Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.235
27 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la premiere partie de la 235ème seance : United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland. 27/11/95.
CAT/C/SR.235. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT
COMITE CONTRE LA TORTURE

Quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIERE PARTIE (PUBLIQUE)*
DE LA 235ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 17 novembre 1995, à 15 heures.

Président : M. DIPANDA MOUELLE

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties en application de l'article 19 de la Convention
(suite)




* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.235/Add.1.



La séance publique est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite) (point 4 de l'ordre du jour)

Deuxième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et des territoires dépendants (suite) (CAT/C/25/Add.6)

1. Le PRESIDENT invite la délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à répondre aux questions posées à la séance du matin par les membres du Comité.

2. M. MORRIS (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) signale que le Gouvernement britannique, après avoir attentivement réexaminé la question, a décidé de ne pas reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées au titre de l'article 22 par des particuliers relevant de sa juridiction car au Royaume-Uni de nombreux moyens de faire valoir leurs droits s'offrent déjà, tant sur le plan interne qu'européen, aux individus s'affirmant victimes de tortures ou d'autres traitements inhumains. Le Royaume-Uni est notamment déjà partie à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans le cadre de laquelle un comité indépendant est pleinement habilité à visiter les lieux d'incarcération et y interroger des détenus afin de s'assurer qu'aucun acte de torture ou traitement inhumain n'y est commis.

3. Pour ce qui est de savoir si la peine d'emprisonnement à vie est prévue par l'article 134 de la loi de 1985 sur la justice pénale ne risque pas, vu son extrême sévérité, de dissuader les poursuites, il convient de souligner qu'il s'agit d'une question de proportionnalité et que le Gouvernement britannique est d'avis que la torture est un crime si abominable qu'elle doit être sanctionnée par la plus sévère des peines prévues par la loi. Dans la pratique, l'acte de torture est commis en conjonction avec des infractions passibles de la peine maximale et il serait donc illogique de prescrire une peine moindre pour faits de torture.

4. Des membres du Comité se sont inquiétés de l'extension à l'Angleterre et au pays de Galles des dispositions déjà en application en Irlande du Nord de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public permettant aux tribunaux de présumer la culpabilité d'un accusé par déduction, si celui-ci garde le silence lors des interrogatoires de police et pendant le procès. Cette possibilité est envisagée dans certaines conditions très restreintes et des mesures de sauvegarde ont été mises en place : le suspect, ou le défendeur, n'est pas obligé de dire quoi que ce soit si tel est son choix; la présomption d'innocence demeure; l'accusation reste tenue d'établir la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable; aucune condamnation n'est possible en raison du seul refus du défendeur de parler mais la police doit notifier au suspect interrogé ou à l'accusé les conséquences possibles de son silence.

5. S'agissant de l'attitude du système de justice pénale du Royaume-Uni à l'égard des minorités ethniques, la loi britannique interdit toute discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique ou tout autre motif indu. Cette disposition s'applique à la manière dont le système de justice pénale doit traiter les justiciables. Tout acte de discrimination raciale par des policiers ou des gardiens de prison est passible de sanctions disciplinaires. Le gouvernement s'est de plus attaché à mettre en place un système global destiné à surveiller le traitement réservé aux groupes ethniques par le système de justice pénale - les opérations d'interpellation et de fouille font l'objet d'une surveillance depuis avril 1994 et le système sera élargi aux opérations d'arrestation et de notification des droits d'ici avril 1996. En vertu de l'article 95 de la loi de 1991 sur la justice pénale, le Home Secretary est tenu de publier annuellement des renseignements visant à faciliter l'accomplissement de leurs fonctions par les personnes s'occupant de l'administration de la justice pénale, et ce dans le souci d'éviter toute discrimination contre quiconque basée sur la race, le sexe ou tout autre motif indu. Une étude récente, consacrée au traitement des minorités ethniques par les tribunaux de la Couronne de la région des West Midlands, a fait apparaître non pas une discrimination généralisée mais certaines disparités; ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, la probabilité pour un Noir auteur d'une infraction d'être envoyé en prison est de 5 à 8 % supérieure à celle d'un Blanc, cette probabilité étant en revanche inférieure de 4 % à celle d'un Blanc pour un Asiatique. Le pourcentage de Noirs emprisonnés est supérieur à celui des Blancs mais l'écart est largement imputable à des facteurs comme la catégorie d'infraction et le type de défense choisi. Le Comité d'études judiciaires, chargé de former tous ceux qui sont appelés à exercer des fonctions judiciaires, s'est doté d'un Conseil consultatif sur les minorités ethniques dont la tâche centrale est de dispenser une formation touchant les questions liées aux minorités ethniques. Le personnel des établissements pénitentiaires reçoit également une formation concernant les questions d'ordre racial et dans le Code disciplinaire du personnel des prisons figure à présent l'infraction de discrimination raciale.

6. Par ailleurs, certains membres du Comité se sont dits préoccupés par les renseignements reçus de certaines ONG indiquant que les autorités publiques ne s'attacheraient pas avec suffisamment de zèle à poursuivre les employés du système de justice pénale ayant manqué à leurs obligations et que les membres des forces de police ou d'autres services feraient trop peu souvent l'objet de poursuites pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. En vertu du chapitre IX de la loi de 1984 relative à la police et aux enquêtes pénales, toute personne a le droit de porter plainte officiellement si elle estime avoir fait l'objet d'un traitement injuste ou inapproprié en quoi que ce soit par des membres des forces de police. Un organisme indépendant est chargé d'enquêter et de statuer sur ces plaintes. Le nombre de plaintes se révélant justifiées après enquête demeure très faible, avec 10 % en 1993 et 11 % en 1994/95. Les membres de la police doivent respecter un code disciplinaire très strict et peuvent être démis de leurs fonctions s'ils se rendent coupables d'une grave infraction disciplinaire. En 1994, 390 policiers ont été reconnus coupables d'infractions disciplinaires, dont 27 ont été révoqués et 67 ont démissionné.

