Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.491
27 novembre 2001


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la première partie (publique) de la 491e séance : Ukraine. 27/11/2001.
CAT/C/SR.491. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*
DE LA 491e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le jeudi 15 novembre 2001, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique de l'Ukraine (suite)

________________

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.491/Add.1.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique de l'Ukraine (CAT/C/55/Add.1) (suite)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation ukrainienne reprend place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT invite la délégation ukrainienne à répondre aux questions posées par les membres du Comité.

3. M. ZAYETS (Ukraine) rappelle que le Rapporteur a demandé s'il existait un plan général visant à éliminer la pratique de la torture. L'Ukraine n'a pas mis en place de plan de ce type, mais des mesures de lutte contre la torture sont prévues dans le programme de lutte contre la criminalité en général pour 2001-2005, qui a été approuvé par le Président. Pour ce qui est de la conformité de la définition de la torture dans la législation ukrainienne avec celle de la Convention, la définition figurant dans le Code pénal ukrainien diffère de celle de la Convention, en ce sens qu'elle vise également les actes de torture commis par des personnes qui ne sont pas des agents de l'État.

4. En ce qui concerne la restriction des libertés et des droits fondamentaux, il a été relevé que selon le paragraphe 34 du rapport, aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour limiter ces droits, tandis qu'au paragraphe 71, on peut lire que certains droits et libertés peuvent faire l'objet de restrictions, ce qui est apparu au Comité comme une contradiction. Il faut savoir que les droits qui sont visés au paragraphe 34 sont ceux que protègent l'article 64 de la Constitution - qui dispose que les libertés et les droits constitutionnels ne peuvent être restreints que dans les limites prévues par la Constitution et les lois - et l'article 28, selon lequel nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Les droits dont il s'agit au paragraphe 71 du rapport sont d'une autre nature; c'est par exemple la liberté de circulation.

5. Le Rapporteur s'est dit préoccupé par l'absence de disposition interdisant l'utilisation d'aveux obtenus par la torture comme éléments de preuve dans un procès. Telle n'est pas la situation actuelle car il existe à ce sujet tout un ensemble de dispositions: ainsi l'article 62 de la Constitution dispose expressément que les preuves obtenues par des moyens illégaux ne peuvent être retenues pour fonder l'accusation, les articles 64, 22 et 332 du Code de procédure pénale prévoient que les témoignages doivent toujours être vérifiés, y compris les déclarations par lesquelles l'inculpé a reconnu sa culpabilité, qu'il est interdit d'obtenir des aveux par l'usage de la force, de la menace et d'autres moyens illégaux et que la décision du tribunal ne peut se fonder que sur les éléments de preuves examinés au procès; enfin l'article 373 du nouveau Code pénal établit la responsabilité des agents de l'État responsables de l'enquête ou de l'instruction ayant usé de la force pour contraindre une personne aux aveux.

6. Le Rapporteur s'est inquiété du fait qu'il subsiste des dispositions permettant de maintenir secrets un grand nombre d'éléments des dossiers d'enquête. La loi sur le secret d'État a été modifiée le 21 septembre 1999 et le nouveau texte exclut de son application les actes attentatoires aux libertés publiques commis par les agents de l'État. Les domaines qui relèvent désormais du secret d'État sont le système de défense nationale et les activités de la police, notamment s'agissant des documents et témoignages recueillis au cours des enquêtes. Il n'est pas exclu que des actes contraires à la loi soient commis sous le couvert du secret protégeant ces documents, mais la délégation ukrainienne n'en a pas connaissance. Toutefois, elle ne conteste pas que la législation doive être améliorée dans ce domaine.

7. Plusieurs membres ont souhaité savoir quel est le moment exact où le prévenu a accès à un défenseur. Le nouveau Code de procédure pénale prévoit qu'un avocat peut être présent à n'importe quel stade de la procédure. Sa présence est obligatoire si le suspect a moins de 18 ans, s'il souffre d'un handicap physique ou mental dûment constaté par le juge et s'il ne maîtrise pas la langue dans laquelle s'exprime l'agent qui procède à l'arrestation. L'avocat doit être présent sur les lieux de l'interrogatoire dans les 24 heures suivant l'arrestation. Toutefois, la législation ukrainienne ne requiert pas la présence d'un avocat pour chaque arrestation d'un suspect, car une telle disposition serait impossible à mettre en application étant donné le nombre insuffisant d'avocats en Ukraine. Cette question devra être réglée à l'avenir. Pour l'heure, il est en principe possible d'obtenir un avocat en en faisant la demande.

