mais dans la mesure où le pays compte une population urbaine importante on comprend quand même mal pourquoi tant de logements sont sans eau.

55. M. SIMMA dit qu'il partage les préoccupations de Mme Dandan concernant l'application de l'article 10 (protection de la famille). La classification des enfants en fonction de la situation maritale des parents, à laquelle il a été fait référence dans le rapport de l'ONG, lui paraît particulièrement perturbante.

56. En ce qui concerne le droit au logement, le rapport contient une longue liste de dispositions de lois, mais il reste très laconique quant aux mesures prises par le gouvernement pour encourager la création de centres urbains de petite et moyenne importance ou entreprendre des programmes de rénovation urbaine. Même si on peut penser que cette carence des autorités est due en partie au fait que les ONG ne sont pas associées à ces activités, une contradiction demeure entre l'action législative et l'action administrative. Par ailleurs, y a-t-il eu des cas d'expulsion forcée ? S'il existe des dispositions de loi à ce sujet, en quoi consistent-elles ? Quel a, enfin, été l'impact concret des mesures décrites par la délégation surinamaise pour améliorer la situation des personnes déplacées à l'intérieur du pays en raison du conflit armé ?

57. Dans le domaine de la santé, la situation générale s'est-elle dégradée sous le seul effet de la crise économique, comme l'a dit la délégation surinamaise, ou bien le programme d'ajustement structurel est-il également en cause ? Les statistiques fournies concernant l'accès de la population aux équipements sanitaires ne sont malheureusement pas ventilées par zone urbaine/rurale, mais on peut penser qu'à l'intérieur du pays les chiffres sont inférieurs à ceux du rapport. Rien n'a été dit non plus du problème du SIDA. Quelle est l'incidence de la maladie et existe-t-il un programme national de lutte contre le SIDA ?

58. Sur le plan de la prévention, M. Simma relève dans le rapport de l'ONG que le Suriname avait auparavant une couverture vaccinale d'environ 90 % grâce à l'aide de l'Organisation panaméricaine de la santé. Mais il est dit que comme le gouvernement n'a pas payé sa contribution à cette organisation, les vaccins manquent et l'incidence des maladies infectieuses augmente. M. Simma aimerait savoir quelles sommes doit le Gouvernement surinamais à l'Organisation panaméricaine de la santé. Est-il raisonnable de faire ce genre d'économies ? Il serait utile enfin d'avoir des informations sur la multiplication du nombre des personnes souffrant de troubles mentaux et sur l'incidence croissante du paludisme, mentionnées toutes deux dans le rapport de l'ONG.

59. M. AHMED dit qu'il tient à faire des observations de nature générale, mais qui sont liées à la plupart des questions posées à l'occasion de la présentation du rapport du Suriname. En effet, l'accord signé en 1992 entre le gouvernement et plusieurs groupes armés dont il est fait état aux paragraphes 37 et 38 du document de base (HRI/CORE/1/Add. 39) et qui a mis fin à un conflit remontant à 1985, était fondé sur un programme en 14 points prévoyant le développement socio-économique des populations de l'intérieur du pays. M. Ahmed demande quelle est la situation aujourd'hui dans l'intérieur du pays, s'il y a encore des affrontements et des groupes armés, comment les différents volets de ce programme ont été mis en oeuvre, où en est le processus de reconstruction et de développement, s'il y a eu normalisation de la situation et ce qu'il en est de l'exercice des droits fonciers. On est certainement fondé à se poser toutes ces questions quand on lit dans le rapport que près de 56 % des logements sont toujours sans eau.

60. Le PRESIDENT invite la délégation surinamaise à répondre aux questions posées aux paragraphes 27 à 30 de la liste des points à traiter.

61. M. VREEDZAAM (Suriname) dit qu'en 1980, le taux global d'alphabétisation était de 90,8 % (90 % pour les hommes et 89,5 % pour les femmes). La campagne nationale d'alphabétisation lancée en 1984 n'a malheureusement pas donné les résultats attendus : sur les 8 000 personnes (venant surtout de Paramaribo) qui avaient exprimé leur intérêt entre 1980 et 1988 pour le programme d'alphabétisation, 4 000 seulement ont suivi les cours offerts. Entre 1980 et 1982, 400 personnes ont suivi les cours d'alphabétisation jusqu'à leur terme, le chiffre passant à 350 pour la période 1982-1985 et à 250 pour la période 1985-1988. Entre 1988 et 1991, 1 500 personnes ont participé au programme d'éducation pour les adultes. Parmi elles, 250 ont obtenu un certificat d'alphabétisation et une centaine d'autres un certificat d'instruction élémentaire. Les autorités s'attachent à poursuivre et à développer le programme.

62. Pour lutter contre le problème de l'abandon scolaire (qui a concerné en 1991-1992 10 % des élèves du primaire et 27 % des élèves du secondaire) le gouvernement a pris des mesures visant à améliorer les normes de qualité, mettre en place un système d'enseignement professionnel élémentaire, prévoir un programme spécial pour les élèves qui abandonnent l'enseignement secondaire durant les premières années du cycle et fournir aux élèves qui abandonnent l'école à tous les niveaux des facilités de formation.

63. Pour assurer l'enseignement dans les régions de l'intérieur, le gouvernement s'emploie à construire des écoles, en collaboration avec la population locale, et à améliorer les conditions de vie, la rémunération et les qualifications des enseignants. Un projet pilote a été entrepris pour intégrer l'enseignement dans la vie économique et on s'efforce d'adapter les programmes, de créer des bibliothèques scolaires et d'améliorer les communications entre la capitale et l'intérieur.

