Distr.

GENERALE

E/C.12/1994/SR.3
6 mai 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 3ème seance : Uruguay. 06/05/94.
E/C.12/1994/SR.3 . (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Dixième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 3ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le 3 mai 1994, à 10 h 15.



Président : M. ALSTON


SOMMAIRE

Questions diverses

Examen de rapports

__________

*/ Il n'a pas été établi de compte rendu pour la 2ème séance


La séance est ouverte à 10 h 15.

QUESTIONS DIVERSES

1. Le PRESIDENT appelle l'attention sur la situation d'un membre du Comité, M. Muterahejuru, dont on est sans nouvelles depuis l'éclatement des troubles au Rwanda, son pays, où il s'était rendu. Il propose d'envoyer au Haut Commissaire pour les réfugiés une note lui demandant de faire au mieux pour intervenir en sa faveur.

2. Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE RAPPORTS (point 4 de l'ordre du jour)

Rapport initial de l'Uruguay concernant les droits visés aux articles premier à 15 du Pacte (E/1990/5/Add.7)

3. Le PRESIDENT invite les représentants de l'Uruguay, Mme Rivero, Représentante permanente adjointe à la Mission permanente de l'Uruguay auprès de l'Office des Nations Unies à Genève et M. Chaben, Premier secrétaire à la Mission, à présenter le rapport initial de leur pays.

4. Mme Rivero et M. Chaben (Uruguay) prennent place à la table du Comité.

5. Le PRESIDENT rappelle que le rapport de l'Uruguay aurait dû être initialement examiné au cours de l'avant-dernière session du Comité, en mai et novembre 1993, mais que l'examen en avait été reporté, à la demande du Gouvernement uruguayen. Il indique qu'en réponse à la liste de questions soumises par le Comité, l'Uruguay a distribué plusieurs documents aux membres du Comité lisant l'espagnol. Le Président appelle tout d'abord l'attention sur la section "Informations générales", au début de la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial de l'Uruguay (E/C.12/1993/WP.8).

6. Mme RIVERO (Uruguay) déclare que la délégation uruguayenne présentera au Comité des informations complémentaires et plus récentes, en réponse aux questions figurant dans cette liste. S'agissant de la première question, qui concerne le pays et sa population, Mme Rivero indique qu'en 1990, le taux de natalité était de 16,6 ‰, le taux de mortalité infantile de 20,6 ‰ et le taux de mortalité de 9,6 ‰; l'espérance de vie était de 73 ans. Elle ajoute que des statistiques plus récentes, en cours d'élaboration, seront communiquées prochainement au Comité. Son pays connaît un phénomène d'urbanisation et presque tous les départements présentent un taux de concentration urbaine élevé, quoique le taux de croissance démographique demeure, quant à lui, modeste. A Montevideo, la capitale, vit environ la moitié de la population de l'Uruguay, qui compte environ 3 millions d'habitants. La plupart vivent dans des villes qui n'atteignent pas les 100 000 habitants; cinq villes seulement comptent plus de 40 000 habitants.

7. M. SIMMA signale qu'il est fait référence, dans plusieurs passages du rapport E/1990/5/Add.7, notamment aux paragraphes 47 et 214, à des renseignements figurant dans des annexes, lesquelles ne semblent pas avoir été traduites et jointes au rapport. Il demande si c'est pour des raisons de commodité et d'économie que ces annexes, qui revêtent une grande importance pour les travaux du Comité, n'ont pas été communiquées au Comité à l'avance. De même, il est dit au paragraphe 205 que des informations détaillées sur les dépenses de santé, qui intéressent également le Comité, figureront dans le rapport définitif. M. Simma demande des éclaircissements à ce sujet.

8. Le PRESIDENT fait observer que les documents qui ont été soumis au Comité lui paraissent en nette amélioration par rapport à ceux de l'année précédente, en particulier les rapports d'Etats parties. Il rappelle qu'il a été décidé, à la neuvième session, que toutes les annexes seraient distribuées aux membres du Comité à condition qu'elles soient importantes et d'une longueur raisonnable. Il propose que les annexes, au rapport de l'Uruguay qui contiennent surtout des statistiques, soient distribuées à M. Simma et aux autres membres du Comité.