8. M. DEMCHENKO (Ukraine) dit que le Rapporteur a souhaité connaître la raison pour laquelle de nombreuses dispositions de l'ancien Code pénal se retrouvaient dans le nouveau. Les dispositions en question ont été maintenues car il s'agissait de principes qui, comme les 10 commandements, ont une valeur immuable. Le nouveau Code pénal a été examiné par des autorités nationales aussi bien qu'internationales et qu'il a obtenu l'approbation des experts du Conseil de l'Europe, qui ont estimé qu'il répondait aux exigences du droit international. Fondé sur le droit pénal international, respectueux des droits et libertés du citoyen et garantissant la protection des intérêts de la société et du Gouvernement, ce nouveau texte est la manifestation d'une évolution positive de la pratique judiciaire et constitue une avancée de la réforme du droit pénal. En effet, le principe d'humanité étant au centre de ce texte, l'objectif visé n'est plus de punir, mais de prévenir. Aussi est-il prévu d'atténuer les peines et de les remplacer par des peines non privatives de liberté, notamment des amendes et des travaux d'intérêt public. En outre, le nouveau Code pénal accorde davantage d'importance à l'individu, aux circonstances particulières de l'infraction, à la personnalité de l'inculpé et à la réinsertion sociale du condamné une fois sa peine purgée. Enfin, l'Ukraine a aboli la peine de mort, démontrant sa volonté de respecter ses obligations internationales.

9. En ce qui concerne l'article 3 de la Convention, le Rapporteur a souhaité des renseignements sur l'expulsion de non-ressortissants. M. Demchenko indique que toute une série de textes relatifs aux droits de l'homme ont été adoptés en 2001 en Ukraine: la loi sur la citoyenneté en janvier, et la loi sur l'immigration et la loi sur les réfugiés, en juin. En outre, l'Ukraine a conclu des traités bilatéraux d'entraide judiciaire et d'extradition. Ainsi, en application d'un accord passé avec l'Ouzbékistan, deux délinquants ouzbeks ont été extradés. Mais toutes les garanties ont été prises et les autorités ont vérifié que la situation des droits de l'homme en Ouzbékistan était bonne. En vertu de l'article 3 de la loi sur les réfugiés, le refoulement et l'expulsion d'une personne vers un État où sa sécurité et sa vie sont menacées sont interdits. La Convention faisant partie intégrante du droit ukrainien, il n'est pas possible d'expulser une personne vers un pays où elle risquerait d'être torturée.

10. En ce qui concerne les Tatars qui avaient été déportés en Ukraine et leurs descendants, qui sont au nombre de 270 000, l'Ukraine a pris spontanément l'initiative de leur offrir la possibilité d'obtenir la citoyenneté ukrainienne. Toutefois, 19 000 de ces personnes ne l'ont pas demandée, n'ayant pas les moyens d'acquitter la somme requise par les pays dont elles sont ressortissantes pour pouvoir renoncer à leur citoyenneté; or l'Ukraine n'applique pas la double nationalité.