7. Un membre du Comité a demandé quels types de châtiments corporels étaient encore administrés dans les écoles indépendantes. L'article 47 de la loi de 1990 relative à l'éducation (No 2), amendée par la loi de 1993, stipule que les châtiments corporels ne doivent être ni inhumains ni dégradants; ces dispositions sont conformes à la Convention sur les droits de l'enfant. Dans la pratique, très peu d'écoles indépendantes appliquent encore ce type de châtiment.

8. Les membres du Comité ont posé un grand nombre de questions sur le fonctionnement du Service de l'immigration. Sur un plan général, le Royaume-Uni honore pleinement les obligations lui incombant au titre de la Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés et ne renvoie ni n'expulse aucun réfugié vers un pays où sa vie ou sa liberté risqueraient d'être menacées en raison d'une des raisons prévues par ladite Convention. Le Gouvernement britannique collabore étroitement avec le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés en vue d'obtenir des renseignements à jour sur les conditions régnant dans les pays d'origine. Les renseignements communiqués sont examinés attentivement afin de déterminer la situation en ce qui concerne la sécurité et certains autres aspects dans les pays tiers. Le critère dominant appliqué par le Royaume-Uni pour déterminer si un pays tiers est sûr est le fait d'être signataire de la Convention de 1951 et d'en observer les dispositions, notamment l'article 33 concernant les menaces sur la vie ou la liberté des personnes. De plus, le Royaume-Uni ne procède pas nécessairement à l'expulsion vers un pays tiers d'un individu lorsque certains liens familiaux préexistants très forts le rattachent au Royaume-Uni ou pour d'autres circonstances exceptionnelles. Le Royaume-Uni estime donc que ses dispositions en matière d'immigration excluent le renvoi vers un autre pays de quiconque risquerait d'y être soumis à la torture. Cela étant, il faut bien avoir conscience que demandeur d'asile et réfugié ne sont pas synonymes; le Royaume-Uni a constaté que la plupart des demandeurs d'asile ne réunissaient pas les conditions requises pour être admis au statut de réfugié; ainsi en 1994 80 % des demandes d'asile ont été rejetées et 4 % seulement approuvées, les cas restants faisant l'objet d'autorisations exceptionnelles. En cas de rejet de la demande, les décisions sont le plus souvent confirmées en appel.

9. A propos du cas de M. Karamjit Singh Chahal, des inquiétudes ont été exprimées au sujet de la durée de la détention de l'intéressé et de la procédure dont il a fait l'objet. La décision d'expulser M. Chahal a été prise en raison de son implication dans des actes de terrorisme au Royaume-Uni et à l'étranger. Le cas de M. Chahal a été examiné par un groupe indépendant de conseillers dans le cadre d'une procédure que les tribunaux britanniques ont jugée équitable. Le Gouvernement britannique est conscient de ses obligations à l'égard des véritables réfugiés mais a estimé en l'espèce que la demande d'asile de M. Chahal n'établissait pas qu'il risquait d'être persécuté en Inde. Le Gouvernement britannique a saisi la Commission européenne des droits de l'homme de cette affaire et s'est engagé à ne prendre aucune mesure en vue de l'expulsion de M. Chahal avant décision de la Cour européenne des droits de l'homme.

10. Un certain nombre de membres du Comité se sont inquiétés de savoir que le Service de l'immigration avait la faculté de placer des personnes en détention. Toutefois, la détention n'est autorisée que lorsque aucune autre option ne semble s'offrir, mais 1,5 % seulement des demandeurs d'asile sont concernés. Les personnes frappées d'une telle mesure sont détenues dans un nombre restreint d'établissements pénitentiaires - cinq - ce qui permet au personnel pénitentiaire de se familiariser avec le traitement de cette catégorie de détenus et de faciliter l'accès des représentants légaux. De plus, elles sont incarcérées à l'écart des personnes condamnées ou en détention provisoire. Des garanties à leur intention ont du reste été introduites : elles sont toutes informées des raisons de leur placement en détention oralement, par l'intermédiaire d'un interprète si nécessaire; tous les dossiers font l'objet d'un examen régulier à un niveau hiérarchique toujours plus élevé; elles reçoivent toutes notifications mensuellement de l'état d'avancement de leur dossier; toutes celles dont la demande d'asile a été rejetée ont le droit de faire appel; elles ont toutes accès à des conseils juridiques gratuits; un comité indépendant de visiteurs a été mis en place dans les centres où la détention est supérieure à quelques jours, avec pour mission de s'assurer du bien-être des détenus et de recueillir d'éventuelles plaintes; et les plaintes déposées contre le Service de l'immigration sont examinées par une unité qui n'a pas été mêlée jusque-là à l'affaire visée. Ces garanties ont en outre été renforcées par la nomination, en janvier 1995, d'un comité indépendant chargé d'examen les plaintes afin d'accroître la confiance du public dans le système d'enquête sur les plaintes; ce comité a pour mission de s'assurer de l'efficacité de la procédure d'enquête sur les plaintes, d'appeler l'attention sur toute carence et d'établir un rapport annuel, mais il n'est pas compétent pour examiner des plaintes individuelles.

11. Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés du recours à la force par le Service de l'immigration et référence a été faite au cas de Mme Joy Gardner. Le Gouvernement britannique regrette vivement le décès de Mme Gardner et s'est employé à tirer tous les enseignements possibles de cette tragédie. Un réexamen de la procédure de collaboration entre la police et le Service de l'immigration dans les affaires de reconduite de personnes sous contrôle du Service de l'immigration a été engagé. Les trois policiers impliqués dans la tentative de reconduite de Mme Gardner ont été inculpés pour homicide mais ont été acquittés au terme d'un procès public. Le Home Office a néanmoins accepté certaines des recommandations formulées dans le cadre du réexamen, notamment l'interdiction du recours à un bâillon pour empêcher un individu de mordre, de cracher ou de crier. Une circulaire a été diffusée auprès de tous les services de police du Royaume-Uni pour appeler l'attention des responsables sur les recommandations formulées suite au réexamen des procédures de reconduite par le Service de l'immigration et sur les directives générales concernant la conduite des enquêtes relatives aux affaires d'immigration. La circulaire et les directives sont à présent du domaine public et sont à la disposition de toute personne intéressée, la principale disposition en étant l'interdiction du recours à un bâillon et la nécessité d'un examen médical dans tous les cas où il est envisagé d'utiliser un des liens reliés à des menottes. En outre, le personnel effectuant la reconduite recevra une formation plus approfondie concernant la manière de faire et défaire les liens, les moyens d'éviter tout risque d'asphyxie en raison d'une mauvaise position et l'importance de prêter attention au moindre signe de gêne sévère. Dans des circonstances exceptionnelles, il est également permis de lier les bras et les jambes pour un transfert par avion.

12. M. CARTER (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord), répondant à une question relative au taux de suicide dans les établissements pénitentiaires du Royaume-Uni, indique qu'en avril 1994 a été lancée une stratégie révisée pour les soins aux détenus à tendance suicidaire, qui repose sur un effort de formation important. Toutes les prisons sont dotées d'une équipe multidisciplinaire de prévention du suicide dont la fonction première est de faire le point sur la situation; de plus, elles sont en contact avec l'antenne locale des Samaritans, et 80 des 130 prisons font dispenser par les Samaritans une formation à certains détenus pour leur apprendre comment aider leurs codétenus à risque. La stratégie a été réexaminée au début de 1995 et de nouvelles dispositions ont été prises en vue d'en assurer l'application intégrale, par exemple le ciblage des groupes à former (gestionnaires et personnel de santé), le réexamen des procédures et des moyens au stade de la détention provisoire - auquel un nombre disproportionné de suicides a lieu - et la révision des procédures de mise sous écrou visant à encourager les prisonniers à faire part de leurs véritables préoccupations et soucis. Les effets de la stratégie révisée ne sauraient toutefois être immédiats, le changement culturel qu'elle suppose prenant du temps. A l'heure actuelle, les données disponibles ne permettent pas d'établir une comparaison entre le taux de suicide dans les établissements pénitentiaires au Royaume-Uni et dans les autres pays européens, mais le Royaume-Uni s'attachera à recueillir les données nécessaires et à les faire figurer dans son troisième rapport périodique.

13. Un membre du Comité a demandé pourquoi certains prisonniers faisaient systématiquement l'objet d'une fouille corporelle avec déshabillage à l'occasion des visites dites "fermées" - avec dispositif de séparation entre le prisonnier et le visiteur. La visite "fermée" s'applique à deux grands types de détenus : les détenus s'étant mal conduits lors d'une visite antérieure et les détenus de la catégorie A - ceux dont l'évasion risque de mettre en danger le public, la police et la sécurité de l'Etat. Les fouilles corporelles avec déshabillage ne sont effectuées systématiquement avant une visite que sur la personne des détenus de la catégorie A dans le souci de réduire au minimum les risques d'évasion puisque les locaux de visite sont souvent situés à proximité du portail de sortie. Au cours de la fouille, le détenu n'est jamais totalement dénudé; les services pénitentiaires estiment que la fouille corporelle avec déshabillage n'est ni inhumaine ni dégradante mais ont conscience que ce type de fouille peut être embarrassant, et raison pour laquelle le personnel est sensibilisé à la nécessité de l'effectuer avec autant de considération et de courtoisie que possible et seulement lorsque cela est nécessaire. Ce type de fouille ne doit pas être confondu avec la fouille intime, qui ne peut être effectuée qu'avec l'accord de la personne visée. Le système de visite "fermée" et de fouille corporelle avec déshabillage a fait l'objet de deux décisions récentes des tribunaux dans les affaires O'Brian et Zulfikar; dans un cas comme dans l'autre, le tribunal a estimé que tant les circonstances de ces mesures que la manière dont elles avaient été appliquées étaient justifiées.

14. En ce qui concerne le recours au secteur privé, le Gouvernement britannique tient à souligner que les résultats de ce secteur privé dans les domaines du transfert des détenus et de la gestion de centres de détention sont de grande qualité et que des sauvegardes existent. La loi de 1991 relative à la justice pénale a autorisé les contrats de concession d'établissements pénitentiaires et réglementé ce type de contrat. Les concessionnaires sont tenus d'assurer des prestations de qualité, et notamment de prévoir des programmes intensifs de formation et de travail, des visites et des périodes suffisamment longues hors cellule. A l'heure actuelle, quatre prisons sont gérées par le secteur privé et six autres doivent être conçues, financées, puis gérées par ce secteur. Les contrats prévoient des sanctions financières en cas de non-respect des engagements de prestation prévus. Dans chaque prison privée sont en poste deux contrôleurs, fonctionnaires des services pénitentiaires ayant pour fonction de vérifier l'exécution du contrat; ils sont en outre chargés de statuer sur les affaires disciplinaires. Chaque prison fait l'objet d'inspections par l'Inspecteur en chef des prisons et un comité indépendant de visiteurs. Le personnel pénitentiaire n'est agréé qu'après avoir subi une formation appropriée et sélectionné par le Service des établissements pénitentiaires. Toutes ces dispositions garantissent des services pénitentiaires de qualité.