9. Mme RIVERO (Uruguay) déclare, en réponse à la question de M. Simma, qu'elle apportera des précisions au cours de la séance suivante.

10. Pour Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO il importe davantage de connaître l'évolution des données que d'obtenir de nouveaux chiffres. Il serait intéressant par exemple de savoir si la mortalité infantile évolue favorablement.

11. M. TEXIER propose que toutes les annexes aux rapports d'Etats parties soient mises, dès le début de la session, à la disposition de tous les experts afin qu'ils puissent les consulter pour préparer leurs questions.

12. Le PRESIDENT estime qu'il convient effectivement, pour des raisons pratiques et d'efficacité, de distribuer des exemplaires des annexes à chaque membre du Comité. Il faut donc continuer de demander au secrétariat de mettre les annexes à la disposition des membres du Comité en dépit des frais de photocopie.

13. M. CHABEN (Uruguay) déclare que le rapport initial de son pays contient des renseignements sur la santé et qu'une experte dans ce domaine pourra venir répondre aux questions du Comité concernant la santé. En réponse à la première question de la liste E/C.12/1993/WP.8, il précise que le rapport ne contient pas que des données datant de 1985 mais aussi des renseignements datant de 1992, par exemple sur le chômage et l'inflation. S'agissant de la deuxième question qui a trait au cadre juridique général applicable à la protection des droits de l'homme, il déclare que l'Uruguay jouit d'un régime libéral depuis l'époque de son indépendance, il y a plus de 170 ans, mais qu'il a connu 13 années de régime militaire. La Constitution uruguayenne est fondée sur un système démocratique et républicain de type libéral et l'Uruguay a adhéré à la plupart des instruments juridiques internationaux relatifs au droit humanitaire et aux droits de l'homme.

14. Ces dernières années, cette tendance s'est maintenue et s'est manifestée par l'adhésion aux droits de l'homme dans le cadre d'organisations régionales et internationales telles que l'Organisation des Etats américains et l'Organisation des Nations Unies. La politique de l'Uruguay a consisté à mettre en place des infrastructures permettant de protéger de façon adéquate les droits de l'homme et de satisfaire aux demandes des divers organismes régionaux et internationaux concernés. Ainsi, le Ministère des affaires étrangères s'est doté d'un département des droits de l'homme chargé principalement de définir la politique de l'Uruguay dans ce domaine.

15. L'Uruguay a participé à toutes les réunions récentes qui ont été tenues dans ce domaine. M. Chaben mentionne notamment un colloque sur l'application du droit humanitaire en Uruguay, à la suite duquel il est devenu le premier pays d'Amérique latine à adhérer au premier Protocole additionnel aux conventions de Genève de 1949. En 1993, il a ratifié le deuxième Protocole facultatif visant à abolir la peine de mort. En 1965, il avait adhéré à la Convention interaméricaine pour l'interdiction de la torture.

16. Dès 1907 l'Uruguay a aboli la peine de mort. Une loi interdisant les actes de discrimination raciale a été votée dernièrement en réponse aux préoccupations du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Il faut noter que toute discrimination entre les citoyens uruguayens fondée sur la race, le sexe ou la religion était déjà déclarée illégale en vertu de l'article 8 de la Constitution de 1830.

17. S'agissant de la troisième question de la liste, qui porte sur l'application des articles 6 à 15 sans discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, M. Chaben indique que la loi No 1049 du 16 juin 1989, interdisant la discrimination raciale, a un double objectif : appliquer les obligations énoncées dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques et dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, d'une part, et avoir un rôle dissuasif, d'autre part. Il souligne que grâce à ses traditions libérales, l'Uruguay n'a pas eu d'efforts à faire pour appliquer cette loi. En effet, la culture politique des Uruguayens, qui constituent un peuple foncièrement hétérogène, leur a permis de vivre en parfaite harmonie sans aucune discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion. Grâce à cette tradition, l'Uruguay n'a éprouvé aucune difficulté à vivre en paix en appliquant des principes de respect et de tolérance.