11. Le Rapporteur a souhaité des précisions sur la question de la séparation des pouvoirs. Les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif ont leurs attributions propres, conformément à la Constitution et aux lois nationales. Le pouvoir judiciaire est totalement indépendant et est régi par le principe de la compétence spécialisée et celui de la territorialité. La juridiction la plus élevée est la Cour suprême. La création de juridictions d'exception et de tribunaux spéciaux est illégale en vertu de l'article 129 de la Constitution et il est interdit de porter atteinte à l'indépendance du juge en exerçant des pressions de quelque nature que ce soit en vertu de l'article 126 de ce texte. De même, l'article 376 du Code pénal prévoit que l'ingérence dans les activités des tribunaux dans le but d'influer sur leur décision finale est passible de sanctions pénales. Comme l'a relevé le Rapporteur, il n'existe pas de distinction nette entre la notion de suspect et celle d'inculpé. Les mesures provisoires prévues dans le Code de procédure pénale aux personnes en état d'arrestation, qu'elles aient ou non fait l'objet d'un acte d'inculpation. Selon le Rapporteur, la police fiscale aurait commis des violations du droit à la propriété. Le droit à la propriété est garanti par l'article 41 de la Constitution; en cas de violation, les victimes ont la possibilité de demander réparation devant les tribunaux. Si elles ne sont pas satisfaites de la décision rendue et qu'elles ont épuisé tous les recours internes, elles peuvent s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme.

12. M. Demchenko regrette de n'avoir pas pu prendre connaissance avant d'arriver à Genève du rapport d'Amnesty International qui mérite certainement une analyse approfondie. L'indemnisation des victimes de violences est prévue aux articles 28 et 93-1 du Code de procédure pénale. Si les actes ont été commis par des fonctionnaires, c'est à l'État qu'incombe l'obligation de réparation. Il existe aussi une loi punissant les exactions commises par les organes chargés de l'enquête. Le Code civil aussi contient une disposition prévoyant l'indemnisation des victimes pour préjudice moral. M. Demchenko se tient à la disposition du Comité pour tout renseignement complémentaire concernant les textes législatifs cités.

13. M. ZHYLKA (Ukraine), donnera d'abord les informations dont il dispose au sujet des deux cas précis qui ont été évoqués. Un procureur de district a bien été saisi, le 3 juin 1998, de l'affaire du décès de Valentin Khilya, qui serait mort à la suite de mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de police, mais au bout de cinq mois d'enquête, les recherches n'avaient pas permis d'identifier les responsables. Pour ce qui est de M. Tcherkachin, des poursuites ont été engagées contre lui le 20 juin 2000, et des mesures ont été prises pour l'empêcher de quitter le territoire. Il est toujours recherché par la police et les allégations formulées par ses parents, selon lesquelles il serait mort, n'ont pu être ni confirmées ni infirmées.

14. En ce qui concerne les mauvais traitements dans l'armée le bizutage est effectivement pratiqué de façon courante; 15 % des condamnations prononcées par les tribunaux militaires portent sur des sévices corporels. À ce jour, aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre des supérieurs des coupables car ces affaires relèvent du Ministère de la défense. Des précisions écrites seront adressées ultérieurement au Comité. Une question a été posée concernant des cas allégués de mauvais traitements infligés à des suspects durant la phase de l'instruction. Le Comité peut avoir l'assurance que toute affaire de ce genre, à condition qu'elle soit étayée par des éléments suffisants, fait l'objet d'enquêtes scrupuleuses. Le Commissaire aux droits de l'homme n'a reçu aucune plainte durant l'année passée. L'Ombudsman a accès à tous les lieux de détention du pays. Le Procureur général, conformément à la loi, peut lui aussi se rendre sans préavis dans les différents lieux de détention et, tous les 10 jours, dans les lieux de détention temporaires. En cas de violations avérées des droits des détenus, il peut prendre des mesures disciplinaires à l'encontre de membres du personnel pénitentiaire, engager des poursuites pénales et, le cas échéant, démettre les responsables de leurs fonctions.