15. M. BRAMLEY (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), se référant aux questions posées par le Comité au sujet de l'Irlande du Nord, déclare que de l'avis de son gouvernement et en dépit des progrès réalisés depuis les cessez-le-feu, la paix n'est pas encore établie et il serait prématuré de supprimer la protection offerte par la législation d'exception; celle-ci est constamment réexaminée et sera abrogée dès que les circonstances le permettront. Mais les organisations paramilitaires restent armées et l'activité terroriste continue en Irlande du Nord. Depuis les cessez-le-feu, il y a eu 243 cas de violences perpétrées contre des personnes à titre punitif, contre 201 dans la période de même durée qui a précédé. Durant la semaine écoulée, un homme a été enlevé et attaqué à coups de marteau par des individus masqués, et plusieurs caches d'armes et d'explosifs ont été découvertes à la frontière irlandaise.

16. Il sera peut-être possible de suspendre certaines dispositions de la législation d'exception au milieu de 1996, ce que le gouvernement n'hésitera pas à faire dès que cela paraîtra judicieux. La loi actuelle, promulguée pour cinq ans, expire en 1996 et sera remplacée par un texte à caractère explicitement provisoire et d'une durée d'application plus courte. Au demeurant, un réexamen approfondi de l'ensemble de la législation antiterroriste au Royaume-Uni va être effectué au plus haut niveau et en toute indépendance, et la nécessité de maintenir les mesures concernant l'Irlande du Nord sera notamment étudiée; mais il serait prématuré de dire quelle sera l'issue de ce réexamen.

17. Bien entendu, le gouvernement juge inacceptable tout mauvais traitement qui serait infligé dans des centres de détention en Irlande du Nord. Il rejette toute affirmation selon laquelle la Convention serait violée dans ces établissements, et il n'existe aucun témoignage indépendant donnant à penser que ce pourrait être le cas. D'ailleurs, M. Burns a reconnu que le traitement des détenus s'est amélioré dans les centres de détention. Cinq allégations de voies de fait au cours des interrogatoires ont été enregistrées en 1995, contre 97 l'année précédente; il n'y a apparemment eu aucune allégation de ce genre depuis juin 1995.

18. Le commissaire indépendant chargé de surveiller les centres de détention a indiqué, après 26 visites inopinées effectuées par lui et 88 par son adjoint en 1994, que la façon dont y étaient traités les détenus par les policiers en uniforme ne lui causait pas d'inquiétude. D'importantes garanties sont en place, notamment : visites et examens une fois par jour au moins par un praticien qualifié; suivi permanent par circuit de télévision de tous les interrogatoires; établissement de rapports et bilans toutes les 12 heures; droit à l'assistance d'un avocat, etc. Les autorités envisagent actuellement l'enregistrement électronique des interrogatoires, du moins si les centres de détention continuent d'exister, ce qui dépendra de l'évolution de la situation.

19. En 1994, 1 192 détenus ont été incarcérés à Castlereagh; chacun d'eux a été examiné par un médecin lors de son admission, et au moins une fois par jour ensuite. Le médecin responsable de chaque centre de détention rédige un rapport annuel destiné au médecin chef pour l'Irlande du Nord, avec lequel il a ensuite un entretien.

20. En réponse à une question de M. Regmi relative à l'accès à un médecin exerçant à titre privé, M. Bramley indique qu'il n'y a eu que 13 demandes de ce genre présentées en 1994; dans 7 cas, le médecin n'est pas venu, mais ce n'est nullement la police qui s'y est opposée.

21. Ainsi que M. Burns l'a indiqué, les allégations de voies de fait sont difficilement vérifiables et il faut se garder de tirer des conclusions hâtives de l'issue de procédures civiles. L'indemnisation ne constitue pas un aveu de culpabilité. En ces matières, on ne peut que peser les probabilités et il n'est pas possible d'exiger de véritables preuves. Les prisonniers ne sont pas sous surveillance constante dans leur cellule, et il n'est pas toujours possible d'exclure l'éventualité qu'ils se blessent eux-mêmes.

22. Une étude a été effectuée sur 200 affaires de mauvais traitements dans des centres de détention jugées entre 1989 et 1992 - époque où les plaintes étaient beaucoup plus nombreuses qu'actuellement. Cent de ces affaires n'ont pas donné lieu à indemnisation, cependant que dans 18 cas, il y a eu versement d'indemnités (d'un montant de 2 589 livres sterling en moyenne); il semble que la majorité de ces cas ait porté sur des aspects techniques, tels qu'un léger dépassement de la durée de garde à vue autorisée, plutôt que sur des mauvais traitements. Il est à noter que de nombreuses garanties sont prévues dans ce domaine. Toutes les plaintes donnent lieu à l'ouverture d'une enquête, celle-ci étant supervisée par une autorité indépendante dans les cas graves.

23. De nombreux membres du Comité ont posé des questions sur l'accès à un avocat dans les centres de détention. Tous les prisonniers peuvent rencontrer leur avocat sans que leur conversation soit écoutée. L'accès à un avocat peut être retardé de 48 heures dans des circonstances bien précises qui concernent l'administration de la justice, la prévention des infractions et la bonne marche des enquêtes. Dans la première moitié de 1995, l'accès immédiat à un avocat a été retardé dans 1 cas sur 208. En 1994, il y avait eu 158 retards sur 888 cas. Il faut préciser toutefois que l'avocat n'assiste pas aux interrogatoires en raison de la situation qui règne en Irlande du Nord, où existe un réseau actif d'organisations terroristes capables d'entraver le cours de la justice en recourant à l'intimidation et à d'autres moyens. Cette disposition a été acceptée comme nécessaire par le juriste éminent à qui a été confié le soin d'examiner la législation d'exception. Ces questions seront bien entendu revues et débattues dans l'année à venir.