18. M. SIMMA relève que la liste des instruments relatifs aux droits de l'homme ratifiés récemment par l'Uruguay ne comprend pas le Protocole additionnel sur les droits économiques et sociaux se rapportant à la Convention interaméricaine sur les droits de l'homme, auquel le Comité attache une grande importance; il demande pourquoi l'Uruguay n'a pas été en mesure de ratifier ce protocole adopté par l'Organisation des Etats américains.

19. Au sujet de l'absence de discrimination en Uruguay, des renseignements du secrétariat semblent indiquer qu'un groupe de 120 000 à 150 000 Noirs est bien plus défavorisé que le reste de la population. Qu'en est-il à leur égard de l'application concrète des droits énoncés dans le Pacte ?

20. Par ailleurs, M. Simma estime que le paragraphe 42 du rapport initial de l'Uruguay est quelque peu ambigu et demande s'il est possible d'obtenir les documents qui y sont mentionnés.

21. Le PRESIDENT, répondant à des questions de MM. Texier et Grissa sur la procédure suivie par le Comité, précise qu'il est convenu que la délégation de l'Uruguay répondra aux questions écrites article par article, et que les membres interviennent à la suite de ces réponses. Il invite donc la délégation à répondre aux questions se rapportant aux articles 2 à 15 du Pacte que l'on trouve dans la liste E/C.12/1993/WP.8.

22. Mme RIVERO (Uruguay) dit qu'elle répondra, dans la mesure du possible, immédiatement aux questions des membres du Comité et que l'on pourrait profiter de la présence d'experts de la délégation uruguayenne à l'Assemblée mondiale de la santé, qui se déroule actuellement au Palais des Nations, pour leur poser des questions sur des thèmes spécifiques, tels que l'évolution de la mortalité infantile.

23. M. CHABEN (Uruguay), répondant à M. Simma, souligne que le protocole adopté par l'Organisation des Etats américains est en cours de ratification. La procédure d'adhésion aux instruments internationaux est relativement longue en Uruguay; elle peut durer jusqu'à un an. Tous les instruments, qui sont examinés en détail, doivent d'abord être adoptés ou rejetés par le Parlement puis, le cas échéant, être ratifiés par le gouvernement. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est actuellement examiné par le Parlement et le Gouvernement uruguayen n'a aucun doute quant à son adoption.

24. S'agissant du groupe de Noirs évoqué par M. Grissa et du traitement discriminatoire dont ils feraient l'objet, M. Chaben précise que le Gouvernement uruguayen ne dispose d'aucune indication d'une discrimination raciale quelconque en matière de santé, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public. En outre, l'enseignement général est gratuit et accessible à tous. Il n'existe pas non plus de différence entre les races sur le plan économique. Le représentant de l'Uruguay précise que sa délégation étudiera cette question plus avant, car il lui semble que les données dont dispose le Comité ne sont pas conformes à la réalité.

25. S'agissant de l'application concrète du Pacte par les tribunaux, celle-ci n'est pas encore automatique. Contrairement au Pérou, dont la Constitution stipule que tout instrument international auquel le pays est partie est automatiquement intégré dans le droit positif national, l'Uruguay applique une procédure plus complexe. S'il est vrai que les tribunaux hésitent à appliquer les instruments internationaux, ces réticences tendent cependant à s'estomper. Il n'en demeure pas moins que peu de jugements font explicitement référence au Pacte.

26. Le PRESIDENT fait observer que le Comité se fonde sur les réponses aux questions posées par ses membres pour formuler ses conclusions. Lorsqu'une délégation se contente d'affirmer qu'il n'y a dans son pays aucun problème et que ses arguments sont vagues ou ne sont pas étayés par des données statistiques, le Comité est forcé de conclure que rien ne prouve que la discrimination dont il est fait état n'existe pas.