15. La longueur de l'instruction a été relevée. Il est vrai que la durée de la détention provisoire légale peut aller, pour des infractions graves, jusqu'à 18 mois. Le nouveau Code pénal est entré en vigueur le 1er septembre 2000 et, depuis lors, aucune condamnation pour acte de torture n'a été prononcée. Cependant, 600 cas concernant des violences commises par des fonctionnaires de police sont encore en cours d'instruction. Le juge est chargé de vérifier les faits consignés au procès verbal en cas de contradiction entre les déclarations du suspect et celles de la police. L'article 119 du Code de procédure pénale régit la répartition des fonctions entre les différents services de police et organes judiciaires en matière de poursuites pénales. C'est au Procureur général qu'il incombe de veiller à ce que la légalité des procédures soit respectée et à ce que les différents services n'outrepassent pas leur mandat. Il est vrai, comme l'a souligné un membre du Comité, qu'à l'époque de l'URSS, le bureau du Procureur général était chargé à la fois de mener les enquêtes et de surveiller l'application des lois. Conformément à la Constitution et au nouveau Code de procédure pénale, et quand le nouveau bureau national d'enquêtes sera pleinement opérationnel, le bureau du Procureur général n'assumera plus que la fonction de surveillance de l'application des lois. Le Comité s'est enquis du cas de Sergueï Ostapenko, qui serait décédé à l'hôpital après avoir été passé à tabac par la police. Le bureau du Procureur général, saisi de cette affaire en mai 1999, l'a classée un an plus tard faute d'éléments suffisants. En ce qui concerne la disparition de Gueorgui Gongadze, trois expertises médicales pratiquées par des experts indépendants d'Ukraine, de Fédération de Russie et des États-Unis d'Amérique ont permis de conclure que le corps retrouvé était bien celui du journaliste. Des mesures supplémentaires visant à garantir la sécurité des journalistes ont depuis lors été adoptées dans le pays. Répondant à un souci du Président, M. Zhylka dit qu'il ne détient aucune information permettant de penser qu'il y a parfois connivence entre les tribunaux et les services de police pour prononcer une condamnation à l'encontre d'un suspect. La loi garantit en tout état de cause l'indépendance absolue des tribunaux.

16. M. LYOVOCHKIN (Ukraine) dit qu'en Ukraine la police peut retenir dans des locaux spéciaux pour une durée maximum de 30 jours, avec l'autorisation du Procureur, des personnes qu'elle soupçonne d'être sans domicile fixe (SDF). Ces dernières sont toutefois remises en liberté si elles produisent des documents prouvant leur identité. Le phénomène des SDF remonte à la fin de l'Union soviétique lorsque le passage des frontières s'est assoupli. Ces mesures ont un caractère préventif puisqu'elles visent uniquement à s'assurer que le SDF n'a pas participé à la commission d'actes délictueux. Au demeurant tous ne sont pas arrêtés et il existe des foyers d'accueil qui leur sont réservés. Au regard de la législation ukrainienne, une infraction administrative est une violation légère qui n'entraîne aucune conséquence au pénal. La sanction encourue est d'ordre administratif (par exemple une amende, un internement de 15 jours). Il faut souligner que seul un juge peut ordonner une mesure d'internement administratif. Il est vrai que les fonctionnaires de la police qui profèrent des insultes dans l'exercice de leurs fonctions ne sont pas toujours poursuivis mais s'ils agissent de la sorte en dehors de leurs fonctions, la victime peut engager une action en réparation.

17. M. DEMCHENKO (Ukraine) précise que la milice ne s'apparente pas à la police, où une loi spécifique définit la milice comme un ensemble d'organes de l'État relevant du pouvoir exécutif et dont l'objectif premier est de protéger la vie, la santé, les droits et les libertés des citoyens, les biens, l'environnement, les intérêts de la société et de l'État contre tout acte illégal. La même loi régit dans le détail les devoirs et les prérogatives des membres de la milice. Les auteurs d'actes qualifiés de torture par le Code pénal sont soumis à la juridiction de l'Ukraine à l'exception des personnes qui jouissent de l'immunité diplomatique dans le pays. Si celles-ci commettent des actes de torture ou autre délit au regard du droit international, elles peuvent être remises aux autorités de leur pays.