64. La formation des maîtres du primaire dure cinq ans. Elle comprend un enseignement de nature générale complété par une formation spécifique (pédagogie de l'enfant, psychologie éducative, activités de conseil, etc.). Les personnes qui suivent cette formation jusqu'à son terme peuvent enseigner dans les écoles primaires. Il est également prévu des cours du soir pour la formation des maîtres. Afin de former les professeurs du secondaire, il existe une filière pour l'enseignement technique et une autre filière pour les disciplines générales.

65. Pour promouvoir enfin le droit de participer à la vie culturelle, le gouvernement s'attache à associer les communautés et les groupes à la vie culturelle et à préserver le patrimoine artistique et culturel du pays. Les programmes culturels du Ministère de l'éducation sont ouverts à tous les groupes de la société et non pas spécifiquement aux groupes ethniques, aux minorités ou aux populations autochtones. Bien entendu, tous les groupes ethniques participent aux activités culturelles menées sur le plan national et international.

66. En conclusion, la délégation surinamaise espère que les informations présentées dans le rapport initial et dans ses réponses aux questions du Comité seront jugées satisfaisantes et elle se tient prête à fournir toute autre information demandée. Si le Comité le souhaite, il pourra lui être communiqué le texte écrit des réponses aux questions posées d'ici quelques semaines.

67. Le PRESIDENT dit que le Comité apprécie les informations qui lui ont été fournies. Toutefois, si le texte écrit des réponses du Gouvernement surinamais lui est fourni dans un mois, le Comité aura déjà adopté ses observations finales sur le rapport, dont l'examen a d'ailleurs été suffisamment retardé. Le Président tient néanmoins à remercier la délégation surinamaise d'avoir fait cette suggestion.

68. Mme DANDAN pense que le rapport ne donne pas assez d'informations sur ce qui est fait pour promouvoir le droit à l'éducation dans l'intérieur du pays et en particulier dans les camps de réfugiés. Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Suriname, l'ONG Moiwana'86 mentionne un taux d'abandon scolaire très élevé puisque 40 % des élèves appartenant à des groupes sociaux défavorisés ne finiraient pas le cycle primaire et que 40 % ne passeraient pas au deuxième niveau à la fin de la première année de scolarité. Il est dit dans le même rapport que le taux d'analphabétisme serait de 70 % dans les régions de l'intérieur où vivent des descendants des esclaves marrons et des Amérindiens. Il semble donc y avoir une contradiction entre ces informations et celles communiquées par le délégation surinamaise. Mme Dandan se demande si le problème de l'abandon scolaire ne tient pas en partie au fait que l'enseignement est dispensé en néerlandais alors que beaucoup d'enfants s'expriment dans les langues locales. Parmi d'autres facteurs à l'origine du problème on peut penser aux méthodes pédagogiques et au manque de manuels scolaires.

69. Ce problème de l'abandon scolaire et du manque de qualifications paraît particulièrement préoccupant quand on sait que le chômage est important parmi les Surinamais de 18 à 30 ans. Que font donc concrètement les autorités surinamaises pour remédier à ce manque de qualifications ? Prévoient-elles des possibilités de formation professionnelle ou d'enseignement correctif ? Mme Dandan souhaiterait que la délégation surinamaise réponde de façon précise et détaillée à ses questions.

70. S'agissant de l'application de l'article 15, Mme Dandan se demande pour quelle raison le gouvernement ne fait rien de particulier pour promouvoir la participation à la vie culturelle des groupes ethniques, des minorités et des populations autochtones. Elle aimerait savoir, notamment, comment les Amérindiens et les descendants des esclaves marrons sont intégrés à la vie culturelle nationale.

71. M. SIMMA dit que Mme Dandan a déjà exprimé pour l'essentiel ses propres préoccupations au sujet de l'exercice du droit à l'éducation au Suriname. En ce qui concerne le taux d'abandon scolaire, la contradiction entre les chiffres fournis par le gouvernement et ceux communiqués par l'ONG ne tiendrait-elle pas à la définition officielle de l'abandon scolaire ? Les chiffres avancés pour le taux d'alphabétisation sont tout aussi contradictoires, puisque selon les autorités ce taux serait de 90 % et que pour la même ONG il ne dépasserait pas 20 à 30 %. En ce qui concerne le droit de participer à la vie culturelle, il est dit dans le rapport de la même ONG que même si l'une des langues amérindiennes a été acceptée comme langue officielle, dans certaines zones de l'intérieur et en particulier autour de Paramaribo, les langues autochtones sont en voie de disparition. Quelle est l'attitude des autorités face à ce problème ? Se préoccupent-elles de préserver ce qu'elles considéreraient comme un patrimoine linguistique ?

72. M. CEAUSU aimerait avoir davantage d'informations sur le système d'enseignement. Le rapport dit en effet que l'enseignement est dispensé en néerlandais, mais les enfants apprennent-ils à lire et à écrire également dans leur langue maternelle ? Existe-t-il des livres, des journaux ou d'autres publications dans les langues vernaculaires ?

73. M. TEXIER souhaiterait pour sa part qu'on précise, en rapport avec l'article 14 du Pacte, si le caractère obligatoire et gratuit de l'enseignement vaut pour toute la population. Tous les enfants de 6 à 12 ans sont-ils scolarisés dans le primaire ? Si tel n'est pas le cas, que font les autorités pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article 14 du Pacte ?


La séance est levée à 13 heures.

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