27. M. SIMMA note que la délégation uruguayenne a affirmé que les tribunaux hésitaient encore à appliquer les instruments internationaux. Or, il est dit au paragraphe 35 du rapport initial de l'Uruguay (E/1990/5/Add.7) que "l'applicabilité directe en droit interne des dispositions des instruments internationaux ... est avérée dans la pratique, sans discussion". Il se demande s'il s'agit d'une évolution récente; autrement il y aurait une contradiction entre la réponse de la délégation uruguayenne et les renseignements figurant dans le rapport.

28. Mme RIVERO (Uruguay) répond que la procédure de mise en oeuvre des instruments internationaux est longue, le texte devant être soumis pour approbation au Parlement avant sa ratification par le pouvoir exécutif. En outre, il faut souvent un certain temps pour que les normes adoptées soient connues. Cela étant, les instruments internationaux sont directement applicables en droit interne, à condition bien sûr qu'ils soient assez détaillés et qu'ils ne nécessitent pas une réglementation complémentaire.

29. M. WIMER ZAMBRANO n'est pas entièrement convaincu par les précisions données par la délégation uruguayenne, mais il n'est pas non plus d'accord avec les arguments de M. Simma. Ayant vécu pendant trois ans en Uruguay, il n'y a constaté aucune discrimination. Depuis son retour à la vie démocratique, l'Uruguay a d'ailleurs la réputation d'être le pays d'Amérique latine le plus avancé dans ce domaine.

30. Le PRESIDENT fait observer qu'en droit international et dans le cadre des travaux du Comité, une distinction est faite entre la discrimination directe et la discrimination indirecte. Selon M. Wimer Zambrano il n'y a pas de discrimination directe en Uruguay. Quant à la discrimination indirecte, elle ne peut être établie qu'au moyen d'une analyse statistique fondée sur des indicateurs tels que l'emploi, la santé, l'enseignement, etc. Le Comité ne peut donc se contenter de constatations générales.

31. M. SIMMA reconnaît que dans les textes de lois uruguayens il n'y a aucune disposition discriminatoire. Mais il tient à noter que ce qui intéresse le Comité c'est la situation réelle des différents groupes de la population. Or selon les renseignements figurant au paragraphe 19 d'un rapport du secrétariat distribué sans cote, les Noirs sont sous-représentés dans les institutions politiques, l'administration, l'éducation, etc., et le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de s'attaquer à ce problème parce que la plupart des Uruguayens ne considèrent pas qu'il y a un problème de discrimination raciale dans leur pays. Mais pour le Comité, il n'importe pas seulement de savoir s'il y a ou non des lois discriminatoires, mais aussi de déceler s'il y a une discrimination de facto dans la vie quotidienne.

32. M. WIMER ZAMBRANO dit que le problème soulevé n'est pas spécifique à l'Uruguay. Il s'agit d'un sujet important que le Comité doit clarifier. Les membres du Comité doivent se poser, en règle générale, la question de savoir comment les autorités d'un pays où il n'y a pas de discrimination directe doivent faire face à des pratiques discriminatoires tenaces dans la société et assurer une participation équitable à tous les groupes de la population. On peut pendre l'exemple de Cuba où il y a eu une véritable révolution non seulement sociale mais aussi raciale. Bien que la situation des Noirs s'y soit nettement améliorée, cet élément de la population est encore peu représenté dans la classe politique. Il n'y a donc pas de rapport direct entre l'absence de discrimination raciale au niveau du droit et l'accès des différents groupes aux postes de responsabilité. Malheureusement, le fait est que la richesse ou la pauvreté se transmet des familles aux enfants.

33. M. CHABEN (Uruguay) dit qu'il est, certes, possible de parler de discrimination indirecte, mais la tradition démocratique et libérale de la société uruguayenne et les grands brassages culturels que le pays a connus font que le citoyen uruguayen est naturellement porté à la tolérance. M. Chaben comprend très bien les préoccupations exprimées par M. Simma, et la délégation uruguayenne s'inspirera de ses observations pour établir des rapports plus précis à l'avenir. Il est vrai que souvent la réalité ne correspond pas toujours au droit, mais dans le cas de l'Uruguay les indicateurs objectifs sont les mêmes pour les Blancs et pour les Noirs. L'accès à la culture est garanti à tous les groupes qui composent la population et l'enseignement est gratuit à tous les niveaux.