24. Toute plainte formulée à l'encontre de policiers est soumise à la commission indépendante chargée d'examiner les plaintes relatives à la police, laquelle est habilitée à superviser tous les aspects des enquêtes de cet ordre menées par la police, et peut par exemple s'opposer à la nomination de tel ou tel enquêteur. Ce contrôle exercé par la société civile est largement reconnu comme garantissant l'indépendance sans compromettre l'efficacité des enquêtes; la République d'Irlande a le même système. Il est à signaler que le dispositif de contrôle des enquêtes va lui aussi faire l'objet d'un réexamen indépendant.

25. Des mesures disciplinaires peuvent aussi être prises à l'encontre de policiers et une nouvelle législation est en préparation, tendant à abolir dans ces cas le droit de ne pas être jugé deux fois pour le même fait : ainsi, un policier déjà condamné ou acquitté pour une infraction pourrait faire l'objet d'une nouvelle procédure.

26. Beaucoup de raisons peuvent expliquer qu'il ne soit pas donné suite à certaines plaintes : elles peuvent avoir été retirées sur le conseil de l'avocat par exemple, ou bien elles ne se prêtent pas à une procédure parce qu'on ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour qu'une action disciplinaire soit envisageable, ou encore il s'agit d'accusations infondées, malveillantes ou futiles : plus de la moitié des affaires classées en 1994 relevaient de l'une de ces trois catégories.

27. On ne dispose pas de statistiques sur le nombre d'actions disciplinaires intentées après règlement de l'affaire au civil mettant en cause des policiers. La procédure normale veut cependant que dès que les poursuites civiles sont engagées, les enquêtes disciplinaires se déroulent de façon autonome. En matière disciplinaire, 39 procédures ont officiellement été engagées en 1992, qui ont donné lieu dans neuf cas à des sanctions disciplinaires, et 49 procédures officieuses ont donné lieu à des poursuites pénales à l'encontre de huit policiers. En 1993, on a enregistré 25 procédures officielles, suivies de quatre sanctions disciplinaires, et 63 procédures officieuses, dont six ont abouti à des poursuites pénales; enfin, en 1994, les chiffres correspondants étaient de 30 procédures officielles, pour neuf sanctions disciplinaires, et de 91 procédures officieuses, pour six procédures pénales.

28. La question de la formation des fonctionnaires de la police et des prisons a été soulevée par M. Burns. Chaque nouvel agent des établissements pénitentiaires bénéficie d'une formation de départ de 12 semaines, dans le cadre de laquelle il est notamment informé des limites de son autorité, de ses devoirs essentiels et des normes de conduite qu'il doit observer. Le personnel des prisons a un rôle non seulement de surveillance mais aussi d'assistance et l'accent est mis de plus en plus sur les relations interpersonnelles tant dans la formation initiale que dans la formation continue. Cette formation continue est assurée à l'Ecole de formation des personnels pénitentiaires mais aussi dans chaque établissement. Les fonctionnaires des prisons reçoivent de plus en plus souvent une formation à la prévention du suicide, de l'abus des drogues et des problèmes liés au VIH/SIDA. Avec l'aide de trois psychologues attachés aux prisons, certains membres du personnel sont également formés à participer à des programmes visant à aider les prisonniers à faire face à leurs problèmes personnels dans toutes sortes de domaines depuis l'abus des drogues jusqu'aux comportements sexuels asociaux.

29. Quant aux policiers, leur formation initiale se déroule en cinq phases qui couvrent un large éventail de sujets allant des relations interpersonnelles à une initiation au droit et à l'emploi des armes à feu. La formation qui leur est dispensée fait appel à de nombreux apports extérieurs - structures de médiation, groupes de femmes, un avocat chargé de traiter des droits de l'homme, représentants des églises par exemple. Les nouvelles recrues doivent faire la preuve de leurs aptitudes dans 37 domaines différents, dont les relations avec autrui, la responsabilité professionnelle, l'utilisation judicieuse de la force physique et la maîtrise de soi.

30. La question de l'emploi des balles en plastique a également été soulevée par M. Burns. En 1994, 250 balles en plastique ont été tirées, soit une nette diminution par rapport aux années précédentes. Au cours du premier semestre de 1995, un nouveau type de fusil a été mis en service et cette année-là, une seule personne aurait été blessée par des balles en plastique, contre neuf blessures présumées l'année précédente. Les forces de sécurité stationnées en Irlande du Nord ne sont équipées de balles en plastique que pour les actions antiémeute. En tout état de cause, la loi en vigueur en Irlande du Nord, qui s'applique aux forces de sécurité exactement de la même manière qu'à tout un chacun, dispose que l'on ne doit faire appel à la force pour prévenir une infraction que dans la stricte mesure où les circonstances l'exigent (art. 3 de la loi pénale (Irlande du Nord) de 1967). Les balles en plastique sont utilisées selon les instructions précises données par le chef de la police et, dans le cas des soldats, par le commandant des forces armées. Elles sont conçues pour minimiser les risques de blessures et ne sont utilisées que lorsque cela s'avère absolument nécessaire. L'emploi des balles en plastique est surveillé de près; tout décès ou toute blessure grave dont on pourrait penser qu'ils ont été causés par des balles en plastique tirées par un policier feraient l'objet d'une enquête policière approfondie, sous la supervision de la commission indépendante chargée d'examiner les plaintes relatives à la police.

31. M. STEEL (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) abordera tout d'abord une question soulevée par M. Burns à propos de Hong Kong et par M. Slim d'une manière plus générale, à savoir les implications exactes de l'expression "lawful authority" (pouvoirs réglementaires) figurant à l'article 134 de la loi sur la justice pénale de 1988, applicable dans les territoires dépendants et à Hong Kong en vertu des ordonnances pertinentes. Cette question avait d'ailleurs déjà été posée à propos des territoires dépendants lors de l'examen du rapport initial. Par cette expression, le législateur a voulu donner effet en droit interne à la deuxième phrase du paragraphe 1 de l'article premier de la Convention; il s'agissait d'étendre la législation à des situations telles que l'usage raisonnable de la force pour contraindre un prisonnier violent, ainsi qu'au cas de certains territoires dépendants où les châtiments corporels ont cours. Bien évidemment, cette expression ne vise nullement à autoriser des comportements assimilables à la torture et les tribunaux ne l'interpréteraient pas ainsi, mais bien à la lumière de la Convention : ils prendraient l'expression "pouvoirs réglementaires" dans le sens de "conformes à une loi", laquelle loi est elle-même conforme à la Convention. Dès lors, il n'y a pas conflit entre l'article 134 de la loi sur la justice pénale et l'interdiction de la torture.