18. M. BYKOV (Ukraine) indique, avant de répondre aux questions des membres du Comité, que le Gouvernement ukrainien examine avec la plus grande attention les questions posées à la délégation lors de l'examen des rapports périodiques et s'engage à prendre toutes les mesures voulues pour donner suite aux observations formulées par le Comité. En Ukraine, l'efficacité du mécanisme de défense des droits de l'homme est assurée à la fois par le Procureur qui en exerce le contrôle et par le médiateur (Commissaire aux droits de l'homme) et son équipe qui peuvent exercer une supervision au niveau des ministères, ainsi que par le biais d'enquêtes. Si par exemple, un citoyen dépose une plainte auprès du Procureur de district et n'est pas satisfait par la réponse, il peut s'adresser au Procureur de l'oblast (niveau supérieur), puis au Procureur général. Il est bon de signaler que le secrétariat de la Commissaire aux droits de l'homme en exercice occupe désormais un beau bâtiment dans le centre de Kiev, près du Parlement, et qu'il a été décidé d'augmenter les émoluments des fonctionnaires qui travaillent avec elle. La traite des personnes est un phénomène nouveau en Ukraine. Le Code pénal des années 60 ne prévoyait aucune disposition sur le sujet, mais en vertu de l'article 149 du nouveau Code pénal, l'auteur de tels actes encourt de lourdes peines. Le Gouvernement ukrainien s'efforce de lutter contre ce phénomène par diverses mesures. C'est ainsi que depuis la réforme administrative, le Comité chargé de la jeunesse, du tourisme et des sports est saisi de ces questions et s'efforce de réduire le nombre de ces cas. Différentes sections du Ministère de l'intérieur sont chargées également de prévenir et de combattre ce phénomène.

19. En ce qui concerne les mauvais traitements en détention, le Ministère de l'intérieur étudie actuellement les trois rapports sur les visites que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectuées dans des établissements pénitentiaires en Ukraine; ces rapports seront traités avec toute la transparence voulue.

20. M. ZAYETS (Ukraine) tient à ajouter que le Gouvernement ukrainien procède à des réformes majeures devant permettre de simplifier les mécanismes dans le domaine des droits de l'homme et d'en accroître l'efficacité. La nouvelle Constitution reconnaît l'inaliénabilité et l'inviolabilité des droits fondamentaux qui sont donc désormais protégés par les tribunaux. Conformément aux dispositions de la Constitution, le système judiciaire est modifié, des juridictions d'appel sont créées, et de nouvelles lois sont promulguées. L'Ukraine a reconnu la compétence juridictionnelle de la Cour européenne des droits de l'homme et s'engage sur la voie d'un plus grand respect des droits de l'homme à l'avenir.

21. M. LYOVOCHKIN (Ukraine) est heureux de pouvoir dire que toutes les personnes condamnées et détenues en Ukraine jouissent, conformément aux dispositions de la Convention contre la torture, des droits fondamentaux intangibles (droit à la vie, à la santé, la justice, droit à un traitement digne), même si leur situation leur fait perdre d'autres droits. Au sujet de l'application de l'article 10 de la Convention, M. Lyovochkin dit que trois centres de formation du personnel pénitentiaire ont été créés (Institut de Kiev qui relève du Ministère de l'intérieur et Académie nationale Moudrova à Kharkov). Le Département de l'administration pénitentiaire dispose également de son propre institut de formation dans la ville de Chernigov. Deux autres instituts sont chargés de la formation de jeunes inspecteurs et d'agents de la sécurité. Un troisième institut devrait également être prochainement mis en place. Il existe donc désormais en Ukraine un système cohérent de formation de cadres de différents niveaux. Par ailleurs, une formation est assurée sur les lieux de travail dans le cadre de programmes spéciaux d'une durée de 80 heures par an. L'Institut de Chernigov dispense également un enseignement dans le domaine des droits de l'homme, fondé sur la teneur de divers instruments internationaux, qui fait l'objet d'une vingtaine d'heures de cours. Le programme de formation des instituts et de l'Académie nationale s'étend sur cinq ans alors qu'il est de trois ans dans les centres de formation. En outre, dans le cadre d'un programme organisé en commun avec le Conseil de l'Europe, trois séminaires se tiennent chaque année (12 ont déjà eu lieu) sous la direction du Ministère de la justice; les bénéficiaires sont des juges et magistrats, des fonctionnaires chargés de l'application de la loi et du personnel des établissements pénitentiaires. La formation des membres de la police est assurée selon un modèle d'enseignement similaire.