34. Mme RIVERO (Uruguay), rappelant que des membres du Comité ont demandé des précisions au sujet de la mortalité infantile, dit que sa délégation, profitant de la présence de M. Salsamendi, directeur général de la santé en Uruguay, et de M. Macedo, chef de service au Ministère uruguayen de la santé, qui participent aux travaux de l'Assemblée mondiale de la santé, les a invités à fournir de plus amples informations au Comité sur cette question et sur la situation sanitaire générale en Uruguay.

35. A l'invitation du Président, MM. Salsamendi et Macedo prennent place à la table du Comité.

36. M. SALSAMENDI (Uruguay) dit que le taux de mortalité infantile n'a cessé de baisser en Uruguay, atteignant 18,7 ‰ en 1992; cependant beaucoup reste à faire. La mortalité est encore très élevée dans certaines régions situées le long des frontières avec l'Argentine et surtout le Brésil où le niveau de vie est plus faible. Le Gouvernement uruguayen travaille d'arrache-pied pour remédier à ce problème.

37. L'Uruguay a déjà effectué sa transition démographique, de sorte qu'il se heurte aujourd'hui à un problème de vieillissement de la population. Il est aussi sur le point d'effectuer sa transition épidémiologique. Cinq grands programmes ont été élaborés. Ils portent sur la lutte contre le cancer et les maladies cardio-vasculaires (principales causes de décès), sur les accidents qui font de nombreuses victimes parmi les jeunes et sont la première cause d'invalidité, les soins et l'assistance aux personnes âgées et la lutte contre le SIDA, domaine où l'Uruguay mène une action considérée comme exemplaire en Amérique latine.

38. Pour ce qui est de la mortalité infantile, un important programme de santé maternelle et infantile est exécuté en coopération avec l'UNICEF.

39. Il convient enfin de mentionner différents programmes axés sur les problèmes précis tels que la cécité chez les enfants et la surdité due au bruit chez les jeunes.

40. M. MACEDO (Uruguay) indique que le secteur public assure 50 % des services médicaux. Entre 98 et 99 % des accouchements ont lieu dans les hôpitaux. Le taux de vaccination est de 87 %. L'Uruguay est le seul pays d'Amérique latine où le choléra a cessé de sévir; la campagne de lutte contre cette maladie a d'ailleurs aussi permis d'éliminer d'autres maladies transmises par l'eau. Depuis 1986, des sels de réhydratation sont distribués gratuitement dans tout le pays.

41. M. SALSAMENDI (Uruguay), complétant les renseignements fournis par M. Macedo, indique que depuis 1979, il n'y a plus eu un seul cas de poliomyélite en Uruguay.

42. Répondant à une question que pose Mme Jimenez Butragueño, il signale que l'espérance de vie en Uruguay est de 74 ans. Pour ce qui est de la question d'un programme d'assistance aux personnes âgées, il note que les problèmes de ce groupe de la population étant très divers, ils doivent faire l'objet d'une approche pluridisciplinaire. C'est pourquoi le Ministère de la santé coopère en la matière avec la Caisse de prévention sociale et d'autres ministères. Le Sénat examine actuellement un projet de loi relatif au troisième âge et différentes activités en cours visent à assurer aux personnes âgées une meilleure protection et à les préparer à une vieillesse active.

43. Mme BONOAN-DANDAN note que la toxicomanie chez les enfants est de plus en plus répandue à l'échelle mondiale, dans les pays en développement comme dans les pays développés. Il est très important d'éduquer et informer les très jeunes enfants au sujet des maladies sexuellement transmissibles et de la toxicomanie. Quelle a été l'efficacité de l'action menée par le gouvernement à cet égard ?

44. M. SALSAMENDI (Uruguay) répond que le Gouvernement uruguayen a lancé des programmes de lutte contre la toxicomanie. Celle-ci est en train de devenir en très peu de temps un problème de santé publique. Il faut à cet égard réprimer et légiférer, mais c'est surtout au niveau de l'éducation que le problème doit et peut se résoudre. Des programmes d'éducation sexuelle et d'information sur la toxicomanie sont dispensés dans les écoles à partir de la sixième année. Il existe une étroite relation entre les maladies sexuellement transmissibles et la toxicomanie.