32. A propos de Hong Kong, M. Burns s'est inquiété de savoir comment le respect de la Convention serait garanti après le 1er juillet 1997 et il a fait référence à ce propos à l'article 20 de la Convention. Il y a deux réponses à cette question. Tout d'abord, l'esprit de la Convention est incorporé à l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu'à l'article 3 du Hong Kong Bill of Rights, charte qui crée des droits auxquels il ne peut être dérogé. L'article 7 du Pacte est renforcé par les dispositions de la Déclaration conjointe des deux gouvernements et par la Loi fondamentale, qui garantissent que le Pacte continuera d'être en vigueur à Hong Kong après le 1er juillet 1997. De plus, l'article 28 de la Loi fondamentale, qui sera la loi suprême de Hong Kong, comporte une interdiction expresse de la torture. La deuxième réponse est que la Chine est partie à la Convention et il est bien entendu depuis 1988 que celle-ci continuera de s'appliquer à Hong Kong après le 1er juillet 1997. Il n'y a aucune raison de penser que la Chine n'honorera pas ses engagements au titre de la Convention; en tout état de cause, le Gouvernement du Royaume-Uni ne saurait offrir plus de garanties à ce sujet qu'il ne le ferait s'agissant d'un autre Etat.

33. La situation en ce qui concerne l'article 20 de la Convention est en revanche nouvelle : le Royaume-Uni a fait la déclaration prévue à l'article 20, y compris pour Hong Kong; la Chine n'a pas fait cette déclaration. Ce qui se passera en 1997 n'est pas clair; il y a peut-être des textes à ce sujet dans les ouvrages qui traitent de la succession d'Etats et cette question fait certainement l'objet de doctrines divergentes. C'est en tout cas un point important et fort intéressant qui sera discuté au sein du groupe de travail sur les droits et obligations internationales créé par les groupes de liaison entre les deux gouvernements et M. Steel ne saurait dire à l'avance ce qu'il en ressortira.

34. Certains doutes ont été exprimés sur la question de savoir si les articles 5 et 6 de l'ordonnance sur la loi de 1988 sur les infractions pénales et la torture donnent pleinement effet à l'article 8 de la Convention. M. Steel a lui-même été le premier à émettre un doute à ce sujet et à le soumettre aux autorités de Hong Kong, qui ont décidé de maintenir ce point à l'ordre du jour. La question n'a pas encore été examinée par les Gouvernements de Hong Kong et du Royaume-Uni, mais les autorités de Hong Kong ont convaincu les spécialistes de l'extradition que l'article 8 de la Convention est effectivement couvert par ces articles; elles ont à cet effet eu recours à une argumentation extrêmement complexe mettant en jeu les dispositions relatives à l'extradition en vigueur au Royaume-Uni et celles en vigueur à Hong Kong. Une note sera rédigée à ce sujet à l'intention du Comité.

35. M. El Ibrashi a demandé si l'affirmation énoncée à la section D de la page 5 du document CAT/C/9/Add.14 - à savoir qu'il n'a été signalé dans aucun des territoires depuis l'entrée en vigueur de la Convention pour les territoires dépendants, aucune condamnation d'une personne pour torture ou tout autre délit assimilable à la torture ni de cas d'extradition (ou de demande d'extradition) d'une personne coupable du délit de torture - était toujours valable : c'est effectivement le cas. Il a aussi demandé, à propos de la procédure de dépôt de plaintes contre la police, si la situation est restée inchangée depuis 1993, ainsi qu'il est indiqué dans les rapports concernant Hong Kong et les Bermudes. Cette procédure est effectivement toujours la même et, en particulier, il est vrai qu'aucun magistrat n'intervient au cours de l'enquête. En common law, le pouvoir judiciaire ne joue aucun rôle dans les enquêtes sur les infractions, mais intervient dès lors que l'infraction est établie.

36. En ce qui concerne les châtiments corporels imposés sur décision judiciaire, la situation reste la même qu'en 1993 : il existe toujours dans certains territoires des dispositions législatives prévoyant de tels châtiments dans des circonstances particulières, encore que la plupart de celles-ci soient tombées en désuétude. Il est vrai que dans les Iles Vierges britanniques des jeunes gens ont été condamnés à des coups de canne au début de l'année, mais c'est là la seule condamnation de ce type qui, à la connaissance de M. Steel, ait été prononcée récemment dans les territoires dépendants. Certains secteurs de l'opinion dans la région des Caraïbes sont favorables au maintien des châtiments corporels imposés à titre de peine dans certains cas et même si le Gouvernement du Royaume-Uni encourage vivement les territoires dépendants à abroger les lois visées, il ne peut les y obliger, car ces territoires sont après tout largement autonomes.

37. S'agissant de l'enseignement et de l'information touchant la torture que le personnel médical des territoires dépendants reçoit dans le cadre de sa formation, M. Steel indique que, si Hong Kong est dotée d'une faculté de médecine et d'écoles d'infirmières, la plupart des territoires sont trop petits pour cela, mais que tout médecin qui y travaille, dans le secteur privé ou public, doit avoir des qualifications reconnues à l'échelon international ou équivalentes et a donc été entraîné à reconnaître les signes de blessures qui ne peuvent pas être accidentelles. Sans doute n'existe-t-il pas de formation spécifique à cet effet. M. Steel ajoute que Hong Kong dispose de services spécialisés de médecine légale, ce qui est aussi probablement le cas de certains des territoires plus importants, mais non des plus petits.