22. L'État met en œuvre des programmes spéciaux de renforcement des infrastructures des lieux de détention et d'amélioration des conditions carcérales en vue de les rendre conformes aux normes internationales, dont actuellement 33 centres de détention provisoire bénéficient. Il est prévu d'en construire neuf autres à l'aide de ressources qui seront prochainement allouées à cette fin dans le cadre d'un programme devant s'étendre jusqu'en 2004. Le contrôle exercé dans les centres de détention est très rigoureux. Les représentants du Commissaire aux droits de l'homme établissent chaque mois des comptes rendus et des rapports assortis de recommandations visant à susciter des réactions de la part des différents départements compétents de l'État. De plus, il existe en Ukraine une véritable coopération entre les organes de défense des droits de l'homme et le cabinet des ministres. Pour ce qui est de la surveillance médicale des personnes placées en détention provisoire, en principe tout détenu doit obligatoirement subir un examen médical initial et ne peut être placé en détention qu'après avoir reçu les soins médicaux requis par son état de santé. Toutes les réponses données lors de l'examen médical sont consignées dans un dossier. Toute plainte, notamment de mauvais traitements, est transmise aux organes compétents, en particulier du parquet et tout détenu peut dénoncer les traitements qui lui sont infligés, si nécessaire par le biais d'un avocat dont il peut demander les services à tout moment. Le problème de la violence dans les unités de détention s'explique notamment par le surpeuplement carcéral qui est une caractéristique commune à tous les pays issus de l'URSS, dont l'Ukraine. Le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour restructurer le système d'application des peines, accroître le nombre de places et améliorer les conditions de détention. Le nouveau Code de procédure pénale entré en vigueur le 1er septembre 2001 définit 12 types de peines différentes, auxquelles ont été ajoutés le travail d'utilité publique, la liberté sous caution et différentes modalités de liberté conditionnelle. Selon les statistiques judiciaires, le nombre de personnes condamnées à des peines non privatives de liberté a triplé depuis 1994, ce qui a permis de dégager des places dans les centres de détention. Dans le cadre des efforts déployés par le Gouvernement ukrainien, il convient de mentionner que le Verkhovna Rada a adopté une loi d'amnistie pendant la période 1997-2000 qui a entraîné la libération de 29 000 détenus. De plus, 15 000 personnes condamnées pour des infractions peu graves, ne représentant pas de danger particulier pour la société et l'État, ont bénéficié d'une libération conditionnelle et ont été placées sous la protection ou le contrôle du Ministère de l'intérieur. En outre, 26 000 places supplémentaires ont été créées dans des centres de détention provisoire. Toutes ces mesures ont une incidence positive sur le respect des droits et libertés des détenus. Des données statistiques, en particulier sur le nombre de personnes en détention, sont transmises tous les ans à l'ONU et au Conseil de l'Europe et sont donc disponibles à chacun. Il existe aujourd'hui en Ukraine 180 établissements pénitentiaires totalisant 225 521 places. Concernant la lutte contre les maladies infectieuses, notamment la tuberculose, le Département de l'administration pénitentiaire a créé un département chargé des soins médicaux et du contrôle sanitaire et épidémiologique. Il existe 107 000 places réparties dans des hôpitaux spécialisés (tuberculose, dermatologie et rhumatologie). Le Gouvernement ukrainien mène des actions pour lutter contre la tuberculose dans le cadre d'un projet international et d'un projet national. En l'an 2000, un séminaire international tenu en Suède a permis d'élaborer une stratégie conjointement avec l'OMS pour mener à bien un projet pilote de thérapie dans la ville de Donetzk. Un projet de maîtrise de la prévalence de la tuberculose et du sida est également en cours, toujours grâce au concours de l'OMS et à des prêts de la Banque mondiale. Le programme national a été lancé en 2000. En vertu d'une loi adoptée en juin dernier, 15 millions de hryvnias sont affectés à des programmes de lutte contre la tuberculose, ce qui devrait permettre de réduire le nombre de tuberculeux dans les centres de détention. La surveillance et la sécurité dans les quartiers de femmes sont assurées principalement par des femmes. Les détenus et le personnel connaissent leurs devoirs et s'efforcent de les respecter. En cas de manquement, des mécanismes existent pour réparer les torts commis.