45. M. MACEDO (Uruguay) indique qu'il existe depuis longtemps en Uruguay une réglementation concernant l'exercice de la prostitution. En association avec le Ministère de l'intérieur, le Ministère de la santé publique exerce un contrôle sur la prostitution. Dans tous les services de santé publique, les prostituées bénéficient gratuitement d'une assistance médicale et notamment d'examens de dépistage de la syphilis et des autres maladies sexuellement transmissibles telles que le SIDA. Le traitement de ces maladies est gratuit.

46. Les campagnes lancées contre le SIDA ont eu des effets positifs. Les premiers cas de SIDA en Uruguay concernaient des personnes venant de pays voisins, notamment le Brésil et l'Argentine, et des Etats-Unis d'Amérique. Affectant d'abord la population homosexuelle, le SIDA tend à se développer dans la population hétérosexuelle. Il y a eu aussi un développement des cas de SIDA liés d'une certaine manière à la consommation de drogues, la transmission du virus n'étant cependant pas nécessairement due à la mise en commun de seringues.

47. M. SIMMA s'étonne de la très forte disparité entre zones rurales et zones urbaines en ce qui concerne l'accès à l'eau potable. Selon des chiffres fournis par l'UNICEF, 85 % de la population aurait accès à une eau salubre en zone urbaine, contre 5 % seulement dans les zones rurales. A titre de comparaison, les chiffres pour le Mali sont respectivement de 60 et 40 %.

48. M. MACEDO (Uruguay) indique que les chiffres donnés pour l'Uruguay font référence à la population alimentée en eau par le réseau de distribution public. Il convient de préciser que les apports d'eau potable peuvent provenir de bien d'autres sources et notamment des cours d'eau, nombreux en Uruguay. La qualité de l'eau sur le plan bactériologique est très bonne dans les campagnes.

49. Le Gouvernement uruguayen entend par eau salubre une eau qui est bactériologiquement saine et ne provoque donc pas la transmission de l'hépatite et de la salmonellose qui sont des causes de mortalité importantes. Le chiffre de 5 % donné pour les zones rurales correspond à la population vivant à moins de 500 mètres d'un point d'eau alimenté par le réseau de distribution public.

50. M. SALSAMENDI (Uruguay) se dit très surpris par les chiffres donnés par l'UNICEF sur les caries dentaires en Uruguay; ils sont certainement erronés. En ce qui concerne l'eau potable, l'Uruguay a mené au niveau national une campagne de lutte contre le choléra qui touchait les zones situées le long des frontières avec l'Argentine et le Brésil. Il a été décidé d'ajouter une goutte d'hypochlorite de sodium par litre d'eau de manière à éviter la contamination. On peut considérer que 99 % de la population uruguayenne consomme une eau potable au moins du point de vue bactériologique.

51. M. MACEDO (Uruguay) dit qu'il est important de souligner que la majorité de la population boit surtout de l'eau bouillie, à raison de 1 à 1,5 litre par habitant et par jour, sous forme d'infusions de maté. Par ailleurs, les Uruguayens ont pour habitude de consommer des aliments cuits.

52. M. SIMMA estime qu'une eau salubre doit être définie de manière objective sur la base de critères bactériologiques. Les données fournies par l'UNICEF semblent correspondre à la population desservie en eau courant par le réseau public. L'exemple considéré montre bien que les statistiques doivent être maniées avec beaucoup de précaution.

53. M. WIMER ZAMBRANO souhaite avoir des précisions sur la relation qui existerait entre le nombre de toxicomanes et le nombre de personnes séropositives. Y-a-t-il, en plus d'une relation à caractère statistique, une relation de cause à effet entre la toxicomanie et la séropositivité ?