38. La réadaptation des victimes de la torture reste une question théorique, puisqu'il n'y a pas de victimes - le seul cas dont M. Steel ait connaissance est celui d'une personne qui a cherché refuge dans les territoires après avoir été torturée dans son pays d'origine. Bien qu'aucun arrangement officiel n'ait été pris à cet égard, il est certain que toute victime d'actes de torture recevrait un traitement approprié : c'est d'ailleurs ce qui est précisé au paragraphe 300 du rapport en ce qui concerne les Bermudes.

39. M. Stephen WONG (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) dit que, en ce qui concerne Hong Kong, la loi sur les infractions pénales et la torture ne donne pas effet à toutes les dispositions de la Convention contre la torture, mais que la section 3 de l'ordonnance correspondante couvre celles des articles 4 et 5 de la Convention, tandis que les sections 5 (concernant la loi de 1989 sur les demandes d'extradition) et 6 (modification de la loi de 1967 sur les délinquants en fuite) donnent effet aux dispositions de l'article 8 de la Convention. Il existe d'autres codes et dispositions législatives, tels que l'ordonnance sur la charte des droits (Bill of Rights Ordinance) ainsi que des arrangements administratifs et judiciaires qui, tous ensemble, donnent pleinement effet à toutes les dispositions de la Convention.
40. L'un des membres du Comité s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles les poursuites pour délit au sens de la section 3 de l'ordonnance sur les infractions pénales ne pouvaient être engagées qu'avec le consentement du Procureur général. Le Comité a pu noter que la section 4 de l'ordonnance établit la juridiction de Hong Kong pour les délits en question, qu'ils soient commis sur le territoire ou hors du territoire de l'île. Elle couvre donc les délits qui sont le fait de ressortissants d'autres Etats, notamment de fonctionnaires; aussi le législateur a-t-il voulu éviter au Gouvernement de Hong Kong tout embarras dans des affaires très délicates de ce genre et décidé ainsi de faire trancher la question au niveau le plus élevé, c'est-à-dire par le Procureur général.

41. L'un des experts a demandé pourquoi autant de plaintes déposées contre des agents de police avaient été retirées en 1994. D'après une étude faite par l'organe indépendant chargé de suivre toutes les plaintes portées contre la police, qui a accès aux dossiers comme aux preuves et peut interroger les témoins, un grand nombre de personnes se seraient ravisées après avoir déposé plainte sans réfléchir pour des actes sans gravité; d'autres auraient retiré leur plainte pour éviter de devoir faire des déclarations; tandis que d'autres encore, qui faisaient l'objet de poursuites pénales, l'auraient sans doute fait par simple calcul.

42. S'agissant de l'enseignement et de l'information concernant l'interdiction de la torture, il y a lieu de noter que les agents de police et les membres des forces armées, notamment, reçoivent la formation indispensable à cet égard dans les écoles spéciales qu'ils fréquentent : ils sont informés de leurs pouvoirs et de leurs obligations et reçoivent pour instruction d'avoir recours à la force aussi peu que possible dans l'exercice de leurs fonctions, les restrictions établies à cet égard étant clairement énoncées dans les règlements et directives les concernant. Tout abus du recours à la force est d'ailleurs passible de sanctions disciplinaires ou de poursuites pénales. Des conférences sur les droits de l'homme sont organisées régulièrement à l'intention du personnel chargé de l'application des lois.

43. Il a été demandé ce qu'il en était des recommandations faites par la Commission pour la réforme de la législation dans son rapport de 1992 sur la question de l'arrestation. Cette commission a recommandé d'adopter, en les modifiant, les dispositions en vigueur au Royaume-Uni concernant l'arrestation, et notamment l'arrestation sans mandat qui, sans être fondamentalement différentes des dispositions applicables aux territoires, sont néanmoins bien plus détaillées. Il a donc été décidé en 1993 de mettre sur pied un groupe de travail mixte pour étudier toutes les incidences de ces nouvelles dispositions, qui touchent non seulement la police mais tous les organes chargés de l'application des lois, qu'il s'agisse des services d'immigration ou des douanes et des contributions indirectes ou encore de la commission indépendante de lutte contre la corruption. Les consultations entre les diverses administrations visées sont encore en cours et le groupe de travail compte présenter son rapport d'ici la fin de l'année ou dans les premiers mois de 1996.

44. S'agissant des migrants vietnamiens vivant dans des camps de détention à Hong Kong, le gouvernement du territoire, comme le Haut Commissariat pour les réfugiés, leur conseille à tous de regagner le Viet Nam puisqu'il a été établi, à l'issue de la procédure de détermination de leur statut, qu'ils ne pouvaient prétendre s'installer. Comme il l'a fait l'an passé, le Gouvernement du Royaume-Uni offre à ces personnes depuis avril 1995 un montant de 150 dollars des Etats-Unis à titre d'incitation au retour volontaire, qui vient s'ajouter aux subventions fournies par le Haut Commissariat. On ne peut pas dire des conditions dans lesquelles ces migrants vietnamiens sont détenus conformément à l'ordonnance sur l'immigration en attendant que les arrangements soient pris pour leur rapatriement qu'elles constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Le Gouvernement de Hong Kong satisfait à tous les besoins essentiels de ces personnes et continuera de le faire. Certes, il a cessé de leur assurer un enseignement secondaire lorsqu'il a été établi qu'elles devaient toutes regagner le Viet Nam. D'ailleurs il ne semble pas que le Haut Commissariat pour les réfugiés assure un tel enseignement dans d'autres pays de premier asile. Les migrants vietnamiens qui commettent des délits sont, bien entendu, poursuivis conformément à la loi.