23. Le PRÉSIDENT demande si des membres du Comité souhaitent poser d'autres questions.

24. M. EL MASRY (Rapporteur pour l'Ukraine) remercie la délégation de ses réponses fort complètes et instructives. Il tient à souligner que ses observations antérieures au sujet de la loi sur le secret d'État n'étaient pas une critique; il pense, au contraire que cette loi va dans le sens d'une plus grande transparence et a levé un obstacle juridique, notamment en matière d'assistance internationale.

25. À propos du nouveau Code pénal, un membre de la délégation a évoqué les dix commandements. Tout en ayant le plus grand respect pour le décalogue, M. El Masry veut espérer que le Code pénal ukrainien ne sera pas aussi immuable, car il est susceptible d'améliorations. Certains articles de l'ancien Code, par exemple, prévoyaient de longues peines d'emprisonnement pour la diffusion pacifique d'idées, d'écrits, etc. Or certains éléments contestables de l'ancien Code ont apparemment été conservés dans le nouveau, et il serait souhaitable d'en apprendre davantage à ce sujet. Par ailleurs, il n'a pas été répondu à la question posée à propos de la coopération mise en place entre les juges, le Ministère de l'intérieur et le parquet. Selon certaines informations communiquées par des organisations non gouvernementales, un comité de coordination entre ces trois instances a été établi pour lutter contre la criminalité, et cet organe serait notamment chargé de procéder à des mises en accusation.

26. À propos de l'affaire du refoulement de quatre Ouzbeks vers leur pays, la délégation ukrainienne a indiqué que les autorités avaient au préalable vérifié que la situation des droits de l'homme était dans l'ensemble satisfaisante en Ouzbékistan. Mais la vraie question n'était pas là; elle était de savoir s'il y avait des raisons de penser que ces quatre personnes en particulier risquaient la torture à leur retour. En effet, il s'agissait de militants politiques en lutte contre leur Gouvernement qui s'étaient enfuis en Ukraine. Dans ce genre d'affaire, l'évaluation doit porter sur le cas des intéressés eux-mêmes et non sur la situation générale régnant dans le pays. Enfin, on ne sait toujours pas précisément à quel stade un détenu a le droit de se faire assister par un conseil: est-ce au moment de l'arrestation, lorsqu'il est placé dans un lieu de détention ou au moment de l'inculpation? Différents paragraphes du rapport donnent à cet égard des indications contradictoires et la réponse de la délégation n'a pas permis d'avoir une idée claire.

27. M. RASMUSSEN (Corapporteur pour l'Ukraine) remercie lui aussi la délégation de ses utiles explications. Il aimerait des éclaircissements sur la question de savoir si les rapports établis à la suite des trois visites du Comité européen pour la prévention de la torture vont être rendus publics.

28. Le PRÉSIDENT, revenant sur la question de la compétence universelle, relève que la délégation s'est contentée d'évoquer le cas des diplomates protégés par l'immunité; un texte rédigé par l'Organisation mondiale contre la torture au sujet d'une affaire survenue au Danemark traite de ce point précis. Pour sa part, il souhait poser une question très concrète appelant une réponse simple, en prenant pour hypothèse tout à fait théorique l'anecdote suivante: un gendarme canadien ayant infligé des mauvais traitements à un jeune détenu canadien qui a de la famille en Ukraine se rend dans ce pays: si la famille ukrainienne du jeune homme porte plainte contre ce gendarme auprès des autorités ukrainiennes, en produisant des éléments solides à l'appui de cette plainte, les tribunaux ukrainiens se déclareront-ils compétents pour connaître de l'affaire?

29. M. DEMCHENKO (Ukraine) répond que cette question dépasse les limites de la jurisprudence et appelle une réflexion d'ordre philosophique; il est impossible d'y répondre de manière tranchée. L'infraction en question ayant été commise au Canada, elle relève plutôt des tribunaux canadiens. S'il existe un accord bilatéral entre l'Ukraine et le Canada, une mesure d'extradition pourrait être prise. Mais cette question pourrait faire l'objet d'une discussion sans fin.