54. M. MACEDO (Uruguay) indique que beaucoup de cas de contamination par le VIH sont dus à l'emploi par les toxicomanes de seringues mal stérilisées. Cependant, il faut noter qu'en Uruguay la consommation de drogues correspond à un rituel social pour certains groupes et est parfois associée à un comportement sexuel à haut risque entraînant la transmission du VIH par voie sexuelle. Ces groupes ne sont généralement pas en marge de la société.

55. Mme RIVERO (Uruguay) indique que l'Uruguay s'efforcera de communiquer par écrit au Comité des renseignements complémentaires concernant le domaine de la santé.

56. MM. Salsamendi et Macedo (Uruguay) se retirent.

57. Le PRESIDENT appelle ensuite l'attention sur la question 4 de la liste E/C.12/1993/WP.8.

58. Mme RIVERO (Uruguay) indique que l'article 8 de la Constitution proclamait déjà en 1830 l'égalité de tous devant la loi, des distinctions ne pouvant être faites qu'en fonction du talent et des qualités. Les femmes votent depuis le début du siècle. En 1932, leurs droits politiques ont été reconnus. En 1946, l'égalité des hommes et des femmes en matière de droits civils a été proclamée. L'Uruguay s'est efforcé de traduire la législation dans les faits. Une loi de 1989 interdit toute discrimination contraire au principe de l'égalité de traitement et de chances des hommes et des femmes dans toutes les activités professionnelles. Une autre loi, adoptée la même année, dispose que le père et la mère administrent sur un pied d'égalité les biens des enfants relevant de leur autorité sauf décision contraire de la justice. Les femmes bénéficient de congés de maternité de 12 semaines, soit 6 semaines avant l'accouchement et 6 semaines après. Elles ne peuvent être licenciées pour cause de grossesse. La législation vise à régler certains problèmes concrets qui font obstacle à une véritable égalité.

59. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaite avoir plus de précisions sur la place réelle des femmes en Uruguay. Occupent-elles des postes importants dans le domaine politique ? Y-a-t-il des femmes titulaires de chaires à l'université ?

60. Mme RIVERO (Uruguay) indique que depuis la fondation de la République la femme a eu accès et a participé à égalité avec l'homme aux carrières universitaires. Il convient de rappeler que l'enseignement universitaire est gratuit. La participation des femmes à la vie politique est compliquée par le fait qu'elles doivent aussi jouer un rôle de mère et d'épouse. Il y a cependant des femmes au parlement, dans le système judiciaire et les organes législatifs, et des femmes font carrière dans le corps diplomatique.

61. M. ALVARES VITA souhaiterait une réponse plus explicite de la part de la délégation uruguayenne concernant l'égalité de traitement des hommes et des femmes. L'Uruguay est très différent des autres pays d'Amérique latine, voire même de certains pays d'Europe, en ce qui concerne le rôle de la femme dans la société. Le machisme n'a bien entendu pas entièrement disparu, mais il semble qu'il y ait eu une prise de conscience importante en Uruguay afin de l'éliminer. Quelles sont les raisons historiques qui expliquent cette évolution ?

62. Mme RIVERO (Uruguay) confirme que le machisme est quasiment inexistant en Uruguay et que, très tôt dans l'histoire du pays, la femme a été associée aux activités culturelles, littéraires, universitaires et politiques de la société uruguayenne. L'homme uruguayen a donc toujours été habitué à voir évoluer les femmes à ses côtés, de manière égalitaire. Ce phénomène est probablement le produit de l'accès précoce des femmes à l'éducation et à la vie politique du pays.

63. Le PRESIDENT invite le Comité et la délégation à traiter spécifiquement la partie consacrée à l'article 6 du Pacte de la liste E/C.12/1993/WP.8, ainsi conçue :

64. M. CHABEN (Uruguay) rappelle que l'Uruguay vit actuellement une transition importante. En effet, le Gouvernement uruguayen a récemment signé le traité portant création du Marché commun du cône sud (MERCOSUR) avec certains de ses voisins, ce qui oblige le pays à envisager des changements structurels et une rationalisation de son économie. Dans ce contexte, la Direction nationale de l'emploi et le Conseil national de l'emploi, créés en 1992, sont chargés d'élaborer la politique nationale de l'emploi, de proposer et de mettre en oeuvre des programmes d'orientation professionnelle, de mettre en oeuvre des programmes d'information concernant la main-d'oeuvre et son évolution et de concevoir des programmes de reconversion de la main-d'oeuvre.