45. L'un des experts a demandé pourquoi seuls les résidents de Hong Kong pouvaient obtenir réparation dans le cadre du plan d'indemnisation en cas d'atteinte à l'intégrité physique de la personne d'origine criminelle ou du fait des organes chargés de l'application des lois. En réalité, ont droit à indemnisation non seulement les personnes qui résident légalement à Hong Kong, mais aussi celles qui sont de passage sur le territoire et qui y sont entrées régulièrement. Il y a bien sûr d'autres conditions à remplir et la victime peut aussi intenter des poursuites au civil même si elle a reçu une indemnisation dans le cadre du plan considéré.

46. M. CHAN (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) signale qu'en vertu de l'ordonnance sur les infractions pénales et la torture la peine maximale dont sont passibles les actes de torture est l'emprisonnement à vie. Les victimes d'actes de torture peuvent aussi faire un procès en réparation au civil ou demander compensation dans le cadre du plan d'indemnisation en cas d'atteinte à l'intégrité physique de la personne d'origine criminelle ou du fait des organes chargés de l'application des lois. Aucun cas de torture ne s'étant produit à Hong Kong à ce jour, il n'existe aucun programme particulier pour la réadaptation des victimes. Il existe néanmoins des services médicaux et sociaux spécialisés, notamment dans le cadre d'un programme mis sur pied en faveur des victimes d'actes de violence ayant des effets traumatiques.

47. M. DEAN (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), se référant au paragraphe 385 du rapport, assure le Comité que les autorités de Hong Kong sont tout à fait conscientes de la nécessité de tout faire pour que les personnes souffrant de maladie mentale ne soient pas privées à la légère de leur liberté et pour que leurs droits soient respectés : c'est la raison pour laquelle tout médecin qui envisagerait un traitement aussi rigoureux que les électrochocs est tenu d'en expliquer les risques au patient et d'obtenir le consentement écrit de celui-ci ou, à défaut, de son tuteur.

48. Le PRESIDENT demande si les membres du Comité ont d'autres questions à poser ou des précisions à demander.

49. M. BURNS croit comprendre qu'il entre dans les pouvoirs réglementaires de l'administration des centres de détention ("holding centres") en Irlande du Nord de décider si la personne détenue peut, au cours des premières 48 heures de détention, consulter un conseil juridique et que, au cours de ces dernières années, les détenus ont eu en règle générale cette possibilité sauf au moment de leur interrogatoire : est-ce bien ainsi que les choses se passent ?

50. M. BRAMLEY (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) confirme que la loi ne reconnaît pas au conseil juridique le droit d'assister à l'entretien des officiers de police avec le détenu mais lui accorde la possibilité de communiquer avec le détenu immédiatement après l'entretien. Cela dit, la question dépasse le simple pouvoir discrétionnaire, puisqu'elle est réglée en l'occurrence par la loi d'exception de 1991 concernant l'Irlande du Nord qui, à la section 45, dispose que l'administration des centres en question ne peut retarder l'accès du conseil juridique après l'entretien que dans des circonstances bien précises, c'est-à-dire lorsqu'il y a risque de destruction des éléments de preuve liés à un délit de terrorisme, ou d'atteinte physique à une personne, notamment un témoin. L'accès au détenu ne peut donc être retardé que dans des cas relevant de l'administration de la justice et son report ne peut être décidé que par un officier de police de rang supérieur. Les dispositions de la loi d'exception tiennent à la situation particulière qui règne en Irlande du Nord et seront abrogées à la fin du premier semestre de 1996, à moins d'être reconduites à l'issue d'un examen indépendant de la législation antiterroriste.

51. M. BURNS demande si la pratique suivie en Irlande du Nord en ce qui concerne l'accès du conseil juridique au détenu au cours de l'entretien - ou de l'interrogatoire - a évolué sensiblement depuis la présentation et l'examen du rapport initial du Royaume-Uni.

52. M. BRAMLEY (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) dit que la pratique suivie a évolué dans la mesure où il est extrêmement rare que l'accès à un conseil juridique soit retardé mais que, encore une fois, le conseil juridique n'a pas le droit d'assister à l'entretien des policiers avec une personne détenue en vertu de la loi d'exception.

53. Le PRESIDENT remercie la délégation du Royaume-Uni de ses réponses, riches de renseignements et d'enseignements.

54. La délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord se retire.

La séance publique est suspendue à 17 h 10, elle est reprise à 18 heures.

55. Sur l'invitation du Président, la délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord reprend place à la table du Comité.

56. Le PRESIDENT invite M. Burns (Rapporteur pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) à présenter les conclusions adoptées par le Comité en séance privée concernant le deuxième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

57. M. BURNS (Rapporteur pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) donne lecture, en langue anglaise, du texte qui suit :

A. Introduction


B. Aspects positifs


C. Facteurs et difficultés entravant l'application des dispositions de la Convention


D. Sujets de préoccupation

3. Le taux de suicide dans les prisons et lieux de détention.


E. Recommandations

58. Le PRESIDENT invite la délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à intervenir au sujet des conclusions du Comité.

59. M. MORRIS (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) remercie le Comité de ses conclusions et dit que le Gouvernement du Royaume-Uni les étudiera très attentivement, pour rendre compte d'éventuels changements à l'occasion du prochain rapport périodique.

60. M. Morris apprécie l'esprit dans lequel la délégation britannique a été accueillie par le Comité et espère avoir répondu de manière aussi exhaustive que possible aux questions du Comité. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord attache en effet une grande importance à la Convention contre la torture.

61. Le PRESIDENT se félicite de la franche et loyale collaboration entre le Comité et la délégation du Royaume-Uni. Il se dit très sensible à l'esprit d'ouverture et de confiance qui a régné lors de ce dialogue des plus constructifs.


La séance est levée à 18 h 15.

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