30. Le PRÉSIDENT fait observer que les articles 5 à 9 de la Convention sont pourtant très clairs et vont dans le sens de la reconnaissance en pareil cas de la compétence des tribunaux ukrainiens, même si c'est une obligation que beaucoup d'États considèrent avec réticence.

31. M. ZAYETS (Ukraine), revenant sur la question posée par le Rapporteur concernant l'assistance d'un conseil, affirme que l'avocat peut participer à la procédure à tout moment, à la demande du détenu. C'est donc là le principe de base: un détenu a accès à un conseil dès son arrestation. Celui-ci est nécessairement présent lors de l'interrogatoire, sauf dans certains cas particuliers, par exemple si le détenu refuse les services de l'avocat. Encore ce refus n'est-il pas accepté dans tous les cas: si l'intéressé est un mineur, ou lorsqu'il est accusé d'un crime grave, ou encore s'il ne parle pas la langue dans laquelle se fait l'interrogatoire, le ministère d'un avocat est obligatoire.

32. M. ZHYLKA (Ukraine) indique que le Comité de coordination pour la lutte contre la criminalité organisée et la corruption a été créé en vertu d'une décision du Président. En sont membres de hauts fonctionnaires de l'État responsables des services de protection et d'application des lois. Eu égard à l'indépendance du pouvoir judiciaire, aucun juge ne fait partie de ce comité. Cependant, à l'occasion de l'examen par cet organe de questions très importantes intéressant par exemple la sécurité de l'État et la lutte contre la criminalité, et afin que les autorités judiciaires soient au fait de ce qui se passe dans le pays, il peut arriver que le Président de la Cour suprême ou des présidents de tribunaux locaux ou de cours d'appel soient invités à assister aux réunions du Comité de coordination. Ils peuvent s'y exprimer mais ils n'ont en aucun cas à assumer de responsabilités ou de tâches quelconques dans ce cadre.

33. M. DEMCHENKO (Ukraine) précise que ce comité de coordination ne prend jamais de décision en matière d'inculpation, ce qui revient exclusivement aux organes judiciaires; ce comité n'est nullement un organe judiciaire.

34. M. Demchenko ne connaît pas l'affaire des quatre Ouzbeks évoquée par M. El Masry. Mais si ces personnes avaient fait connaître par écrit qu'en cas de refoulement vers l'Ouzbékistan elles risquaient la torture, elles n'auraient jamais été renvoyées.

35. M. BYKOV (Ukraine) précise que les trois rapports du Comité européen pour la prévention de la torture sont actuellement entre les mains du Ministère des affaires étrangères et non du Ministère de l'intérieur. Ils ne sont entourés d'aucun secret, ils sont connus des organisations de protection des droits de l'homme et de tous ceux que ces questions intéressent. Tout se fait dans la plus grande transparence et rien ne s'oppose à leur publication.

36. À propos du Comité de coordination, M. Bykov souhaite ajouter que cette institution a été créée à seule fin de coordonner le travail des organes d'application des lois en Ukraine: en font partie des représentants du Ministère de l'intérieur, le chef des services de sécurité de l'État, le Procureur général notamment. En faisaient également partie des représentants du Ministère des finances et du Ministère de l'économie. Son objet est de répartir les responsabilités entre les différents ministères en cas de crise grave, comme celle qui a été créée par les événements du 11 septembre 2001. Sa mission est de coordonner des activités et il n'a jamais été question de lui conférer des fonctions judiciaires; des juges peuvent assister à ses travaux sur invitation, en tant qu'observateurs.

37. Mme GAER se félicite d'apprendre que les trois rapports du Comité européen pour la prévention de la torture vont pouvoir être publiés.

38. Le PRÉSIDENT remercie la délégation ukrainienne de ses interventions complètes et claires. Il l'invite à revenir à une prochaine séance pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.

39. M. ZAYETS (Ukraine) dit qu'il est heureux du dialogue et de la coopération qui se poursuivent entre son pays et le Comité.

40. La délégation ukrainienne se retire.


La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 20.

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