65. S'agissant des chiffres du chômage, il convient d'établir une distinction entre la région de Montevideo, où est concentrée la moitié de la population uruguayenne et l'intérieur du pays. Dans la région de Montevideo le chômage a diminué entre 1990 et 1993; le taux de chômage était de 8,1 % en mars 1994. Dans l'intérieur du pays, le taux de chômage a également baissé et se situait à 7,2 % en mars 1994. Pour l'ensemble du pays, à la même date, le taux de chômage était de 7,4 %.

66. M. GRISSA rappelle que l'économie de l'Uruguay reste essentiellement dépendante de l'agriculture. Le secteur industriel lui-même est très lié à l'agriculture, puisqu'il comprend de nombreuses entreprises de traitement des denrées. A cet égard, M. Grissa souhaiterait obtenir des précisions sur la répartition de la population entre les différents secteurs de l'économie. Dans l'agriculture, la fluctuation du taux de chômage est-elle due, dans une large mesure, au phénomène des emplois saisonniers ? Par ailleurs, la délégation de l'Uruguay peut-elle expliquer pourquoi la balance commerciale est négative ?

67. M. TEXIER demande si l'adhésion de l'Uruguay au MERCOSUR a des conséquences sur les franges les plus vulnérables de la société. Dans l'affirmative, existe-t-il des mesures spécifiques pour faire face à ce problème ? Existe-t-il, par exemple, un revenu minimum en Uruguay ?

68. M. CHABEN (Uruguay) a dit que le secteur primaire domine dans les zones rurales. Au cours des 15 dernières années, l'Uruguay a connu un développement important de l'agro-industrie. D'une manière générale, le niveau de l'emploi est stable dans ce secteur et l'on ne peut pas dire que l'aspect saisonnier de certains des travaux du secteur agricole ait une influence importante sur le taux de chômage. Par ailleurs de nombreuses petites et moyennes entreprises ont été créées dans le secteur agricole et produisent des denrées alimentaires de base. Cependant, le secteur tertiaire a lui aussi connu une grande expansion principalement dans la banque, les communications et le tourisme.

69. La balance commerciale de l'Uruguay est actuellement positive mais il est vrai qu'elle a connu des hauts et des bas. Les hausses successives du prix du pétrole, ainsi que la baisse des prix des matières premières exportées par l'Uruguay ont eu à cet égard des conséquences néfastes.

70. S'agissant des accords régionaux, l'Uruguay estime qu'ils ne peuvent avoir que des résultats positifs, à moyen terme. Cela étant, c'est principalement avec deux "géants", l'Argentine et le Brésil, que l'Uruguay a passé des accords. Au début de leur mise en oeuvre ces accords peuvent avoir des conséquences négatives et il est indispensable, pour y pallier, de procéder à une reconversion de l'industrie nationale. C'est ainsi que des petites et moyennes entreprises qui, il y a quelques années, étaient très performantes sur le plan national éprouvent maintenant des difficultés sur le plan régional. Ces entreprises doivent donc faire l'objet d'une reconversion dans les 5 à 10 années à venir, étant donné que les entreprises des pays voisins sont beaucoup plus puissantes. Il convient de souligner, à cet égard, que le Gouvernement uruguayen octroie des prêts aux petites et moyennes entreprises pour qu'elles effectuent une étude de faisabilité et de viabilité, et se reconvertissent le cas échéant.

71. Enfin, M. Chaben attire l'attention des membres du Comité sur le fait que la législation prévoit un salaire minimum ainsi qu'une allocation de chômage, qui permet à ceux qui ont perdu leur emploi de vivre de manière décente.

72. M. CEAUSU souhaite connaître le nombre officiel total de personnes employées dans le pays.

73. Le PRESIDENT demande à la délégation uruguayenne de continuer à répondre aux questions à la séance suivante.


La séance est levée à 13 heures.

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